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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 29 septembre 2011, n° 09-00309

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Dealer de Luxe (SARL)

Défendeur :

Label Régie (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Touzery-Champion, Pomonti

Avoués :

SCP Baufume Galland Vignes, Me Nut

Avocats :

Mes Ardouin, Francois

T. com. Paris, du 3 déc. 2008

3 décembre 2008

La SARL Label Régie, dont l'activité est la régie publicitaire, a conclu en date du 1er janvier 2004, avec la SARL Dealer de Luxe, éditeur de la revue du même nom, un contrat de régie publicitaire par lequel la première était chargée à titre exclusif de rechercher, recueillir, facturer et encaisser les publicités à insérer dans ladite revue. Le contrat d'une durée de trois ans était renouvelable par tacite reconduction.

Par lettre recommandée avec AR du 28 janvier 2008, la SARL Dealer de Luxe a résilié le contrat, la résiliation prenant effet après la parution du numéro de juin 2008.

Considérant qu'il y a eu rupture brutale des relations, la société Label Régie a assigné la société Dealer de Luxe devant le Tribunal de commerce de Paris par acte en date du 27 mars 2008.

Par un jugement du 3 décembre 2008, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :

- prononcé la résiliation du contrat de régie publicitaire aux torts de la société Dealer de Luxe,

- condamné la société Dealer de Luxe à verser à la société Label Régie la somme de 112 404 euro HT,

- donné acte à la société Label Régie de ce qu'elle a consigné la somme de 28 626,38 euro TTC auprès de la Carpa,

- ordonné la remise des dits fonds à la société Label Régie en compensation partielle de la condamnation de la société Dealer de Luxe,

- débouté la société Label Régie de ses demandes de dommages et intérêts,

- condamné la société Dealer de Luxe à lui verser la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté par la SARL Dealer de Luxe le 7 janvier 2009.

Vu les conclusions signifiées le 21 avril 2010 par lesquelles la société Dealer de Luxe demande à la cour d'infirmer le jugement du 3 décembre 2008 et statuant à nouveau de :

- condamner la société Label Régie à lui payer la somme de 59 015,68 euro TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, soit du 2 avril 2008,

- outre la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les conclusions signifiées le 30 décembre 2009 par lesquelles la SARL Label Régie demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de régie publicitaire aux torts de la société Dealer de Luxe et condamné cette dernière au paiement d'une indemnité pour résiliation abusive de 112 404 euro HT au titre du préjudice subi par la société Label Régie, ordonné la compensation partielle avec les sommes consignées sur le compte Carpa, au paiement de la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du CPC, et aux entiers dépens de l'instance,

- l'infirmer sur le sort des commissions dues à la société Label Régie pour le numéro 15 du magazine qui ne sont pas incluses dans le calcul de l'indemnité et en conséquence condamner la société Dealer de Luxe à verser la somme de 15 656,78 euro TTC,

- constater que la somme de 13 277,73 euro TTC au titre des commissions revenant à Label Régie pour les publicités parues ultérieurement mais signées avant la rupture est incluse dans l'indemnité de 112 404 euro,

- constater que la somme de 14 553,33 euro au titre des commissions revenant à Label Régie pour les publicités parues ultérieurement mais officialisées avant la rupture est incluse dans l'indemnité de 112 404 euro,

- condamner la société dealer de Luxe au remboursement des frais d'exécution soit la somme de 2 305,31 euro,

- condamner la société Dealer de Luxe au paiement de la somme de 3 500 euro à la société Label Régie en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Dealer de Luxe fait valoir que la reconduction tacite du contrat à compter du numéro de septembre 2007 était prévue pour une durée indéterminée, avec possibilité de dénonciation moyennant un préavis de 6 mois, et non pour une durée de 3 ans, comme l'ont retenu à tort les premiers juges.

Elle ajoute que la résiliation est intervenue par notification du 28 janvier 2008, avec respect d'un préavis de 6 mois en application de l'article 10 du contrat, et non aux torts de Dealer de Luxe. Cette dernière insiste enfin sur les fautes de la société Label Régie, qui ont motivé la résiliation amiable, constitutives d'un juste motif de résiliation.

La SARL Label Régie soutient que l'appelante a tenté de trouver des motifs de rupture qui seraient autant de fautes commises par la société Label Régie et qui justifieraient la cessation des relations contractuelles aux torts et griefs de cette dernière. L'intimée affirme cependant que les motifs invoqués ne sont pas sérieux et ne reposent sur aucun fait réel ou justificatif.

