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Décisions

CA Poitiers, 2e ch. civ., 4 octobre 2011, n° 10-02787

POITIERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Larzul (SAS)

Défendeur :

Covi (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. du Rostu

Conseillers :

Mme Pignon, M. Ralincourt

Avoués :

SCP Gallet-Allerit, SCP Musereau-Mazaudon-Provost-Cuif

Avocats :

Mes Ménage, Ermeneux

T. com. Niort, du 23 juin 2010

23 juin 2010

La société Larzul, créée au début du vingtième siècle, est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de plats préparés en conserves, et commercialise notamment des conserves de langues de bœuf appertisées (sauce madère et sauce piquante).

La société Covi, créée en 1962, est une entreprise spécialisée dans la fabrication de plats préparés, vendus majoritairement sous marques de distributeurs (MDD) mais également sous ses propres marques, notamment Paul et Louise depuis 2006, et propose dans sa gamme des langues de bœuf sauce piquante et sauce madère.

Prétendant que la société Covi avait mis en vente des conserves de langues de bœuf ressemblant à ses propres produits, la société Larzul a assigné la société Covi en référé devant le Président du Tribunal de commerce de Quimper pour voir interdire la commercialisation des produits de la marque "Paul et Louise" ordonner à la Société Covi l'arrêt de la commercialisation des produits de la Société Covi sous la marque Paul et Louise "langue de bœuf sauce madère" et "langue de bœuf sauce piquante", dans les étiquetages actuels incriminés, tous formats confondus, de procéder au retrait de l'ensemble des linéaires des grandes surfaces actuellement achalandées de ses produits à la marque Paul et Louise "langue de bœuf sauce madère" et de "langue de bœuf sauce piquante" dans les deux formats sus-indiqués, et ce sous astreinte, enfin d'enjoindre la Société Covi de fournir le montant du chiffre d'affaires qu'elle a réalisé à partir de ses conserves de langue de bœuf sauce madère et sauce piquante.

Par ordonnance du 22 décembre 2009, le président du Tribunal de commerce de Quimper s'est déclaré incompétent et a renvoyé la société Larzul à se pourvoir au fond.

La société Larzul a alors saisi le Tribunal de commerce de Niort, lequel, par jugement du 23 juin 2010, a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

"- dit et jugé que les agissements de la société Covi en particulier la confection d'étiquettes prêtant à confusion avec celles de la société Larzul, constituent des faits de concurrence déloyale et de parasitisme commercial, conformément aux dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil,

- ordonné en conséquence à la société Covi de cesser la commercialisation de ses produits à la marque Paul et Louise "langue de bœuf sauce madère" et "langue de bœuf sauce piquante", dans les étiquetages actuels, tous formats confondus (1/3 et 1/2) et ce sous astreinte de 100 euro par infraction constatée dans le délai de quinzaine suivant la signification du jugement,

- donné acte à la société Covi qu'elle procédera bientôt à un changement d'étiquetage et fait droit à sa demande de voir l'interdiction de commercialisation des produits susvisés valoir uniquement pour l'avenir,

- débouté en conséquence la société Larzul de sa demande de voir la société Covi contrainte de procéder au retrait de ses produits de l'ensemble des linéaires des grandes surfaces actuellement approvisionnés,

- dit et jugé que le préjudice de la société Larzul n'est pas quantifiable au vu des éléments fournis,

- dit la société Covi mal fondée en sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- débouté la société Covi pour le surplus de ses demandes,

- débouté la société Larzul de toutes ses autres demandes,

- condamné la société Covi à payer à la société Larzul la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux dépens."

La société Larzul a relevé appel par déclaration du 6 juillet 2010, et, aux termes de ses dernières conclusions du 7 juin 2011, a demandé à la cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la société Covi coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme à son détriment et en ce qu'il a ordonné à la société Covi de cesser la commercialisation de ses produits à la marque Paul et Louise ("langue de bœuf sauce madère" et "langue de bœuf sauce piquante") dans les étiquetages incriminés, format 1/3 et 1/2, et ce sous astreinte de 100 euro par infraction constatée, dans le délai de quinzaine suivant la signification du jugement,

- Pour le surplus réformer la décision entreprise,

- condamner la société Covi à payer à la société Larzul la somme de 900 000 euro à titre de préjudice pour gains manqués,

