Commission, 29 juin 2011, n° 2012-268
COMMISSION EUROPÉENNE
Décision
Concernant l'aide d'État SA.14554 (C 7/04) mise à exécution par l'Allemagne pour la Gesellschaft für Weinabsatz (entreprise de commercialisation de vin)
LA COMMISSION EUROPÉENNE,
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa (1), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément audit article (2), considérant ce qui suit:
I. PROCÉDURE
(1) À la suite d'une plainte reçue le 10 mai 2001, la Commission e envoyé une demande écrite à la République fédérale d'Allemagne, le 9 novembre 2001. La mesure a été notifiée par lettre du 5 mars 2002, reçue le 8 mars 2002, à la suite de cette demande des services de la Commission. Puisque la mesure avait déjà été mise en œuvre à l'époque, elle a été classée parmi les régimes d'aides non notifiées (aide NN 159-02).
(2) L'Allemagne a envoyé des informations complémentaires par lettre du 20 novembre 2002, reçue le 25 novembre 2002, par lettre du 28 avril 2003, reçue le 2 mai 2003, par lettre du 27 mai 2003, reçue le 28 mai 2003, et par télécopie du 2 octobre 2003.
(3) Par lettre du 19 février 2004, SG-Greffe (2004) D-200645, la Commission a informé l'Allemagne de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 108, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne concernant cette aide.
(4) Cette décision de la Commission a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (3). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur la mesure en cause.
(5) La Commission n'a reçu aucune observation de parties intéressées (4).
(6) L'Allemagne a présenté ses observations à la Commission par lettre du 18 mars 2004, enregistrée le 23 mars 2004. D'autres observations ont été présentées par lettre du 10 janvier 2006, enregistrée le 10 janvier 2006, et par lettre du 13 juillet 2007, enregistrée le 16 juillet 2007.
(7) Par lettre du 21 octobre 2008, SG-Greffe (2008) D-206430, la Commission a informé l'Allemagne qu'elle avait décidé d'étendre la procédure qui avait été lancée au titre de l'article 108, paragraphe 2, du TFUE concernant cette aide.
(8) La décision de la Commission concernant l'extension de la procédure a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (5). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur l'aide en cause.
(9) La Commission n'a reçu aucune observation de parties intéressées FR 26.5.2012 Journal officiel de l'Union européenne L. 139-1.
(10) L'Allemagne a présenté (après une demande de prolongation de délai du 17 novembre 2008, acceptée par la Commission le 21 novembre 2008) ses observations à la Commission par lettre du 23 décembre 2008, enregistrée le 5 janvier 2009.
II. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L'AIDE
II.1. Nom de la mesure
(11) Kredit an die Gesellschaft für Weinabsatz mit nachfolgendem Forderungsverzicht [prêt à la Gesellschaft für Weinabsatz (entreprise de commercialisation de vin) et suppression ultérieure de créances]
II.2. Base juridique
(12) La mesure a été mise en œuvre sur la base d'un accord contractuel entre la Wiederaufbaukasse der rheinland-pfälzischen Weinbaugebiete (Caisse pour la reconstruction du vignoble de Rhénanie-Palatinat, WAK) et la Gesellschaft für Weinabsatz Pfalz GmbH (entreprise de commercialisation de vin du Palatinat, GfW).
II.3. Objectif
(13) L'objectif était d'accorder un prêt à la GfW pour l'achat de moût auprès d'exploitations viticoles et de négociants. Des actifs gagés ont été acceptés à titre de garantie. Ces actifs ont également été soumis à divers degrés de réserve de propriété (Eigentumsvorbehalt) par les entreprises viticoles et les négociants (Weinbaugetriebe und Kommissionäre) sous la forme de la réserve de propriété simple, étendue ou prolongée. La suppression de créances est intervenue lorsque la GfW a rencontré des difficultés financières en raison d'une chute des prix du marché.
II.4. Organisme public
(14) La WAK est une société de droit public de l'état fédéral de Rhénanie-Palatinat enregistrée à Mayence. Elle opère dans le secteur viticole de la même façon qu'une banque. L'activité habituelle de la WAK consiste à accorder des prêts pour le remembrement (Flurbereinigung). La WAK est financée par des cotisations, des honoraires, des prêts et des subventions [article 8, paragraphe 1, de la Weinbergsaufbaugesetz (Loi sur le développement des entreprises viticoles)].
II.5. Bénéficiaires
(15) Le bénéficiaire de la mesure était la GfW, à laquelle la WAK a accordé un prêt à des conditions qui n'étaient pas conformes à celles du marché.
(16) La GfW était une filiale à 100 % de la Bauern- und Winzerverband Rheinland-Pfalz Süd (Association des agriculteurs et des entreprises viticoles du sud de la Rhénanie-Palatinat). Elle a été fondée en 1984 dans le but de commercialiser du vin et elle produisait et commercialisait du vin mousseux, du jus de raisin, de la gelée de raisin, de l'alcool de raisin et de l'eau-de-vie. La GfW a également fourni des services aux entreprises viticoles en matière de mesures de distillation (Destillationsmaßnahmen). Ces mesures de distillation impliquaient les mesures couvertes par l'organisation commune du marché (6) et la distillation financée par l'État normalement réalisée en application des décisions du Conseil (7). À cet égard, la GfW a conseillé les petits producteurs de vin et organisé le transport du vin dans les distilleries.
(17) Les autres bénéficiaires éventuels sont les entreprises viticoles et les négociants auprès desquels, en raison du prêt, la GfW était en position d'acheter du moût et qui n'ont supprimé aucune de leurs créances à l'égard de la GfW lorsque la WAK a décidé de le faire au moment où la GfW a rencontré des difficultés financières.
II.6. Contexte de l'aide
(18) En 1999, avec un prêt de 15 302 696,25 euro de la WAK et ses propres ressources, la GfW a acheté 44 millions de litres de moût. 60 % de ce moût titrait un minimum de 60 degrés Oechsle et une moyenne de 81 degrés Oechsle. 40 % du moût était du moût de vin de table de consommation courante titrant un minimum de 44 degrés Oechsle qui a été acheté pour profiter des conditions avantageuses de la distillation préventive. Un prix moyen de 0,38 euro par litre a été payé pour tous les moûts achetés. Aucun vin fini n'a été acheté. L'achat a été effectué sur la base de la réserve de propriété simple, étendue ou prolongée (einfache, erweiterte, verlängerte Eigentumsvorbehalte) par les entreprises viticoles et les négociants. Dans le même temps, ces actifs gagés ont été acceptés à titre de garantie pour la WAK.
(19) Selon les informations fournies par l'Allemagne, le plan d'affaires de la GfW consistait à tirer parti des possibilités de distillation conformément au règlement (CEE) n° 822-87 pour 40 % du moût et à transformer 60 % du moût en vin brut pour la production de vin mousseux et à le vendre aux producteurs de vin mousseux. En outre, la GfW prévoyait de stocker 20 % du vin brut pendant une période de neuf mois à un an, afin de profiter des subventions de l'Union européenne pour le stockage de vin conformément au règlement (CEE) n° 822-87, avant qu'il ne soit vendu sur le marché du vin brut pour la production de vin mousseux.
(20) Le 11 novembre 1999, les entreprises viticoles et les négociants ont reçu un acompte de 80 % du prix d'achat. Un acompte de 0,31 euro par litre en moyenne a été versé.FR L 139-2 Journal officiel de l'Union européenne 26.5.2012
(21) En 1999, la GfW a affecté 40 % de ses stocks à la distillation préventive. Compte tenu de la baisse des prix sur le marché du vin brut fin 1999, la GfW a décidé de ne pas vendre le vin brut cette année-là, mais d'attendre le redressement du marché en 2000.
(22) En 2000, du fait des récoltes relativement importantes et de la chute des ventes de vin mousseux, le marché du vin blanc a chuté davantage (les prix moyens baissant dans certains cas de 0,20 euro). Une grande partie du vin en fût, toujours en stock, a dû être affectée à une nouvelle campagne de distillation.
(23) À la suite d'une modification de l'organisation commune du marché vitivinicole, adoptée en 1999 et entrée en vigueur le 1 er août 2000, la distillation préventive conformément au règlement (CEE) n° 822-87 a été remplacée par la distillation pour approvisionner le marché des alcools de bouche conformément au règlement (CE) n° 1493-1999. Les conditions étaient beaucoup moins avantageuses, le prix n'atteignant qu'environ la moitié du prix précédent de 0,50 à 0,55 euro/litre pour la distillation préventive.
(24) À la suite de l'effondrement des prix en 2000, il s'est avéré impossible pour la GfW d'atteindre les bénéfices escomptés ni sur le marché du vin, ni dans la distillation pour approvisionner le marché des alcools de bouche. Par conséquent, la valeur comptable des stocks de la GfW a dû être réduite de manière significative et le passif de la GfW a ainsi dépassé son actif.
(25) Compte tenu des problèmes commerciaux décrits ci- dessus, une situation comptable intérimaire a été établie pour l'année jusqu'au 31 octobre 2000 et examinée par un auditeur. Au 31 octobre 2000, le passif de la GfW (15 670 155 euro) dépassait ses actifs (9 886 856 euro) de 5 783 299 euro. Le passif de la GfW à cette date figure dans le tableau ci-dessous. Selon un rapport réalisé par Wirtschaftsprüfungsgesellschaft Falk & Co. GmbH, la GfW allait être très rapidement confrontée à une procédure d'insolvabilité en raison du fait que son passif dépasse ses actifs (Überschuldung), si rien n'était fait pour l'éviter.
(26) <Emplacement Tableau>
(27) Selon l'article 19 de la législation allemande sur l'insolvabilité (Insolvenzordnung), le fait que le passif d'une entreprise dépasse ses actifs est une cause d'ouverture de la procédure d'insolvabilité. C'est pourquoi le conseil d'administration de la GfW a été dans l'obligation, conformément à l'article 64 de la GmbHGesetz ancienne version en liaison avec l'article 19 de l'Insolvenzordnung, de demander l'ouverture de la procédure d'insolvabilité dans un délai de trois semaines après constatation que son passif dépasse ses actifs (Überschuldung).
(28) En raison de son insolvabilité imminente, la GfW a demandé à certains créanciers (la WAK, les entreprises viticoles et près de 130 négociants qui sont intervenus dans l'achat décrit au considérant 18) de supprimer une partie de leurs créances impayées pour permettre à l'entreprise de poursuivre ses activités. Dans le cas des entreprises viticoles et des négociants, la suppression des créances devait couvrir 90 % des créances impayées, ce qui signifie qu'ils recevraient uniquement un supplément de 2 % par rapport au prix d'achat convenu. Le solde du déficit devait être supprimé par la subordination nécessaire et la suppression des créances par la WAK.
(29) En tant que créancier principal (voir tableau 1) plus vulnérable aux risques, la WAK avait un intérêt considérable à éviter la faillite imminente. Elle a donc tenté de convaincre les entreprises viticoles et les négociants d'accepter de supprimer une partie de leurs créances. Le 4 décembre 2000, la WAK a également signé un accord écrit avec la GfW qui stipule qu'elle accepte de subordonner une partie de ses créances impayées - correspondant au déficit de la GfW - en faveur des autres créanciers. Le montant final de la subordination des créances ne devait être précisé qu'une fois reçues les déclarations de suppression des créances des entreprises viticoles et des négociants, de manière à réduire le plus possible le montant des créances subordonnées. Il a également été convenu que la WAK supprimerait le même montant de créances que celui qu'elle avait subordonné, si cela s'avérait nécessaire à un stade ultérieur pour éviter une procédure d'insolvabilité.
