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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 15 mai 2012, n° 10-03746

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Alsapan (SAS)

Défendeur :

Groupement économique des professionnels de l'ameublement (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hoffbeck

Conseillers :

MM. Cuenot, Allard

Avocats :

Mes Chevallier-Gaschy, Spieser

TGI Saverne, ch. com., du 1er juin 2010

1 juin 2010

Attendu que la SARL Groupement économique des professionnels de l'ameublement, en abrégé Gepa, a poursuivi la société Alsapan en paiement de sommes dont elle s'estimait créancière au résultat d'un contrat de référencement ;

Attendu que par jugement du 1er juin 2010, le Tribunal de grande instance de Saverne a condamné la société Alsapan à payer à la société Gepa une somme de 35 867 euro au titre de ristournes publicitaires, une somme de 843 euro au titre des frais de gestion et une somme de 2 529 euro au titre de la clause pénale stipulée en cas de rupture du contrat ;

Qu'il a condamné en outre la société Alsapan à payer une compensation de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que la SAS Alsapan a relevé appel de ce jugement le 2 juillet 2010, dans des conditions de recevabilité non contestées ;

Attendu qu'au soutien de son recours, la société Alsapan réitère essentiellement que le contrat passé avec le Gepa n'avait pas de contrepartie véritable, susceptible de justifier une rémunération distincte du prix du mobilier vendu, et qu'il tombait à ce titre sous le coup de l'article L. 442-6 du Code de commerce relatif à la prohibition des rémunérations irrégulières stipulées à la charge des fournisseurs ;

Qu'elle indique que de rares et vagues publicités dans des prospectus ne peuvent pas constituer le service au sens des prescriptions de cette disposition ;

Qu'elle conteste en conséquence devoir quoi que ce soit au Gepa, et s'estime bien fondée à solliciter la restitution de ce qu'elle a payé ;

Qu'elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris, au rejet des demandes de la société Gepa, et à sa condamnation à lui restituer une somme de 6 038,58 euro ;

Qu'elle sollicite 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que la SARL Groupement économique des professionnels de l'ameublement, en abrégé Gepa, conclut à la confirmation du jugement entrepris, en faisant valoir essentiellement que son activité de référencement, assimilable à un courtage, est licite, qu'elle n'acquiert pas elle-même du mobilier et qu'elle ne peut donc pas tomber sous le coup des prohibitions édictées par l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

Qu'elle prétend que ses prestations, notamment publicitaires, sont réelles, et doivent être en conséquence rémunérées ;

Qu'elle sollicite 3 000 euro de dommages et intérêts pour appel abusif, et 3 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que les pièces versées aux débats montrent que par contrat du 21 février 2001, la société Ozoo, absorbée ultérieurement par la société Alsapan, a passé avec le Groupement économique des professionnels de l'ameublement un contrat dit de référencement ;

Que par ce contrat, la société Ozoo s'est engagée à ristourner aux distributeurs de meubles adhérents au Gepa un montant de 7 % ;

Qu'elle s'est engagée à verser également au Gepa un commissionnement de 3 % des factures, et qu'il a été stipulé en outre le paiement à cet organisme d'une ristourne publicitaire de 10 000 F, avec la précision placée entre deux parenthèses "par trimestre" et l'ajout manuscrit du mot "catalogue" ;

Attendu que ce contrat a été conclu pour une durée initiale de deux années, renouvelable par tacite reconduction, sauf dénonciation moyennant un préavis contractuel de trois mois ;

Attendu que le contrat paraît avoir été exécuté normalement au cours des premières années, et que la société Ozoo a déclaré annuellement au Gepa le chiffre d'affaires réalisé avec les adhérents de cet organisme, en lui payant les cotisations de 3 % convenues ;

Attendu cependant qu'en ce qui concerne les ristournes publicitaires, le Gepa n'a facturé qu'un montant de 1 524,49 euro le 29 août 2001, le même montant le 5 septembre 2002, rien en 2003 et en 2004, et 1 000 euro HT pour chacune des années 2005 et 2006 ;

Attendu qu'au début de l'année 2007, la société Ozoo a estimé que le commissionnement de 3 % n'était pas compatible avec les nouvelles dispositions de la loi Dutreil, et qu'elle a informé le Gepa de sa suppression ;

Que le Gepa s'est opposé à cette prétention, et que les parties ont rompu leurs relations ;

Attendu que le 23 octobre 2007, le Gepa a émis une facture de ristournes publicitaires d'un montant total de 35 897,09 euro, calculé sur la base de 1 524,49 euro par trimestre sous déduction du montant des factures précédemment énumérées ;

Attendu que le Gepa a également facturé le 19 mars 2008 un montant de 843 euro, correspondant à la cotisation de 3 % appliquée au montant estimé du chiffre d'affaires de la société Ozoo en 2007 ;

Que dans son assignation, il a demandé en outre une pénalité estimée à 2 529 euro ;

Attendu que la société Alsapan, aux droits de la société Ozoo, oppose essentiellement l'absence de contrepartie aux cotisations demandées par le Gepa contrairement selon elle aux exigences de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

Attendu que la cour indique cependant que l'activité de référencement est licite en principe, et qu'elle a été analysée comme une sorte de courtage dans une décision de la Cour de cassation du 17 mars 2004 ;

