CJCE, 13 février 1985, n° 293-83
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Gravier
Défendeur :
Ville de Liège
1. Par ordonnance du 23 décembre 1983, parvenue à la cour le 28 décembre suivant, le président du Tribunal de première instance de Liège a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 7 du traité.
2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'une procédure en référé par laquelle une étudiante de l'académie royale des beaux-arts de Liège, Mlle Françoise Gravier, a demandé que défense soit faite à la ville de Liège d'exiger de sa part le paiement d'une redevance appelée " minerval " qui ne serait pas exigée des étudiants de nationalité belge. La ville de Liège a appelé en intervention l'Etat belge, en tant que rédacteur des circulaires imposant la perception d'un minerval, et la communauté française, autorité régionale dont relève l'enseignement artistique.
3. Il ressort du dossier qu'en Belgique, en vertu de l'article 12 de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement (Moniteur belge du 19 juin 1959), l'enseignement primaire et secondaire est gratuit dans l'enseignement public et dans les établissements subventionnes, et que les établissements d'enseignement postsecondaire ou supérieur ne peuvent percevoir que des droits d'inscription de faible montant destinés à alimenter les finances de leur service social. Par dérogation à cet article 12, les lois contenant le budget de l'éducation nationale ont cependant, chaque année à partir de l'année scolaire 1976-1977, autorisé le ministre à instaurer " un minerval pour les élèves et étudiants étrangers dont les parents ne sont pas domiciliés en Belgique et qui fréquentent un enseignement de l'Etat ou subventionné par l'Etat des niveaux préscolaire, primaire, spécial, secondaire, supérieur de type court ou de type long et technique du 2e et 3e degré ".
4. Sur la base d'une telle disposition - en l'occurrence, l'article 15 de la loi budgétaire pour l'année 1983 -, le ministre de l'Education nationale a imposé, par circulaire n° 83.24 G du 30 juin 1983 (Moniteur belge du 3 février 1984), " pour l'année 1983-1984, comme pour les années précédentes, un minerval... aux élèves et étudiants ne possédant pas la nationalité belge qui fréquentent un établissement d'enseignement artistique de plein exercice organisé ou subventionné par l'Etat ". D'après cette circulaire, sont exemptés de l'obligation de payer le minerval, entre autres, l'étudiant dont l'un des parents a la nationalité belge, l'étudiant de nationalité luxembourgeoise et l'étudiant dont le père ou la mère, résidant en Belgique, y exerce une activité professionnelle principale ou bénéficie de revenus de remplacement ou d'une pension et y est soumis à l'impôt.
5. La demanderesse au principal, Mlle Gravier, de nationalité française, dont les parents résident en France, est venue en Belgique en 1982 afin d'étudier l'art des bandes dessinées dans le cadre d'un cycle d'études supérieures artistiques d'une durée de quatre ans à l'académie royale des beaux-arts de Liège. Pour l'année académique 1982-1983, elle a sollicité la dispense du paiement du minerval de 24 622 BFR prévu pour les étudiants étrangers suivant un enseignement supérieur artistique. Par lettre du 7 octobre 1983, l'académie royale lui a fait savoir que la demande avait été rejetée au motif que " tout étudiant étranger doit savoir que les études ne sont pas gratuites et doit prévoir le paiement d'un minerval ".
6. Apres le rejet de sa demande, Mlle Gravier a été invitée à payer le minerval pour les années académiques 1982-1983 et 1983-1984. Le règlement des sommes exigées n'étant pas intervenu dans le délai imparti, son inscription pour l'année 1983-1984 a été refusée. En conséquence, son titre de séjour en Belgique n'a pas été prolongé. C'est dans ces conditions qu'elle s'est adressée au président du Tribunal de première instance de Liège pour obtenir la dispense du paiement du minerval ainsi que la délivrance de toute attestation nécessaire à la prolongation de son séjour en Belgique.
7. Au cours de la procédure devant le président du tribunal, la demanderesse a contesté la validité des circulaires ministérielles imposant le minerval litigieux. Elle a soutenu qu'elle ne pouvait pas être soumise à l'obligation de payer un minerval qui n'est pas exigé des ressortissants belges étant donné, d'une part, qu'une telle obligation constituerait une discrimination en raison de la nationalité prohibée par l'article 7 du traité et, d'autre part, qu'un ressortissant d'un Etat membre venu en Belgique afin d'y faire des études doit être libre de le faire en tant que destinataire de services au sens de l'article 59 du traité.
