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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 10 juin 2010, n° 09-02031

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Centre de soins de suite l'Amandier (SARL)

Défendeur :

Consortium Européen de la Publicité Professionnelle (SARL), Edition Création Promotion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maron

Conseillers :

Mmes Brylinski, Beauvois

Avoués :

SCP Boiteau Pedroletti, SCP Bommart Minault

Avocats :

Mes Tissot, Baumgartner

T. com. Nanterre, du 21 janv. 2009

21 janvier 2009

FAITS ET PROCEDURE

Au cours de l'année 2006, la SARL Centre de soins de suite l'Amandier (l'Amandier) a signé auprès de la SARL Edition Création Promotion (ECP) et de la SARL Consortium Européen de la Publicité Professionnelle (CEPP) plusieurs bons de commande d'insertions publicitaires dans des revues éditées par celles-ci.

Les factures correspondantes n'ayant pas été réglées, l'Amandier a été assignée par ECP en paiement de la somme principale de 78 653,06 euro TTC au titre de 13 factures, outre la somme de 6 323,790 à titre de clause pénale, et par CEPP en paiement de la somme principale de 34 207,99 euro au titre de 7 factures outre la somme de 2 919 euro à titre de clause pénale.

Le Tribunal de commerce de Nanterre, par jugement rendu le 21 janvier 2009, a :

- dit la loi du 29.01.1993 non-applicable à la présente espèce ;

- condamné la SARL Centre de soins de suite l'Amandier à payer à la SARL Consortium Européen de la Publicité Professionnelle la somme de 34 207,99 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2007 ;

- condamné la SARL Centre de soins de suite l'Amandier à payer à la SARL Edition Création Promotion la somme de 78 653,06 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2007 ;

- condamné la SARL Centre de soins de suite l'Amandier à payer à la SARL Consortium Européen de la Publicité Professionnelle et à la SARL Edition Création Promotion la somme de 1 euro en application des clauses pénales ;

- condamné la SARL Centre de soins de suite l'Amandier à payer à la SARL Consortium Européen de la Publicité Professionnelle et à la SARL Edition Création Promotion chacune la somme de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement avec constitution de garanties bancaires égales au montant des condamnations prononcées ;

- condamné la SARL Centre de soins de suite l'Amandier aux dépens.

La SARL Centre de soins de suite l'Amandier a interjeté appel et, aux termes de ses dernières écritures en date du 10 juillet 2009, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés, demande à la cour de :

- dire que les dispositions des articles 20 et suivants de la loi du 29 janvier 1993 dite loi Sapin, sont applicables à chacun des bons de commande communiqués aux débats dont la SARL Consortium Européen de la Publicité Professionnelle et la SARL Edition Création Promotion réclament le paiement ;

- dire que la SARL Consortium Européen de la Publicité Professionnelle et la SARL Edition Création Promotion n'ont pas respecté les dispositions des articles 20 et suivants de la loi du 29 janvier 1993 ;

- en conséquence, annuler lesdits bons de commande et débouter la SARL Consortium Européen de la Publicité Professionnelle et à la SARL Edition Création Promotion de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner la SARL Consortium Européen de la Publicité Professionnelle et à la SARL Edition Création Promotion au paiement, chacune de la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.

La SARL Consortium Européen de la Publicité Professionnelle et la SARL Edition Création Promotion, aux termes de leurs dernières écritures en date du 13 octobre 2009, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives aux clauses pénales et, statuant à nouveau et y ajoutant ;

- dire que les intérêts échus produiront eux-mêmes intérêts à compter de la signification des conclusions du 17 mars 2009, par application de l'article 1154 du Code civil ;

- condamner la société Centre de soins de suite l'Amandier, à payer à la SARL Edition Création Promotion la somme de 6 323,70 euro au titre de la clause pénale figurant dans les conditions générales de vente des insertions publicitaires commandées ;

- condamner la société Centre de soins de suite l'Amandier, à payer à la SARL Consortium Européen de la Publicité Professionnelle la somme de 2.919 euro au titre de la clause pénale figurant dans les conditions générales de vente de la revue Agenda Pro et de l'Agenda de la RATP, de l'agenda du CE Air France Industrie et du Guide individuel de l'entreprise ;

- condamner la société Centre de soins de suite l'Amandier, au paiement, à la SARL Consortium Européen de la Publicité Professionnelle et à la SARL Edition Création Promotion chacune, de la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

DISCUSSION

L'Amandier fait valoir que la loi 93-122 du 29 janvier 1993 dite loi Sapin d'ordre public est applicable en l'espèce ; que l'article 20 prescrit diverses mentions devant figurer dans les contrats d'achat d'espaces publicitaires et que la même loi prévoit par ailleurs que le vendeur d'espaces publicitaires doit rendre compte directement à l'annonceur et dans le mois de la diffusion du message des conditions dans lesquelles les prestations ont été exécutées.

Elle prétend que les ordres de publicité obtenus par ECP ou CEPP qui en réclament le paiement, ne respectant pas les dispositions d'ordre public des articles 20 à 28 de la loi du 29 janvier 1993 , doivent donc être annulés, et qu'elle n'a jamais obtenu le moindre compte-rendu.

Rappelant les dispositions de l'article 26 de la même loi, ECP et CEPP font valoir qu'elles ont la qualité de vendeur d'espace et non de mandataire, et que dès lors la loi dite Sapin leur est inapplicable ; elles indiquent que l'Amandier a bien reçu les preuves d'édition de ses commandes, ainsi qu'il en résulte des mises en demeure qu'elles lui ont adressées.

La loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 "relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques" dans son chapitre II concernant les prestations de publicité, distingue l'annonceur, le vendeur d'espace et l'intermédiaire.

En ses articles 20 et 21 elle prévoit que tout achat d'espace publicitaire ou de prestation ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat, et définit les règles applicables spécialement en cas d'intervention d'un mandataire, pour la formalisation du contrat et la rémunération de celui-ci.

En son article 23 il prévoit notamment que le vendeur d'espace publicitaire en qualité de support ou de régie rend compte directement à l'annonceur dans le mois qui suit la diffusion du message publicitaire des conditions dans lesquelles les prestations ont été effectuées.

L'article 26 de la loi précise que pour l'application des articles 20 à 25 la régie publicitaire est considérée comme vendeur d'espace.

Les pièces produites aux débats démontrent que les bons de commande signés par l'Amandier auprès de ECP et CEPP concernent des insertions publicitaires dans des guides et répertoires qu'elles éditent elles-mêmes, et des agendas qu'elles éditent en régie pour diverses entreprises.

Pour ces contrats ECP et CEPP ont la qualité de vendeur d'espaces publicitaires et non d'intermédiaires ; les dispositions de l'article 20 de la loi n'ont en conséquence pas vocation à s'appliquer, et l'Amandier ne peut prétendre à la nullité des bons de commande à raison d'une violation, qu'elle ne caractérise d'ailleurs pas, de celles-ci.

ECP et CEPP produisent aux débats, en original, un exemplaire de chacune des publications dans lesquelles une insertion avait été commandée.

Elles ne justifient pas avoir rendu compte à l'Amandier, dans le mois qui suit la diffusion des messages publicitaires, des conditions dans lesquelles les prestations ont été effectuées.

Mais la loi du 29 janvier 1993 ne prévoit aucune sanction au non-respect des dispositions de son article 23 et par application des règles de droit commun le seul défaut de communication d'un rapport d'exécution de chacun des bons de commande ne saurait avoir la moindre conséquence sur la régularité et la validité de ceux-ci.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit la loi du 29 janvier 1993 non applicable à la présente espèce, cette affirmation étant inexacte car trop générale, seules les dispositions de la loi concernant les intermédiaires et en particulier l'article 20 invoqué étant inapplicables, mais confirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions de l'Amandier telles que fondées sur les dispositions de cette loi.

L'Amandier met en cause les pratiques commerciales douteuses de ECP et CEPP et lui reproche d'avoir profité du contexte de déménagement de l'établissement en juillet 2006, notamment en se présentant à plusieurs reprises à sa directrice de façon inopinée pour lui faire signer dans la précipitation, sans qu'elle s'en rende compte en raison de sa surcharge de travail, de nouveaux documents sous couvert d'une proposition de meilleurs tarifs alors qu'il s'agissait en réalité de nouvelles commandes.

Cet argument pourrait le cas échéant venir à l'appui d'un moyen tenant à l'existence d'un vice du consentement, mais il est totalement inopérant dès lors qu'en tout état de cause aucune nullité ni demande quelconque n'est sollicitée sur un tel fondement.

En tout état de cause, il n'est étayé par aucun commencement de preuve.

En revanche, il convient de relever que tous les documents signés par la directrice de l'Amandier, bon de commande et bons à tirer, sont produits aux débats en originaux ; tous ces bons de commande se distinguent clairement les uns des autres, par leur présentation et leur contenu ; ils comportent chacun en évidence l'indication de la publication dans laquelle l'insertion commandée est prévue, les tarifs applicables pour chaque type d'insertion possible, la définition du type d'insertion choisi et le prix correspondant.

La directrice de l'Amandier compte tenu de son niveau de responsabilité et son expérience, était nécessairement à même d'apprécier la nature des documents présentés à sa signature au cours des mois de mai, juin, juillet, septembre, octobre, décembre 2006, et était en tout état de cause tenue de procéder à la vérification des documents soumis à sa signature.

Dans ces conditions, chacune des factures présentée à paiement correspondant à un bon de commande dont les prestations ont été exécutées, ECP et CEPP sont fondées en leurs demandes de ce chef, et le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il y a fait droit.

Aucun élément ne s'oppose à ce qu'il soit fait application de l'article 1154 du Code de procédure civile ; dès lors il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts échus à compter du 13 octobre 2009, date des conclusions en comportant pour la première fois la demande, dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'une année.

La majoration de 10 % des factures impayées à titre de clause pénale stipulée sur les bons de commande, constitue une indemnisation manifestement excessive au regard du préjudice tel qu'effectivement subi par ECP et CEPP, résultant du retard apporté au règlement de leurs créances, déjà indemnisé par le cours des intérêts ; le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a réduit ces clauses pénales à la somme de 1 euro.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux indemnités de procédure et dépens de première instance.

En cause d'appel, l'Amandier supportera les dépens, et devra verser à ECP et CEPP chacune une indemnité qu'il convient de fixer à la somme de 1 500 euro.

Par ces motifs : Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit la loi du 29 janvier 1993 non applicable à la présente espèce ; Y ajoutant, Dit que les intérêts échus à compter du 13 octobre 2009 produiront eux-mêmes intérêts au même taux dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'une année ; Condamne la SARL Centre de soins de suite l'Amandier à payer à la SARL Consortium Européen de la Publicité Professionnelle et la SARL Edition Création Promotion chacune la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SARL Centre de soins de suite l'Amandier aux dépens, dont recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.