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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 25 juin 2009, n° 07-14575

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Magimmo (SARL)

Défendeur :

Regicom (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Conseillers :

MM. Fohlen, Jacquot

Avoués :

SCP Liberas-Buvat-Michotey, SCP Tollinchi Perret-Vigneron Baradat-Bujoli-Tollinchi

Avocats :

Mes Auperin Moreau, Campocasso

T. com. Aix-en-Provence, du 10 juill. 20…

10 juillet 2007

FAITS - PROCEDURE - DEMANDES

Selon contrat n° 411616 du 21 septembre 2004 dénommé "bon d'achat d'espace" la SARL Magimmo, exerçant à Paris l'activité d'agence immobilière sous les enseignes Magimmo et Profimmo, a confié à la SARL Regicom, moyennant le prix de 65 660,40 euro, la parution de 30 publicités hebdomadaires sur une durée d'environ une année cii dernière page du journal Top Annonces autrement appelé Paris Boum Boum. Ces deux sociétés sont en relations pour ce type de contrat depuis plusieurs années (1991 selon la SARL Magimmo, 2000 au vu des contrats communiqués).

Pour la semaine n° 27 du 4 juillet 2005 les publicités objet du contrat du 21 septembre 2004 sont parues dans une page intérieure du journal A Nous Paris.

Le 7 octobre 2005 la SARL Magimmo a assigné la SARL Regicom en résiliation judiciaire du contrat et en dommages et intérêts devant le Tribunal de Commerce d'Aix-en-Provence, qui par jugement du 10 juillet 2007, a :

* rejeté toutes les demandes de la première société ;

* condamné la même à payer à la seconde société une somme de 1 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SARL Magimmo a interjeté appel. Concluant le 17 décembre 2007 elle soutient que :

- elle a découvert les publicités pour elle-même dans le numéro du 4 juillet 2005 de A Nous Paris, qui est un journal d'actualités et non d'annonces, qui n'est pas distribué comme Top Annonces sur le trottoir à l'extérieur de nombreux commerces de proximité, et qui ne peut se substituer à ce second journal sans préjudice pour elle-même ; la rupture brutale sans avis préalable de la publication des annonces dans Top Annonces, ainsi que la publication sans avertissement ni autorisation dans un autre journal, constituent une faute contractuelle ;

- la SARL Regicom s'est toujours engagée à faire paraître les annonces sur la quatrième page de couverture, et l'article 55 des conditions générales de vente permet d'écarter la surfacturation ;

- du fait de la rupture brutale des relations par la SARL Regicom elle-même a perdu en 2005, sur la base d'un chiffre d'affaires correspondant à 8,42 % de son investissement publicitaire, une moyenne de 278 682,50 euro et une marge brute de 250 000 euro.

L'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat du 21 septembre 2004 aux torts de la SARL Regicom;

- condamner cette dernière à lui payer la somme de 250 000 euro à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier et commercial subi ;

- condamner la SARL Regicom à lui payer la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 6 novembre 2008 la SARL Regicom répond que :

- l'éditeur du journal Top Annonces Paris Boum Boum a interrompu la parution de ce titre le 30 juin 2005, événement qui ne dépend pas de la volonté d'elle-même et s'impose à elle sans la rendre responsable (article 27 des conditions générales de vente) ; ses clients ont été avisés le 22 juin 2005 du changement de journal et ont tous sauf la SARL Magimmo (soit 79) consenti à travailler désormais avec A Nous Paris ; elle a accepté l'annulation à compter du 1er juillet 2005 de la commande passée le 21 septembre 2004 ;

- elle n'a pas pris l'engagement de faire paraître les annonces de la SARL Magimmo sur le support Top Annonces Paris ni en dernière page, cette société n'ayant jamais acquitté la facturation spécifique à cet emplacement (article 10 des conditions générales de vente) ; l'impact publicitaire de A Nous Paris est bien plus grand, le nombre d'exemplaires étant le double avec diffusion dans le réseau métro-RER, des commerces de surface, les campus des grandes écoles et les cinémas Gaumont et Pathé; la SARL Magimmo a elle-même demandé à ne plus paraître dans A Nous Paris ;

- le préjudice allégué n'est pas établi: le chiffre d'affaires HT de la SARL Magimmo a augmenté entre 2004 et 2005 ; les 8,42 % cités représentent en réalité le pourcentage de l'investissement publicitaire par rapport au chiffre d'affaires, et le contrat avec elle-même ne constitue qu'environ 40 % du budget publicitaire de la SARL Magimmo.