8. La ville de Liège, défenderesse au principal, a pris soin d'assurer qu'un certificat d'inscription provisoire a été remis à la demanderesse, qui a ainsi pu régulariser son séjour en Belgique. La ville de Liège a, pour le reste, été d'avis qu'il appartenait à l'Etat belge et à la Communauté française, appelés en intervention, de s'expliquer sur les reproches formules à l'égard des circulaires relatives au paiement du minerval.
9. La juridiction saisie du litige, après avoir admis l'urgence de la demande, a estimé qu'un problème d'interprétation du droit communautaire était soulevé et qu'il y avait lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce que la cour se soit prononcée sur les questions préjudicielles suivantes :
1) Est-il conforme au droit communautaire de considérer que les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne, qui se rendent sur le territoire d'un autre Etat membre dans le seul but d'y suivre régulièrement des cours dans un établissement qui met en œuvre un enseignement concernant notamment la formation professionnelle, se trouvent, à l'égard de cet établissement, dans le champ d'application de l'article 7 du traité de Rome du 25 mars 1957 ?
2) Dans l'affirmative, quels sont les critères permettant de décider si l'enseignement de l'art des bandes dessinées tombe dans le domaine d'application du traité de Rome ? "
10. D'après les motifs de l'ordonnance de renvoi, la juridiction nationale a considéré que la thèse selon laquelle l'inscription à un établissement tel que l'académie royale des beaux-arts de la ville de Liège, étant gratuite pour les belges, devait l'être aussi pour les ressortissants des autres Etats membres ne saurait être suivie que si la demanderesse, venue en Belgique exclusivement pour y poursuivre des études, peut bénéficier des dispositions du traité CEE. Apres avoir constaté qu'il n'y a pas de réponse univoque à la question de savoir si les étudiants doivent être considérés comme des bénéficiaires de services, l'ordonnance de renvoi explique que, même en cas de réponse négative, on ne pourrait en déduire que l'accès à l'enseignement serait étranger au champ d'application du traité. Il résulterait en effet de l'arrêt de la Cour du 13 juillet 1983 (Forcheri, 152-82, Rec. p. 2323) que, dans certaines conditions, le fait de subordonner l'accès à l'enseignement professionnel de ressortissants des autres Etats membres au paiement d'un droit d'inscription qui n'est pas exigé des propres nationaux peut tomber dans le domaine d'application du traité.
11. Tel étant l'arrière-plan des questions posées, il importe d'examiner d'abord si l'instauration d'un minerval tel que visé par l'ordonnance de renvoi constitue ou non une " discrimination exercée en raison de la nationalité " au sens de l'article 7 du traité.
12. L'Etat belge et la communauté française ont fait valoir devant la Cour que le fait d'exiger des étudiants étrangers une participation financière à l'enseignement s'explique, en Belgique, par le déséquilibre existant, depuis 1976, entre le nombre d'étudiants étrangers poursuivant leurs études en Belgique et celui des étudiants belges résidant à l'étranger. Cette disproportion ayant entrainé de graves conséquences budgétaires dans le domaine de l'éducation nationale, le gouvernement belge aurait dû demander aux étudiants ressortissant d'autres Etats membres qui, normalement, ne paient pas d'impôts en Belgique de participer, dans une mesure proportionnelle, aux couts de l'enseignement. Loin d'être discriminatoire, une telle participation mettrait les étudiants étrangers sur un pied d'égalité avec les ressortissants belges.
13. La commission a fourni des données chiffrées à la cour dont il ressort que la mobilité des étudiants dans la Communauté est un phénomène de portée limitée, mais que la Belgique est l'Etat membre dans lequel le pourcentage d'étudiants ressortissant d'autres Etats membres, par rapport au nombre total d'étudiants, est le plus élevé. Les renseignements fournis montrent également que la Belgique est le seul Etat membre à imposer aux étudiants étrangers le paiement d'un minerval, la Grèce exigeant toutefois un paiement identique, pour des raisons de réciprocité, des étudiants belges inscrits à des universités helléniques. La Commission considère, par ailleurs, que l'imposition du minerval litigieux établit une différence de traitement entre les étudiants de nationalité belge, que leurs parents ou eux-mêmes paient ou non des impôts en Belgique, et les ressortissants des autres Etats membres, différence fondée sur la nationalité des étudiants.
