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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 7 décembre 2011, n° 10-07643

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Avenir Telecom (SA)

Défendeur :

Screenvision France (SAS), No Zapping Productions (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Conseillers :

MM. Fohlen, Prieur

Avoués :

SCP de Saint Ferreol, Touboul, SCP Giacometti Desombre, SCP Blanc Cherfils

Avocats :

Mes Mimran, Paszkiewicz Bonnabel

T. com. Marseille, du 11 mars 2010

11 mars 2010

EXPOSE DE L'AFFAIRE

La société Screenvision est une société de régie cinéma qui commercialise des espaces publicitaires dans les salles de cinéma auprès d'annonceurs et d'agences de publicité.

La société Avenir Telecom est spécialisée dans la téléphonie mobile.

Par contrat de mandat signé le 24 avril 2008, la société Avenir Telecom (l'annonceur) a mandaté l'agence de publicité No Zapping Productions en vue de l'achat d'espaces publicitaires auprès de la société Screenvision.

Deux bons de commande n° 8095/1 et 8095/2 ont été passés le 15 mai 2008 par la société No Zapping Productions chacun d'un montant respectif de 116 460,11 euro et de 83 317,83 euro.

Suite à ces deux bons de commande deux factures n° FR 08606-INSR-ON0034 du 30 juin 2008 pour un montant de 111 778.30 euro et n° FR 08606-INSR-ON-0035 du 30 juin 2008 pour un montant de 27 508 euro ont été émises par la société Screenvision envers la société No Zapping Productions.

Seul un règlement de 30 000 euro a été effectué par la société No Zapping Productions le 21 avril 2008.

Le 3 décembre 2008, la société Screenvision a adressé à la société No Zapping Productions une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception pour le solde des factures restant dû, soit 1a somme de 109.286.30 euro. Le 21 janvier 2009, une mise en demeure en termes identiques a été adressée à la société Avenir Telecom.

Un dernier règlement de 15 000 euro a été effectué le 2S février 2009 par la société No Zapping Productions.

La société Screenvision a saisi le 13 mars 2009 le Tribunal de commerce de Marseille pour réclamer la condamnation in solidum des sociétés Avenir Telecom et No Zapping Productions à lui payer la somme de 94 286,30 euro en principal.

Par jugement du 11 mars 2010, il a été fait droit aux réclamations présentées par la société Screenvision, la société No Zapping Productions, déboutée de sa demande de délai de paiement a été condamnée à relever et garantir la société Avenir Telecom.

La société Avenir Telecom a relevé appel de cette décision et soutient que la société No Zapping Productions n'a jamais reversé le montant des factures à la société Screenvision alors qu'elle-même avait rempli ses obligations en réglant les sommes dues directement auprès de son mandataire, et qu'elle n'est redevable d'aucune somme envers la société Screenvision. Elle fait en effet valoir que si le mandant est tenu d'exécuter les engagements du mandataire, tel n'est pas le cas lorsque les parties ont prévu que le paiement des factures incombera exclusivement à l'agence et non à l'annonceur. Elle ajoute que la société Screenvision était parfaitement informée de ce fait puisqu'elle a adressé sa mise en demeure uniquement à la société No Zapping Productions et qu'elle n'avait pas reçu de facturation.

Elle estime donc qu'il est incontestable que la société Screenvision a manifesté son acceptation de principe pour que le paiement de ses factures soit effectué uniquement par l'agence No Zapping Productions.

Elle conclut donc à la réformation du jugement, et à sa mise hors de cause.

À titre subsidiaire, elle demande à être relevée et garantie par la société No Zapping Productions des condamnations prononcées à son encontre.

En tout état de cause, elle réclame 5 000 euro à titre de dommages et intérêts et une somme identique sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société No Zapping Productions expose que contrairement à ce qu'elle avait conclu en première instance, elle conteste aujourd'hui être débitrice de la société Avenir Telecom pour la somme de 94 286,30 euro. Elle soutient au contraire qu'elle est créancière de ladite société pour une somme de 48 205 euro. Elle fait aussi valoir qu'elle subit un préjudice lié à la rupture unilatérale et sans préavis du mandat conclut avec la société Avenir Telecom.