- A titre subsidiaire, désigner tel expert qu'il plaira à la cour pour la détermination des éléments de préjudice de la société Larzul au titre de la perte des gains sur les années 2007, 2008 et 2009,

- condamner la société Covi au paiement d'une somme de 100 000 euro au titre de ses agissements parasitaires et des économies réalisées par le copiage du packaging des produits Larzul,

- condamner la société Covi au paiement d'une somme de 500 000 euro au titre du préjudice d'image et de notoriété subi,

- ordonner à la société Covi le retrait de l'ensemble des linéaires des grandes surfaces actuellement achalandés de ses produits à la marque Paul et Louise "langue de bœuf sauce madère" et "langue de bœuf sauce piquante" dans les deux formats 1/2 et 1/3 et dans les packagings litigieux, et ce sous astreinte de 100 euro par infraction constatée, passé un délai de trois jours à compter de la signification du présent arrêt,

- autoriser la publication du dispositif de l'arrêt dans trois journaux ou magazines au plus, au choix de la société Larzul et aux frais avancés de la société Covi, sans que le coût global de ces insertions excède la somme de 45 000 euro HT,

- débouter purement et simplement la société Covi de sa demande reconventionnelle,

- condamner enfin la société Covi au paiement d'une somme de 20 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.

La société Larzul fait valoir :

- qu'en commercialisant des conserves "langue de bœuf sauce madère" et "langue de bœuf sauce piquante" dans des emballages ressemblant aux produits Larzul, la société Covi a volontairement voulu profiter de la notoriété et de l'antériorité des produits de la société Larzul pour mettre sur le marché un produit totalement ressemblant, et commis de ce fait des actes de concurrence déloyale par la recherche d'une confusion sur les produits, et de parasitisme commercial en cherchant à profiter de l'antériorité et de la renommée des produits Larzul en empruntant notamment les mêmes couleurs fédératrices,

- que la mise sur le marché des produits Covi, de qualité inférieure, lui est doublement préjudiciable, puisqu'elle lui retire dans des conditions déloyales des parts de marché, mais surtout peut amener le consommateur à penser que les produits Larzul n'ont pas la qualité habituelle,

- que la société Covi a agi volontairement, en adoptant à partir de 2007, pour le packaging de ses langues de bœuf, les couleurs et la présentation des produits Larzul, cette modification n'étant justifiée ni par l'appel d'offres des centrales d'achat, ni par la charte graphique de la société Larzul,

- que son préjudice est constitué par la marge brute qu'elle n'a pu réaliser, du fait des actes concurrentiels,

- que la société Covi a en outre fait l'économie d'investissements, et porté atteinte à l'image de la société Larzul en mettant sur le marché des produits d'une qualité inférieure.

Par ses dernières conclusions signifiées le 11 juin 2011, la société Covi a sollicité :

- A titre principal :

- l'infirmation du jugement rendu en ce qu'il a reconnu la société Covi coupables d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme ;

- le rejet de l'intégralité des pièces versées aux débats par la société Larzul, en particulier les pièces 19, 20 et 21 de la société Larzul au cas où les attestations du commissaire aux comptes contiendraient des annexes, celles-ci n'ayant pas été communiquées,

- le débouté de la société Larzul de l'intégralité de ses demandes, et sa condamnation à lui verser 500 000 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi que 20 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- A titre subsidiaire:

- que la cour dise que l'interdiction ne vaudra que pour l'avenir en sorte que la société Covi ne soit pas contrainte de rappeler les produits actuellement en rayonnage et/ou en stock chez ses clients, au cas où il y en aurait encore, et que la société Larzul soit déboutée du surplus de ses demandes.

La société Covi soutient :

- que la société Larzul, à laquelle incombe la charge de la preuve, ne démontre pas l'existence d'un risque de confusion entre les produits, alors que, s'agissant du conditionnement, le format des boîtes est imposé par le produit et la grande distribution,

- qu'en ce qui concerne les couleurs, elle n'a fait qu'adapter à ses produits auparavant vendus en MDD sa charte graphique, et qu'en tout état de cause, la société Larzul ne peut prétendre détenir un monopole d'utilisation sur des couleurs aussi sommaires que le rouge et le jaune-oranger,

- que les différences entre les étiquettes sont très nombreuses, au point d'en écarter tout risque de confusion, l'impression visuelle d'ensemble étant différente,

