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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 2 novembre 2011, n° 10-07208

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Media Communication Europe (SARL)

Défendeur :

Lagrève

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

Mme Saint-Schroeder, M. Schneider

Avoués :

Mes Melun, Buret

Avocats :

Me Bensimon, Angot

T. com. Paris, du 21 janv. 2010

21 janvier 2010

La cour est saisie de l'appel, déclaré le 31.03.2010, d'un jugement rendu, le 21.01.2010, par le Tribunal de commerce de Paris.

Christiane Lagrève épouse Guyonnet s'est installée le 15.09.2008 comme fleuriste à Elisabethville dans les Yvelines.

Le 26.09.2008 un représentant de la SARL MCE lui a fait signer :

- un bon de commande portant sur un encart publicitaire sur un protège cahier portant notamment les mentions suivantes :

Carré préférentiel

Texte en notre possession

à l'intention de Mme Guyonnet

zone de distribution 78

Prix 1 200 euro HT soit 1 435, 10 euro TTC

Frais de cliché offert

facilité de paiement en quatre fois mais 435, 20 euro immédiat

lu et approuvé

- quatre chèques d'un montant respectif de 435, 20, 300, 300, 400 euro

Le 29.09.2008, Mme Lagrève a déclaré renoncer, par application de l'article L. 121-21 du Code de la consommation à la commande en sollicitant la restitution des chèques et a sollicité la nullité de la vente,

Par lettres des 29.09 et 02.10.2008 la SARL MCE indiquait s'affairer à réaliser le bon à tirer.

Le 09.10.2008 la SARL MCE adressait le bon à tirer et débitait le premier chèque ainsi rédigé "Les Fleurs d'Elisa Pivoine, Hellebore, Melhantus, Delphinium, Hortensia, Arum, Orchidée".

Par lettre du 17.10.2008 Madame Lagrève réitérait sa demande de rétractation.

Sur une assignation du 12.12.2008 de Christiane Lagrève, le tribunal, par le jugement déféré a prononcé la résiliation du contrat, condamné la SARL MCE à payer à Madame Lagrève la somme de 1 435, 20 euro avec intérêts au taux légal à compter du 03.10.2008, celle de 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à régler les dépens, l'exécution provisoire étant ordonnée, et le surplus des demandes rejeté.

Ne parvenant pas à faire exécuter le jugement, Mme Lagrève a assigné le 18.11.2010 en liquidation judiciaire devant le Tribunal de commerce de Paris et sur justification du paiement partiel de la condamnation selon encaissement en compte Carpa des 16.12. 2010 et 10.01.2011 s'est désistée de sa demande en liquidation judiciaire.

Par dernières conclusions du 12.08.2011, MCE, appelante, demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire valable le contrat, de condamner Madame Lagrève à lui payer la somme de 1 435,20 euro au titre du prix de la prestation, celle de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et de régler les dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions du 01.09.2011, Christiane Lagrève, demande à la cour de :

- dire l'appel irrecevable faute d'exécution provisoire totale et de moyens d'appel,

- de confirmer le jugement et de débouter la SARL MCE de toutes ses demandes,

- en cas d'annulation du jugement, prononcer la nullité du contrat et débouter la SARL MCE de toutes ses demandes,

- subsidiairement dire la rétractation valide et nul et de nul effet l'acte du 26.09.2008,

- en tout état de cause, dire qu'elle conservera la somme de 2 226,76 euro déposée en compte Carpa, condamner la SARL MCE à lui payer la somme de 1 741, 08 euro correspondant aux frais d'exécution, de procédure et dépens et aux intérêts au taux légal applicables sur la condamnation principale, la somme de 10 372 euro à titre de dommages et intérêts , le coût de l'exécution de l'arrêt à venir , les dépens et les frais de son avoué, la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE

Considérant que, pour critiquer le jugement, sur les condamnations prononcées contre elle, la SARL MCE prétend que:

- elle s'est acquittée de l'intégralité de la condamnation prononcée par le tribunal en ayant réglé une somme supplémentaire de 500 euro outre les sommes visées par la décision de la cour du 15.02.2011, en sorte que son appel est recevable,