(30) 1 700 des 2 700 entreprises viticoles et négociants se sont déclarés prêts à supprimer 90 % de leurs créances restantes, ce qui correspondait à environ 60 % des créances impayées de l'ensemble du groupe. Cependant, les autres entreprises viticoles et négociants soit, ont expressément refusé l'offre, soit n'ont pas donné suite à la demande. Il était clair que certains d'entre eux ont décidé de ne pas supprimer leurs créances en raison de leur position moins vulnérable - certains bénéficiaient d'une réserve de propriété prolongée et avaient déjà reçu un acompte correspondant à 80 % du prix convenu. Cela signifiait que leurs gains en cas de procédure d'insolvabilité seraient plus élevés que l'offre de 2 % du prix d'achat convenu.
(31) En outre, un certain nombre d'entreprises viticoles et de négociants avaient porté plainte contre la GfW et ces plaintes avaient été instruites par le tribunal qui a proposé des accords de règlement. Ces accords de règlement prévoyaient que la GfW devait payer 70 % des créances restantes et que 30 % de ces créances devaient être supprimées. Le tribunal a également statué que laFR 26.5.2012 Journal officiel de l'Union européenne L 139/3
GfW devait régler 80 % des frais de justice. D'autres tribunaux ayant proposé des accords de règlement similaires, la GfW ne pouvait plus s'attendre à ce que les autres entreprises viticoles et négociants acceptent de renoncer à 90 % de leurs créances restantes. En outre, plusieurs entreprises viticoles et négociants ont déclaré qu'ils demanderaient le remboursement intégral des 20 % restants.
(32) Le § 305a de la loi allemande sur l'insolvabilité dispose qu'un règlement extrajudiciaire (außergerichtliche Einigung) visant à éviter l'acquittement des créances échoue si un seul créancier décide de procéder à l'application après le début des négociations du règlement extrajudiciaire.
(33) En conséquence, contrairement à son intention initiale, la GfW ne pouvait plus demander aux entreprises viticoles ni aux négociants de supprimer leurs créances. Au lieu de cela, la GfW a signé, le 21 février 2001, un accord avec la WAK stipulant que la WAK accepte de couvrir entièrement le déficit de la GfW pour l'année 2000 en renonçant à une partie de ses créances pour un montant de 5 005 441,60 euro. Aucun intérêt ne serait facturé sur les créances restantes pour la période du 1 er janvier 2001 au 31 décembre 2001. L'accord stipulait également que les créances restantes des entreprises viticoles et des négociants seraient réglées en totalité. Ainsi, la sécurité des créances non subordonnées de la WAK était garantie, la situation de déficit était corrigée, la procédure d'insolvabilité était évitée pour le moment et la GfW pouvait poursuivre ses activités.
(34) Pendant la période comprise entre le 1 er novembre 2000 et le 31 décembre 2000, la GfW a remboursé le prêt à la WAK à hauteur de 1 440 446,92 euro. Entre 2001 et 2005, la GfW a poursuivi ses activités et procédé à des remboursements réguliers de son prêt à la WAK, pour un total de 3 728 969,40 euro. De plus, au cours de l'année 2001, la GfW a versé à la WAK des intérêts d'un montant total de 149 757,16 euro.
(35) En raison d'un recul du chiffre d'affaires dans les principaux secteurs d'activité de la GfW et d'une capitalisation insuffisante, la GfW avait décidé le 31 décembre 2004 de cesser toute activité et de liquider la société. Tous les stocks résiduels liés aux derniers domaines d'activité ont été vendus. Tous les produits de la vente ont été utilisés pour rembourser la WAK. Il a été convenu avec l'acheteur (un particulier) que la valeur de tout le stock restant tel qu'il figurait sur la liste d'inventaire au 31 décembre 2004 serait transférée à la WAK fin 2005. Cette valeur correspondrait à la valeur de l'achat initial, soit 79 579,79 euro.
(36) La GfW a finalement été dissoute le 1 er juin 2005 et rayée du registre du commerce au cours de l'année 2006. Il n'existe ni successeur juridique, ni aucune autre entité juridique auprès de laquelle l'aide pourrait être récupérée.
(37) Au 31 décembre 2005, 9 897 154,65 euro avaient été remboursés au titre du prêt et 793 994,99 euro avaient été versés au titre des intérêts. Après la liquidation des actifs restants de la GfW, (87 079,79 euro), les créances impayées restantes de la WAK, qui s'élèvent à environ 313 000 euro, ont été déclarées irrécouvrables et ont été annulées. La partie du prêt qui n'a jamais été remboursée s'élève donc à 5 318 441,60 euro (la suppression de créances initiale d'un montant de 5 005 441,60 euro plus les créances impayées après liquidation d'un montant de 313 000 euro).
II.7. Nature et intensité de l'aide
(38) Le prêt de 15 302 696,25 euro accordé par la WAK à la GfW a été versé en plusieurs tranches en 1999, pour une durée de 12 à 18 mois: (en euro)
11.11.1999
5 936 061,62
25.11.1999
6 868 777,04
1.12.1999
585 429,72
13.12.1999
112 110,66
17.12.1999
1 800 317,21
Total
15 302 696,25
(39) Les taux d'intérêt appliqués étaient les suivants: 4 e trimestre 1999
3,28 %
1 er trimestre 2000
3,51 %
2 e trimestre 2000
4,15 %
3 e trimestre 2000
4,80 %
4 e trimestre 2000
5,15 %
2001
4,55 %-5,25 %
(40) Le 11 novembre 1999, les fournisseurs ont reçu un acompte correspondant à 80 % du prix convenu. En outre, du fait de la réserve de propriété prolongée accordée à certains des fournisseurs, qui ne se termine pas lors de la transformation, de l'incorporation ou du mélange, une partie du stock a servi de garantie aux 20 % de créances restantes de ces fournisseurs. Les stocks ont également été acceptés à titre de garantie pour la WAK. Toutefois, en raison de la réserve de propriété, la WAK n'avait qu'une créance secondaire sur une partie du stock tant que les créances garanties par la réserve de propriété prolongée n'étaient pas réglées. La plus grande part du risque de fluctuation des prix revenait donc à la GfW et à ses créanciers dont la WAK était le principal.FR L 139/4 Journal officiel de l'Union européenne 26.5.2012
(41) Sur le prêt accordé par la WAK à la GfW, seuls des intérêts limités ont été versés: du 11 novembre 1999 au 31 décembre 1999 (à un taux de 3,28 %), du 1 er janvier 2000 au 31 décembre 2000 (entre 3,51 % et 5,15 %) et du 1 er janvier 2001 au 31 décembre 2001 (entre 4,55 % et 5,25 %). Aucun intérêt supplémentaire n'a été réclamé après le 31 décembre 2001.
(42) Compte tenu du risque que la WAK a pris en prêtant de l'argent à la GfW, une prime de risque substantielle aurait dû être prélevée en plus du taux d'intérêt ordinaire. Comme aucune prime de risque de ce type n'a été ajoutée au taux d'intérêt, un élément d'aide était présent au moment de l'octroi du prêt. Cet élément d'aide peut être calculé comme étant la différence entre le taux d'intérêt réellement imputé et le taux d'intérêt du marché majoré de la prime de risque qui aurait dû être appliquée.
(43) Conformément à la communication de la Commission concernant la méthode de fixation des taux de référence et d'actualisation (8) telle que modifiée par la communication de la Commission concernant une adaptation technique de la méthode de fixation des taux de référence/actualisation (9), applicable pour la période en question, le taux de référence de base pour l'Allemagne oscillait entre 5,23 % et 6,33 %. D'après la communication, le taux de référence déterminé est un taux plancher qui peut être augmenté dans des situations de risque particulier (par exemple: entreprise en difficulté, absence des sûretés normalement exigées par les banques, etc.) Dans de tels cas, la prime pourra atteindre 400 points de base voire davantage si aucune banque privée ne devait accepter d'accorder le prêt en question.
(44) Selon l'Allemagne, les taux d'intérêt pratiqués par les banques allemandes au cours de la même période pour des crédits similaires variaient de 5,25 % à 6,50 % (VR- Bank Südliche Winstrasse e.G.) et de 5,40 % à 6 % (Die Kreissparkasse Bad Dürkheim).
II.8. Durée de la mesure
(45) Mesure unique.
II.9. Motifs de l'ouverture de la procédure formelle d'examen
(46) La Commission a ouvert la procédure formelle d'examen prévue à l'article 108, paragraphe 2, du TFUE, car elle soupçonnait que la subordination et la suppression des créances pouvaient constituer une aide d'État au sens de l'article 107 du TFUE.
(47) En particulier, la Commission avait vérifié, sur la base des informations disponibles au moment de l'ouverture initiale de la procédure formelle d'examen, si la subordination et la suppression des créances avaient été effectuées conformément au test du créancier privé.
(48) Le test du créancier privé vérifie si, dans les mêmes conditions de marché, un créancier privé aurait agi ou a agi de la même manière que le créancier public. Pour ce qui est du cas qui nous occupe, les créanciers privés avaient des créances auprès de la GfW pour un montant total de 5,5 millions d'euro au 31 octobre 2000, mais aucun d'entre eux n'a supprimé ses créances. Le rapport réalisé par un auditeur indépendant semblait montrer que, d'un point de vue économique, il était logique pour la WAK de subordonner et de supprimer une partie de ses créances, mais n'a pas expliqué pourquoi aucun des autres créanciers n'était prêt à renoncer à ses propres créances.
(49) Lors de l'ouverture de la procédure formelle d'examen, la Commission a conclu qu'au moment de l'ouverture de la procédure, il ne pouvait pas être exclu que la subordination et la suppression des créances de la part de la WAK (le prêt accordé à la GfW et les versements d'intérêts futurs sur ce prêt) n'étaient pas conformes au test du créancier privé, car elles semblaient être plus élevées que nécessaire et favorisaient excessivement non seulement la GfW mais aussi les autres créanciers (principalement les entreprises viticoles et les négociants) dont les créances avaient été intégralement remboursées.
(50) L'ouverture de la procédure formelle d'examen a ensuite été étendue pour inclure l'octroi du prêt. Plus précisément, des doutes ont été exprimés sur la question de savoir si le prêt avait été octroyé aux conditions du marché (aucune prime de risque n'avait été prélevée) et avec des garanties suffisantes.
(51) Lors de l'extension de la procédure formelle d'examen, des doutes ont de nouveau été soulevés concernant l'octroi éventuel d'une aide aux entreprises viticoles et aux négociants. Les informations disponibles à l'époque semblaient indiquer que le prix payé pour le moût était supérieur au prix du marché correspondant, que l'objectif de l'opération n'était pas de maximiser les bénéfices mais de soutenir le marché du vin et du moût, et que la position de sécurité dans laquelle se trouvaient les entreprises viticoles et les négociants en vertu du contrat de vente était plus avantageuse que dans des circonstances normales.
