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Décisions

CA Angers, ch. com., 18 janvier 2011, n° 10-00549

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

CBS Outdoor (Sté)

Défendeur :

Caisse Fédérale du Crédit Mutuel de Maine Anjou et Basse Normandie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vallée

Conseillers :

Mmes Rauline, Schutz

Avoués :

SCP Dufourgburg-Guillot, SCP Gontier-Langlois

Avocats :

SCP Hotte-Favre d'Echallens, Me Mouliere

T. com. Laval, du 20 janv. 2010

20 janvier 2010

Au cours du premier semestre 2006, la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel de Maine Anjou et Basse Normandie, ci-après désigné le Crédit Mutuel, a confié à la société Florilège, son agence de publicité mandataire, une campagne de publicité. La société Florilège s'est adressée à la société CBS Outdoor, sa prestataire, pour procéder à cette campagne.

Ainsi, divers contrats ont été signés pour des affichages publicitaires du mois de janvier au mois d'avril 2006, entre le prestataire CBS Outdoor, la mandataire Florilège et l'annonceur Crédit Mutuel, conformément aux dispositions de la loi dite Sapin n° 93-122 du 29 janvier 1993.

Un mandat de négociation a été signé le 27 février 2006 pour l'année 2006 entre le Crédit Mutuel et la société Florilège.

La société CBS Outdoor n'ayant pas été réglée de sa prestation, la société Florilège ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, a assigné le Crédit Mutuel devant le tribunal de commerce de Laval aux fins de solliciter la condamnation de la banque à lui payer la somme de 27 194, 50 euro au taux légal appliqué par la BCE majoré de 7 points outre une indemnité de procédure.

Par jugement du 20 janvier 2010, le Tribunal de commerce de Laval a débouté la société CBS Outdoor de toutes ses demandes et condamné celle-ci à payer une indemnité de procédure au Crédit Mutuel ainsi que les dépens.

LA COUR

Vu l'appel formé contre ce jugement par la société CBS Outdoor ;

Vu les dernières conclusions du 15 juin 2010 aux termes desquelles la société CBS Outdoor demande à la cour, avec une indemnité de procédure, poursuivant la réformation du jugement, de condamner la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel de Maine Anjou et Basse Normandie à lui payer la somme de 27 194,50 euro en principal outre intérêts au taux légal appliqué par la BCE majoré de 7 points conformément aux conditions générales de vente ;

Vu les dernières conclusions du 25 août 2010 aux termes desquelles la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel de Maine Anjou et Basse Normandie demande à la cour, avec une indemnité de procédure, de confirmer le jugement déféré ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

A l'appui de son appel, la société CBS Outdoor fait valoir que le contrat par lequel le Crédit Mutuel a mandaté la société Florilège pour procéder à l'achat d'espaces publicitaires en son nom obéit aux règles générales du mandat en vertu duquel l'annonceur doit être tenu au paiement des prestations sans pouvoir opposer au support CBS Outdoor auquel il est lié par l'effet du contrat de mandat, l'infidélité du mandataire par lequel il a fait transiter le règlement.

Visant les dispositions de la loi du 23 janvier 1993, la société Outdoor estime avoir respecté l'article 20 de ce texte en transmettant les factures à l'annonceur de sorte qu'elle dispose d'une action directe faute pour le mandataire payeur d'avoir respecté les conditions de règlement.

La Caisse Fédérale de Crédit Mutuel de Maine Anjou et Basse Normandie oppose que selon les dispositions de la loi du 29 janvier 1993, la facture doit être communiquée directement par le support à l'annonceur, ce qui n'a pas été fait par la société CBS Outdoor qui s'est ainsi privée de son action directe. S'agissant des règles de droit commun du mandat, le Crédit Mutuel fait valoir qu'aux termes du contrat qu'elle a signé avec la société Florilège, il a bien été prévu que le règlement d'achats d'espaces sera réalisé auprès des supports par le mandataire, comme cela était précisé sur la commande conclue entre la société CBS Outdoor et la société Florilège.

