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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 6 mai 2008, n° 06-08900

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Colorado (SAS)

Défendeur :

L'Occitane (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maron

Conseillers :

MM. Boilevin, Coupin

Avoués :

SCP Bommart Minault, SCP Jupin & Algrin

Avocats :

Mes Ennochi, Lagarde

TGI Nanterre, du 26 oct. 2006

26 octobre 2006

FAITS ET PROCEDURE :

La société L'Occitane exerce ses activités dans les cosmétiques et les produits désodorisants pour la maison.

Fin mars 2000, dans le cadre d'un appel d'offre pour l'attribution de son budget publicitaire, elle est entrée en relation avec la société Colorado qui exerce l'activité d'agence conseil en communication.

Le 2 avril 2000, les deux sociétés ont conclu un accord de confidentialité aux termes duquel l'agence s'engageait à protéger le caractère confidentiel des informations que lui confierait la société L'Occitane concernant ses produits.

Le 26 avril 2000, la société Colorado a proposé à la société L'Occitane la signature "une histoire vraie".

Le jour de la présentation de son projet à la société L'Occitane, la société Colorado a déposé à l'INPI la marque "une histoire vraie" sous le n° 003024 128 et sa traduction anglaise "a true story" sous le n° 00 3 024 137.

A la suite de cet appel d'offre, la société L'Occitane a décidé de confier son budget publicitaire à la société Colorado.

C'est dans ces conditions que le 15 juin 2000 a été signé entre Colorado et L'Occitane un contrat de conseil en communication.

Par lettre en date du 13 juin 2002, la société L'Occitane écrit à la société Colorado en lui indiquant notamment :

"Je souhaite donc nous donner plus de latitude en vous prévenant dans le délai requis par notre contrat (6 mois avant le 31 décembre 2002) que nous ne souhaitons pas le renouveler dans sa forme actuelle et que nous y mettrons donc un terme à la date du 31 décembre 2002".

A la suite de ce courrier, les relations entre la société L'Occitane et la société Colorado se sont poursuivies sous des formes différentes de celles prévues au contrat du 15 juin 2000, la société Colorado facturant des prestations à la société L'Occitane en précisant expressément la durée de son droit d'utilisation de ses créations ainsi que les supports et les zones géographiques autorisés.

Par lettre en date du 15 avril 2005, la société L'Occitane a écrit à la société Colorado que leurs relations cesseraient après le 31 décembre 2005.

Cependant, la société L'Occitane a continué à utiliser les marques "une histoire vraie" et "a true story" aux fins de promouvoir ses produits sur les territoires français et américain.

C'est dans ces conditions que par exploit en date du 04 avril 2006, la société L'Occitane a assigné la société Colorado devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour obtenir que soit ordonné le transfert à son profit des marques françaises "une histoire vraie" n° 3024.128 et "a true story" n° 3024.137 et que soit ordonné à Colorado, sous astreinte de 5 000 euro par jour de lui céder la marque américaine "a true story" n° 2661607.

Subsidiairement, il était demandé de dire que Colorado avait frauduleusement déposé les marques "une histoire vraie" n° 3.024.128 et "a true story" n° 3.024.137 et le prononcé de leur nullité et, plus subsidiairement encore, qu'il soit dit que les marques "une histoire vraie" n° 3.024.128 et "a true story" n° 3.024.137 n'ont pas été exploitées depuis leur date d'enregistrement et que soit prononcée leur nullité pour non-exploitation.

Enfin, il était demandé qu'il soit fait interdiction à Colorado de faire tout usage, dans la vie des affaires, des dénominations "une histoire vraie" et "a true story" pour désigner des produits cosmétiques sous astreinte de 1 500 euro par infraction à compter de la signification du jugement à intervenir, toute utilisation distincte constituant une infraction séparée ainsi que sa condamnation à payer à L'Occitane une somme de 60 000 euro de dommages et intérêts,

Par le jugement déféré, en date du 26 octobre 2006, le Tribunal de grande instance de Nanterre a notamment ordonné le transfert des marques françaises "Une histoire vraie" et "A true story" enregistrées sous les n° 3 024 128 et 3 024 137 pour les produits de parfumerie, produits cosmétiques, shampoings, lotions pour cheveux, savons, désodorisants (d'atmosphère) autre qu'à usage personnel inscrits dans les classes 3 et 5, au profit de la société l'Occitane et fait injonction à la société Colorado d'établir un acte de cession de la marque américaine "A true story" n° 2 2661607 au profit de la société l'Occitane sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard.

