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Décisions

CA Angers, ch. com., 2 mai 2012, n° 10/03156

ANGERS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Béton Moulé Industriel (SA), Stradal (Sté)

Défendeur :

ATCD (Sté), Devers

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rauline

Conseillers :

Mme Van Gampelaere, M. Travers

Avocats :

SCP Gontier-Langlois, SCP Chatteleyn, George, Mes Clément-Grandcourt, André, Seutet

T. com. Le Mans, du 22 nov. 2010

22 novembre 2010

FAITS ET PROCÉDURE

Par convention du 2 février 2004, la société Béton Moulé industriel (BMI) a consenti à M. Devers, gérant de l'agence technique & commerciale Devers (société ATCD), un contrat d'agent commercial lui donnant mandat de promouvoir et vendre en son nom, dans sept départements (21, 25, 39, 58, 70, 71 et 89), des mâts d'éclairage en béton lisse centrifugé et en béton "gravillon lavé" ou "gravillon sablé" centrifugé, ainsi que des accessoires.

Il était entre autres stipulé que le mandant se réservait à sa seule discrétion, la faculté de confier ou non à l'agent commercial la représentation d'autres produits susceptibles d'être incorporés dans son programme de fabrication ou de commercialisation.

Par convention du même jour, avec l'accord express de la société BMI-Azuly, M. Devers a donné sa carte d'agent commercial en location à la société ATCD avec effet au 1er janvier 1999.

De son côté la société BMI a donné en location gérance son fonds de commerce à une société de son groupe, la société Stradal avec l'enseigne BMI.

En 2007 et 2008, la société ATCD est entre autres intervenue pour un marché APRR (Spie, Ineo, Snef) portant sur des produits de vidéosurveillance mobile.

Par courrier du 9 janvier 2009, la société Stradal locataire gérante BMI a signifié à M. Devers et à la société ATCD l'annulation de la convention du 2 février 2004 et le rachat de la carte de commercialisation des produits Azuly moyennant une indemnisation de 3 086,34 euro HT correspondant aux commissions versées du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 à l'exclusion de celles relatives aux produits de vidéosurveillance mobile.

Par courriers recommandés des 14 et 30 janvier 2009, M. Devers a pris acte de la décision de la résiliation du contrat, mais a contesté le montant de l'indemnisation, qui selon lui devait être fixée à 31 766,68 euro compte tenu de l'ensemble des commissions versées, évaluées à 12 287,89 euro en 2007 et 19 478,79 euro en 2008.

A défaut d'accord, et après mise en demeure infructueuse, la société ATCD et M. Devers ont saisi le tribunal de commerce du Mans aux fins de voir condamner in solidum les sociétés Stradal locataire gérant de BMI, et la société BMI au paiement de ladite somme de 31 766,38 euro au titre de l'indemnité de rupture et la somme de 8 259,34 euro au titre de l'indemnité de remploi, outre 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.

Par jugement du 22 novembre 2010, le tribunal de commerce, au visa des articles L 134-12 et suivants du Code de commerce et de l'article 1134 du Code civil, a :

- déclaré recevables et bien fondées les demandes formulées par la société ATCD et M. Devers ;

- constaté que la société BMI a conclu un contrat d'agent commercial, avec M. Devers avec mise à disposition de sa carte d'agent commercial à la société ATCD ; que la société BMI a donné en location gérance son fonds de commerce à la société Stradal ; que celle-ci a résilié unilatéralement le contrat d'agent commercial qui la liait à M. Devers et la société ATCD ;

- condamné in solidum les sociétés Stradal, locataire gérante BMI, et la société BMI à payer à M. Devers la somme de 31 766,68 euro au titre de l'indemnité de rupture de contrat ;

- débouté M. Devers et la société ATCD de leur demande de versement d'une somme de 8 259,34 euro au titre de l'indemnité de remploi ;

- condamné la société Stradal locataire gérante et la société BMI à verser respectivement les sommes de 750 euro et 300 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à M. Devers et la société ATCD ;

- condamné les sociétés Stradal, locataire gérante BMI, et la société BMI aux entiers dépens, comprenant le coût de l'assignation du 20 octobre 2009 (62,58 euro), les droits de plaidoiries et les dépens liquidés à la somme de 105,49 euro TTC.