(52) Le doute concernant le prix a été souligné par des documents fournis par l'Allemagne après l'ouverture initiale de la procédure, lesquels ont révélé une fluctuation du prix du litre de vin de table (hors TVA) en 1999 dans la région du Palatinat-Rheinhessen: d'un minimum de 0,26 euro (octobre/novembre) à 0,30 euro (juin à septembre) et 0,35 euro (avril), à un maximum de 1,10 euro (février, juin, novembre/décembre). Le prix du marché minimal pouvant être atteint pour les vins de table au moment de l'octroi du prêt était donc de 0,26 euro par litre.
(53) Le prix d'achat moyen de 0,38 euro par litre semblait donc être supérieur au prix du marché le plus bas qui était d'environ 0,26 euro par litre.FR 26.5.2012 Journal officiel de l'Union européenne L 139/5
III. PLAINTES ET INFORMATIONS PROVENANT DE TIERS
(54) La Commission a reçu des informations indiquant que la suppression des créances mentionnée ci-dessus a été financée par des fonds de la WAK. En tant qu'autorité publique finançant la WAK, l'État fédéral de Rhénanie- Palatinat aurait envisagé une éventuelle injection de capital en raison de la dotation en fonds propres réduite de la WAK, mais il y a finalement renoncé.
(55) La Commission a reçu une plainte concernant la prétendue aide d'État liée au fait que la WAK supprime ses créances. Le plaignant a déclaré que la GfW était en concurrence pour la vente de distillats de vin, et que, à la suite de la suppression des créances en faveur de cette société, les concurrents rencontreraient des problèmes considérables pour vendre leurs propres produits. Le plaignant a présenté plusieurs articles de presse contenant des informations sur la suppression des créances par la WAK au bénéfice de la GfW.
(56) Ce même plaignant a également transmis une lettre qu'il avait reçue du bureau du procureur de Kaiserslautern (Office central de lutte contre la délinquance économique) en réponse à un courrier qu'il lui avait adressé. La lettre du bureau du procureur de Kaiserslautern résume les informations fournies par le plaignant sous la forme d'articles de presse et de déclarations et informe le plaignant que, sur la base des informations qu'il a reçues, il n'y a pas lieu d'ouvrir une procédure d'enquête pénale (strafrechtliches Ermittlungsverfahren einzuleiten).
IV. OBSERVATIONS DES INTÉRESSÉS
(57) La Commission n'a reçu aucune observation dans le cadre des procédures formelles d'examen.
(58) Les lettres répétées du plaignant après l'ouverture initiale de la procédure n'ont apporté aucun fait ou argument nouveau.
V. OBSERVATIONS DE L'ALLEMAGNE
V.1. Élément d'aide au moment de l'octroi du prêt
(59) L'Allemagne a fourni des informations complètes sur les conditions du prêt que la WAK a accordé à la GfW, qui ont été incluses dans la description de la mesure à la section II.
(60) Dans ses observations, l'Allemagne admet que les intérêts perçus par la WAK pour le prêt accordé à la GfW étaient inférieurs au taux du marché. L'Allemagne reconnaît que l'écart entre le taux du marché et le taux d'intérêt appliqué constitue une aide à la GfW au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE.
(61) L'Allemagne a également fourni la preuve que la GfW a été liquidée et dissoute le 1 er juin 2005. Tous les stocks résiduels liés aux derniers domaines d'activité ont été vendus. Tous les produits de la vente ont été utilisés pour rembourser la WAK. Il a été convenu avec l'acheteur (un particulier) que la valeur de tout le stock restant tel qu'il figurait sur la liste d'inventaire au 31 décembre 2004 serait transférée à la WAK fin 2005. Cette valeur correspondrait à la valeur de l'achat initial, soit 79 579,79 euro. L'entreprise GfW a été rayée du registre des sociétés courant 2006 et il n'existe aucun successeur juridique ni aucune entité juridique auprès desquels l'aide a pu être recouvrée. L'Allemagne indique que, selon une jurisprudence constante (10), il n'est pas possible de récupérer l'aide.
(62) L'Allemagne assure que l'octroi par la GfW de la réserve de propriété simple, étendue ou prolongée aux entreprises viticoles et aux négociants concernant la vente de moût était conforme aux pratiques commerciales courantes. L'Allemagne assure également que le fait d'accepter des actifs garantis à titre de garantie en dépit de la réserve de propriété, comme l'a fait la WAK pour le prêt octroyé à la GfW, est également conforme aux pratiques commerciales courantes.
(63) En outre, l'Allemagne indique que le moût acheté par la GfW à l'automne 1999 a été acquis au prix du marché, car 60 % du moût acheté était de qualité (60 degrés Oechsle minimum) et non pas du moût de vin de table ordinaire, tel que supposé lors de l'ouverture de la procédure. Selon l'Allemagne, les exigences de qualité pour la production de vin mousseux sont plus élevées que les exigences pour le vin de table (60 et 44 degrés Oechsle minimum, respectivement). Les 40 % de moût restants étaient du moût de vin de table de consommation courante qui a été acheté pour profiter des conditions avantageuses de la distillation préventive.
(64) Dans ses observations, l'Allemagne souligne que le concept de commercialisation utilisé par la GfW pour 60 % du stock impliquait l'achat de grandes quantités de moût de qualité élevée et sa transformation ultérieure en lots homogènes de vin brut pour la production de vin mousseux (Sektgrundwein), en respectant les exigences d'homogénéité et de qualité des caves. Le vin brut destiné à la production de vin mousseux nécessite un taux faible de SO 2 et un taux élevé d'acides de fruits. Cela n'était possible que si le moût était acheté pendant la période de vente d'automne et si la GfW préparait elle- même le moût pour le transformer en vin brut.
(65) Conformément aux informations fournies par l'Allemagne, sur le marché du vin brut pour la production de vin mousseux, le prix de base d'un litre de moût à 60 degrés Oechsle était de 0,312 euro. Pour chaque degré Oechsle supplémentaire (jusqu'à un maximum de 80 degrés Oechsle), le litre coûtait 0,005 euro de plus. Le moût de grande qualité des entreprises viticoles et des négociants (60 % du moût acheté) était payé selon ce principe.FR L 139/6 Journal officiel de l'Union européenne 26.5.2012
(66) Dans ce contexte, l'Allemagne fait référence au marché concerné. D'après elle, le prix du marché du vin de table de consommation courante ne peut pas être pris comme référence pour ces 60 % du stock, car pour la GfW, le marché concerné n'est pas celui du vin de table de consommation courante, mais celui du vin brut de qualité supérieure destiné à la production de vin mousseux. L'Allemagne fait également référence à la théorie de la substituabilité de la demande selon laquelle deux produits ne sont pas négociés sur le même marché si l'un ne peut pas remplacer l'autre, même en cas de fluctuation du prix de l'un d'eux. En l'espèce, les exigences spécifiques relatives au moût et au vin brut destiné à la production de vin mousseux font qu'il est impossible de le remplacer par du moût de vin de table de consommation courante ou du vin de table, même si le prix du vin de table diminuait de façon significative. En conséquence, une diminution du prix du vin de table n'aura pas d'incidence sur le prix du moût destiné à la production de vin mousseux, car ils ne peuvent pas être remplacés l'un par l'autre.
(67) Selon les statistiques relatives aux importations de l'Association allemande des vignerons (Deutsche Weinbauverband) pour les années 1998-2001, le prix du marché du vin blanc importé, qui, en raison de sa grande qualité, convient à la production de vin mousseux, était de 0,38 euro par litre, soit un prix nettement supérieur au prix de 0,26 euro par litre relevé pour le vin de table. Dans ses observations, l'Allemagne conclut que deux marchés distincts existent, un pour le vin de table ordinaire et le moût de vin de table de consommation courante, et un autre pour le vin brut de grande qualité et le moût de grande qualité destiné à la production de vin mousseux.
(68) Selon l'Allemagne, il y a donc lieu de conclure que le marché concerné pour le vin qui n'est pas affecté à la distillation est le marché du vin brut de grande qualité destiné à la production de vin mousseux, sur lequel il est possible d'atteindre des prix beaucoup plus élevés (0,38 euro par litre) et non le marché du vin de table de consommation courante dont le prix s'élève à 0,26 euro par litre. L'Allemagne pense par conséquent que le prix que la GfW a payé pour le moût était conforme au prix du marché concerné et incluait une marge bénéficiaire normale.
(69) En outre, la GfW prévoyait de participer aux programmes de distillation et de stockage de l'Union européenne (la GfW avait déjà proposé de tels services aux vignerons par le passé). Dans le cadre du programme de stockage, le litre était payé 0,06 euro pour 20 % des stocks qui devaient ensuite être vendus comme vin brut pour la production de vin mousseux. Dans le cadre du programme de distillation, le litre était payé entre 0,50 euro et 0,55 euro pour les 40 % du stock affecté à la distillation.
(70) De l'avis de l'Allemagne, il était possible de tirer des bénéfices de ces activités au moment où la WAK a accordé le prêt à la GfW. D'une part, la GfW avait l'intention d'affecter 40 % des achats de moût à la distillation préventive en décembre 1999, à un prix de distillation considérablement plus élevé que le prix d'achat (entre 0,50 euro et 0,55 euro par litre). D'autre part, il était prévu que les producteurs de vin mousseux paieraient des prix relativement corrects (entre 0,36 euro et 0,41 euro par litre) pour de grands lots de vin brut de qualité uniforme et garantie. L'Allemagne pense que la GfW aurait pu obtenir, grâce aux ventes, des recettes moyennes de 0,44 euro à 0,46 euro par litre, soit un chiffre bien supérieur à celui de 0,38 euro par litre payé en moyenne aux entreprises viticoles et aux négociants.
(71) Le programme reposait sur les prix indicatifs suivants:
Volume
Prix/litre (en euro)
Distillation
40 %
0,50-0,55
Subvention de l'Union européenne pour le stockage du vin/moût (1 an): 0,06 euro/l et vente ultérieure comme vin brut pour la production de vin mousseux
20 %
0,435
Vente comme vin brut pour la production de vin mousseux
40 %
0,375
(72) Selon ces hypothèses, on tablait sur un prix de vente moyen de 0,44 à 0,46 euro/l.
(73) La prévision de ventes ci-dessus donne lieu au calcul de bénéfices suivant:
Prix/litre (en euro)
Prix d'achat et transformation
0,37-0,38
Revenus tirés de la vente comme vin brut pour la production de vin mousseux, de la distillation, des subventions de stockage
0,44-0,46
Bénéfice prévu
0,06-0,09
(74) Sur la base d'un volume total de quelque 44 millions de litres, on attendait un bénéfice total d'environ 2,64 à 3,96 millions d'euro.
(75) L'Allemagne fait également référence au fait que le prix du marché des vins de table cité par la Commission européenne dans les décisions d'ouverture (0,26 euro par litre) est le prix le plus bas pour ce type de vin en novembre 1999. En novembre 1999, les prix du marché du vin de table oscillaient entre 0,26 euro et 0,56 euro par litre. En outre, il s'agit de la fourchette de prix complète pour l'ensemble de l'année 1999. Pour 2000, la fourchette oscillait entre 0,20 euro et 0,41 euro par litre. L'Allemagne souligne également que 60 % du moût acheté par la GfW titrait un degré moyen de 81 degrés Oechsle, un chiffre bien plus élevé que les 44 degrés Oechsle exigés pour le vin de table. Ce chiffre a bien entendu été répercuté sur le prix moyen auquel la GfW a payé le moût.
