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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 1 juillet 2010, n° 09-02820

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lagardère Publicité (Sté)

Défendeur :

Rayure (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

Mme Poinseaux, M. Testut

Avoués :

SCP Jullien, Lecharny, Rol, Fertier, Me Binoche

Avocats :

Mes Tordjman, Hoffman-Attias, Taudou

T. com. Nanterre, du 13 mars 2009

13 mars 2009

Vu l'appel interjeté par la société Interdeco, aux droits de laquelle vient la société Lagardère publicité, d'un jugement rendu le 13 mars 2009 par le Tribunal de commerce de Nanterre lequel a :

* joint les causes enrôlées sous les numéros 2006F02671 et 2006F04847,

* débouté la société Interdeco de toutes ses demandes,

* dit n'y avoir lieu à statuer sur l'appel en garantie de la société Rayure à l'encontre de maître Ouizille, en qualité de liquidateur de la société Autentic,

* condamné la société Interdeco à payer à la société Rayure la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens;

Vu les écritures en date du 12 mai 2010, par lesquelles la société Lagardère publicité demande à la cour, au visa des articles 1134, 1984 et suivants du Code civil et de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, d'infirmer cette décision et de :

* condamner la société Rayure à lui payer la somme de 61 539,08 euro avec intérêts à une fois et demie le taux légal depuis le 17 mai 2005,

* condamner la société Rayure à lui payer la somme de 9 230,86 euro au titre de la clause pénale,

* condamner la société Rayure à lui payer la somme de 25 000 euro à titre de dommages et intérêts,

* condamner la société Rayure à lui payer la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens avec distraction ;

Vu les dernières écritures en date du 13 avril 2010, aux termes desquelles la société Rayure prie la cour, au visa des articles 1109, 1116, 1315, 1984 et suivants du Code civil et la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, de confirmer le jugement entrepris et :

* à titre principal, de rejeter les demandes de la société Lagardère publicité venant aux droits de la société Interdeco, comme irrecevables et mal fondées,

* à titre subsidiaire, de prononcer la nullité pour dol du contrat de mandat conclu avec la société Interdeco et de rejeter les demandes,

* à titre plus subsidiaire, de juger que la société Interdeco, par son manque de diligences et de prudence, et en violation des articles 20 et 23 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, est seule responsable des conséquences financières objet de ses demandes et de les rejeter, la société Autentic étant seule contractante et seule débitrice de la société Interdeco,

* de condamner la société Lagardère publicité à lui verser la somme de 15 000 euro au titre de ses frais irrépétibles et aux dépens avec distraction ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il convient de rappeler que :

* la société Rayure, qui exerce une activité de confection et de distribution de vêtements, a fait appel à la société Autentic, pour conclure des achats d'espaces publicitaires ;

* la société Autentic a conclu ces achats avec la société Interdeco, dont l'activité est la régie publicitaire ;

* le 11 mars 2005, la société Interdeco a adressé à la société Rayure quatre factures impayées, émises au nom de la société Autentic en 2003 et 2004 ;

* le 18 mars 2005, la société Rayure a fait connaître à la société Interdeco la date de son règlement de ces factures à la société Autentic ;

*le 17 mai 2005, la société Interdeco a mis en demeure la société Rayure de lui payer à ce titre une somme de 61 539,08 euro, ce que celle-ci a refusé le 20 mai 2005 ;

* par acte d'huissier de justice du 10 mai 2006, la société Interdeco a assigné la société Rayure en paiement et par assignation du 4 octobre 2006, la société Rayure a fait intervenir en la cause la société Autentic, prise en la personne de son liquidateur, lequel ne s'est pas constitué ;

Considérant que la société Lagardère publicité, soutenant le rôle de mandataire de la société Rayure, tenu par la société Autentic, lui demande le règlement de factures à hauteur de 61 539,08 euro, par application de l'article 1998 du Code civil ;

qu'elle produit en copie un mandat donné par la société Rayure à la société Autentic et soutient l'authenticité de la signature de son gérant, soulignant qu'un tel pouvoir ne peut être confié à une régie publicitaire, dont la mission est de vendre directement des espaces publicitaires ; qu'elle fait valoir la rémunération figurant sur factures de la société Autentic, à hauteur 5 % du montant hors taxes des factures d'achat d'espaces publicitaires ;

qu'elle souligne les paiements effectués par la société Autentic en exécution du mandat et l'information régulière de la société Rayure, destinataire des magazines mentionnant l'identité de la société Lagardère publicité comme régie publicitaire, ainsi que des factures mentionnant la société Autentic comme mandataire-payeur ; qu'elle rappelle que par télécopie du 12 septembre 2003, la société Rayure lui a demandé des justificatifs des règlements effectués; qu'elle soutient que les paiements directs postérieurs que lui a adressés la société Rayure palliaient la défaillance de son mandataire-payeur, dont le dol ne peut lui être opposé ;