La société Colorado a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Au soutien de ce recours, elle fait valoir que la signature "une histoire vraie" est le fruit d'un travail de son équipe créative effectué antérieurement à toute relation avec l'Occitane. Ce travail n'était pas nécessairement destiné à un client ou à un prospect déterminé, mais constituait un fonds créatif permettant de proposer aux clients ou futurs clients de l'agence des axes de communication.

Elle souligne que l'article 2 du contrat du 15 juin 2000 stipule notamment que "du seul fait de l'acceptation par l'annonceur des propositions que l'agence aura faites sur la base d'indications fournies par l'annonceur, tous les droits de propriété intellectuelle, artistique ou industrielle auxquels pourraient donner lieu les créations, conceptions ou inventions contenu dans ces propositions et qui auront été dûment acceptées et exploitées pendant 3 années consécutives dans le cadre du présent contrat, deviendront la propriété exclusive de l'annonceur" et rappelait également que "cette propriété s'étend à l'ensemble des créations réalisées par l'agence dans le cadre de la compétition organisée par l'annonceur et qui a conduit les parties à conclure le présent contrat".

Enfin, ce même article stipulait que dans l'hypothèse où le contrat serait résilié avant l'issue d'une période de 3 ans, la cession des créations pourrait être demandée par la société L'Occitane dans l'année suivant la rupture du contrat moyennant le règlement d'une somme forfaitaire fixée à 1 200 000 F (182.938,82 euro) HT si le contrat s'arrêtait au 31 décembre 2000, à 600 000 F (91.469,41 euro) HT si le contrat s'arrêtait au 31 décembre 2001, et à 200 000 F (30.489,80 euro) HT si le contrat s'arrêtait au 31 décembre 2002.

Or la société L'Occitane, après avoir résilié le contrat, n'a pas sollicité la cession des droits des créations de la société Colorado contractuellement prévue par l'article 2 de leur contrat du 15 juin 2000 en payant la somme forfaitaire contractuellement prévue.

Par la suite, et par lettre en date du 15 avril 2005, L'Occitane a écrit à la société Colorado : "même si nos relations ne sont plus régies par un cadre contractuel fixe depuis la dénonciation du contrat du 15 juin 2000, afin d'éviter toute ambiguïté je tiens à vous signifier formellement, par la présente, que nos relations cesseront après le 31 décembre 2005."

"De ce fait et dans le but de vous montrer que vous êtes toujours dans la course pour l'après 2005, nous sommes prêts à vous aider dans ces efforts, notamment en passant vos honoraires à 30 000 euro par mois jusqu'au 31 décembre 2005 et ce à partir d'avril 2005.

"Je tiens à souligner que cette augmentation d'honoraires implique certaines garanties de votre part, auxquelles nous vous demandons de souscrire par retour de courrier : (...) la cession de votre part, dans le cadre de ces montants, de tous droits d'exploitation et notamment de reproduction, représentation, adaptation, traduction concernant votre travail pour nous, c'est-à-dire notre capacité à utiliser librement les créations tant visuelles qu'écrites ou orales sur tous supports dans le monde après le 31 décembre 2005."

Par ce courrier, L'Occitane proposait clairement à la société Colorado une augmentation de rémunération de 10 000 euro par mois pendant 9 mois, soit 90 000 euro en contrepartie notamment de la cession des droits sur les créations de l'agence, ce qu'elle a refusé. Pour autant, L'Occitane a continué à utiliser les marques dont la société Colorado est titulaire aux fins de promouvoir ses produits sur les territoires français et américain, puis l'a assignée, initiant ainsi la présente instance.

C'est à juste titre, estime Colorado, que le premier juge a considéré que les dépôts n'avaient pas été réalisés en violation de dispositions contractuelles et que l'application de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle devait être écartée. La société L'Occitane, à qui incombe la charge de prouver la fraude qu'elle allègue.