S'agissant de la reconduction tacite du contrat, la SARL Label Régie affirme qu'il est constant qu'en l'absence de mention particulière, c'est bien la même durée qui est reconduite et qu'en l'espèce, le contrat a été renouvelé pour une durée de trois ans.

Quant à la prétendue résiliation amiable, Label Régie fait valoir qu'il n'existe aucune pièce qui puisse justifier le moindre commencement de preuve de cette allégation, laquelle est par ailleurs contredite par les termes mêmes de la représentante légale de la société Dealer de Luxe dans son courrier du 30 janvier 2008.

Sur ce

Sur la résiliation du contrat de régie

Considérant que la société Dealer de Luxe n'a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents, non contraires à l'ordre public, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure et la juste application de la loi et des principes régissant la matière ;

Qu'il convient seulement de formuler les observations suivantes ;

Considérant que l'article 10.1 du contrat dispose que celui-ci "est fait pour une période de trois années à compter du numéro d'automne daté septembre, octobre et novembre 2004" ;

Que l'article 10.2 ajoute "A l'expiration de cette période, ce contrat sera renouvelé par tacite reconduction à moins que l'une des parties n'aient fait connaître à l'autre par lettre recommandée avec accusé de réception reçue au moins six mois avant l'échéance sa volonté de ne pas le reconduire" ;

Considérant que si l'article 10.2 ne précise pas de durée, il ne peut pas être dissocié de l'article 10.1 qui stipulait une période contractuelle de 3ans ;

Que de plus il indique "avant l'échéance" prévoyant un préavis 6 mois ; que dès lors il ne peut s'agir d'une reconduite tacite pour une durée indéterminée qui serait elle dépourvue d'échéance ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que le renouvellement portait sur une nouvelle période de trois ans ;

Que Dealer expose que la mésentente des parties s'est manifestée lors du salon professionnel de Barcelone en janvier 2008 et qu'il a été convenu de la cessation amiable de la collaboration des deux sociétés ce que conteste Label Régie ;

Que Dealer verse à l'appui de cette affirmation l'attestation de Melle Alexandra Marokowski, qui relate avoir assisté à une réunion le 25 janvier 2008 provoquée par Dealer de Luxe au cours de laquelle sa gérante, Mme Coelho, a expliqué en présence de Virginie Hoang et de Gil Maillet de Label Régie son souhait de mettre fin à l'amiable à la collaboration entre les deux sociétés ;

Que Label Régie fait valoir que Melle Marokowski est une amie de la gérante de Dealer de Luxe ce que celle-ci indique dans son attestation (amie de longue date) ; que par ailleurs l'intéressée ajoute qu'elle a déduit qu'il y avait eu décision prise "d'un commun accord" ; que dès lors ce témoignage ne saurait être retenu comme manifestant un quelconque accord de la société Label Régie ;

Que si Dealer de Luxe prétend pouvoir justifier de la résiliation par les fautes de la société Label Régie, il convient de relever que le premier courrier de résiliation envoyé en recommandé le 28 janvier 2008 ne vise aucun manquement; que par un courrier du 30 janvier la gérante de Dealer fait état d'une décision liée à "l'évolution logique pour la société", puis dans un troisième courrier du 4 février 2008 d'une résiliation pour inexécution de ses obligations contractuelles par Label Régie ;

Que la société Dealer de Luxe expose ainsi le manque de diligence de Label Régie, faisant valoir que ses résultats sont inférieurs à ceux de la société Interdéco, intervenue quelques années auparavant, l'absence de relance des grandes marques, de déplacement sur les salons internationaux à l'exception de celui de Barcelone initié par Dealer et de compte rendu sur les engagements tarifaires et le suivi de l'activité ;

Qu'elle produit trois témoignages :

- celui de Cristel Proust qui indique que "la Régie ne l'a jamais contactée pour présenter le magazine à ses clients" ; qu'il convient d'observer que Label Régie justifie d'échanges de mails, et que s'agissant d'un attaché de presse ne détenant aucun portefeuille de pages de publicité à acheter, Label Régie n'avait pas à établir de contact ;

- celui de Coming Home, également attaché publicitaire pour lequel les mêmes observations valent ;

- celui de Mme Marokowski qui d'une part est contradictoire puisqu'elle indique avoir collaboré au sein de Label Régie, avoir rencontré des annonceurs potentiels, avoir signé pour deux nouveaux annonceurs et "avoir constaté qu'aucune démarche régulière et active n'était entreprise pour le titre", d'autre part qui ne peut être retenu en raison des liens avec la société Dealer ;