Il est versé aux débats le mandat signé par la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel de Maine Anjou et Basse Normandie au profit de la société Florilège le 27 février 2006 pour l'année 2006 confiant à cette dernière la tâche de procéder auprès de l'ensemble des fournisseurs à l'achat de ses espaces publicitaires et au suivi de leur exécution. Il y est expressément prévu que le règlement de cet achat d'espaces sera réalisé auprès des supports par le mandataire.

Les bons de commande passés entre le mandataire la société Florilège et la société Outdoor prévoient expressément que les paiements sont effectués par le mandataire, faculté qui n'est pas interdite par la loi du 29 janvier 1993.

Il est également produit deux factures adressées par la société Florilège, l'une d'un montant de 17 001,35 euro TTC que le Crédit Mutuel justifie avoir réglée le 10 mai 2006 et l'autre d'un montant de 33 189,22 euro TTC que le Crédit Mutuel justifie avoir réglée le 26 juillet 2006.

La société CBS Outdoor ne justifie pas avoir adressé d'autres réclamations au Crédit Mutuel que celle versée aux débats datée du 30 juin 2008 c'est à dire plus de deux ans après les prestations, facturées le 24 avril 2006 pour un montant de 15 310,80 euro TTC et le 6 juin 2006 pour un montant de 12 121,47 euro TTC.

Le paiement des factures relatives à l'achat d'espaces publicitaires incombe en principe à l'annonceur lorsque l'agence est mandataire. En cas de faillite de l'agence, l'application des principes gouvernant le mandat permet au support d'exercer une action directe en paiement contre l'annonceur, faculté qui n'est que le pendant de l'article 1998 du Code civil qui édicte que le mandant doit assurer les obligations résultant des actes conclus par le mandataire en son nom. Il s'ensuit que l'annonceur reste tenu vis à vis de ses cocontractants des dettes contractées en son nom par le mandataire infidèle.

Cependant, la loi du 29 janvier 1993 a édicté des règles de facturation spéciales aux transactions portant sur l'achat d'espaces publicitaires, destinées à assurer la transparence des intermédiaires dans le circuit de la facturation de l'achat d'espace. Ainsi, l'intermédiaire peut être chargé par son mandant de régler le montant des achats d'espaces, à charge pour lui d'en obtenir le remboursement de la part de ce dernier. L'article 20 alinéa 3 de cette loi oblige le support (ou sa régie) à informer directement et complètement l'annonceur sur le prix de l'espace publicitaire facturé. Il appartient donc à la régie du support d'adresser à l'annonceur un double de la facture envoyée à l'agence. A défaut il s'opère compensation de créances au détriment de la régie.

La régie qui facture directement l'agence conseil en publicité est en effet considérée comme ayant renoncé à exercer son action directe contre l'annonceur qui s'est libéré de sa dette en payant à l'agence le prix de l'espace publicitaire.

En l'espèce, il est constant que, comme l'ont justement observé les premiers juges, la société CBS Outdoor ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle a adressé en temps utile ses factures au Crédit Mutuel, la seule mention sur ces factures du Crédit Mutuel à côté de la société Florilège n'étant pas probatoire, alors qu'il faut au contraire relever la tardiveté de ses réclamations.

Il convient en conséquence de confirmer la décision du tribunal qui a justement considéré que la société CBS Outdoor, en ne respectant pas les dispositions légales précitées, s'est privée du droit d'exercer l'action directe contre le Crédit Mutuel qui justifie avoir payé sa dette à la société Florilège et débouté l'appelante.

L'équité impose de condamner la société CBS Outdoor à payer une indemnité de procédure au Crédit Mutuel en plus de celle octroyée par les premiers juges.

La partie qui succombe doit les dépens.

Par ces motifs : Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la société CBS Outdoor à payer à la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel de Maine Anjou et Basse Normandie la somme de 1 500 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société CBS Outdoor aux dépens d'appel recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.