La simple proposition de la signature "une histoire vraie" par la société Colorado, signature qui préexistait aux contacts alors noués entre les deux sociétés, ne liait pas la société L'Occitane, le contrat n'ayant d'ailleurs été signé entre les parties que deux mois plus tard et le jour de la présentation effectuée auprès de la société L'Occitane, la société Colorado a pris le soin de déposer auprès de l'INPI, les signes "une histoire vraie" sous le n° 3 024 128 et sa traduction anglaise "a true story" sous le n° 3 024 137, et ce afin d'assurer la protection maximale à ses idées qu'elle divulguait et alors qu'elle n'a remporté la compétition et signé un contrat de conseil en communication avec la société L'Occitane que le 15 juin 2000. Il ne saurait lui en être fait grief.

Au demeurant, constituant une œuvre de l'esprit de la société Colorado, la signature "une histoire vraie" préexistait à ces dépôts auprès de l'INPI.

Ces marques ne sont pas visées par la cession de droits contractuellement organisée par l'article 2 du contrat, lorsqu'il stipule que "du seul fait de l'acceptation par l'annonceur des propositions que l'agence aura faites sur la base des indications fournies par l'annonceur, tous les droits de propriété intellectuelle, artistique ou industrielle auxquels pourraient donner lieu les créations, conceptions ou inventions contenues dans ces propositions, qui auront été dûment acceptés et exploitées durant 3 années consécutives dans le cadre du présent contrat, deviendront la propriété exclusive de l'annonceur, notamment les droits de reproduction, de représentation et d'adaptation. Cette propriété s'étend à l'ensemble des créations réalisées par l'agence dans le cadre de la compétition organisée par l'annonceur et qui a conduit les parties à conclure le présent contrat.".

Il est fantaisiste, de la part de la société L'Occitane, d'arguer que l'intention de nuire de la société Colorado résulterait de "ses motifs secrets" lors des dépôts de lui céder les marques à l'issue de leur collaboration. En effet, à la date des dépôts, la société Colorado ne pouvait avoir un tel dessein dès lors qu'elle ignorait si elle collaborerait avec la société L'Occitane et a fortiori si les signes qu'elle avait créés serait ou non exploités aux fins de promouvoir les produits L'Occitane à laquelle elle était alors seulement liée par un accord de confidentialité. Il s'ensuit que la société L'Occitane ne peut prétendre que la société Colorado aurait eu connaissance à la date des dépôts, le 26 avril 2000, d'une nécessité pour elle de disposer des signes "une histoire vraie" et "a true story" pour ses activités ultérieures.

Ainsi, la Société L'Occitane ne rapporte nullement la preuve, dont la charge lui incombe, de la fraude de la Société Colorado, qu'il s'agisse de l'intention de nuire ou même, à supposer cette notion applicable, de la "volonté délibérée de s'approprier le marché".

S'agissant de la marque "a true story", le 24 octobre 2001, la société Colorado a procédé au dépôt de cette marque américaine en vue de son exploitation paisible sur le territoire américain dans le cadre de ses campagnes pour la société L'Occitane. Il s'agissait de la simple extension de la protection découlant de la marque "une histoire vraie".

C'est de façon erronée que la société L'Occitane croit pouvoir prétendre que ce dépôt serait frauduleux en ce qu'il violerait les dispositions de l'article 2.1 du contrat du 15 juin 2000 lesquelles organisent la cession des droits de la société Colorado sur certaines de ses créations au profit de la société L'Occitane. En effet, en aucun cas, la société L'Occitane ne disposait de droits sur ce signe, pas plus que sur les marques françaises, du seul fait de la conclusion du contrat du 15 juin 2000, puisque que la signature "une histoire vraie", dont "a true story" n'est que la traduction anglaise, a été créée par la société Colorado avant que la société L'Occitane ne rentre en contact avec elle à la fin du mois de mars 2000.préexistaient à leur dépôt à titre de marque.

L'article 2.1 du contrat du 15 juin 2000 a trait à la cession des droits de l'agence à sa cliente. Il prévoit que : "du seul fait de l'acceptation par l'annonceur des propositions que l'agence aura faites sur la base des indications fournies par l'annonceur, tous les droits de propriété intellectuelle, artistique ou industrielle auxquels pourraient donner lieu les créations, conceptions ou inventions contenues dans ces propositions, qui auront été dûment acceptés et exploitées durant 3 années consécutives dans le cadre du présent contrat, deviendront la propriété exclusive de l'annonceur, notamment les droits de reproduction, de représentation et d'adaptation. Cette propriété s'étend à l'ensemble des créations réalisées par l'agence dans le cadre de la compétition organisée par l'annonceur et qui a conduit les parties à conclure le présent contrat."