Considérant que le contrat de régie stipule que le régisseur s'engage à prospecter la clientèle susceptible de faire paraître de la publicité dans la parution, d'informer régulièrement l'éditeur de l'état des prospections en cours et de collecter les éléments techniques auprès des annonceurs ;

Considérant que Label Régie n'était soumise à aucune obligation de chiffre d'affaires ; que néanmoins il résulte des chiffres fournis par les deux parties que son chiffre d'affaires pour le compte de Dealer n'a cessé de progresser entre le N° 8 et le N° 15 pour atteindre 41 397 euro, montant supérieur à ceux de Interdéco pour le N° 5 et supérieur à ceux réalisés par Dealer de Luxe pour les N° 6 et 7, dernier numéro édité avant sa collaboration avec Label Régie qui était alors seulement de 28 607euro ;

Que Label Régie justifie de ses diligences auprès des grandes marques françaises et étrangères ; qu'ainsi elle verse une attestation de Tullia Vitturi qui relate avoir été embauchée par Label Régie pour s'occuper de Dealer de Luxe et qui atteste "nous avons élaboré un médiakit en français, anglais et italien. Nous prospections l'ensemble des annonceurs de l'univers de la mode et du luxe. Nous avons rencontré les principaux acteurs à Paris, à Milan et à New York" ;

Que Label Régie a organisé le voyage au salon de Barcelone dont elle a financé le coût y compris celui afférent au déplacement de la gérante de Dealer, Mme Coelho ;

Considérant que la société Label Régie produit l'ensemble des mails échangés ainsi que les relevés téléphoniques qui mettent en évidence des contacts permanents entre les deux parties ; que Label Régie a parfaitement rempli son obligation d'information régulière de son partenaire qui d'ailleurs, de 2005 à 2008 ne s'est jamais plaint d'un manque d'information ;

Considérant en conséquence que le jugement en ce qu'il prononce la résolution du contrat de régie aux torts exclusifs de la société Dealer de Luxe mérite confirmation.

Sur le préjudice de la société Label Régie

Considérant que Label Régie fait valoir que la rupture brutale est intervenue alors que le contrat venait d'être tacitement renouvelé et que des perspectives de parution trimestrielle avaient été envisagées entre les parties ;

Considérant qu'il n'est pas démontré que le projet de parution trimestrielle a donné lieu à une décision de Dealer de Luxe, ni qu'il s'en est suivi un investissement de Label Régie ; que dès lors cette dernière ne peut se prévaloir d'un préjudice résultant de l'abandon de ce projet qui relevait de la seule appréciation de Dealer de Luxe ;

Que Label Régie justifie d'un chiffre d'affaires de 37 468 euro par numéro, soit à raison d'une commission de 30 % un manque à gagner de 1 124, 04 euro par numéro ;

Considérant que, pour le n° 15, elle fait valoir qu'elle avait déjà reçu les annonces et que celles doivent être rémunérées au taux de 30% selon les dispositions contractuelles ;

Que toutefois les ordres d'insertion produits par Label Régie ne sont pas clairement identifiables comme étant des ordres restés en portefeuille pour l'édition du Numéro 15 ;

Qu'il y a lieu en conséquence de le retenir comme étant un numéro à paraître dans le calcul du préjudice de Label Régie à raison de deux numéros pour chacune des trois années restant soit 6 numéros et un manque à gagner de 67 442,40 euro ;

Considérant que ce chiffre prend en compte le chiffre d'affaires moyen et dès lors celui enregistré au titre des ordres d'insertion signés avant la rupture et restant en portefeuille pour les parutions à venir ;

Considérant qu'il y a lieu de réformer partiellement la décision entreprise et de fixer à 67 442,40 euro le préjudice de Label Régie.

Sur la compensation

Considérant que la société Label Régie a consigné les sommes reçues en exécution du contrat après sa rupture soit la somme de 26 626,38 euro ;

Que c'est à juste titre que les premiers juges lui en ont donné acte et ont ordonné la compensation avec les sommes mises à la charge de Dealer de Luxe.

Sur les frais et sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que Label Régie expose avoir engagé des frais d'exécution soit 2 305,31 euro qui ne sont pas contestés ;

Et considérant que la société Label Régie a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge , qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif et de rejeter la demande de la société Dealer de Luxe à ce titre.

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris sauf à fixer le montant de l'indemnité à 67 442,40 euro, y ajoutant, Condamne la société Dealer de Luxe à payer la somme de 5 805,31 euro à la société Label Régie au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Dealer de Luxe aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.