La société No Zapping Productions demande à la cour de statuer ainsi :

- Prendre acte que la société No Zapping Productions conteste devoir la somme de 94 286,30 euro,

- Constater que la société Avenir Telecom est débitrice de la somme de 48 205 euro à l'égard de la société No Zapping Productions,

- Constater que la société Avenir Telecom a commis une faute à l'égard de la société No Zapping Productions en annulant de manière abusive et sans aucun dédommagement financier les commandes fermes passées auprès de cette dernière,

- Constater que la faute de la société Avenir Telecom a causé l'arrêt de l'activité de la société No Zapping Productions ainsi que ses difficultés financières et commerciales,

A titre principal, compte tenu des sommes dues par la société Avenir Telecom à la société No Zapping Productions et de la faute commise par la société Avenir Telecom à son encontre

- Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Marseille sauf en ce qu'il l'a condamnée (la société No Zapping) solidairement au paiement de la somme principale de 94 286,30 euro,

- Dire et juger, en conséquence, que la société No Zapping ne devra pas relever et garantir la société Avenir Telecom laquelle s'est acquittée de la somme de 94 286,30 euro entre les mains de la société Screenvision,

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour réformerait le jugement du tribunal de commerce et mettrait la société Avenir Telecom hors de cause,

- Condamner la société Avenir Telecom à relever et garantir la société No Zapping de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre en principal, intérêts, accessoires y compris sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour entrerait en voie de condamnation à l'encontre de la société No Zapping,

- Accorder, sur le fondement de l'article 1244-1 du Code civil, à la société No Zapping des délais de paiement de 24 mois,

- Rejeter la demande reconventionnelle de condamnation au paiement de dommages et intérêts formulée par la société Avenir Telecom.

La société No Zapping Productions sollicite en outre 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Screenvision fait valoir que la société No Zapping, qui n'a jamais contesté les prestations de Screenvision, n'a nullement relevé appel de la décision rendue à son détriment, laquelle sera donc confirmée.

Elle rappelle que la société No Zapping a la qualité de mandataire de la société Avenir Telecom dans la mesure où elle passe au nom et pour le compte de cette dernière les ordres d'achats d'espaces publicitaires.

Cette qualité de mandataire résulte non seulement du contrat de mandat conclu entre No Zapping et Avenir Telecom le 24 avril 2008 mais également des dispositions d'ordre public de la loi du 29 janvier 1993 qui obligent les parties à une telle relation contractuelle à nouer un contrat de mandat. Elle soutient que lorsque le mandataire indique au tiers qu'il agit en cette qualité et qu'il n'a pas outrepassé ses pouvoirs, le mandant se trouve alors tenu envers le tiers avec lequel il a contracté.

En conséquence elle conclut à la confirmation du jugement et sollicite 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte des pièces versées aux débats que le 4 avril 2008, la société Avenir Telecom a conclu un contrat de mandat avec la société No Zapping Productions dont l'objet était le suivant : "la mission de l'agence portera sur l'achat d'espaces sur les supports publicitaires de la société Screenvision à savoir les écrans de cinéma du parc national Screenvision exclusivement pour le compte de l'annonceur".

L'article 2.2 du contrat prévoyait que l'agent passera au nom et pour le compte de l'annonceur les ordres d'achat d'espaces auprès des supports dans le cadre du plan multimédia retenu.

Suite à des commandes effectuées le 15 mai 2008, la société Screenvision a émis deux factures adressées à la société No Zapping Productions pour un montant de 27 508 euro et de 111 778,30 euro.

La société No Zapping Productions n'a réglé qu'un acompte de 30 000 euro le 24 avril 2008 et un second acompte de 15 000 euro le 5 février 2009.

La société No Zapping Productions qui ne prouve pas avoir réglé cette dette est donc débitrice du solde soit la somme de 94 286,30 euro envers la société Screenvision en vertu des factures précitées.

Il ressort des dispositions de l'article 1998 du Code civil que le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire. L'article 20 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 prévoit d'ailleurs que le paiement effectué par l'annonceur, soit en l'espèce la société Avenir Telecom, au profit de la société No Zapping Productions n'est pas libératoire envers le vendeur de l'espace publicitaire.

La société No Zapping Productions a exécuté les termes du mandat et n'a pas outrepassé les pouvoirs qui lui étaient conférés.