qu'elle invoque ses conditions générales de vente, aux termes desquelles l'annonceur est seul responsable du paiement des factures et souligne l'absence d'effet libératoire du paiement à la société Autentic, par application des règles générales du mandat ;

considérant qu'à titre principal, la société Rayure conteste tout lien contractuel avec la société Interdeco ; qu'elle soutient avoir donné mission à la société Autentic de trouver des annonceurs et de conclure des contrats avec des sociétés éditrices pour diffuser ses publicités, puis lui avoir réglé à ce titre de nombreuses factures; qu'elle conteste cependant lui avoir donné mandat, émettant toute réserves sur la pièce produite en cause d'appel, dont elle n'a pu avoir communication en original, et faisant valoir qu'elle se rapporte à la conclusion de contrats avec tous supports et non avec une régie publicitaire ;

qu'elle souligne l'activité de régie publicitaire, aux termes de son extrait Kbis, et non d'intermédiaire, de la société Autentic et rappelle avoir été contactée pour la première fois le 15 mars 2005 par la société Interdeco, réclamant le paiement de factures déjà acquittées à la société Autentic ; qu'elle reconnaît avoir noué des relations commerciales avec la société Interdeco en 2004, postérieurement aux factures de février 2003 à février 2004 réclamées ;

qu'à titre subsidiaire, elle soulève la nullité pour dol du contrat de mandat allégué, n'ayant jamais eu l'intention de contracter avec un intermédiaire, la société Autentic s'étant présentée comme une société de régie publicitaire, qualité confortée par les mentions figurant à son Kbis ;

que plus subsidiairement, elle invoque la violation des articles 23 et 20 alinéa 1 et 3 de la loi la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 par la société Interdeco, par l'absence de compte-rendu des prestations effectuées dans le mois de leur diffusion, le défaut de vérification de l'existence d'un mandat et de communication directe des factures ; qu'elle souligne que la société Interdeco a ainsi, sans l'avertir, laissé s'accumuler des factures impayées durant plusieurs mois ;

considérant qu'en droit, l'article 20 alinéa 1 de la loi du 29 janvier 1993 dispose que tout achat d'espace publicitaire ou de prestations ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat ; que selon l'article 21 de la même loi, même si les achats ne sont pas payés directement par l'annonceur au vendeur, la facture est communiquée directement par ce dernier à l'annonceur ; qu'aux termes de l'article 23, Le vendeur d'espace publicitaire en qualité de support ou de régie rend compte directement à l'annonceur dans le mois qui suit la diffusion du message publicitaire des conditions dans lesquelles les prestations ont été effectuées ;

qu'en l'espèce, la société Lagardère publicité produit la photocopie d'une attestation de mandat (loi du 29 janvier 1993), en date du 23 décembre 2002, signée et portant en tête le cachet de la société Rayure, confiant au groupe Autentic mandat pour négocier et réserver en (notre) nom et pour notre compte, l'achat d'espace pour notre société SARL Rayure, à compter de ce jour jusqu'au 31 décembre 2003 et ce, auprès de tous supports (Affichage, t.v., Presse et Radio). (...) Cette lettre-mandat sera remise pour information à tous les medias et supports qui en feront la demande ;

que la société Lagardère publicité, venant aux droits de la société Interdeco, dépositaire de cet acte, est en droit de faire état d'une copie; que la société Rayure ne formule aucune contestation sérieuse à son endroit ; que la comparaison de la signature y figurant avec celle du représentant de la société Rayure permet de constater que cette copie est une reproduction fidèle de l'original ; que la preuve d'un mandat dans les conditions de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 est ainsi rapportée, pour la seule période allant du 23 décembre 2002 au 31 décembre 2003, époque à laquelle des contrats ont été régulièrement conclus dans les termes de ce texte ;

que la société Lagardère publicité, en tant que régie publicitaire assimilée au vendeur d'espace par l'article 26 de la même loi, ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de sa communication directe à la société Rayure des factures et du compte-rendu d'exécution des prestations dans le délai d'un mois ; que sa réclamation du 11 mars 2005 et sa mise en demeure du 17 mai 2005 sont totalement inopérantes à cet égard ;

que faute de communication des factures à la société Rayure dans les termes de l'article 20 alinéa 3, la société Interdeco a laissé celle-ci se libérer entre les mains de l'intermédiaire, la société Autentic, et ne peut dès lors invoquer son action directe à l'encontre de l'annonceur ; que sa demande en paiement sera en conséquence rejetée, sans qu'il soit besoin d'examiner la demande de la société Rayure en nullité du mandat ;

Sur les autres demandes :

Considérant que la société Lagardère publicité, laquelle succombe en ses demandes, ne peut invoquer la résistance abusive de la société Rayure à l'appui d'une demande en dommages et intérêts, dont elle sera déboutée ;

Qu'il serait inéquitable de laisser totalement à la société Rayure la charge de ses frais irrépétibles ;

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, - Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions, - Y ajoutant, Condamne la société Lagardère publicité à payer à la société Rayure la somme de 5 000 euro au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel, - Condamne la société Lagardère publicité aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.