14. A cet égard, il y a lieu d'observer qu'il résulte du contenu de la législation belge et de la pratique suivie en matière d'imposition du minerval, telles que rappelées ci-dessus, que les coûts de l'enseignement supérieur artistique ne sont pas répercutés sur les étudiants possédant la nationalité belge, alors que les étudiants étrangers doivent supporter une partie de ces coûts. Dès lors, le traitement inégal est fondé sur la nationalité et cette constatation n'est pas affectée par le simple fait qu'il y a certaines exceptions à la distinction faite entre étudiants belges et étrangers, exceptions qui sont parfois fonction de la nationalité, comme c'est le cas de la situation particulière des étudiants luxembourgeois, parfois fonction d'autres critères tels que la résidence en Belgique de parents assujettis à des impôts dans ce pays.
15. Un tel traitement inégal fondé sur la nationalité doit être considéré comme une discrimination prohibée par l'article 7 du traité lorsqu'il se situe dans le domaine d'application du traité.
16. Les gouvernements britannique et danois ont manifesté leurs préoccupations sur ce point. Ils estiment que la présente affaire soulève des problèmes de principe dont l'importance dépasse le cadre des questions préjudicielles posées par le tribunal belge. Apres avoir contesté la thèse selon laquelle celui qui souhaite faire des études dans un autre Etat membre pourrait être qualifié de destinataire de services, ils font valoir que l'article 7 du traité n'interdit pas à un Etat membre de traiter ses propres nationaux de façon plus favorable dans le domaine de l'enseignement, notamment en ce qui concerne l'accès à l'enseignement, les bourses et allocations d'études, les autres facilités d'ordre social accordées aux étudiants et la participation des étudiants aux coûts de l'enseignement. Tout Etat membre aurait, sur ces points, des responsabilités particulières vis-à-vis de ses propres ressortissants.
17. La Commission, par contre, défend à titre principal la thèse selon laquelle l'imposition d'un minerval aux étudiants ressortissants d'un autre Etat membre est incompatible avec l'article 59 du traité, dans la mesure où elle n'est pas appliquée aux étudiants nationaux. Ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'elle soutient qu'une telle imposition constitue une discrimination fondée sur la nationalité contraire à l'article 7 du traité. La participation à des cours de formation professionnelle serait en effet couverte par les dispositions des articles 48, 52, 59 et 128 du traité et relèverait, dès lors, de son champ d'application.
18. Devant cette divergence d'opinions, il importe de préciser d'abord la nature du problème soulevé. En premier lieu, les questions posées ne concernent pas l'organisation de l'enseignement ni même son financement mais le fait d'ériger un seuil financier à l'accès à l'enseignement des seuls étudiants étrangers. En second lieu, il s'agit d'une forme bien déterminée d'enseignement, qualifiée de " formation professionnelle " dans la première question et d' " enseignement de l'art des bandes dessinées " dans la deuxième.
19. La première constatation qui s'impose à cet égard est que, si l'organisation de l'éducation et la politique de l'enseignement ne font pas partie en tant que telles des domaines que le traité a soumis à la compétence des institutions communautaires, l'accès et la participation aux cours d'enseignement et d'apprentissage, en particulier lorsqu'il s'agit de formation professionnelle, ne sont pas étrangers au droit communautaire.
20. C'est ainsi que l'article 7 du règlement n° 1612-68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2) prévoit que le travailleur ressortissant d'un Etat membre et exerçant ses activités dans un autre Etat membre y bénéficie, au même titre et dans les mêmes conditions que les travailleurs nationaux, de l'enseignement des écoles professionnelles et des centres de réadaptation ou de rééducation. Le même règlement assure, dans son article 12, l'accès aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle, dans les mêmes conditions que les nationaux, aux enfants des ressortissants d'un Etat membre qui exercent leurs activités dans un autre Etat membre.
21. En ce qui concerne plus particulièrement la formation professionnelle, l'article 128 du traité prévoit que le Conseil établit les principes généraux pour la mise en œuvre d'une politique commune de formation professionnelle qui puisse contribuer au développement harmonieux tant des économies nationales que du marché commun. La décision 63-266 du Conseil, du 2 avril 1963, portant établissement de ces principes généraux (JO 1963, p. 1338) comporte un premier principe selon lequel " les principes généraux doivent permettre à chacun de recevoir une formation adéquate dans le respect du libre choix de la profession, de l'établissement et du lieu de formation ".
22. L'attention particulière accordée par les institutions de la Communauté aux problèmes d'accès à la formation professionnelle et de son amélioration dans l'ensemble de la Communauté résulte, en outre, des " orientations générales " que le Conseil a établies en 1971 pour l'élaboration d'un programme d'activités au niveau communautaire en matière de formation professionnelle (JO C 81, p. 5), de la résolution du Conseil et des ministres de l'Education réunis au sein du Conseil, du 13 décembre 1976, concernant des mesures à prendre en vue d'améliorer la préparation des jeunes à l'activité professionnelle et de faciliter leur passage de l'éducation à la vie active (JO C 308, p. 1), ainsi que de la résolution du Conseil, du 11 juillet 1983, prévoyant les politiques de formation professionnelle dans la Communauté européenne pour les années 80 (JO C 193, p. 2).