Aussi, la signature "une histoire vraie" ne répond-elle pas aux critères des créations pour lesquelles cet article 2.1 organise sous conditions une cession de droit à son profit dès lors qu'elle n'a pas été créée dans le cadre de la compétition organisée par elle mais qu'elle lui préexistait. En tout état de cause cet article subordonnait expressément la cession des droits de la société Colorado sur ses créations au profit de la société Colorado notamment à une exploitation durant trois années consécutives des créations de la société Colorado pour la société L'Occitane dans le cadre du contrat d'exclusivité ou, dans l'hypothèse d'une résiliation, au paiement d'une somme forfaitaire dont le montant variait suivant le terme contractuel.

Ainsi que même dans l'hypothèse où le signe "une histoire vraie" aurait été visé par le contrat, la société L'Occitane n'aurait pas disposé de droits sur les créations de la société Colorado du seul fait de sa conclusion. Aussi est-ce à tort que la société L'Occitane prétendait qu'il incombait à la société Colorado de déposer la marque américaine "a true story" directement à son nom et non au sien et en déposant le signe "a true story" à titre de marque en son nom, loin de vouloir nuire aux intérêts de la société L'Occitane, la société Colorado s'est simplement assurée conformément à ses obligations de conseil et aux stipulations de l'article 8 du contrat, que sa cliente pourrait l'exploiter paisiblement sur le territoire américain.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, Colorado estime que la demande de transfert de la marque est non seulement non fondée, mais même irrecevable. En effet, souligne-t-elle, l'alinéa 2 de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle dispose qu'"à moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement."

Or c'est par exploit en date du 4 avril 2006 que la société L'Occitane a engagé son action en revendication des marques litigieuses. Elle était dès lors prescrite.

Si la cour considérait que les marques étaient des créations dont la cession de droits était envisagée par le contrat, Colorado lui demande de constater que la société L'Occitane a résilié le contrat dont elle réclame l'exécution le 13 juin 2002. Aussi les marques "une histoire vraie" et "a true story" n'ont-elles pu être exploitées durant trois années consécutives dans le cadre du contrat du 15 juin 2000 et c'est en vain que la société L'Occitane prétend que la société Colorado aurait reconnu la prééminence du contrat du 15 juin 2002 en citant amplement le courrier de son directeur général en date du 3 janvier 2006. Celui-ci, n'est pas juriste et qu'il a manifestement commis une erreur dans l'appréciation des droits de la société Colorado.

En revanche, la facturation de la société Colorado postérieure à la résiliation du contrat démontre que ce dernier ne régissait plus ses relations avec la société L'Occitane.

Sur la demande de L'Occitane tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle et que soit prononcée la déchéance pour non exploitation des marques depuis leur date d'enregistrement, Colorado fait valoir qu'en application de ce texte, est assimilé à un usage de la marque celui fait avec le consentement du propriétaire de celle-ci.

Tel a bien été le cas en l'espèce, la société L'Occitane ayant exploité les marques dont s'agit, comme elle le reconnaît dans ses écritures, et ce avec le consentement de la société Colorado.

Aussi la déchéance de ses droits ne saurait-elle être prononcée.

Soulignant que qu'il ressort des pièces versées aux débats que la société L'Occitane continue d'utiliser les marques "une histoire vraie" et "a true story" dont la société Colorado est titulaire pour promouvoir son image et celles de ses produits aussi bien sur le territoire français qu'aux Etats-Unis, Colorado demande à la cour de juger que l'action de L'Occitane est abusive et de la condamner à lui payer la somme de 20 000 euro de dommages et intérêts.