- que la qualité des produits est la même, les fournisseurs des deux sociétés étant identiques, les différences gustatives étant seulement liées à la présence de sauces préparées différemment,

- qu'aucun préjudice ne peut être invoqué par la société Larzul, les chiffres qu'elle produit, absurdes et irrationnels, étant inexploitables, les ventes de Covi étant dues, non aux étiquettes, mais aux opérations promotionnelles des grandes surfaces, et les tendances du marché confirmant que les étiquettes n'ont pas d'incidence sur les ventes,

- enfin, qu'étant un acteur mineur du marché, elle n'a pu causer un tel préjudice à la société Larzul, leader sur le marché de la langue de bœuf, ni porter atteinte à l'image et à la notoriété des produits Larzul.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 juin 2011.

MOTIFS

Attendu que les pièces n° 19 à 21 produites par la société Larzul, qui ne comprennent pas les pièces censées y être annexées ayant fait l'objet d'une nouvelle communication (pièces n° 30, 34 et 35) accompagnées des annexes, il n'y a pas lieu de les rejeter des débats ;

Attendu que constitue un acte de concurrence déloyale et/ou de parasitisme commercial le fait de s'inspirer fortement ou de copier, pour en tirer un avantage financier illégitime et fausser ainsi la concurrence, une valeur économique développée par autrui, fruit légitime de son savoir-faire, de son travail matériel et intellectuel et d'investissements, notamment en recherche et développement ; que la copie servile ou l'imitation caractérise un acte de concurrence déloyale lorsque cette copie ou cette imitation suscite une confusion ou un risque de confusion dans l'esprit du public ; que le risque de confusion doit être déterminé au regard du public concerné ; qu'enfin, l'imitation du signe distinctif d'une entreprise n'est fautive que s'il est démontré que ce signe distinctif représente un élément essentiel de la marque, dont l'imitation crée un risque de confusion, lequel doit être apprécié notamment en fonction de la notoriété de la société qui se prétend imitée dans le secteur d'activité qui est le sien ;

Attendu en l'espèce que la société Larzul démontre par la production de documents de présentation de ses produits datés de 1996 et 1997 (pièces n° 12 à 14), qu'elle utilise pour leur conditionnement, au moins depuis cette époque, un cartouche ovale de couleur verte à l'intérieur duquel est inscrit le nom "Larzul"; que, plus particulièrement, les étiquettes entourant les conserves de langue de bœuf Larzul sauce madère revêtent depuis 1991 ( pièce n° 22) deux couleurs principales - une bande large couleur bordeaux, - une bande plus étroite jaune-orangé; que les étiquettes entourant les conserves de langue de bœuf Larzul sauce piquante revêtent également deux couleurs principales (pièce n° 2) - une bande large couleur bordeaux, - une bande plus étroite orange ;

Que la notoriété de la société Larzul pour la commercialisation de ce type de produits est démontrée notamment par la production aux débats d'un article de journal (pièce n° 28) relevant que la société "vend tout particulièrement bien ses conserves de langue de bœuf (numéro 1 français avec 80 % des parts de marché)", et par l'ancienneté de sa position sur ce marché restreint ;

Que, contrairement à ce que soutient la société Covi, seules les langues de bœuf sont vendues par la société Larzul avec des étiquettes de couleurs bordeaux-jaune-orangé, ou bordeaux-orange, d'autres codes couleurs étant utilisés pour les autres produits ;

Attendu pour sa part que la société Covi ne démontre pas avoir commercialisé avant l'année 2006 des boîtes de langue de bœuf (pièces n° 15 et 16) sous la marque "Paul et Louise" et dans le conditionnement incriminé ;

Que les étiquettes des produits vendus sous la marque Paul et Louise comportent des bandeaux de couleurs similaires à ceux utilisés par la société Larzul, et de taille identique, à savoir, pour la langue de langue de bœuf sauce madère une bande large couleur bordeaux, une bande plus étroite jaune-orangé, et pour la langue de bœuf sauce piquante, une bande large couleur bordeaux, une bande plus étroite orange ; que sur ces mêmes étiquettes figure également depuis 2007 (pièce n° 4 de la société Larzul) une pastille à dominance verte, rappelant celle utilisée par la société Larzul pour faire figurer sa marque ;