V.2. Élément d'aide au moment de la subordination et de la suppression des créances
(76) Selon l'Allemagne, il a été établi que la GfW se trouvait en position d'insolvabilité après l'établissement enFR 26.5.2012 Journal officiel de l'Union européenne L 139/7
novembre 2000 d'une situation comptable intermédiaire. La GfW avait alors un déficit comptable d'environ 6 millions d'euro qui a été confirmé lorsque les comptes annuels ont été élaborés pour l'année 2000. Le déficit était attribuable au fait que la valeur du stock toujours en possession de la GfW avait chuté à la suite d'une baisse significative des prix du marché, ce qui signifiait que la GfW était uniquement en mesure de vendre son stock à un prix inférieur à celui prévu au départ.
(77) Selon les informations fournies par l'Allemagne, au 31 octobre 2000, la WAK avait encore environ 10 millions d'euro de créances à l'égard de la GfW. À titre de garantie, la WAK bénéficiait des actifs garantis de la GfW, évalués à 5,7 millions d'euro à l'époque. Ceux-ci étaient soumis à réserve de propriété (simple, étendue ou prolongée) par les entreprises viticoles et les négociants qui, selon l'Allemagne, leur donnerait la priorité en cas d'insolvabilité. Ainsi, selon l'Allemagne, en cas de procédure d'insolvabilité, la GfW devait payer aux entreprises viticoles et aux négociants, environ 3,5 millions d'euro, avant de pouvoir rembourser tout autre créancier.
(78) Afin de remédier à temps à la situation de déficit et d'éviter l'ouverture de la procédure d'insolvabilité en vertu de l'article 64 de la loi sur les sociétés à responsabilité limitée ancienne version en liaison avec l'article 19 de l'InsO, il était nécessaire de prendre des mesures immédiatement.
(79) L'Allemagne souligne que, en tant que créancier principal plus vulnérable aux risques, la WAK avait un intérêt considérable à éviter la faillite imminente. Elle a donc tenté de convaincre les entreprises viticoles et les négociants de supprimer une partie de leurs créances et a également convenu des points suivants avec la GfW le 4 décembre 2000:
- l'attribution d'un rang inférieur aux créances pour un montant égal au déficit après l'acceptation par les entreprises viticoles et les négociants de supprimer 90 % de leurs créances restantes,
- la suppression, uniquement en cas de nécessité, des créances pour un montant égal à celui auquel elle avait convenu d'attribuer un rang inférieur.
(80) Malgré des négociations prometteuses au départ avec la majorité des entreprises viticoles et des négociants qui avaient accepté de supprimer leurs créances, la GfW a finalement échoué en raison d'actions concertées de la part de certaines entreprises viticoles et négociants et de leurs avocats. Ils n'étaient pas disposés à supprimer leurs créances en raison de leur vulnérabilité moindre aux risques découlant de la réserve de propriété étendue ou prolongée dont ils bénéficiaient et ont porté plainte. Ces plaintes ont été instruites par le tribunal qui a proposé des accords de règlement. Ces accords de règlement prévoyaient que la GfW devait payer 70 % des créances restantes et que 30 % des créances devaient être supprimées. Le tribunal a également décidé que la GfW devait régler 80 % des frais de justice. D'autres tribunaux ont proposé des accords de règlement similaires. Dans cette optique, la GfW ne pouvait plus s'attendre à ce que les entreprises viticoles et négociants acceptent de supprimer 90 % de leurs créances restantes. En outre, plusieurs entreprises viticoles et négociants ont déclaré qu'ils demanderaient le remboursement intégral des 20 % restants. Le fait que 1 700 entreprises viticoles et négociants sur 2 700 avaient déjà indiqué qu'ils étaient prêts à renoncer à une partie de leurs créances n'était plus pertinent, car l'article 305 bis de la loi allemande sur l'insolvabilité dispose qu'un règlement extrajudiciaire (außergerichtliche Einigung) visant à éviter la procédure d'insolvabilité échoue si un seul créancier décide de procéder à l'application après le début des négociations du règlement extrajudiciaire.
(81) Le 21 février 2001, la WAK a donc convenu avec la GfW qu'elle couvrirait le déficit de l'année 2000 en supprimant une partie de ses créances pour un montant de 5 005 441,60 euro, qu'aucun intérêt ne serait perçu sur les créances restantes pour la période du 1 er janvier 2001 au 31 décembre 2001 et que la totalité des créances des entreprises viticoles et des négociants serait liquidée. La sécurité des créances non subordonnées était garantie. La situation de déficit de la GfW était corrigée, la procédure d'insolvabilité était évitée et la GfW pouvait poursuivre ses activités.
(82) L'Allemagne prétend que la subordination et la suppression des créances sont conformes au test du créancier privé. Pour étayer cette affirmation, l'Allemagne se réfère à la jurisprudence pertinente.
(83) Il peut être nécessaire de supprimer une partie des créances pour augmenter le montant effectivement récupéré (11). Un créancier privé agirait de manière à minimiser ses pertes. Si une créance n'était pas suffisamment garantie, l'accord visant à reporter le remboursement permettrait d'augmenter les chances de remboursement sans pertes, car le débiteur aurait la possibilité de surmonter la crise et d'améliorer sa situation (12). Dans l'arrêt rendu dans l'affaire HAMSA, le Tribunal (TPI) rejette la pratique antérieure de la Commission consistant à exiger la parité au niveau des suppressions de créances pour les créanciers privés et publics par rapport à leur part de la dette. Le Tribunal a au contraire établi que le test du créancier privé peut être appliqué même en cas de répartition asymétrique des suppressions de créances entre les différents créanciers. Le Tribunal (TPI) souligne que la qualité de créancier hypothécaire, privilégié ou ordinaire, c'est-à-dire l'ordre de priorité des différents créanciers, est décisive. Le Tribunal (TPI) a établi que le créancier public agit comme un créancier privé lorsqu'il décide de supprimer une partie de ses créances, après une évaluation approfondie et raisonnable du montant qu'ilFR L 139/8 Journal officiel de l'Union européenne 26.5.2012 pourrait récupérer, du risque de liquidation et des chances de retour à la viabilité de l'entreprise (13). Enfin, l'Allemagne renvoie à la décision de la Commission dans l'affaire Huta Cynku, dans laquelle la Commission a décidé que dès lors que la restructuration aboutit à des recettes supérieures à la liquidation, il n'est pas possible de parler d'avantage, et donc d'aide d'État (14).
(84) Pour ces motifs, l'Allemagne fait valoir qu'en tenant compte de la situation de créancier principal de la WAK et de sa plus grande vulnérabilité par rapport aux entreprises viticoles et aux négociants, l'attribution d'un rang inférieur aux créances et la suppression des créances étaient conformes au test du créancier privé et ne constituent pas une aide d'État. Dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité, la WAK aurait perdu un montant au moins égal et probablement nettement plus élevé que ses créances restantes.
(85) Ce n'est qu'en évitant l'insolvabilité de la GfW et en réglant les créances restantes des entreprises viticoles et des négociants que la WAK a bénéficié de garanties sur le stock restant et a pu récupérer un montant plus élevé concernant les créances restantes que celui qu'elle aurait obtenu en cas d'insolvabilité.
(86) Dans une perspective ex ante, le comportement de la WAK a été correct, selon l'Allemagne, d'autant qu'elle est parvenue à obtenir un remboursement plus élevé en transformant sa situation de vulnérabilité en un droit de garantie primaire et qu'elle a évité la faillite imminente de la GfW. Selon l'Allemagne, toute banque privée aurait agi ainsi dans la même situation.
(87) Selon les autorités allemandes, une évaluation ex ante des comptes de la GfW aurait permis d'estimer que la poursuite des activités de la GfW aurait donné la possibilité à la WAK de récupérer 5 112 918,81 millions d'euro. Par ailleurs, si une procédure d'insolvabilité avait été ouverte à l'encontre de la GfW, la WAK aurait uniquement pu obtenir un remboursement maximal de 2,4 millions d'euro, soit une différence d'au moins 2,7 millions d'euro.
(88) Cela est confirmé par un rapport du 3 février 2003, réalisé par un auditeur indépendant (15), mandaté par la WAK et présenté par les autorités allemandes. Le rapport arrive à la conclusion que d'un point de vue économique, il était logique pour la WAK d'attribuer un rang inférieur à ses créances, d'en supprimer une partie selon le montant susmentionné et de renoncer au versement des intérêts futurs. Les motifs de cette conclusion, qui ont été présentés par l'Allemagne, sont les suivants:
- Si la WAK n'avait pas attribué un rang inférieur à ses créances, ni supprimé ses créances et renoncé au versement des intérêts, la GfW aurait dû demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité et être liquidée. Le paiement des créances de la WAK aurait dû être couvert par la vente des stocks de la GfW.
- Si la société avait été liquidée, la valeur du stock de la GfW aurait chuté. Le produit réel de la vente du stock n'aurait été que d'environ 50 à 70 % de sa valeur comptable. En conséquence, en autorisant les droits de garantie, le produit aurait été compris entre 1,84 million et 2,4 millions d'euro.
- Les procédures d'insolvabilité sont coûteuses.
- Le droit allemand relatif à l'insolvabilité ("InsO") prévoit un droit à règlement séparé pour les produits avec réserve de propriété, mais il est déterminé en fonction du choix de l'administrateur d'insolvabilité entre l'exécution du contrat et la ségrégation des actifs (paragraphe 103 du code InsO). La ségrégation des actifs n'est possible que si l'administrateur d'insolvabilité refuse d'exécuter le contrat, auquel cas le créancier peut résilier le contrat et exiger la ségrégation des actifs, et bénéficier d'une indemnité pour non-exécution du contrat. Les acomptes peuvent être déduits. A contrario, la GfW peut prétendre au remboursement des paiements déjà effectués, qui peuvent être déduits de l'indemnité pour non-exécution du contrat.
- En revanche, après l'attribution par la WAK d'un rang inférieur à une partie de ses créances, il était juridiquement possible pour la GfW d'éviter la procédure d'insolvabilité et après avoir supprimé une partie de ses créances et renoncé au versement des intérêts, il restait à la WAK des créances d'un montant de 5,15 millions d'euro qu'elle pouvait s'attendre à récupérer en raison du fait que la GfW pouvait poursuivre ses activités.
- Il est également souligné que si une procédure d'insolvabilité avait été ouverte, les remboursements du prêt d'un montant de 1 440 476,92 euro que la GfW a réalisés au bénéfice de la WAK entre le 1 er novembre et le 31 décembre 2000 pourraient avoir été contestés par la GfW en vertu de la législation sur l'insolvabilité. Cela aurait obligé la WAK à rembourser ces fonds.FR 26.5.2012 Journal officiel de l'Union européenne L 139/9
(89) L'Allemagne souligne que l'évaluation ex post montre que l'option de la subordination et de la suppression des créances était plus logique d'un point de vue économique, car les remboursements perçus en évitant la faillite de la GfW s'élevaient à 4 670 517,65 euro, soit un montant supérieur au montant maximal de 2,4 millions d'euro qui aurait pu être garanti en vertu de la procédure d'insolvabilité.
(90) L'Allemagne conclut que puisque la subordination et la suppression des créances étaient conformes au test du créancier privé, aucune aide n'a été accordée aux entreprises viticoles et aux négociants au moment de la subordination et de la suppression des créances par la WAK.
