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Décisions

Cass. crim., 5 octobre 2010, n° 09-87.548

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

M. Roth

Avocat général :

M. Davenas

Conseillers :

MM. Palisse, Le Corroller, Nunez, Mmes Radenne, Harel-Dutirou

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner

Aix-en-Provence, 5e ch., du 13 oct. 2009

13 octobre 2009

La COUR : - Statuant sur les pourvois formés par : M. Victor X..., La société moulage général méridional, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 13 octobre 2009, qui, pour tromperie, a condamné, le premier, à 10 000 euro d'amende avec sursis, et la seconde, à 30 000 euro d'amende avec sursis ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ; -

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles L. 212-1 et L. 213-1 du Code de la consommation, de l'article préliminaire, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, et défaut de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement déféré en ses dispositions ayant déclaré le prévenu coupable des faits qui lui sont reprochés, et l'ayant, en répression, condamné au paiement d'une amende de 10 000 euro, assortie du sursis simple, et en ses dispositions ayant déclaré la société Moulage général méridional (MGM) pénalement responsable de l'infraction commise par Victor X... et, en répression, condamnée au paiement d'une amende de 30 000 euro ;

"aux motifs qu'il résulte de la lecture des documents rédigés par l'AFNOR sur l'applicabilité de la norme EN 71-3 que si elle ne concerne pas les jouets excluant manifestement tout risque dû à la succion, au léchage ou à l'ingestion, compte tenu du comportement habituel des enfants, elle concerne également les jouets destinés aux enfants jusqu'à l'âge de 6 ans, c'est-à-dire tous les composants et parties accessibles pour lesquels il y a une probabilité que ces composants ou parties puissent entrer en contact avec la bouche ; que s'agissant du jouet "petit boulier", dont un exemplaire est joint à la procédure, la cour a constaté que, contrairement aux affirmations des concluants, ce jouet est de petite taille, très léger et maniable et peut très facilement entrer en contact avec la bouche, compte tenu du comportement habituel des enfants entre 3 ans et 6 ans de porter à la bouche tout objet qui leur est facilement accessible et attractif ; que tel est le cas des boules composant le boulier ; que la norme EN 71-3 est parfaitement applicable à ce jouet ainsi que l'a considéré le laboratoire inter-régional de Marseille ; que compte tenu des analyses effectuées, il n'aurait pas dû être revêtu de l'étiquetage CE ; enfin que l'article L. 212-1 du Code de la consommation prescrit que "dès la première mise sur le marché, les produits doivent répondre aux prescriptions en vigueur relatives à la sécurité et à la santé des personnes" et que "le responsable de la première mise sur le marché d'un produit est donc tenu de vérifier que celui-ci est conforme aux prescriptions en vigueur" ; qu'il résulte de ce texte que le contrôle doit porter sur les lots importés à leur arrivée sur le territoire national et que l'importateur doit veiller personnellement à la conformité de la marchandise aux prescriptions en vigueur, et qu'il n'importe que le sigle CE ait été apposé sur le jouet ; qu'il appartenait donc à Victor X... et à la MGM d'être à l'initiative de cette vérification et de ne pas se contenter de rapports d'expertise effectués à la demande de l'exportateur et sur des échantillons dont il n'est pas prouvé qu'ils étaient identiques à ceux effectivement importés sur le territoire national ; qu'en tant que professionnels de l'importation, Victor X... et la MGM ne pouvaient ignorer cette obligation à l'égard des consommateurs, d'autant plus lorsque ceux-ci sont des enfants ; qu'en s'abstenant volontairement de faire procéder à toute vérification du jouet qui présentait en réalité un danger, les prévenus ne sauraient se prévaloir de leur bonne foi ; qu'en conséquence, que c'est à juste titre que les premiers juges tirant des circonstances de la cause les conséquences juridiques qui s'imposaient en caractérisant en tous ses éléments tant matériel qu'intentionnel les faits reprochés, ont retenu la culpabilité des prévenus ;