Attendu que les dispositions de l'article L. 442-6, et spécialement les deuxièmement et troisièmement du paragraphe I, ont pour finalité générale de prohiber certains abus de la grande distribution, qui tente parfois de faire payer par les producteurs le simple accès à ses magasins ;

Attendu cependant que le Gepa n'est pas lui-même un acquéreur susceptible de mettre à la charge de son fournisseur des paiements sans contrepartie, et qu'il a une simple activité d'intermédiaire, dont la licéité a été reconnue ;

Qu'il n'est donc pas concerné par les règles qui interdisent aux acheteurs professionnels de mettre à la charge des fournisseurs des paiements sans contrepartie ;

Attendu que les rémunérations qu'il demande contractuellement doivent naturellement avoir une cause véritable, mais que le moyen n'est pas explicitement proposé ;

Que la cause paraît être en réalité le souci pour le fournisseur de développer ses ventes grâce aux rabais offerts par le Gepa à ses adhérents ;

Qu'il semble qu'en l'espèce, le résultat de la commercialisation par le canal du Gepa ait été assez médiocre, puisqu'il s'est limité à un chiffre d'une trentaine de milliers d'euro par an ;

Qu'il serait discutable cependant d'admettre que ce résultat médiocre prive de toute cause les rémunérations dues au Gepa, qu'il y aurait de ce chef une discussion qui n'a pas été abordée, et qui ne peut pas l'être d'office ;

Attendu que la cour confirme par conséquent que la demande de cotisations par le Gepa est fondée en principe ;

Que cela ne signifie pas pour autant que toutes ses demandes sont justifiées, et que tel n'est manifestement pas le cas au vu des documents versés ;

Attendu que le contrat dispose qu'en cas de résiliation avant terme, le Gepa peut demander en substance une indemnité correspondant à la moyenne des frais de gestion jusqu'au terme normal, majorée de 50 % ;

Attendu que si l'on admet que le contrat se renouvelait tacitement par périodes bisannuelles, le Gepa avait droit à sa rémunération jusqu'en février 2009, sous réserve de la majoration stipulée à titre de pénalité ;

Attendu qu'il en résulte que le Gepa ne peut pas demander à la fois sa rémunération afférente à l'année 2007, estimée par lui à 843 euro, et la rémunération de février 2007 à février 2009, ce qui aboutit selon son calcul à 2 529 euro avec la majoration de 50 % ;

Qu'il a droit en réalité aux cotisations sur la base moyenne des années précédentes de février 2007 à février 2009 ;

Attendu que si la majoration de 50 % constitue une pénalité contestable, à défaut de véritable justification, il faut remarquer cependant qu'à l'opposé, le Gepa calcule l'indemnité sur la base de 843 euro, alors que la base véritable pour la totalité de l'année 2007 est de 948 euro (voir sa facture du 19 mars 2008) ;

Attendu que dans ces conditions, cette cour n'estime pas devoir réduire d'office la pénalité, et qu'elle fait droit à la demande de paiement d'une indemnité de résiliation de 2 529 euro ;

Qu'il faut rappeler cependant encore que cette indemnité couvre la totalité de la période bisannuelle de février 2007 à février 2009, et qu'il n'y a pas lieu naturellement d'y ajouter encore 843 euro pour 2007 ;

Attendu que concernant les frais d'une publicité dont la réalité est mise en doute par la société Alsapan, la cour rappelle que les dispositions un peu sibyllines du contrat liaient bien apparemment les redevances à la parution d'un catalogue, et non pas à l'entretien d'un site Internet ou à la parution des petits tracts très modestes produits par le Gepa ;

Attendu que le Gepa n'a donc facturé initialement pour ses prestations publicitaires que 1 524,49 euro en 2001, la même somme en 2002, 1 000 euro en 2005 et 1 000 euro en 2006 ;

Qu'il a d'ailleurs décrit lui-même dans une des pièces remise à cette cour son activité publicitaire au bénéfice de la société Ozoo pendant les années en cause, justifiant les quatre factures émises ;

Attendu que le Gepa n'est donc pas fondé à revenir rétroactivement sur sa facturation par application d'un contrat qui lie au demeurant expressément les redevances publicitaires à la parution d'un catalogue ;

Que sa demande de paiement d'un montant complémentaire de 35 867 euro (en réalité 35 897) doit donc être rejetée ;

Attendu que la demande reconventionnelle de la société Alsapan, qui sollicite la restitution des montants payés, est également rejetée corrélativement en conséquence de ce qui précède ;

Attendu que le Gepa succombe sur la majeure partie de ses demandes excessives ;

Attendu que dans ces conditions, cette cour estime devoir compenser les dépens de première instance, condamner le Gepa aux entiers dépens d'appel, et rejeter toutes les demandes présentées tant en première instance qu'en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR, Reçoit l'appel de la SAS Alsapan contre le jugement du 1er juin 2010 du Tribunal de grande instance de Saverne ; Au fond, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Alsapan à payer à la société Gepa une pénalité contractuelle de 2 529 euro et ses intérêts aux taux légal à compter du jugement, et en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de restitution présentée par la société Alsapan ; Reforme le jugement entrepris pour le surplus, et Rejette toutes les demandes plus amples présentées par la société Gepa ; Rejette toutes les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, tant en première instance qu'en cause d'appel. Rejette la demande indemnitaire présentée en cause d'appel par la société Gepa sur le fondement de l'abus de procédure ; Laisse à chaque partie la charge de ses dépens en première instance, et Condamne la société Gepa aux entiers dépens d'appel.