VI. ÉVALUATION DE L'AIDE
VI.1. Organisation commune du marché
(91) Jusqu'à l'entrée en vigueur du règlement (CE) n° 479-2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole (16), la viticulture et la vinification relevaient du règlement (CE) n° 1493-1999. Conformément à l'article 71 du règlement (CE) n° 1493-1999, les articles 87, 88 et 89 du traité (désormais les articles 107, 108 et 109 du TFUE) s'appliquent à la production et au commerce des produits relevant dudit règlement. Jusqu'au 31 juillet 2000, la viticulture et la vinification relevaient du règlement (CEE) n° 822-87. Conformément à l'article 76 du règlement (CEE) n° 822-87, les articles 92, 93 et 94 du traité (désormais les articles 107, 108 et 109 du TFUE) sont applicables à la production et au commerce des produits visés à l'article 1 er dudit règlement. Les mesures en cause doivent donc être examinées à la lumière de la réglementation relative aux aides d'État.
VI.2. Existence d'une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE
(92) L'article 107, paragraphe 1, du TFUE interdit, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
(93) La WAK est une entreprise de droit public financée, d'une part, par des fonds du Land de Rhénanie-Palatinat et, d'autre part, par des taxes parafiscales. La mesure est donc financée au moyen de ressources d'État.
(94) L'aide à une entreprise est considérée comme affectant les échanges entre États membres lorsque cette entreprise opère sur un marché ouvert aux échanges au sein de l'Union européenne (17), ce qui est le cas pour les produits agricoles, qui donnent lieu à des échanges importants au sein de l'Union. La mesure dont il est ici question est donc susceptible d'affecter les échanges entre États membres (18).
(95) La Cour a établi qu'afin d'apprécier si une mesure étatique constitue une aide au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE, il convient également de déterminer si l'entreprise bénéficiaire reçoit un avantage économique qu'elle n'aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (19), et/ou si la mesure a permis à l'entreprise de ne pas avoir à supporter des coûts qui auraient normalement dû grever ses ressources financières propres (20). Cet élément en soi suffirait à indiquer que la concurrence a potentiellement été faussée (21).
VI.2.1. Existence de l'aide à la Gesellschaft für Weinabsatz (GfW)
VI.2.1.a. L'octroi d'un prêt par la WAK
(96) Le prêt, d'un montant de 15 302 696,25 euro a été accordé par la WAK à l'automne 1999 à la GfW, à un taux d'intérêt compris entre 3,28 % et 5,25 % sur la durée de l'emprunt. Aucune prime de risque n'a été convenue. Le taux de référence en Allemagne pour cette période se situait entre 5,23 % et 6,33 %.
(97) L'Allemagne est du même avis que la Commission, à savoir que l'octroi du prêt n'a pas eu lieu aux conditions du marché. Si le prêt avait été octroyé aux conditions du marché, un taux de base plus élevé aurait été fixé et une prime de risque aurait été ajoutée, compte tenu de la sécurité limitée offerte par la garantie du prêt.
(98) On peut en conclure que le prêt octroyé à la GfW contenait un élément d'aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE, dans la mesure où la GfW a reçu un avantage économique qu'elle n'aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché. L'élément d'aide est calculé comme étant égal à la différence entre l'intérêt appliqué et le taux de référence majoré d'une prime de risque appropriée.
(99) Transfert possible de l'aide aux successeurs juridiques FR L 139/10 Journal officiel de l'Union européenne 26.5.2012
(100) D'après l'Allemagne, la GfW a été liquidée et dissoute le 1 er juin 2005. Tous les stocks résiduels liés aux derniers domaines d'activité ont été vendus. Tous les produits de la vente ont été utilisés pour rembourser la WAK. Il a été convenu avec l'acheteur (un particulier) que la valeur de tout le stock restant tel qu'il figurait sur la liste d'inventaire au 31 décembre 2004 serait transférée à la WAK fin 2005. Cette valeur correspondrait à la valeur de l'achat initial, soit 79 579,79 euro. L'entreprise GfW a été rayée du registre des sociétés courant 2006 et il n'existe aucun successeur juridique ni aucune entité juridique auprès desquels l'aide a pu être recouvrée. L'Allemagne indique que, selon une jurisprudence constante (22), il n'est pas possible de récupérer l'aide.
(101) Les actifs résiduels de la GfW ayant été vendus, l'acquéreur ayant acquis ces actifs a pu bénéficier de l'aide accordée à la GfW. Toutefois, l'acquéreur ayant payé le prix d'achat initial et le marché s'étant effondré au cours des années qui ont suivi, il est évident que le prix payé par l'acquéreur était au moins égal au prix du marché. La Commission en conclut donc qu'aucune aide n'a été transférée à l'acquéreur des stocks résiduels de la GfW. Dans le même temps, la société GfW ayant cessé d'exister, il s'ensuit qu'aucune n'aide ne peut être récupérée.
VI.2.1.b. La subordination des créances et leur abandon par la WAK
(102) La subordination des créances, leur suppression et le paiement des intérêts ayant été financés par les ressources propres de la WAK et par un prêt contracté par la WAK, il convient de considérer qu'ils ont été financés au moyen de ressources d'État.
(103) Pour déterminer si la subordination des créances, leur suppression et le paiement des intérêts constituent une aide de l'État à la GfW au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE, il est nécessaire d'établir si l'entreprise bénéficiaire reçoit un avantage économique qu'elle n'aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché, et/ou si la mesure a permis à l'entreprise de ne pas avoir à supporter des coûts qui auraient normalement dû grever ses ressources financières propres. Cette évaluation doit être menée au moyen du test du créancier privé. Le test du créancier privé vérifie si, dans les mêmes conditions de marché, un créancier privé aurait agi ou a agi de la même manière que le créancier public.
(104) Selon une jurisprudence constante, la suppression d'une partie des créances peut être nécessaire afin d'augmenter le montant effectivement recouvré. Un créancier privé agirait ainsi afin de minimiser ses pertes (23). Dans le cas d'une créance insuffisamment garantie, un accord visant à repousser le remboursement augmenterait les probabilités d'un remboursement sans pertes, le débiteur ayant alors l'opportunité de surmonter la crise et d'améliorer sa situation (24).
(105) Dans l'arrêt HAMSA (25), le TPI rejette la pratique antérieure de la Commission qui imposait un partage égal des suppressions de créances entre les créanciers publics et privés, à hauteur de leurs parts respectives dans la créance. Le Tribunal a établi que le test du créancier privé peut être appliqué même en cas de répartition asymétrique des suppressions de créances entre les différents créanciers. Selon les points 168 et 169 de l'arrêt:
"(168) Lorsqu'une entreprise confrontée à une détérioration importante de sa situation financière propose un accord, ou une série d'accords, d'aménagement de sa dette à ses créanciers en vue de redresser sa situation et d'éviter sa mise en liquidation, chaque créancier est amené à devoir faire un choix au regard du montant qui lui est offert dans le cadre de l'accord proposé, d'une part, et du montant qu'il estime pouvoir récupérer à l'issue de la liquidation éventuelle de l'entreprise, d'autre part. Son choix est influencé par une série de facteurs, tels que sa qualité de créancier hypothécaire, privilégié ou ordinaire, la nature et l'étendue des sûretés éventuelles qu'il détient, son appréciation des chances de redressement de l'entreprise ainsi que le bénéfice qui lui reviendrait en cas de liquidation. S'il s'avérait, par exemple, que, dans l'hypothèse de la liquidation d'une entreprise, la valeur de réalisation des actifs de celle-ci ne permettait de rembourser que les créances hypothécaires et privilégiées, les créances ordinaires n'auraient aucune valeur. Dans une telle situation, le fait pour un créancier ordinaire d'accepter de renoncer au remboursement d'une partie importante de sa créance ne constituerait pas un sacrifice réel.
(169) Il s'ensuit notamment que, à défaut de connaître les facteurs déterminant les valeurs respectives des choix offerts aux créanciers, le simple fait qu'il existe une disproportion apparente entre les montants auxquels les différentes catégories de créanciers ont renoncé ne permet pas à lui seul de tirer de conclusions quant à la motivation qui a conduit ceux-ci à accepter les remises de dettes proposées."
(106) En outre, dans l'arrêt HAMSA (26), le TPI a établi qu'un créancier public agit comme un créancier privé lorsqu'il décide de renoncer à une partie de ses créances après une évaluation complète et raisonnable de la somme qu'il peut s'attendre à récupérer, du risque de liquidation et de la probabilité de redressement de l'entreprise. Enfin, dans l'affaire Huta Cynku (27), la Commission a décidé qu'il n'est pas possible de parler d'avantage, et donc d'aide d'État, dès lors que la restructuration aboutir à des recettes supérieures à la liquidation.FR 26.5.2012 Journal officiel de l'Union européenne L 139/11
(107) Conformément à la jurisprudence citée plus haut, lorsque l'on évalue si un créancier privé aurait agi ou a agi de la même manière que la WAK, il est nécessaire de passer en revue les choix auxquels s'est trouvée confrontée la WAK lorsqu'il a été conclu que la GfW était acculée à la faillite, ainsi que les conséquences économiques de chacun de ces choix. Il convient en second lieu de procéder à un examen similaire pour les exploitants viticoles et les négociants, puis d'évaluer si la situation dans laquelle s'est trouvée la WAK peut être comparée et évaluée sur la base des décisions prises par les exploitants et négociants.
(108) Lorsqu'elle a été informée du risque d'insolvabilité de la GfW, la WAK s'est trouvée confrontée à deux options. Elle pouvait laisser la procédure d'insolvabilité suivre son cours, ou bien tenter d'éviter une telle situation en négociant avec la GfW un accord permettant à cette dernière de continuer ses activités. Sur la base des informations communiquées par l'Allemagne et étayées par un rapport d'un auditeur indépendant daté du 3 février 2003 (voir considérant 88), l'Allemagne indique que les conséquences économiques de chacun des choix auraient été les suivantes. Ex ante, en cas de procédure d'insolvabilité, la WAK pouvait espérer récupérer une partie de ses créances pour un montant maximal d'environ 2,4 millions d'euro. Dans le cas de la signature d'un accord entre la GfW et la WAK impliquant l'abandon d'une partie des créances et permettant de ce fait la poursuite des activités de la GfW, la WAK pouvait espérer ex ante recouvrer quelque 5,1 millions d'euro de ses créances. La différence de 2,7 millions d'euro entre les deux scénarios plaide en faveur de l'option visant à éviter la mise en faillite de la GfW. La question de savoir si les exploitants viticoles et les négociants auraient fait le même choix ne pèse que légèrement sur les calculs de recouvrement et ne modifie en rien le résultat de la comparaison des deux options.