- les motifs du jugement sont en complète contradiction avec son dispositif, les motifs caractérisant la nullité du contrat tandis que le dispositif en prononce la résiliation,

- le consentement de Christiane Lagrève n'a pas été vicié,

- la vente est parfaite tandis qu'elle a pleinement rempli ses obligations contractuelles ;

Considérant que Christiane Lagrève réplique que :

- la SARL MCE n'a pas exécuté totalement le jugement, étant encore redevable de la somme de 724, 48 euro en sorte que l'appel est irrecevable,

- la SARL MCE n'a développé aucune argumentation juridique utile, étant en outre observé, en sorte que les écritures de la SARL MCE sont irrecevables par application de 954 du CPC,

- à raison de l'effet dévolutif de l'appel, il y a lieu, de prononcer non la résiliation du contrat mais la nullité du contrat,

- la chose vendue est indéterminée dans sa quotité et ses modalités de livraison,

- le nombre de protège-annuaire n'est pas déterminé,

- les modalités d'exécution de l'obligation de délivrance sont imprécises,

- la zone géographique de distribution n'est pas précisée,

- le bon à tirer n'a pas été adressé le 27.09 mais le 09.10.2008,

- le vendeur est tenu d'une obligation de renseignement tandis que le bon de souscription omet des mentions obligatoires, certaines étant en outre illisibles ou indéterminées,

- les conditions générales s'apparentent à des clauses abusives au regard de l'exonération totale de responsabilité stipulée en faveur de la SARL MCE,

- il s'ensuit que la nullité de la vente est établie,

- ses demandes indemnitaires sont fondées

- à titre reconventionnel elle est fondée à se prévaloir de la nullité du contrat de vente tant à raison des vices qui entachent sa validité, que par application des dispositions de l'article L. 121-21 du Code de la consommation, étant observé, d'une part, que Christiane Lagrève ne peut être considérée que comme une non-professionnelle exerçant une activité sans rapport direct avec l'activité de publicitaire, exercée par une société bénéficiant d'une possibilité commerciale dominante, ce qui a pour effet de créer un déséquilibre entre les deux contractants, d'autre part, que Christiane Lagrève est une consommatrice ayant fait l' objet d'un démarchage relevant des dispositions de l'article L. 121- 1 du Code de la consommation ;

Considérant que vainement, sur l'appel formé par la SARL MCE, Christiane Lagrève excipe de l'irrecevabilité de cet appel pour défaut d'exécution intégrale du jugement assorti de l'exécution provisoire, puisque le conseiller de la mise en état qui a une compétence exclusive à cet égard, a rejeté par une ordonnance du 15.02.2011 la demande de radiation par application de l'article 526 du Code de procédure civile ;

Considérant qu'est tout autant dénuée de portée l'argumentation de Christiane Lagrève tendant à dire irrecevable par application de l'article 954 du Code de procédure civile les écritures de la SARL MCE, dès lors qu'il s'évince de ces dernières qu'elle excipe de la validité du contrat et de l'exécution de ses obligations contractuelles sur le fondement des dispositions des articles 1134, 1108, 1129, 1583, 1603 du Code civil.

Considérant qu'il importe peu que le tribunal ait caractérisé dans ses motifs la nullité de l'ordre de publicité pour en définitive prononcer la résiliation du contrat dans le dispositif, dès lors qu'il était saisi de la nullité du contrat, que la SARL MCE ne s'est pas prévalue de la nullité du jugement mais a sollicité son infirmation, et que par l'effet de l'appel la cour est saisie de l'entier litige ;

Considérant que la SARL MCE ne discute pas que s'agissant d'achat d'espaces publicitaires, outre les dispositions relatives aux vices du consentement les dispositions des articles 1120, 1583 et 1603 du Code civil sont applicables ;

Considérant que l'ordre d'insertion ne précisait ni le nombre de protège-annuaire comportant la publicité prévue, ni les modalités de diffusion et notamment sa périodicité, aucune indication n'étant fournie sur ces deux points, que contrairement à ce que prétend la SARL MCE il ne résulte pas de cet ordre que la diffusion se faisait par tranche de mille exemplaires ;