Enfin, elle sollicite la somme de 5 000 euro conformément aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

Attendu, sur la demande de transfert des marques formée sur le fondement des articles 1134 du Code civil et 2 du contrat du 15 juin 2000 et la demande de dommage intérêts, que l'article 2-1 de la convention dont exécution est demandée prévoit en son premier alinéa que "du seul fait de l'acceptation par l'annonceur des propositions que l'agence aura faites sur la base d'indications fournies par l'annonceur, tous les droits de propriété intellectuelle, artistique ou industrielle auxquels pourraient donner lieu les créations, conceptions ou inventions contenu dans ces propositions et qui auront été dûment acceptées et exploitées pendant 3 années consécutives dans le cadre du présent contrat, deviendront la propriété exclusive de l'annonceur, notamment les droits de reproduction, de représentation et d'adaptation" et précise que "cette propriété s'étend à l'ensemble des créations réalisées par l'agence dans le cadre de la compétition organisée par l'annonceur et qui a conduit les parties à conclure le présent contrat"; que le quatrième alinéa du même article prévoit de son côté qu'"il est toutefois expressément convenu qu'avant l'issue d'une période de 3 années, si l'annonceur décide de résilier le présent contrat, conformément à l'article IX, l'annonceur aura la faculté de procéder librement à l'usage de tous les travaux de création effectués par l'agence et exploités par l'annonceur si ce dernier en fait la demande écrite à l'agence par lettre recommandée. Cette cession pourra être demandée, dans l'année suivant la rupture du contrat ou dans les années suivantes selon la décision de l'annonceur, contre paiement à l'agence, par l'annonceur d'une somme forfaitaire définie ci-après : - arrêt du contrat au 31 décembre 2000, forfait de cession : 1 200 000 F (182 938,82 euro) HT , - arrêt du contrat au 31 décembre 2001, forfait de cession : 600 000 F (91 469,41 euro) HT, - arrêt du contrat au 31 décembre 2002, forfait de cession : 200 000 F (30 489,80 euro) HT" ;

Attendu que par télécopie et lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 juin 2002, la société L'Occitane écrit à la société Colorado en lui indiquant notamment : "Je souhaite donc nous donner plus de latitude en vous prévenant dans le délai requis par notre contrat (6 mois avant le 31 décembre 2002) que nous ne souhaitons pas le renouveler dans sa forme actuelle et que nous y mettrons donc un terme à la date du 31 décembre 2002" ; que ce même courrier précisait que les parties étaient en discussion pour négocier pour "aboutir à un nouveau contrat" ;

Attendu que ce courrier constitue une résiliation conforme aux prévisions contractuelles de l'article IX du contrat qui prévoyait que "le présent contrat est établi pour une durée déterminée commençant à courir le 1er juin 2000 pour finir le 31 décembre 2000. A défaut de dénonciation à l'initiative de l'une ou l'autre des parties, il se renouvellera par tacite reconduction pour des périodes successives d'un an, chacune des parties ayant la possibilité d'y mettre un terme à l'expiration de chaque période de validité, moyennant un préavis de six mois signifié par lettre recommandée avec accusé de réception avant l'expiration de la période en cours" ;

Attendu que le dépôt à l'INPI de la marque "une histoire vraie" sous le n° 003024 128 et de sa traduction anglaise "a true story" sous le n° 00 3 024 137 a été effectué le 26 avril 2000 par la société Colorado ;

Attendu que celle-ci ne démontre pas que la signature "une histoire vraie" aurait été créée de façon abstraite, antérieurement à l'appel d'offres de la société L'Occitane ; qu'à cet égard l'attestation d'Olivier Bensimon, qui fait état de faits peu crédibles, est formellement contredite par celle de Bruno Sutter ; qu'au demeurant et surabondamment, la cour relève qu'elle n'est pas conforme aux prescriptions de l'article 202 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'il en résulte que la signature "une histoire vraie" fait partie des "créations, conceptions ou inventions contenu dans (les) propositions" de Colorado "faites sur la base d'indications fournies par" L'Occitane et rentrant dans le champ d'application de l'article 2-1 de la convention signée, le 15 juin 2000, entre ces deux sociétés ;

Attendu que, n'étant pas certaine d'être choisie, par L'Occitane, pour le marché de publicité pour lequel elle concourrait, il était légitime que Colorado protégeât pour elle-même, ces signatures ; que d'autre part dans la mesure où elle remportait ce marché, le dépôt par elle fait, constituait une "création, conception ou invention contenue dans (les) propositions" rentrant dans le champ d'application de l'article 2-1 du contrat; qu'il était dès lors justifié, voire nécessaire, que, dans l'intérêt du client potentiel, elle en ait préalablement assuré la protection ; que dès lors le dépôt le 26 avril 2000, par Colorado, des marques dont transfert est demandé, a été effectué sans fraude ni mauvaise foi, tant au regard des dispositions de l'article L. 712-16 du Code de la propriété intellectuelle qu'à celui des principes généraux du droit, notamment exprimés dans l'adage "fraus omnia corrumpit" ;