(109) L'estimation du montant du recouvrement (2,4 millions d'euro) dans le cas d'une procédure d'insolvabilité qui figure dans le rapport se fonde sur l'hypothèse allemande selon laquelle les créances des exploitants viticoles et des négociants, d'un montant de 4,4 millions d'euro, auraient priorité sur celles de la WAK. La Commission européenne estime toutefois que selon la loi allemande en matière d'insolvabilité, seules les créances assorties d'une réserve de propriété prolongée détenues par les exploitants viticoles et les négociants auraient eu priorité sur les créances de la WAK. Les autres créances se seraient trouvées sur un pied d'égalité avec celles de la WAK. Les calculs effectués par la Commission européenne indiquent cependant que même en plaçant sur un même rang les créances de la WAK et des exploitants viticoles et des négociants, la WAK pouvait espérer récupérer 4,7 millions d'euro au maximum en cas d'insolvabilité (en se fondant sur un remboursement total maximal de 6,8 millions d'euro en cas d'insolvabilité, la WAK et les exploitants viticoles et les négociants recevant un montant proportionnel à la créance détenue, de 10 millions d'euro pour la WAK et de 4,4 millions d'euro pour les exploitants viticoles et les négociants). On peut en conclure que l'option la plus favorable ex ante pour la WAK était de permettre à la GfW d'éviter la faillite.
(110) Les exploitants viticoles et les négociants se sont trouvés quant à eux face à un calcul très différent. Premièrement, ils avaient déjà reçu 80 % du paiement des marchandises livrées. Deuxièmement, l'offre de la GfW ne leur permettait de récupérer que 10 % des 20 % restant dus. Cela signifie qu'en pratique, ils n'auraient reçu que 2 % supplémentaires du prix d'achat convenu, en cas de signature de l'accord. Ce montant est certainement moindre que ce qu'ils auraient pu espérer dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité, indépendamment de leur niveau de sûreté (réserve de propriété simple, étendue ou prolongée). Ils pouvaient espérer récupérer en moyenne 48 % des créances restantes (soit 2,1 millions d'euro sur les 4,4 millions d'euro restant dus). Il n'est donc pas surprenant que certains négociants ou exploitants viticoles aient refusé l'offre de la GfW. Troisièmement, il était parfaitement évident qu'il était de l'intérêt de la WAK d'annuler une partie de ses créances et éviter l'insolvabilité, même si cela n'était pas l'option choisie par les exploitants viticoles et les négociants, qui dans cette éventualité auraient récupéré une plus grande partie des créances restant dues que les 10 % proposés. Quatrièmement, plusieurs d'entre eux avaient déjà assigné la GfW en justice, et des jugements avaient été rendus en leur faveur, dans la mesure où ils obligeaient la GfW à honorer 80 % des créances restantes.
(111) On peut en conclure que malgré le fait que les exploitants viticoles et les négociants et la WAK avaient en commun d'être créanciers de la GfW, leurs choix respectifs et les conséquences de ces choix étaient si différents qu'ils ne peuvent pas être comparés. Le choix des exploitants viticoles et des négociants de ne pas annuler leurs créances ne devrait pas avoir une incidence négative lorsque l'on analyse si la WAK a agi conformément au critère du créancier privé.
(112) La comparaison des différentes options s'offrant à la WAK conduit la Commission à conclure que la subordination et la suppression partielles des créances le 4 décembre 2000 et le 21 février 2001, pour un montant total de 5 005 441,60 euro, ainsi que la renonciation aux intérêts à compter du 31 décembre 2000 constituaient l'option la plus favorable pour la WAK, et qu'elle est donc conforme au test du créancier privé. La subordination et la suppression des créances supposent un report de remboursement des dettes, ce qui est plus avantageux qu'une liquidation pour le créancier. Conformément à la jurisprudence constante (28), un créancier public comparera le montant qui lui est proposé dans le cadre de la restructuration et celui qu'il pourrait obtenir en cas de liquidation de la société. Il s'ensuit que la GfW n'a reçu aucun avantage qui ne lui aurait pas été octroyé dans les conditions normales du marché;FR L 139/12 Journal officiel de l'Union européenne 26.5.2012, par conséquent, aucune aide d'État n'a été octroyée à la GfW par suite de la décision de la WAK de subordonner et d'annuler une partie de ses créances.
(113) Au début de la procédure, des doutes ont été exprimés quant à la question de savoir si la WAK avait réellement limité la subordination et la suppression des créances au strict minimum. Les commentaires de l'Allemagne à cet égard indiquent toutefois que la WAK a annulé la partie de ses créances nécessaire pour couvrir le déficit de la GfW pour l'année 2000, ce qui était requis aux termes de la loi allemande sur l'insolvabilité (voir considérant 25) afin d'éviter la procédure d'insolvabilité et de permettre la poursuite des activités de la GfW. Aux termes du premier contrat signé le 4 décembre 2000 entre la GfW et la WAK, afin d'éviter l'insolvabilité de la GfW, la WAK convenait avec la GfW d'une subordination des créances pour un montant égal au déficit de la GfW après l'acceptation, par les exploitants viticoles et les négociants, d'annuler 90 % des créances restant dues; la WAK convenait en outre d'annuler le montant des créances subordonnées si la situation l'exigeait (voir considérants 79 et 80). Le fait que le montant de la suppression ait été plus important qu'initialement prévu s'explique par le fait que malgré les tentatives de la WAK et de la GfW de convaincre les exploitants viticoles et les négociants de contribuer à aider la GfW pour lui éviter l'insolvabilité (voir considérants 79 et 80 des observations des autorités allemandes), ces derniers ont pris la décision de n'annuler aucune de leurs créances pour les raisons exposées au considérant 110 ci-dessus. Comme indiqué au considérant 108, la décision des exploitants viticoles et des négociants de ne pas annuler une part des créances restantes n'a eu qu'un impact limité sur l'analyse économique de la WAK et n'en a pas modifié les conclusions: à savoir qu'il était préférable, sur un plan économique, que la WAK agisse en vue d'éviter la faillite de la GfW.
(114) La Commission en conclut que la subordination et la suppression partielles des créances par la WAK constituaient l'option la plus favorable pour cette dernière, que cette option est par conséquent conforme au principe du créancier privé et qu'elle ne doit donc pas être considérée comme une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE, accordée à la GfW.
VI.2.2. Existence d'une aide au bénéfice des exploitants viticoles et des négociants
(115) Lors de l'ouverture initiale et de l'extension ultérieure de la procédure formelle d'examen, la question a été posée de savoir si les exploitants viticoles et les négociants avaient bénéficié d'une aide éventuelle. Premièrement, la position de sécurité accordée à ces derniers par la GfW lors de l'achat semblait relativement forte, ce qui a conduit à se demander si une telle position de sécurité était véritablement conforme aux pratiques commerciales habituelles. Deuxièmement, il a été estimé que le prix d'achat payé pour le moût était supérieur au prix du marché. Troisièmement, la décision des exploitants viticoles et des négociants de n'annuler aucune de leurs créances lorsque la GfW s'est trouvée menacée de faillite a suscité des interrogations, au même titre que la décision de la WAK de subordonner puis d'annuler une partie de ses créances alors même qu'exploitants et négociants décidaient de ne pas annuler 90 % de leurs créances restantes (correspondant à 20 % de la valeur du stock).
VI.2.2.a. Au moment de l'achat du moût-position de sécurité octroyée
(116) Dans ses observations, l'Allemagne assure que les réserves de propriété simples, élargies ou prolongées accordées aux différents exploitants viticoles et négociants dans le cadre de l'achat du moût étaient parfaitement conformes aux pratiques commerciales habituelles. Cela signifie que malgré la position de sécurité relativement forte dont ont ainsi pu bénéficier ces exploitants et négociants, en particulier ceux ayant obtenu une réserve de propriété prolongée, cette position s'inscrivait dans les pratiques commerciales habituelles et n'offrait pas plus d'avantages que si ces exploitants et négociants avaient traité avec un acheteur privé.
(117) La Commission fait référence aux recommandations (29) communiquées par la fédération allemande des établissements vinicoles et de détaillants en vin de Trèves, la fédération allemande des négociants en vin de Mayence et l'association allemande des exploitants viticoles de Bonn (Der Bundesverband der Deutschen Weinkellereien und des Weinfachhandels e.V., Trier, der Bundesverband der Deutschen Weinkommissionäre e.V., Mainz und der Deutsche Weinbauverband e.V., Bonn) aux autorités allemandes en matière de concurrence (Bundeskartellamt), conformément à l'article 22, paragraphe 3, point 2, de la loi contre les restrictions de concurrence (des Gesetzes gegen Wettbewerbsbeschränkungen) (30). La première version de ces recommandations a été enregistrée en 1990 et la version actuellement en vigueur est celle de 2005. Ces recommandations établissent clairement que dans le cas où la totalité du prix d'achat n'est pas réglée au moment du transfert des marchandises, le vendeur doit conserver le titre de propriété jusqu'au paiement de la totalité du prix convenu. Les positions de sécurité accordées aux exploitants viticoles et aux négociants dans le cas présent leur ont octroyé des degrés de sécurité divers. Seuls les détenteurs d'une réserve de propriété prolongéeFR 26.5.2012 Journal officiel de l'Union européenne L 139/13 bénéficiaient d'une garantie de paiement totale. En d'autres termes, la position de sécurité des exploitants viticoles et des négociants n'était pas aussi forte en moyenne que celle préconisée dans les recommandations susmentionnées. Au vu desdites recommandations et de la position de sécurité réellement accordée, la Commission accepte par conséquent les affirmations de l'Allemagne assurant que l'octroi de positions de sécurité est conforme aux pratiques commerciales habituelles, comme cela a été le cas avec les exploitants viticoles et les négociants concernés, que la position de sécurité accordée n'était pas plus forte que dans le cadre d'un contrat normal entre deux parties privées et qu'elle ne constitue donc pas une aide d'État en faveur des exploitants viticoles et des négociants au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE.
V.I.2.2.b. Au moment de l'achat du moût-prix d'achat payé pour le moût
(118) Il a été dit, lors de l'ouverture des procédures, que le prix payé par la GfW pour le moût était supérieur au prix du marché. Le prix du marché pris en référence était celui du vin de table, à savoir 0,26 euro le litre. Les autorités allemandes décrivent en détail, dans leurs observations, la stratégie commerciale de la GfW; elles indiquent que le marché du vin de table ordinaire n'était pas le marché de référence et que la stratégie de la GfW comportait trois volets. Premièrement, acheter du moût de vin de table dans le but de prendre part au programme européen de distillation (40 % du stock). Deuxièmement, acheter du moût de qualité élevée dans l'intention de le vendre sur le marché du vin brut de grande qualité destiné à la production de vin mousseux (60 % du stock). Troisièmement, participer au programme de stockage de l'Union européenne avec 20 % du stock avant de les vendre pour la production de vins mousseux. Pour déterminer si ces deux produits relèvent du même marché, la Commission se réfère à la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (31). Le point 7 de la communication indique qu'"un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel ils sont destinés".
(119) Le marché concernant le moût acheté en vue de participer au programme de distillation de l'Union européenne est bien entendu celui du vin de table ordinaire. Toutefois, le prix qui s'applique doit être le prix payé pour le vin destiné à la distillation.
(120) Comme toute mesure d'intervention classique sur les marchés agricoles, la distillation préventive telle que prévue à l'article 38 du règlement (CEE) n° 822/87 a pour objectif principal d'éliminer l'offre excédentaire du marché vinicole. Le prix payé aux producteurs dans le cadre de ce programme volontaire de distillation devait donc être suffisamment élevé pour les inciter à consacrer une partie de leur vin à la distillation. Le prix annuel réel dans le cadre de la mesure de distillation défini par le Conseil s'élève à 65 % du prix dit d'orientation.