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

La société BMI et la société Stradal ont relevé appel de cette décision. La société ATCD et M. Devers ont formé appel incident.

Les parties ont conclu.

A l'audience, avant le déroulement des débats, à la demande de la société ATCD et de M. Devers et avec l'accord des parties adverses, l'ordonnance de clôture rendue le 29 février 2012 a été révoquée et la procédure a été à nouveau clôturée.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de la société BMI et de la société Stradal, appelantes, en date du 29 février 2012, aux termes desquelles, concluant à la recevabilité et au bien-fondé de leur appel, mais à l'irrecevabilité et au mal fondé de l'appel incident, elles demandent à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions, à l'exception du rejet de la demande formulée par M. Devers et la société ATCD au titre de l'indemnité de remploi ;

- donner acte à la société Stradal qu'elle a proposé dès le 9 janvier 2009 de régler une somme de 3 086,94 euro H.T. à titre d'indemnité de rupture ;

- constater que M. Devers a refusé cette proposition ;

- condamner la société ATCD et M. Devers à payer chacun, à la société BMI et à la société Stradal, une somme de 8 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la société ATCD et et M. Devers à payer chacun, à la société BMI et à la société Stradal, une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société ATCD et M. Devers aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Gontier Langlois ;

Vu les dernières conclusions de la société ATCD et de M. Devers, intimés et appelants incidents, en date du 5 mars 2012, aux termes desquelles, au visa des articles 648, 114 et 328 et suivants du Code de procédure civile, L. 134-12 du Code de commerce et 1134 et 1147 du Code civil, ils demandent à la cour de :

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a reconnu le bien-fondé de leur demande en paiement d'une indemnité de clientèle, mais le réformer partiellement sur le quantum de celle-ci ;

- à titre principal, condamner in solidum les sociétés Stradal et BMI à leur payer la somme de 25 376,13 euro au titre de l'indemnité de rupture, ainsi que celle de 5 000 euro chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens ; débouter lesdites sociétés de l'intégralité de leurs demandes ;

- à titre subsidiaire, condamner la société Stradal à leur payer la somme de 25 376,13 euro au titre de l'indemnité de rupture, ainsi que celle de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction pour ces derniers au profit de la SCP Chatteleyn et George ;

MOTIFS

Sur l'indemnité de remploi

Devant la cour, la société ATCD et M. Devers "abandonnent leurs demandes de ce chef".

Il y a lieu de leur donner acte de ce désistement d'appel et de confirmer dès lors le jugement qui les a déboutés de ce chef.

Sur l'indemnité de rupture

Aux termes de l'article L. 134-12 du Code de commerce, repris à l'article 8 du contrat de représentation commerciale consenti à M. Devers le 2 février 2004, "En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi".

En l'espèce, ni le principe de cette indemnité, ni son calcul sur la base des commissions brutes perçues sur deux années, ne sont discutées.

Les parties s'opposent en revanche sur les opérations à prendre en considération, ainsi que sur le montant des commissions perçues en 2007 et 2008 et sur l'obligation à la dette de la société BMI.

- sur les opérations entrant dans le contrat d'agent commercial

Au soutien de leur appel, les sociétés BMI et Stradal exposent que, ponctuellement, la société ATCD est intervenue en dehors du contrat d'agent commercial pour des produits de vidéosurveillance mobile, non inclus dans la carte confiée à M. Devers qui porte sur des mâts d'éclairage en béton standardisés. Elles font valoir que, pour ces produits spécifiques, de fabrication individualisée, la société ATCD ne disposait d'aucun pouvoir de négociation et n'a eu qu'un rôle d'intermédiaire pour lequel elle a perçu une rémunération exceptionnelle au cas par cas. Elles en déduisent que la facturation liée à ces opérations n'ouvre droit à aucune indemnisation, celles-ci ne résultant que d'une simple faculté accordée à la société ATCD qui n'est jamais intervenue en tant qu'agent commercial.