S'il résulte de l'article 20 alinéa 3 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 que le vendeur d'espaces publicitaires doit en toute hypothèse communiquer directement ses factures à l'annonceur, cette obligation n'a pas pour sanction la perte du droit à rémunération dont le vendeur est titulaire à l'encontre de l'annonceur.

L'article 3.3 du contrat de mandat passé entre la société No Zapping Productions et la société Avenir Telecom prévoit que "l'agence procédera directement au paiement des acomptes et factures dus par l'annonceur pour les achats d'espaces négociés dans le cadre du présent mandat, ce dernier s'engageant à lui rembourser les sommes avancées, concomitamment, sur présentation des justificatifs nécessaires, à savoir la facture acquittée par l'agence de l'achat d'espaces et la facture de l'agence telle que mentionnée ci-après.

Les factures d'achat d'espaces seront en conséquence libellées au nom de l'agence à charge pour elle de procéder à leur refacturation à l'annonceur".

La société Avenir Telecom a réglé la société No Zapping Productions en méconnaissance de ces dispositions et doit supporter les conséquences de sa faute.

La société Avenir Telecom ne peut arguer du fait que la société Screenvision ait envoyé le 3 décembre 2008 une lettre de mise en demeure à la société No Zapping, alors qu'elle-même n'a reçu de mise en demeure que le 21 janvier 2009 pour en déduire que le tiers au contrat de mandat, la société Screenvision "avait parfaitement connaissance" que le paiement de factures ne pouvait être effectué que par la société Screenvision.

La société Avenir Telecom est donc condamnée in solidum avec la société No Zapping Productions à payer à la société Screenvision la somme de 94 286,30 euro avec intérêts à compter de l'assignation.

Les articles 2003 et 2004 du Code civil prévoient que le mandant peut révoquer la procuration qu'il a donnée à tout moment sauf à ne pas commettre un abus de droit.

La société No Zapping Productions prétend être créancière de la somme de 48.205 euro envers la société Avenir Telecom ainsi que cela ressort de son "grand livre" pour avoir été victime d'une rupture abusive du contrat de la part de cette société qui était son unique client, et indique que son chiffre d'affaires pour l'exercice clôturé le 30 septembre 2010 sera probablement déficitaire.

Toutefois, compte tenu du comportement pour le moins répréhensible de la société No Zapping Productions, qui bien qu'ayant encaissé le montant des factures que lui a réglées la société Avenir Telecom n'a pas reversé en totalité les sommes perçues à la société Screenvision, la révocation du mandat par la société Avenir Telecom n'était nullement abusive et ne peut ouvrir droit au profit de la société No Zapping Productions à des dommages et intérêts et ne peut être relevée et garantie par la société Avenir Telecom des condamnations prononcées envers la société Screenvision.

La demande en paiement présentée par la société No Zapping Productions est donc rejetée.

La société Avenir Telecom qui a versé à la société No Zapping Productions le montant des sommes réclamées par la société Screenvision est fondée à être relevée et garantie par la société No Zapping Productions de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre en vertu de l'article 3.3 du contrat de mandat selon lequel l'agence doit garantir l'annonceur "contre toutes revendications pécuniaires ou autres qui pourraient être formées à un titre quelconque par des personnes physiques ou morales, qu'elles aient ou n'aient pas participé au présent contrat".

La société No Zapping Productions qui a déjà bénéficié d'un délai supérieur à deux années pour acquitter sa dette et qui ne justifie pas d'une situation particulière est déboutée de sa demande de délai paiement.

Le jugement attaqué est donc confirmé en toutes ses dispositions.

Il est équitable de condamner in solidum la société No Zapping Productions et la société Avenir Telecom à payer à la société Screenvision une indemnité de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société No Zapping Productions dont les demandes sont rejetées est condamnée à payer à la société Avenir Telecom, qui ne justifie pas d'un préjudice autre que celui résultant de l'obligation de plaider pouvant ouvrir droit de dommages intérêts, la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme jugement attaqué, Y ajoutant, Condamne in solidum la société No Zapping Productions et la société Avenir Telecom à payer à la société Screenvision une indemnité de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société No Zapping Productions à payer à la société Avenir Telecom la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples, Condamne la société No Zapping Productions aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.