(121) Le prix d'orientation lui-même était fixé annuellement par le Conseil, dans le but affiché de soutenir le marché. Il devait donc évidemment être fixé à un niveau suffisamment élevé. Le règlement (CE) n° 1676-1999 du Conseil du 19 juillet 1999 fixant les prix d'orientation dans le secteur du vin pour la campagne 1999/2000 (32) définissait les prix d'orientation pour les différentes catégories de vin. Le prix pour la catégorie AII (vin de table blanc des variétés du type Sylvaner ou Müller-Thurgau) était fixé à 82,81 euro par hectolitre; celui pour la catégorie AIII (vin de table blanc des variétés du type Riesling) était fixé à 94,57 euro par hectolitre. Selon l'annexe III du règlement (CE) n° 1681-1999 de la Commission du 26 juillet 1999 fixant les prix d'achat et les aides ainsi que certains autres éléments applicables pour la campagne 1999/2000 aux mesures d'intervention dans le secteur vitivinicole (33), le montant exact payé pour la distillation dépendait du degré d'alcool du vin livré, car cette année- là, le prix pour la distillation préventive (65 % du prix d'orientation) était calculé par la Commission non pas par hectolitre mais par degré d'alcool par hectolitre.
(122) Le rôle principal de la Commission en ce qui concerne la distillation du vin était d'évaluer l'état réel du marché et de fixer en conséquence les quantités annuelles autorisées pour la distillation préventive dans chaque État membre. Conformément au règlement (CE) n° 2367/1999 de la Commission du 5 novembre 1999 ouvrant la distillation préventive visée à l'article 38 du règlement (CEE) n° 822-87 du Conseil pour la campagne 1999/2000 (34), 148 000 hectolitres ont été attribués au marché allemand pour la campagne viticole 1999/2000. Conformément au règlement (CE) n° 546-2000 de la Commission du 14 mars 2000 modifiant le règlement (CE) n° 2367-1999 ouvrant la distillation préventive visée à l'article 38 du règlement (CEE) n° 822-87 du Conseil pour la campagne 1999/2000 (35), cette quantité a été portée à 468 000 hectolitres. Le règlement (CE) n° 2367-1999 limitait à 40 % de la production la quantité de vin livrée pour la distillation. Les informations dont dispose la Commission indiquent que les producteurs allemands ont distillé environ 400 000 hectolitres dans le cadre de ce programme.
(123) L'Allemagne indique que le prix payé pour le vin destiné à la distillation se situait dans une fourchette allant de 0,50 euro à 0,55 euro par litre. Sur la base de la méthode de calcul décrite plus haut, la Commission juge réaliste le prix indiqué par l'Allemagne.
(124) La Commission en conclut que l'intervention de l'Union sur le marché en ce qui concerne une partie substantielle du vin a donné lieu à deux marchés distincts. Un premier marché sur lequel le prix de référence était le prix payé pour le vin affecté à la distillation (de 0,50 euro à 0,55 euro le litre dans le cas présent), et un second marché sur lequel le prix de référence était celui du marché. Le prix de 0,26 euro par litre cité dans la décision d'ouverture de la procédure ne peut donc pas être considéré comme le prix de référence pertinent pour le moût acheté en vue de la distillation.FR L 139/14 Journal officiel de l'Union européenne 26.5.2012
(125) Pour déterminer quel était le marché du moût acheté en vue de sa transformation en vin brut destiné à la production de vins mousseux, il convient d'évaluer en premier lieu si plusieurs marchés distincts existent pour le vin et si le moût acheté par la GfW relève du même marché que le vin de table. Il sera également nécessaire de décider si un vin de qualité supérieure pouvait atteindre des prix plus élevés. La Commission fait toujours référence dans ses statistiques à des prix différents selon la qualité du vin. Les experts internes de la Commission en matière vitivinicole font valoir que le prix du vin varie d'un lot à l'autre. Les chiffres disponibles dans ce domaine indiquent uniquement les prix moyens pour différentes qualités de vins. Le prix réel dépend de plusieurs facteurs, principalement la qualité, le vieillissement, la réputation, la demande et le degré d'alcool et le degré Oechsle. Le degré Oechsle indique la maturité et la teneur en sucre du raisin. C'est un paramètre important qui détermine le degré d'alcool naturel final d'un vin. Selon le Deutsches Weininstitute (Institut allemand du vin), pour produire du Sekt/vin mousseux, le vin brut doit avoir un degré élevé d'alcool (36).
(126) Cela conforte la thèse des autorités allemandes selon laquelle le degré Oechsle du moût destiné à produire un vin mousseux doit être plus élevé que lorsqu'il est destiné à fabriquer du vin de table. Il est donc normal de payer plus cher un moût présentant un degré Oechsle supérieur. La Commission considère donc comme recevables les arguments de l'Allemagne, selon lesquels il existe des marchés distincts et le prix du moût destiné à la fabrication de vin mousseux doit être supérieur au prix du moût destiné à la production de vin de table. La Commission admet en conséquence que le prix payé par la GfW au moment de l'achat ne peut pas être comparé au prix du vin de table, à savoir 0,26 euro le litre, comme cela avait été fait lors de l'ouverture de la procédure.
(127) L'Allemagne communique ensuite des informations relatives au prix qu'il est possible d'obtenir sur le marché de référence: celui du moût de grande qualité destiné à la fabrication de vin mousseux. En vertu de ces informations, le prix de base d'un litre de moût titrant 60 degrés Oechsle était de 0,312 euro sur le marché du vin brut destiné à la production de vins mousseux. Pour chaque degré Oechsle supplémentaire (jusqu'à un maximum de 80 degrés Oechsle), le litre coûtait 0,005 euro de plus. Le moût de grande qualité des entreprises viticoles et des négociants, 60 % du moût acheté, était payé selon ce principe. De plus, les chiffres de l'association allemande des exploitants viticoles (Deutsche Weinbauverband) relatifs aux importations, communiqués par les autorités allemandes, indiquent que sur la période 1998-2001, le vin blanc en vrac importé, adapté à la fabrication de vins mousseux en raison de sa qualité élevée, se vendait sur le marché à 0,38 euro le litre.
(128) La Commission est disposée à admettre les arguments de l'Allemagne indiquant que le prix du marché de référence se situe autour de 0,38 euro le litre, sur la base des informations de ses propres experts en matière vitivinicole sur le mode de détermination du prix du vin, des informations du Deustches Weininstitute susmentionnées et du calcul des bénéfices dans le plan d'affaires de la GfW.
(129) Le plan d'affaires de la GfW, communiqué par les autorités allemandes, indique qu'au moment de l'achat du moût, la GfW pensait pouvoir envoyer 40 % du stock en distillation préventive à un tarif compris entre 0,50 euro et 0,55 euro le litre, vendre 60 % du stock au prix de 0,375 euro le litre et obtenir, pour 20 % du stock, une subvention supplémentaire de l'Union européenne de 0,06 euro par litre pour le stockage du vin, avant de le vendre l'année d'après au prix de 0,375 euro le litre. Au total, l'entreprise comptait donc vendre son stock à un prix moyen compris entre 0,44 euro et 0,46 euro et dégager ainsi un bénéfice compris entre 0,06 euro et 0,09 euro par litre, correspondant à un gain total compris entre 2,640 millions d'euro et 3,96 millions d'euro.
(130) En 1999, la GfW a envoyé 40 % de ses stocks en distillation préventive, pour un prix compris entre 0,50 euro et 0,55 euro le litre. Vu la chute des prix sur le marché du vin à la fin de l'année 1999 - baisse non anticipée par la GfW en raison des niveaux de prix supérieurs de l'année antérieure - la GfW a décidé de ne pas vendre cette année-là son stock restant mais de le garder dans le but de le vendre en 2000 ou bien, dans l'hypothèse où les prix resteraient bas, de participer à une seconde campagne de distillation préventive. Cette décision se fondait sur l'hypothèse d'une poursuite du programme de distillation préventive. Or, le nouveau règlement (CE) n° 1493-1999 portant organisation commune du marché vitivinicole a supprimé la distillation préventive et l'a remplacée par la possibilité d'une distillation volontaire pour alimenter le marché de l'alcool de bouche. La distillation de crise, mesure mise en place récemment, ne peut être utilisée que dans le cas de perturbations exceptionnelles du marché. Le considérant 35 du règlement (CE) n° 1493-1999 mentionne expressément la suppression du régime de distillation en tant que débouché artificiel de la production excédentaire. Ce nouveau règlement est entré en vigueur le 31 juillet 2000.
(131) Pour la GfW, cela s'est traduit par des mesures de distillation pour la campagne viticole 2000/2001 beaucoup moins favorables que celles des années précédentes. En ce qui concerne la distillation aux fins d'approvisionner le marché de l'alcool de bouche, on ne pouvait atteindre qu'un prix qui équivalait approximativement à la moitié du prix moyen précédent (entre 0,50 euro et 0,55 euro par litre).
(132) Selon l'Allemagne, cette évolution n'était pas prévisible au moment où la GfW a pris la décision de conserver le vin en stock. La Commission estime au contraire que cette évolution était prévisible. La nouvelle organisation commune du marché vitivinicole avait pour objectif explicite de supprimer le système de distillation. Il aurait donc dû être évident aux yeux de la GfW, à l'époque où l'entreprise décidait d'opter pour une seconde campagne de distillation, que les mesures de distillation auxquelles elle pourrait recourir à partir du second semestre 2000 ne compenseraient en aucune manière la chute des prix sur le marché vinicole.FR 26.5.2012 Journal officiel de l'Union européenne L 139/15
(133) Toutefois, les arguments avancés sur la question de savoir si la GfW aurait dû être au courant des modifications du règlement sont hors de propos. Le plan d'affaires existant au moment de l'achat, sur la base duquel le comportement de la GfW en tant qu'investisseur privé devait être jugé, ne prévoyait qu'une seule campagne de distillation préventive. Cette campagne a effectivement eu lieu et la GfW a été payée entre 0,50 euro et 0,55 euro le litre. Le plan ne comportait pas de seconde campagne de distillation préventive; en conséquence, les bénéfices espérés par suite d'une telle opération de distillation ne rentraient pas dans le calcul des bénéfices totaux au moment de l'achat. Cette opération ne faisait pas partie du plan d'affaires et même s'il ressort clairement que la décision de la GfW de participer à une seconde campagne de distillation au moment de la chute des prix du marché était un mauvais choix, elle ne peut être considérée comme une aide d'État aux exploitants viticoles et aux négociants au moment de l'achat.
(134) Sur la base de ce qui précède, la Commission conclut que la GfW a payé le moût acheté à l'automne 1999 au prix du marché et qu'en conséquence, aucune aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE n'a été octroyée aux exploitants viticoles et aux négociants.
VI.2.2.c. Au moment de la subordination et de la suppression des créances par la WAK
(135) Il a été conclu au considérant 114 que la décision de subordonner et de supprimer les créances par la WAK a été prise dans son seul intérêt, conformément au test du créancier privé, et que par conséquent elle ne constituait nullement une aide d'État à la GfW. Le fait que cette décision favorise les exploitants viticoles et les négociants est sans objet, car ce résultat n'était pas le but visé, mais une simple conséquence des efforts de la WAK pour tenter de maximiser la récupération de ses propres fonds.
(136) La Commission conclut qu'en subordonnant et en supprimant ses créances, la WAK n'a accordé aux exploitants viticoles et aux négociants aucune aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE.