Attendu en conséquence que, par application des dispositions de l'article L. 712-6, alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle, la revendication de L'Occitane, engagée plus de trois ans après le 2 juin 2000, date de publication des marques dont transfert est demandé se heurte à la prescription ;

Attendu surabondamment que L'Occitane ne serait pas fondée à solliciter le transfert, sans contrepartie, des marques "une histoire vraie" et "a true story" par application des stipulations de l'article 2-1 du contrat du 15 juin 2000, ces stipulations soumettant un tel transfert à "une demande écrite à l'agence par lettre recommandée (...) dans l'année suivant la rupture du contrat ou dans les années suivantes selon la décision de l'annonceur" et, le contrat ayant pris fin au 31 décembre 2002, au paiement d'un "forfait de cession" de 200 000 F (30 489,80 euro) HT ;

Attendu, en ce qui concerne le dépôt de la marque américaine "a true story", effectué le 24 octobre 2000 sous le numéro 76 152 802 que Colorado, titulaire légitime des marques françaises "une histoire vraie" et "a true story" se devait d'assurer la protection de cette dernière, afin de permettre à L'Occitane d'en jouir paisiblement pendant la durée de leurs relations régies par le contrat du 15 juin 2000 et, le cas échéant, d'en devenir propriétaire, selon les modalités stipulées à l'article 2-1 du contrat précité ; que ce dépôt, non plus, ne saurait être considéré comme entaché de fraude ;

Attendu, sur la déchéance des marques, qu'il n'est pas contestable et qu'il est démontré par les propres productions de L'Occitane, que cette société a exploité les marques "une histoire vraie" et "a true story" jusqu'au 31 décembre 2002 ;

Attendu qu'il n'est pas contestable que cette exploitation a, durant cette période, été faite avec le consentement de Colorado, propriétaire des marques, puisque tel était l'un des objets du contrat du 15 juin 2000 ;

Attendu que, postérieurement à cette date et jusqu'en 2008, L'Occitane a poursuivi ces mêmes exploitations ;

Attendu que, toujours postérieurement à cette date, des relations contractuelles se sont poursuivies entre L'Occitane et Colorado jusqu'au 31 janvier 2005 ; que tant les courriers échangés que les factures montrent que l'exploitation des marques "une histoire vraie" et "a true story" par L'Occitane a continué à être effectuée au su et du consentement de Colorado ; qu'en particulier le courrier de cette dernière société du 3 janvier 2006, soit immédiatement après la fin de ses relations contractuelles avec L'Occitane, indique : "l'utilisation de ces deux marques dans le cadre des campagnes publicitaires qui pourraient être réalisées par votre société après l'application (sic) de nos relations contractuelles ne rentre pas dans le cadre des dispositions de l'article 2 du contrat et, en conséquence, aucune utilisation de ces marques ne pourra être effectuée sans notre autorisation" ;

Attendu que ce courrier démontre tant l'autorisation d'exploitation antérieure au 31 décembre 2005 que son retrait explicite à compter du 3 janvier 2006 ; qu'en conséquence, la déchéance des marques françaises "une histoire vraie" et "a true story" ne saurait être prononcée ;

Attendu dans ces conditions qu'il ne saurait être fait droit à la demande de L'Occitane de faire interdiction à Colorado de faire usage des marques objets du litige ;

Attendu, sur la demande reconventionnelle de Colorado, que cette société se borne à faire valoir que la demande de L'Occitane serait "totalement infondée" et "particulièrement abusive" ;

Attendu cependant que pour non fondée qu'elle est, la demande de L'Occitane ne présente pas un caractère abusif, donc fautif ; qu'au demeurant Colorado n'allègue pas même un préjudice, se bornant, sans justifications aucunes, à demander 20 000 euro de dommages intérêts ;

Attendu que l'équité conduit à condamnation de L'Occitane à payer à Colorado la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau, Déboute L'Occitane de toutes ses demandes, Déboute Colorado de sa demande de dommages intérêts, Condamne L'Occitane à payer à Colorado la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, La condamne aux dépens, Admet la SCP Bommart-Minault, avoués, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.