Que, contrairement à ce que soutint la société Covi, même si taille des boîtes ainsi que leur forme sont imposés par la nature du produit( la langue de bœuf nécessitant un conditionnement large), et/ou par la grande distribution (qui impose le système d'operculage), et sont d'ailleurs standardisés, les étiquettes qui figurent sur ces boîtes, dont la couleur ne répond à aucune règle obligatoire, constituent un signe distinctif qui permet au consommateur d'identifier immédiatement le produit acheté, et que face aux deux produits mis côtes à côtes, l'un de la société Covi, l'autre de la société Larzul, le consommateur peut naturellement croire en achetant un produit Covi qu'il s'agit d'un produit Larzul (cf. photographies, pièces n° 4 et n° 10 de la société Larzul) ;

Attendu que l'imitation par la société Covi des étiquettes de la société Larzul pour le conditionnement des langues de bœuf sauce madère et sauce piquante, compte tenu de l'antériorité et de la notoriété de la société Larzul sur ce marché, très restreint, constitue un acte de concurrence déloyale engageant la responsabilité de son auteur sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

Que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a considéré que les agissements de la société Covi en particulier la confection d'étiquettes prêtant à confusion avec celles de la société Larzul, constituent des faits de concurrence déloyale et de parasitisme commercial, conformément aux dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Attendu que, même si la société Covi soutient avoir changé depuis le second semestre 2010 sa charte graphique, et donc le conditionnement des boîtes de langue de bœuf, il convient de s'assurer qu'il est mis fin aux actes concurrentiels déloyaux ; que le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a ordonné sous astreinte à la société Covi de cesser la commercialisation de ses produits à la marque Paul et Louise "langue de bœuf sauce madère" et "langue de bœuf sauce piquante", dans les étiquetages actuels, tous formats confondus (1/3 et 1/2) ;

Qu'il convient en outre d'ordonner à la société Covi le retrait de l'ensemble des linéaires des grandes surfaces actuellement achalandés de ses produits à la marque Paul et Louise "langue de bœuf sauce madère" et "langue de bœuf sauce piquante" dans les deux formats 1/2 et 1/3 et dans les packagings litigieux, et ce sous astreinte de 100 euro par infraction constatée, passé un délai de trois jours à compter de la signification du présent arrêt ;

Attendu enfin que la mesure de publication sollicitée apparaît nécessaire, compte tenu du trouble commercial apporté à la société Larzul par les agissements de la société Covi ; que sa demande de ce chef sera accueillie ;

Attendu, sur l'indemnisation de son préjudice, que la société Larzul invoque à tort le préjudice qu'elle subirait du fait de la moindre qualité des produits vendus par la société Covi, dès lors qu'il n'est pas démontré que les ingrédients utilisés par ladite société soient d'une qualité inférieure à ceux qu'emploie la société Larzul, et que les qualités gustatives des deux produits peuvent parfaitement être différentes sans que pour autant l'un des deux produits soit supérieur à l'autre ;

Attendu en revanche que la société Larzul est fondée à solliciter la réparation de son préjudice commercial et financier, consécutif au détournement de sa clientèle qui a entraîné une baisse des ventes et du chiffre d'affaires, peu important alors que la clientèle ait ou non été détournée au profit de la société Covi ; que ce préjudice résulte tout d'abord du manque à gagner représenté par le chiffre d'affaires qu'elle aurait dû réaliser sur les années 2007, 2008 et 2009 en sus de celui réalisé et qui a été en réalité capté indûment et déloyalement par la société Covi ; qu'ensuite, la société Covi, en transformant le packaging de ses langues de bœuf par simple copiage du packaging de la société Larzul, sans supporter les investissements assumés par cette dernière, a fait indûment l'économie d'investissements de marketing, dont la société Larzul doit également être indemnisée ;

Que le préjudice économique résultant de la perte de chiffre d'affaires devant être estimé à la perte éprouvée et au gain manqué, les chiffres produits aux débats par la société Larzul, provenant de la société IRI ( pièce n° 5), et qui sont contestés par la société Covi, ne peuvent être retenus en l'état s'agissant de données émises par un tiers, dont la méthode de calcul, si elle paraît sérieuse, n'a pas été soumise au contradictoire, et ne peut en conséquence faire foi, en l'absence d'autre élément, pour l'évaluation du préjudice de la société Larzul ;

