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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 26 avril 2012, n° 10-03710

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Saraydarian

Défendeur :

The Little Gym France (SARL), The Little Gym International Inc.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gaget

Conseillers :

MM. Martin, Semeriva

Avocats :

Mes de Fourcroy, Sautereau, Selarl Roche, Associés, SCP Laffly-Wicky, SCP Granrut Avocats, SCP Brondel Tudela

T. com. Lyon, du 7 avr. 2010

7 avril 2010

EXPOSÉ DU LITIGE

M. Saraydarian a assigné la société The Little Gym France (TLGF), franchiseur, en nullité de contrat de franchise, remboursement du droit d'entrée et indemnisation de son préjudice ; il a par la suite étendu ses demandes à la société américaine The Little Gym International (TLGI), franchiseur principal.

Après avoir rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par cette dernière, le Tribunal de commerce de Lyon a débouté M. Saraydarian en le condamnant aux dépens et au paiement aux défenderesses de la somme de 8 000 euro chacune au titre des frais irrépétibles ; il a également rejeté les demandes reconventionnelles.

Au soutien de son appel, M. Saraydarian fait valoir que l'article 333 du Code de procédure civile donnait compétence au tribunal saisi pour statuer à l'égard de la société TLGI et :

- que le contrat est nul pour défaut de cause, faute de transmission de savoir-faire de la part du franchiseur,

- qu'il est encore nul pour dol, le franchiseur ayant faussement fait croire que l'activité sportive d'éveil qu'il proposait pouvait être exercée sans disposer des diplômes que la loi exige pourtant en pareil cas et ayant donné de fausses informations quant à la réalité de son réseau,

- qu'il est nul, enfin, pour violation de l'obligation d'information précontractuelle, en ce que cette information quant à l'état du marché local notamment, est insuffisante, ce qui aboutit à un travestissement de la réalité qui a altéré le consentement du franchisé,

- qu'en toute hypothèse, la société TLGF a manqué aux obligations résultant de ce contrat en s'abstenant de collaborer avec le franchisé,

- que la société TLGI est de mauvaise foi et l'a induit en erreur sur son adresse réelle.

Il demande en conséquence :

- de condamner solidairement les deux parties intimées à lui payer une somme de 56 297,20 euro au titre de la remise en état et plus particulièrement des frais engagés pour payer le droit d'entrée et les différentes formations et celle de 166 037,20 euro en réparation de son préjudice,

- de condamner la société TLGI à lui payer une somme de 10 000 euro en réparation de son préjudice,

- de lui allouer une somme de 10 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société TLGF soutient qu'elle a apporté à M. Saraydarian tous les éléments qui lui ont permis de s'engager, puis de se désengager en toute connaissance de cause, que les griefs qui lui sont à présent adressés sont artificiels et reposent sur des faits erronés ; elle demande la confirmation du jugement et la condamnation de M. Saraydarian au paiement d'une indemnité de 10 000 euro.

La société TLGI conclut au mal fondé des demandes et à la confirmation du jugement ; elle forme appel incident pour conclure à l'incompétence de la juridiction française et réclame 30 000 euro à titre dommages-intérêts pour procédure abusive et 8 000 euro pour ses frais irrépétibles.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société américaine TLGI a été appelée en intervention forcée devant le Tribunal de commerce de Lyon ; en l'absence de volonté contraire des parties, notamment de compromis, voire de clause compromissoire ou attributive de compétence, la prorogation résultant de l'article 333 du Code de procédure civile s'applique en l'espèce et la compétence de la juridiction saisie sur la demande formée contre la société TLGF n'étant pas discutée, le jugement faisant application de cette prorogation doit être confirmé.

Sur la demande de nullité du contrat de franchise :

- Quant à l'absence de cause :

Il résulte des productions que le concept développé par les sociétés TLG a été mis au point en 1976 et qu'environ 300 centres, répartis dans 22 pays, l'utilisent afin de proposer des activités pour enfants âgés de quatre mois à douze ans dans le but de favoriser leur développement psychomoteur.

Le tribunal a par ailleurs énuméré les pièces propres à démontrer la réalité d'un savoir-faire, transmis en français pour sa plus grande part ; le fait que certains éléments sont en langue anglaise n'implique nullement que leur contenu est inexploitable ou même inadéquat.

La présentation de certaines informations sous la seule forme de tables des matières suffit à démontrer qu'ils couvrent des domaines divers en rapport avec les activités concernées et contiennent notamment un manuel de formation ainsi que des extraits de documents accessibles via l'extranet du franchiseur donnant accès aux informations indispensables pour l'exercice de la prestation visée au contrat.

La description de ces activités dans les articles de presse produits aux débats montre qu'elles empruntent des formes spécifiques, notamment au travers de l'association des parents aux activités des enfants, de sorte que, dans son ensemble ou dans la configuration et l'assemblage précis de ses composants, le savoir-faire ainsi mis en œuvre n'était pas généralement connu ou facilement accessible.

Il est ainsi établi que le franchiseur disposait bien d'un ensemble secret, substantiel et identifié d'informations pratiques non brevetées, résultant de son expérience.

Ce savoir-faire avait d'ailleurs été testé dans de nombreux pays, et notamment en France, puisque le franchisé pilote exerçait à Lyon depuis le mois de septembre 2000 ; dans la mesure où M. Saraydarian a pris contact avec la société TLGF au mois de septembre 2003 et où il a signé le contrat de franchise le 17 mars 2004, il a été en mesure d'apprécier son adéquation réelle aux particularités du pays.