L'intimée demande à la cour de confirmer le jugement et en outre de condamner la SARL Magimmo au paiement de la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 avril 2009.

MOTIFS DE L'ARRET

La SARL Regicom ne démontre pas avoir adressé à la SARL Magimmo sa lettre du 22 juin 2005 par laquelle elle informe ses annonceurs que Top Annonces Paris sera remplacé par A Nous Paris à compter du 20 juin 2005 (en réalité du 4 juillet). De plus l'avocat de la seconde société a écrit à la première le 8 juillet pour se plaindre non de cette lettre mais de ce remplacement constaté par sa cliente elle-même. C'est donc de manière unilatérale et sans l'accord de la SARL Magimmo que la SARL Regicom a procédé au remplacement précité, alors que toute modification d'un contrat doit être l'objet d'un consentement de toutes les parties à celui-ci ; en outre la disparition de Top Annonces Paris, bien que non imputable à la SARL Regicom, n'obligeait pas la SARL Magimmo à accepter que ses publicités paraissent désormais dans A Nous Paris comme l'avait décidé la SARL Regicom seule, laquelle ne pouvait en effet imposer ce nouveau journal à son cocontractant.

Il est exact que l'article 10 des conditions générales de vente régissant le contrat du 21 septembre 2004 stipule que "l'indication d'emplacement (...) ne peut être qu'indicative et ne pourra être revendiquée que si elle a été l'objet d'une facturation spécifique ou l'objet d'un pourcentage de majoration" ; cependant la cour constate qu'aucun des bons d'achat d'espace souscrits par la SARL Magimmo, qui pourtant mentionnent tous un emplacement en dernière page de Top Annonces ou de Boum Boum, ne prévoit de surfacturation ni de majoration pour cet emplacement, alors pourtant que cette dernière page a jusqu'à fin juin 2005 toujours été consacrée à cette société ; cette constatation signifie que la SARL Regicom a écarté l'article 10 au profit de l'article 55 lui réservant le droit d'établir des "tarifs spéciaux ou promotionnels ou résultant de négociations et ce pour des raisons particulières telles que (...) ancienneté et qualité des rapports avec l'annonceur".

S'étant clairement engagée à faire paraître les publicités de la SARL Magimmo pour l'année 2004/2005 en dernière page de Top Annonces, c'est-à-dire à un emplacement particulièrement efficace pour attira les futurs clients, la SARL Regicom commet une faute contractuelle en transférant celles-ci en page intérieure de A Nous Paris à compter du 4 juillet 2005 à sa seule initiative et sans en informer son cocontractant ; le caractère déterminant et essentiel pour les parties de l'emplacement de ces publicités vu son efficacité rend cette faute suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation du contrat du 21 septembre 2004 aux torts de la SARL Regicom, ce qui conduira la cour à infirmer le jugement ayant décidé le contraire.

Il n'a y donc pas lieu d'examiner si le journal A Nous Paris est ou non plus efficace que Top Annonces pour la diffusion des publicités en faveur de la SARL Magimmo, ce qui fait que n'est pas applicable au litige l'article 27 des conditions générales de vente excluant le versement d'une indemnité par la SARL Regicom en cas d'arrêt du journal convenu dans le contrat.

La publicité confiée à la SARL Regicom ne représente qu'une partie de celle de la SARL Magimmo (en 2004 et en HT 53 950 euro sur 133 793,72 euro ; en 2005 et en HT 33 860 euro sur 75 186,44 euro); par ailleurs les chiffres d'affaires et résultats d'exploitation de la SARL Magimmo ont été :

-en 2004 de 1 150 056,60 euro et de 14 324 euro;

-en 2005 de 1 164 635,81 euro et de 19 345 euro mais en incluant une nouvelle agence ouverte en septembre (soit après la cessation des annonces publicitaires) et qui a dégagé 219 000 euro de chiffre d'affaires et un résultat non individualisé. Il y a donc bien eu pour la SARL Magimmo du fait de cette cessation un préjudice financier que la cour chiffrera à la somme de 15 000,60 euro.

Enfin ni l'équité, ni la situation économique de la SARL Regicom, ne permettent de rejeter la demande faite par son adversaire au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

DECISION

LA COUR, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire et prononcé par mise à disposition au greffe. Infirme le jugement du 10 juillet 2007. Prononce la résiliation du contrat du 21 septembre 2004 aux torts de la SARL Regicom, et condamne cette société à payer à la SARL Magimmo : * la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts, * une indemnité de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette toutes autres demandes. Condamne la SARL Regicom aux entiers dépens, avec droit pour les avoués de la cause de recouvrer directement ceux dont d'appel ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.