La société ATCD et M. Devers soutiennent quant à eux que l'objet du contrat a été élargi d'un commun accord à la vente d'autres produits, notamment de vidéosurveillance, et qu'ils ont eu un rôle actif dans les négociations des ventes de ces produits pour lequel ils ont été rémunérés sous forme de commissions. Ils estiment en conséquence que l'ensemble des commissions versées doit être pris en compte dans le calcul de l'indemnité de rupture.

Il résulte du contrat de représentation commerciale du 2 février 2004 versé aux débats que M. Devers a reçu initialement mandat de la société BMI de promouvoir et 'vendre en son nom et pour son compte, les produits suivants, faisant partie de son programme de fabrication et de commercialisation :

1 a : Mâts d'éclairage en béton lisse centrifugé

* Mâts d'éclairage en béton armé centrifugé de hauteur totale < ou égale à 24 mètres

* Accessoires : supports de lanternes et projecteurs, échelles.

* Grands mâts en béton

1 b : Mâts d'éclairage en béton "gravillon lavé" ou "gravillon sablé" centrifugé

* Mâts d'éclairage en béton armé centrifugé de hauteur totale < ou égale à 24 mètres

* Accessoires : supports de lanternes et projecteurs, échelles.

Il était toutefois stipulé à l'article 1 2. a) que "Le mandant se réserve, à sa seule discrétion, la faculté de confier ou non à l'agent commercial la représentation d'autres produits susceptibles d'être incorporés dans son programme de fabrication ou de commercialisation (...)".

Si aucun avenant au contrat n'a été signé, les premiers juges ont de manière pertinente observé que celui-ci ne précise pas de quelle façon un accord devait être formalisé et ont considéré que le fait pour la société Stradal de commissionner les produits "vidéo" non prévus au contrat, sans qu'aucun document ne fasse apparaître le caractère exceptionnel du versement de commissions sur ces produits, équivalait à un accord contractuel.

Dans ses dernières écritures, la société Stradal précise qu'elle fabrique deux types de produits de vidéosurveillance, d'une part, des mâts avec supports pour équipements fixes de vidéosurveillance, d'autre part, des mâts de vidéo surveillance avec système mobile. Elle soutient que, si les premiers font bien partie du contrat d'agent commercial, étant répertoriés dans ses tarifs sous l'intitulé "caméra", les seconds n'entrent pas dans ce contrat, les prix étant fixés directement par le mandant.

Concernant les "mâts avec supports pour équipements fixes de vidéosurveillance", la cour observe que ceux-ci sont dénommés "mâts d'éclairage" dans les tarifs 2007 et 2008 versés aux débats, qui sont antérieurs au litige. Il ne peut donc en être tiré la conclusion que le contrat d'agent commercial a été étendu aux produits de vidéosurveillance mobile qui ne figurent pas quant à eux dans ces tarifs.

Pour preuve que la société ATCD n'est pas intervenue dans le cadre du contrat de représentation commerciale, mais comme intermédiaire, pour les ventes de produits de vidéosurveillance mobile à APRR, les sociétés BMI et Stradal versent aux débats plusieurs mails faisant apparaître que les prix de ces produits étaient indiqués par la société Stradal. Elles se prévalent également d'une attestation de M. Wiart en date du 21 janvier 2010, dans laquelle il déclare que les produits de vidéosurveillance mobile ne sont pas inclus dans son contrat d'agent commercial.

Il résulte toutefois d'un mail de la société Stradal du 26 novembre 2007 que les prix des supports caméra Dôme et Tourelle pouvaient faire l'objet de remises jusqu'à 20 % et du courrier de M. Devers du 28 septembre 2007 produit par les deux parties que la société ATCD a augmenté le prix initial pour un poste. Par ailleurs, l'ensemble des correspondances communiquées montre que la société ATCD a joué un rôle actif dans la négociation des contrats et le recueil des commandes qui, par son entremise, se sont développées. Il ressort encore des factures produites qu'elle a bien vendu ces produits au nom et pour le compte de la société Stradal, comme prévu dans le contrat de représentation.