Le seul fait que les sessions de formation organisées par la suite ont été animées par des franchisés, voire même par de futurs franchisés, n'implique nullement que la transmission de ce savoir était défectueuse, dès lors que les outils émanant du franchiseur étaient suffisamment précis et concrets pour en permettre la maîtrise ; l'insistance sur les méthodes de gestion, eu égard à l'importance de ce domaine dans la direction d'une entreprise, ne constitue pas plus un manquement aux obligations de transmission de savoir-faire, mais un complément nécessaire qui ne peut être imputé à faute au franchiseur.

Certes, cette situation pouvait être de nature à justifier un accompagnement plus précis et plus concrètement en relation avec les spécificités et contraintes quotidiennes du métier, mais cela supposait que le franchisé débute son activité, ce qui précisément n'a jamais été le cas, et en toute hypothèse cette exigence ultérieure est sans portée quant à la réalité d'un savoir-faire identifié.

Qu'en définitive, le réseau n'ait pas réussi en France n'implique pas de conséquence quant à l'existence du savoir-faire du franchiseur.

M. Saraydarian n'est pas fondé à soutenir que le contrat était dépourvu de cause, faute d'existence ou de transmission correcte d'un savoir-faire qu'il n'a d'ailleurs jamais mis en œuvre.

Ce moyen doit être écarté.

- Quant au grief de dol :

L'obligation légale pour le franchisé de disposer du diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification visé à l'article L. 212-2 du Code du sport pour être autorisé, contre rémunération, à enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive n'était pas formellement affirmée par le ministère compétent au moment où les parties ont négocié puis conclu leur convention.

Au mois d'août 2004, ce dernier indiquait en effet que l'activité donnant lieu à la franchise correspondait à "de l'éveil corporel et musical" ; ce courrier fait certes état d'une tranche d'âge erronée (4 à 36 mois), mais il n'est pas établi que cette erreur est le fait du franchiseur.

Ce n'est qu'au mois de décembre 2004, quatre ans donc après le début d'activité du centre pilote de Lyon, que, revenant sur cette position, le ministère indiquait qu'il s'agissait là d'une activité sportive au sens du texte précité.

Dans la mesure où la société TLGF précisait dans sa plaquette d'information que le personnel devait, lui, être titulaire d'un diplôme tel que Staps ou Bafa, M. Saraydarian n'est pas fondé à lui reprocher d'avoir dissimulé, quant aux obligations susceptibles d'incomber au gérant, une situation qui ne s'est révélée qu'après la conclusion du contrat de franchise et qui, pour lui, est demeurée sans conséquence démontrée.

- Quant au manquement aux obligations d'information précontractuelle :

Le franchiseur n'étant pas tenu de remettre une étude du marché local au candidat franchisé, auquel il appartient de procéder lui-même à une analyse d'implantation précise, l'ensemble des éléments visés à l'article 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991 figurent dans le document remis à M. Saraydarian.

Ce document retraçant exactement l'état du réseau à cet instant, les griefs formulés à ce propos, qui concernent en réalité son évolution ultérieure, sont sans fondement.

En toute hypothèse, M. Saraydarian ne prouve pas, au regard notamment des éléments précédemment exposés et du fait encore qu'il a agi trois ans après la signature du contrat, en ayant entre-temps négocié les termes de son retrait du projet en faisant état, non d'une erreur ou d'une tromperie, mais d'une baisse de motivation, que son consentement aurait été vicié, ou même seulement qu'il n'était pas pleinement éclairé au moment de son engagement.

Ce reproche ne saurait être accueilli, pas plus que celui tiré d'un manquement du franchiseur à ses obligations de loyauté et de bonne foi.

S'agissant du grief pris du manquement du franchiseur à ses obligations contractuelles, M. Saraydarian évoque, non seulement ce prétendu manque de loyauté et de bonne foi, mais également l'absence d'assistance de la société TLGF dans la recherche d'un local adapté.

Ce reproche est également dépourvu de toute substance, dans la mesure où il appartient au candidat franchisé de prendre la mesure des contraintes techniques et commerciales que suppose l'activité envisagée, notamment en mettant à profit le délai légal de réflexion pour recueillir, particulièrement auprès du franchisé pilote, les éléments nécessaires à l'appréciation de la faisabilité du projet.

Le seul fait, en conséquence, qu'aucun local adéquat n'a pu finalement être trouvé ne peut être imputé à la faute du franchiseur.

Quant à l'action menée contre la société TLGI, M. Saraydarian trouve la preuve des manœuvres dolosives et de la mauvaise foi sur lesquelles il fonde sa demande dans le fait que cette société lui aurait indiqué de fausses adresses à l'occasion de son appel en cause.

Si même, il en est résulté que la procédure a pu en être ralentie, il n'est pas de dommage, M. Saraydarian n'adressant aucun grief à cette société quant aux circonstances mêmes de l'engagement dont il poursuit la nullité ; sa demande était manifestement dépourvue de fondement et, peu important en conséquence ce retard, il n'existe aucun préjudice susceptible de donner lieu à responsabilité de la société TLGI.

Le seul fait d'avoir indûment appelé cette société en intervention forcée ne caractérise pas un abus.

En conséquence, le jugement entrepris doit être entièrement confirmé.

Aucune circonstance ne justifie que les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile soient écartées en cause d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, - Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, - Y ajoutant, condamne M. Saraydarian à payer à la société The Little Gym France une somme de 5 000 euro et à la société The Little Gym International une somme de 5 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile, - Condamne M. Saraydarian aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.