Que c'est à tort, en outre, que la société Larzul prétend que son préjudice devrait être calculé sur le chiffre d'affaires illégitimement réalisé par la société Covi sur les années considérées, dès lors que ce préjudice doit être estimé au regard de la perte subie par la société Larzul, et non pas évalué par rapport au résultat réalisé par la société Covi ;

Que seul un examen attentif des documents comptables de la société Larzul permettra de déterminer, au regard de son taux de marge brute, pour les produits considérés, la perte subie pour les années 2006 à 2009 ;

Que sur ce point, les attestations du commissaire aux comptes de la société Larzul produites aux débats ( pièces n° 19 et 20, 34 et 35), qui ne sont pas accompagnées des documents comptables de la société Larzul, et qui ne concernent que l'année 2010 sont insuffisantes à démontrer l'ampleur du préjudice subi sur la période considérée; que, s'agissant des frais de packaging ( pièce n° 30 de la société Larzul), ils concernent semble-t-il l'ensemble des produits "Larzul", sans distinction, ce qui empêche la cour d'évaluer le préjudice subi de ce fait;

Qu'une mesure d'expertise s'avère nécessaire, et doit être ordonnée, le jugement, qui a considéré à tort qu'il n'existait aucun préjudice, étant infirmé de ce chef ;

Attendu en outre qu'indépendamment du préjudice financier précisément quantifiable, le trouble commercial, préjudice constitué par la rupture de l'équilibre de la compétition entre deux sociétés concurrentes, qui se déduit nécessairement des actes déloyaux constatés, doit également être indemnisé ;

Que ce trouble est en l'espèce d'autant plus important que l'activité concurrentielle s'est déroulée sur un secteur professionnel très spécialisé, par une société employant des moyens susceptibles d'entretenir une confusion durable entre elle-même et la société concurrencée de façon déloyale ;

Que ce chef de demande sera également réservé, dans l'attente de l'évaluation du préjudice purement économique ;

Attendu que les autres chefs de demande et les dépens seront réservés ;

Par ces motifs : LA COUR, Dit n'y avoir lieu à rejeter des débats les pièces n° 19 à 21 communiquées par la société Larzul ; Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que les agissements de la société Covi en particulier la confection d'étiquettes prêtant à confusion avec celles de la société Larzul, constituent des faits de concurrence déloyale et de parasitisme commercial, et en ce qu'il a ordonné sous astreinte à la société Covi de cesser la commercialisation de ses produits à la marque Paul et Louise "langue de bœuf sauce madère" et "langue de bœuf sauce piquante", dans les étiquetages actuels, tous formats confondus (1/3 et 1/2) ; L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau, Ordonne à la société Covi le retrait de l'ensemble des linéaires des grandes surfaces actuellement achalandés de ses produits à la marque Paul et Louise "langue de bœuf sauce madère" et "langue de bœuf sauce piquante" dans les deux formats 1/2 et 1/3 et dans les packagings litigieux, et ce sous astreinte de 100 euro par infraction constatée, passé un délai de trois jours à compter de la signification du présent arrêt ; Autorise la publication du dispositif de l'arrêt dans trois journaux ou magazines au plus, au choix de la société Larzul et aux frais avancés de la société Covi, sans que le coût global de ces insertions excède la somme de 45 000 euro HT ; - Avant dire droit sur l'indemnisation du préjudice de la société Larzul, - Ordonne une expertise, - Désigne à cet effet : Monsieur Olivier Charrier, (...), (...), Avec pour mission : - Après s'être fait remettre par les parties tous documents nécessaires à son accomplissement et les avoir entendues ainsi que leurs conseils de fournir à la cour tous éléments comptables de nature à lui permettre d'apprécier ce préjudice, - Fixe à la somme de 1 500 euro la provision que la société Larzul devra consigner au Greffe de la Cour d'appel de Poitiers dans le délai de trois mois à compter du présent arrêt ; - Dit qu'à défaut de consignation dans le délai, la désignation de l'expert sera caduque sauf prorogation du délai ou relevé de forclusion conformément aux dispositions de l'article 271 du Code de procédure civile, - Dit que l'expert devra déposer son rapport dans les quatre mois du jour où il sera avisé du versement de la consignation, - Dit qu'en cas d'empêchement de l'expert, il sera remplacé sur simple requête, - Désigne le Conseiller de la mise en état pour suivre les opérations d'expertise ; Réserve les autres chefs de demande et les dépens.