Considérant que, de plus, le secteur précis de distribution n'était pas déterminé, cet ordre se bornant à évoquer "78" ce qui identifiait la totalité du département dans lequel cette cliente exerçait son activité de fleuriste, en sorte que la diffusion pouvait s'exercer dans des localités très éloignées de celle où ce commerce était installé, alors que pour un tel commerce la proximité de la clientèle est essentielle ;

Considérant qu'il s'ensuit que cet ordre de publicité n'était déterminé ni déterminable dans sa quotité, ni dans ses modalités de distributions, que Christiane Lagrève ne pouvait mesurer la portée de l'engagement qu'elle contractait, en sorte que le contrat conclu encourt la nullité ;

Considérant que par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner le surplus de l'argumentation des parties, il convient d'annuler le contrat ;

Considérant que lorsque la vente est annulée les parties doivent être remis en l'état comme si le contrat n'avait jamais eu lieu, qu'il s'ensuit que la SARL MCE est redevable de la somme de 1 435,20 euro correspondant au prix de la prestation ,au titre des restitutions avec intérêts au taux légal à compter du 03.10.2008, sans qu'il ait lieu de condamner Christine Lagrève à payer cette prestation qui a cependant été exécutée, puisque cette exécution a été réalisée postérieurement à la décision que lui avait notifiée Christiane Lagrève de demander la nullité de la vente et donc de manière fautive ;

Considérant que Christiane Lagrève est fondée à réclamer non la somme de 1 741,08 euro mais celle de 645,55 euro TTC correspondant aux frais d' huissier justifiés de l'exécution du jugement, le surplus de cette somme correspondant aux intérêts pour partie précédemment alloués et à ses propres frais qui relèvent des dépens ;

Considérant que Christiane Lagrève réclame une somme de 10 372 euro au titre de son préjudice personnel, moral et patrimonial, soit 2 000 euro pour le préjudice personnel et moral et 8 372 euro TTC au titre de ses frais d'avocat devant les deux instance qui se sont déroulées devant le Tribunal de commerce de Paris (2 000 euro HT x 2) et devant la Cour d'appel de Paris (3 000 euro HT) ;

Considérant que la demande de Christiane Lagrève est fondée en ce qui concerne son préjudice personnel et moral, à raison de l'exécution en toute connaissance de cause par la SARL MCE après que sa cliente lui ait dénoncé le refus de toute exécution ;

Considérant que pour le surplus sa demande ne peut qu'être rejetée, la cour n'ayant pas à se prononcer sur la somme relevant de l'article 700 du Code de procédure civile se rapportant à un jugement dont elle n'est pas saisie, et les deux derniers montants relevant des indemnités de l'article 700 du Code de procédure civile sur lesquels se prononcera la cour par le présent arrêt ;

Considérant que l'équité commande de condamner la SARL MCE à payer à Christiane Lagrève une somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais de première instance, le jugement étant donc réformé de ce chef, et une somme de 3 000 euro devant la cour étant observé que Madame au regard de son argumentation a demandé de ce chef, outre une somme de 1 000 euro celle de 3 000 euro ;

Considérant que, au regard de l'exécution provisoire du jugement qui a été ordonnée, les condamnations qui s'y rapportent seront prononcées en deniers et quittances ;

Considérant que la SARL MCE est condamnée aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens ;

Par ces motifs : Réforme le jugement en ce qu'il a ordonné la résiliation du contrat, et sur l'article 700 du Code de procédure civile ; Le confirme pour le surplus ; Statuant à nouveau et y ajoutant : Prononce la nullité du contrat, Condamne la SARL MCE à payer à Christiane Lagrève la somme de 695,45 euro TTC au titre des frais d'huissier se rapportant à l'exécution du jugement, celle de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts, Porte à la somme de 1 500 euro l'indemnité que la SARL MCE est condamnée à, payer à Christiane Lagrève au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés devant le tribunal, Dit que les condamnations se rapportant au jugement sont prononcées en deniers ou quittances, Condamne la SARL MCE à payer à Christiane Lagrève la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés devant la cour, Admet Me Frédéric Buret au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.