"1°) alors que, selon l'article L. 215-11 du Code de la consommation, dans le cas où la présomption de fraude ou de falsification résulte de l'analyse faite au laboratoire, l'auteur présumé de la fraude ou de la falsification est avisé, par le procureur de la République, qu'il peut prendre communication du rapport du laboratoire et qu'un délai de trois jours francs lui est imparti pour présenter ses observations et pour faire connaître s'il réclame l'expertise contradictoire prévue à l'article L. 215-9 ; qu'il résulte de ce texte que la preuve de la fraude ou de la falsification ne peut résulter du seul rapport du laboratoire à qui la direction départementale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF) a demandé d'effectuer, sur les produits saisis, des prélèvements ou analyses, qu'à la condition que ce rapport ait été notifié à la partie poursuivie et qu'il lui ait été imparti un délai de trois jours pour présenter ses observations et réclamer, le cas échéant, une expertise contradictoire ; qu'à défaut, le rapport du laboratoire est dépourvu de toute valeur probante et ne peut utilement servir de base aux poursuites ; que l'arrêt attaqué, qui déduit la matérialité de l'infraction du seul rapport d'analyse effectué par le laboratoire de la répression des fraudes en date du 7 décembre 2004, rapport dont les prévenus faisaient valoir dans leurs écritures qu'il leur était inopposable comme n'ayant pas été établi de manière contradictoire dans le respect de la procédure prévue par l'article L. 215-11 du Code de la consommation, viole les textes susvisés ;

"2°) alors que, dans leurs dernières écritures, les prévenus faisaient valoir que les règles prévues par l'article L. 215-11 du Code de la consommation n'avaient pas été respectées, et que la preuve de la matérialité de l'infraction ne pouvait résulter du seul rapport établi non contradictoirement par le laboratoire inter régional de Marseille ; qu'en retenant que la preuve de la matérialité du délit de tromperie était rapportée sur la base de ce seul document sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"3°) alors qu'il n'y a point de délit sans intention de le commettre ; que le délit de tromperie suppose l'intention frauduleuse ; qu'au cas d'espèce, pour retenir que le délit était constitué, la cour d'appel s'est bornée à relever que les prévenus avaient l'obligation de vérifier personnellement la conformité du jouet petit boulier aux normes en vigueur de sorte qu'ils ne pouvaient se prévaloir de leur bonne foi ; qu'en statuant de la sorte, sans caractériser une intention frauduleuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"4°) alors que, et en toute hypothèse, Victor X... et la MGM justifiaient d'un rapport de conformité établi préalablement à l'importation par un laboratoire européen accrédité ; qu'en estimant que le délit de tromperie était constitué sans rechercher si cette circonstance n'était pas de nature à exclure la caractérisation de l'élément moral de l'infraction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

- Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes des Bouches-du-Rhône a fait analyser, par le laboratoire inter-régional du service, un jouet, consistant en un petit boulier, importé de Chine et commercialisé en France par la société Moulage général méridional dirigée par M. X... ; que l'analyse a révélé que les peintures du jouet contenaient du chrome et du plomb et exposaient de jeunes utilisateurs à un risque d'intoxication ; qu'une information ayant été ouverte, le juge d'instruction a renvoyé la société et son dirigeant devant le tribunal pour avoir trompé les consommateurs sur l'aptitude à l'emploi et les risques inhérents à l'utilisation d'un produit, avec la circonstance que les faits ont eu pour conséquence de rendre l'utilisation de cette marchandise dangereuse pour la santé de l'homme ; que le tribunal a déclaré les prévenus coupables ; que, devant la cour d'appel, ils ont fait valoir que le rapport du laboratoire ne leur avait pas été notifié par le procureur de la République, que cela pourrait entraîner la nullité de la procédure et en tout cas imposait leur relaxe, la matérialité de l'infraction n'étant pas formellement établie ;

Attendu que, pour écarter cette argumentation, l'arrêt confirmatif énonce que l'article 385 du Code de procédure pénale s'oppose à ce que la juridiction correctionnelle constate les nullités de la procédure antérieure lorsqu'elle est saisie par le juge d'instruction et qu'au cours de l'information, les intéressés ont été prévenus du droit de soulever des nullités et de demander des actes, parmi lesquels des expertises ; que les juges ajoutent que ceux-ci n'ont sollicité aucune mesure de contre-expertise et qu'ils n'ont jamais contesté la teneur de l'expertise réalisée par le laboratoire inter-régional ;

Attendu qu'en cet état, l'arrêt n'encourt pas le grief allégué à la première branche du moyen, dès lors que, s'ils voulaient contester les résultats de la première analyse, les demandeurs devaient, devant le juge d'instruction, devant le tribunal ou devant la cour d'appel demander l'expertise contradictoire prévue par l'article L. 215-12 du Code de la consommation ;

D'où il suit que le moyen, qui en ses autres branches se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette les pourvois.