23. La politique commune de formation professionnelle évoquée par l'article 128 du traité est donc en train de s'établir progressivement. Elle constitue d'ailleurs un élément indispensable des activités de la Communauté dont les objectifs comprennent, entre autres, la libre circulation des personnes, la mobilité de la main-d'œuvre et l'amélioration du niveau de vie des travailleurs.
24. En particulier, l'accès à la formation professionnelle est susceptible de favoriser la libre circulation des personnes dans l'ensemble de la Communauté, en leur permettant d'obtenir une qualification dans l'Etat membre où ils se proposent d'exercer leurs activités professionnelles et en leur procurant l'occasion de parfaire leur formation et de développer leurs talents particuliers dans l'Etat membre dont l'enseignement professionnel comporte la spécialisation appropriée.
25. Il résulte de tout ce qui précède que les conditions d'accès à la formation professionnelle relèvent du domaine d'application du traité.
26. Dès lors, il convient de répondre à la première question que l'imposition d'une redevance, d'un droit d'inscription ou d'un minerval, comme condition pour l'accès aux cours d'enseignement professionnel, aux étudiants ressortissant des autres Etats membres, alors qu'une même charge n'est pas imposée aux étudiants nationaux, constitue une discrimination en raison de la nationalité prohibée par l'article 7 du traité.
27. Par sa deuxième question, la juridiction nationale veut encore savoir quels sont les critères permettant de décider si l'enseignement de l'art des bandes dessinées relève de l'enseignement professionnel.
28. Aux termes de la décision 63-266, précitée, les principes généraux pour la mise en œuvre d'une politique commune de formation professionnelle concernent " la formation des personnes jeunes et adultes pouvant être appelées à exercer une activité professionnelle ou l'exerçant déjà jusqu'au niveau des cadres moyens ". Une telle politique commune devrait " permettre à chacun d'acquérir les connaissances et les capacités techniques nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle déterminée et d'atteindre le plus haut niveau de formation possible tout en favorisant, en ce qui concerne plus spécialement les jeunes, l'évolution intellectuelle et morale, l'éducation civique et le développement physique ".
29. Les orientations générales établies par le Conseil en 1971 - précitées - affirment que l'objectif de la formation professionnelle doit être de " pourvoir la population dans son ensemble en moyens de formation, de perfectionnement et de formation permanente de caractère général et professionnel adéquats pour permettre à chacun de développer sa personnalité et d'accomplir une carrière professionnelle dans une économie dont les besoins sont en évolution constante ".
30. Il résulte de ces textes que toute forme d'enseignement qui prépare à une qualification pour une profession, métier ou emploi spécifique, ou qui confère l'aptitude particulière à exercer une telle profession, métier ou emploi, relève de l'enseignement professionnel, quels que soient l'âge et le niveau de formation des élèves ou des étudiants, et même si le programme d'enseignement inclut une partie d'éducation générale.
31. Par conséquent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que la notion de formation professionnelle englobe l'enseignement de l'art des bandes dessinées dispensé par un établissement d'enseignement supérieur artistique lorsque cet enseignement prépare l'étudiant à une qualification pour une profession, métier ou emploi spécifique ou lui confère l'aptitude particulière d'exercer une telle profession, métier ou emploi.
Sur les dépens
32. Les frais exposés par le gouvernement britannique, le gouvernement danois et la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
La Cour,
Statuant sur les questions à elle soumises par le président du Tribunal de première instance de Liège, par ordonnance du 23 décembre 1983, dit pour droit :
1) L'imposition d'une redevance, d'un droit d'inscription ou d'un minerval, comme condition pour l'accès aux cours d'enseignement professionnel aux étudiants ressortissants des autres Etats membres, alors qu'une même charge n'est pas imposée aux étudiants nationaux, constitue une discrimination en raison de la nationalité prohibée par l'article 7 du traité.
2) La notion de formation professionnelle englobe l'enseignement de l'art des bandes dessinées dispensé par un établissement d'enseignement supérieur artistique lorsque cet enseignement prépare l'étudiant à une qualification pour une profession, un métier ou un emploi spécifique ou lui confère l'aptitude particulière d'exercer une telle profession, métier ou emploi.