L'intervention de la société ATCD en qualité d'agent commercial trouve confirmation dans le fait qu'elle a été rémunérée par la société Stradal sous forme de commissions, peu important que celles-ci ne soient pas identiques à celles versées pour les autres produits. Peu importe aussi que les produits de vidéosurveillance ne soient pas inclus dans le contrat d'un autre agent commercial, dont la date n'est pas au demeurant indiquée.

Aucun élément ne démontre d'autre part le caractère exceptionnel de ces commissions, qui ont été régulières jusqu'à la résiliation du contrat.

C'est à bon droit dans ces conditions que le tribunal a retenu qu'il devait être tenu compte pour le calcul de l'indemnité de rupture de toutes les commissions versées, sans distinction selon les produits.

- sur le montant des commissions versées en 2007 et 2008

Les parties s'accordent pour fixer l'indemnité de rupture à deux années de commissions brutes.

En première instance, M. Devers avait évalué le montant des commissions des exercices 2007 et 2008 à la somme de 31 766,68 euro, qui a été allouée par le tribunal.

Devant la cour, la société ATCD et M. Devers réduisent leur réclamation à la somme de 25 376,13 euro, tandis que les sociétés BMI et Stradal chiffrent subsidiairement les commissions versées à la somme de 22 949,29 euro.

Au vu des pièces produites, il apparaît que les commissions se sont élevées à 1 901,60 euro en 2007 et à 21 046,62 euro en 2008, soit en tout 22 948,22 euro, la différence par rapport à la demande provenant notamment de la prise en compte à tort d'un report à nouveau de l'année 2006 à hauteur de 2 202,02 euro et d'une commission de février 2009 d'un montant de 169,59 euro.

Le jugement sera donc infirmé sur le montant de l'indemnité qui revient à M. Devers, lequel a conservé la patrimonialité de la carte en vertu de la convention du 2 février 2004.

- sur l'obligation à la dette de la société BMI

Pour solliciter la condamnation in solidum de la société BMI et de la société Stradal, M. Devers invoque la confusion entretenue entre ces deux sociétés, outre le fait qu'elles ont le même siège social.

Il apparaît toutefois que toutes les factures de commissions établies par la société ATCD sont libellées à l'ordre de la société Stradal.

C'est bien par ailleurs la société Stradal locataire gérant de BMI qui a signifié à M. Devers la résiliation du contrat d'agent commercial et c'est également à celle-ci que M. Devers a adressé sa réclamation, comme en attestent les accusés de réception de ses courriers du 30 janvier et du 13 février 2009.

Il y a donc lieu de mettre hors de cause la société BMI et de condamner uniquement la société Stradal au paiement de l'indemnité de rupture.

Sur les autres demandes

Si la société BMI a été attraite à tort, le caractère abusif de l'action dirigée contre elle n'est pas pour autant démontré, alors que la société Stradal use en-tête de ses documents de la dénomination BMI.

La procédure dirigée contre la société Stradal n'est pas quant à elle abusive, puisqu'elle succombe partiellement en ses prétentions.

Mise hors de cause, la société BMI sera déchargée de sa condamnation prononcée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile par le jugement.

Aucune considération d'équité ne justifie qu'il soit fait droit aux demandes présentées de ce chef en cause d'appel.

L'appel de la société Stradal étant justifié pour partie, les dépens d'appel seront mis à sa charge pour moitié et seront supportés pour l'autre moitié par la société ATCD et M. Devers.

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, Donne acte à la société ATCD et à M. Devers de ce qu'ils se désistent de leurs demandes au titre de l'indemnité de remploi ; Infirme le jugement déféré en ce qui concerne l'indemnité de rupture et les condamnations prononcées contre la société BMI ; Statuant de nouveau de ces chefs, Met hors de cause la société BMI ; Condamne la société Stradal à payer à M. Devers la somme de 22 948,22 euro au titre de l'indemnité de rupture de son contrat de représentation commerciale ; Confirme le jugement pour le surplus ; Y ajoutant, Déboute les société BMI et Stradal de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive ; Rejette les demandes présentées par les parties en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Stradal, d'une part, la société ATCD et M. Devers, d'autre part, aux dépens d'appel à hauteur chacun de moitié et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.