VI.3. Sur la qualification d'aide illégale
(137) L'élément d'aide contenu dans le prêt accordé par la WAK à la GfW ayant été octroyé et payé sans avoir été préalablement notifié à la Commission, il s'agit d'une aide illégale au sens de l'article 1er, point f), du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (37).
VI.4. Exemptions prévues à l'article 107 du traité applicable au prêt accordé à la GfW
(138) Il convient donc d'examiner si l'une des exemptions à l'interdiction des aides d'État au titre de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE s'applique en l'espèce.
(139) Du point de vue actuel, les exemptions établies à l'article 107, paragraphe 2, et à l'article 107, paragraphe 3, points a), b) et d), ne s'appliquent pas, étant donné que l'aide en cause n'est:
- ni une aide destinée à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi,
- ni une aide destinée à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre,
- ni une aide destinée à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elle n'altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l'Union dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
(140) La seule exception qui pourrait être applicable est donc celle prévue à l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE.
(141) Au moment de l'octroi de l'aide, les aides aux producteurs primaires étaient évaluées directement à la lumière de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE. Conformément à l'usage en vigueur à cette époque, les aides aux investissements, au crédit, au secteur de l'élevage, aux organisations de producteurs, à la publicité et à la promotion, aux indemnisations des dommages dus à des maladies, aux primes d'assurance et à l'assistance technique pouvaient être considérées comme compatibles avec le marché intérieur lorsqu'elles remplissaient certains critères. Toutefois, aucune des formes d'aide compatible mentionnées ne peut être utilisée pour exempter l'aide en cause.
(142) De plus, dans un souci d'exhaustivité, la Commission a examiné si les lignes directrices pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté n'étaient pas applicables au cas d'espèce. La première condition pour pouvoir bénéficier d'une aide au sauvetage ou à la restructuration est que l'entreprise en cause soit considérée comme étant en difficulté au sens des lignes directrices pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté (38). Il ne ressort pas des informations en possession de la Commission que l'entreprise ait été en difficulté au sens des lignes directrices susmentionnées au moment où l'aide a été octroyée. Ce n'est qu'un an plus tard, par suite de l'effondrement du marché, que la GfW s'est retrouvée en difficulté.FR L 139/16 Journal officiel de l'Union européenne 26.5.2012
(143) En tout état de cause, la Commission tient à souligner qu'il incombe à l'État membre concerné, pour s'acquitter de son devoir de coopération envers la Commission, de fournir tous les éléments de nature à permettre à cette institution de vérifier que les conditions de la dérogation dont il demande à bénéficier sont réunies (39). Dans ce cas-ci, l'Allemagne n'a pas communiqué des informations suffisantes permettant à la Commission d'évaluer les données à la lumière de ces lignes directrices, ni une documentation suffisante en vue de permettre à la Commission d'évaluer l'aide en cause à la lumière d'autres formes d'aide compatibles visées au point 126, et ce en dépit des informations communiquées par la Commission au point 44 de la décision d'ouverture de la procédure d'examen.
(144) Les mesures d'aide dont la compatibilité doit être évaluée directement à la lumière de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE doivent faire l'objet d'une évaluation restrictive. Il doit être clairement démontré que les effets positifs de la mesure d'aide l'emportent sur les effets préjudiciables que l'aide a pu avoir sur la concurrence et le bon fonctionnement du marché intérieur. Les aides d'État unilatérales simplement destinées à améliorer la situation financière des producteurs, mais qui ne contribuent en aucune manière au développement du secteur ne remplissent pas ces critères; elles sont donc assimilées à des aides au fonctionnement, incompatibles avec le marché intérieur.
(145) Pour les raisons exposées ci-dessus, l'aide accordée à la GfW sous la forme du prêt ne remplit aucun des critères définissant les exemptions visées à l'article 107, paragraphe 3. Elle constitue donc une aide incompatible avec le marché intérieur.
(146) Aucune autre exception au titre de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE ne s'applique.
VII. CONCLUSIONS
(147) Pour ces motifs, la Commission constate que le prêt accordé à la GfW ne peut être considéré comme compatible avec le marché intérieur. La Commission constate également que l'Allemagne a mis en œuvre illégalement la mesure en cause.
(148) Pour ces motifs, la Commission constate que la subordination ultérieure des créances ainsi que la suppression des créances et des paiements des futurs intérêts dus ne constituent pas une aide d'État, ni en faveur de la GfW, ni en faveur des exploitants viticoles et des négociants.
(149) Pour ces motifs, la Commission constate que l'achat de moût a été réalisé aux prix du marché et conformément aux pratiques commerciales habituelles, en vertu de quoi cet achat ne constitue pas une aide d'État aux exploitants viticoles et aux négociants.
(150) Lorsqu'une aide d'État accordée illégalement est jugée incompatible avec le marché intérieur, il s'ensuit qu'elle doit être recouvrée de manière à restaurer, dans toute la mesure du possible, la position concurrentielle telle qu'elle était avant l'octroi de l'aide en cause.
(151) Dans le cas présent, en l'absence de successeur juridique à la GfW, il ressort de la jurisprudence constante que le recouvrement de l'aide n'est pas possible (40),
A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
L'aide d'État d'un montant correspondant à la différence entre le taux d'intérêt du prêt octroyé à la GfW et le taux d'intérêt du marché majoré de la prime de risque qui aurait dû être appliquée au prêt, accordée illégalement par l'Allemagne à la société Gesellschaft für Weinabsatz Pfalz GmbH en violation de l'article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, est incompatible avec le marché intérieur.
Article 2
La subordination et la suppression des créances par la WAK ne constituent pas une aide à la GfW ni aux exploitants viticoles et aux négociants au sens de l'article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Article 3
L'achat de moût effectué par la GfW en 1999 ne constitue pas une aide aux exploitants viticoles et aux négociants au sens de l'article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Article 4
L'Allemagne ne devra pas récupérer l'aide visée à l'article 1 er auprès de l'entreprise bénéficiaire car celle-ci est insolvable; elle a été dissoute et rayée du registre des sociétés, sans successeur juridique.
Article 5
La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.
Notes
(1) À compter du 1 er décembre 2009, les articles 87 et 88 du traité CE sont devenus respectivement les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Les articles 87 et 88 du traité CE et les articles 107 et 108 du TFUE sont en substance identiques. Dans le cadre de la présente décision, les références aux articles 107 et 108 du TFUE doivent être entendues, s'il y a lieu, comme des références aux articles 87 et 88 du traité CE.
(2) JO C 69 du 19.3.2004, p. 11, et JO C 329 du 24.12.2008, p. 18.
(3) JO C 69 du 19.3.2004, p. 11.
(4) Le plaignant a envoyé des courriers de rappel à la Commission, mais n'a pas présenté d'autres observations formelles.
(5) JO C 329 du 24.12.2008, p. 18.
(6) Règlement (CEE) n° 822-87 du Conseil du 16 mars 1987 portant organisation commune du marché vitivinicole (JO L 84 du 27.3.1987, p. 1), à compter du 1 er août 2000; règlement (CE) n° 1493-1999 du Conseil du 17 mai 1999 portant organisation commune du marché vitivinicole (JO L 179 du 14.7.1999, p. 1).
(7) Voir par exemple la décision 2000-808-CE du Conseil du 19 décembre 2000 relative à l'octroi d'une aide nationale extraordinaire par les autorités de la République fédérale d'Allemagne à la distillation de certains produits du secteur vitivinicole (JO L 328 du 23.12.2000, p. 49).
(8) JO C 273 du 9.9.1997, p. 3.
(9) JO C 241 du 26.8.1999, p. 9.
(10) Arrêt de la Cour du 21 mars 1990 dans l'affaire C-142-87, Belgique/Commission (Tubemeuse), Rec. 1990, p. I-959.
(11) Arrêt de la Cour du 29 avril 1999 dans l'affaire C-342-96, Espagne contre Commission, Rec. 1999, p. I-2459.
(12) Arrêt de la Cour du 22 novembre 2007 dans l'affaire C-525-04, Espagne contre Lenzing, Rec. 2007, p. I-9947.
(13) Arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2002 dans l'affaire T-152/99, HAMSA contre Commission, Rec 2002, p. II- 3049.
(14) Décision 2008/142/CE de la Commission du 25 septembre 2007 concernant l'aide d'État C-32-06 (ex N 179/06) mise à exécution par la Pologne en faveur de Huta Cynku Miasteczko Slaskie SA.
(15) Wirtschaftsprüfungsgesellschaft Falk & Co. GmbH.
(16) JO L 148 du 6.6.2008, p. 1.
(17) Voir en particulier l'arrêt de la CJE du 13 juillet 1988, France/ Commission, C-102-87, Rec. 1988, p. 4067.
(18) Pour l'Allemagne, les échanges intracommunautaires de vin ont porté en 1999 sur un volume d'importation de 10 364 600 litres et sur un volume d'exportation de 1 881 900 litres. Aucune donnée n'est disponible concernant le Land de Rhénanie-Palatinat (Source: Office fédéral de la statistique).
(19) Arrêt de la Cour du 11 juillet 1996 dans l'affaire C-39-94, SFEI et autres, Rec. 1996, p. I-3547, point 60.
(20) Arrêt de la Cour du 14 février 1990 dans l'affaire C-301-87, France/Commission, Rec. 1990, p. I-307, point 41.
(21) Arrêt de la Cour du 17 septembre 1980 dans l'affaire C-730-79, Philip Morris/Commission, Rec. 1980, p. 2671.
(22) Voir note 10 de bas de page.
(23) Voir note 11 de bas de page.
(24) Voir note 12 de bas de page.
(25) Voir note 13 de bas de page.
(26) Voir note 13 de bas de page.
(27) Voir note 14 de bas de page.
(28) Arrêt de la Cour du 29 avril 1999 dans l'affaire C-342-96, Espagne/ Commission, Rec. 1999, p. I-2459, point 46; arrêt de la Cour du 29 juin 1999 dans l'affaire C-256-97, DMT, Rec 1999, p. I-3913, point 24; et arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2002 dans l'affaire T-152-99, HAMSA/Commission, Rec. 2002, p. II-3049, point 168.
(29) http://www.doerr-weinkommission.de/fileadmin/user_upload/agb_ doerr.pdf
(30) http://www.bundeskartellamt.de/wDeutsch/download/pdf/ Merkblaetter/Merkblaetter_deutsch/Konditionenempfehlungen0509. pdf
(31) JO C 372 du 9.12.1997, p. 5.
(32) JO L 199 du 30.7.1999, p. 7.
(33) JO L 199 du 30.7.1999, p. 15.
(34) JO L 283 du 6.11.1999, p. 10.
(35) JO L 67 du 15.3.2000, p. 7.
(36) http://www.deutscheweine.de/icc/Internet-EN/nav/0f2/0f207d71- 9ffe-401e-76cd-461d7937aae2&sel_uCon=02a235d6-994d-7017- 288b-5952196117f5&uTem=0e3307d7-19ff-e401-e76c- d461d7937aae
(37) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.
(38) JO C 288 du 9.10.1999, p. 2.
(39) Arrêt du Tribunal de première instance du 15 juin 2005 dans l'affaire T-171/02, Regione autonoma della Sardegna/Commission, Rec 2005, p. II-2123, point 129.
(40) Arrêt de la Cour du 2 juillet 2002 dans l'affaire C-499-99, Commission/Espagne (Magefesa), Rec. 2002, p. I-6031.