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Décisions

CA Riom, 1re ch. civ., 6 mars 2008, n° 06-02523

RIOM

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Avenir Numeric's (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Baudron

Conseillers :

MM. Billy, Nicolas

Avoués :

Me Mottet, SCP Goutet-Arnaud

Avocats :

Mes Machelon, Celerien

TI Gannat, du 24 oct. 2006

24 octobre 2006

Attendu que la SARL Réseaux Satellites de France (RSF), devenue SA Avenir Numeric's, a conclu en août 2000 avec Monsieur Pierre X un contrat de fourniture et installation d'un ensemble satellite motorisé comprenant un appareil Grundig STR 600 AP, un terminal numérique RSF 2000 et un ensemble de chaînes télévisées du bouquet TPS offert pendant une période de 12 mois, pour un prix de 19 850 F ;

Que le Tribunal d'instance de Gannat, par jugement du 24 octobre 2006, a débouté de sa demande d'annulation du contrat pour dol Monsieur X qui en a interjeté appel par déclaration du 10 novembre suivant ;

Attendu que, soutenant que le système installé ne correspondait pas à l'offre de vente initiale et ne fonctionnait pas normalement, que son action n'était pas prescrite, qu'il a été démarché grâce à une action publicitaire répréhensible, comme d'autres personnes dont Monsieur Jean-Paul Y, et par le même commercial, que les dirigeants de la société ont été condamnés pour publicité mensongère dans une procédure où il a été cité comme victime, que celui-ci lui a fait croire qu'il pourrait capter gratuitement et sans limitation de durée l'ensemble des programmes mentionnés dans la documentation publicitaire, notamment Canal + et le bouquet TPS, alors que l'abonnement aux prestations de ce dernier n'était offert que pendant un an, et que, en l'absence de précision dans la publicité fournie, le réglage promis du système de captation, indispensable pour la réception des nouveaux programmes susceptibles d'apparaître à l'avenir, serait effectué gratuitement alors qu'il a été facturé à terme, que la société a pris contact avec lui pour essayer de trouver une issue amiable avant l'évocation de l'affaire devant la chambre des appels correctionnels, Monsieur X demande de réformer le jugement, de dire le contrat nul, de condamner la SA Avenir Numeric's à lui rembourser 4 700 euro, le matériel fourni étant à son domicile à la disposition de ladite société, de dire qu'elle devra prendre en charge les frais de remise en état des lieux et de la condamner à lui payer 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que, alléguant que l'action est prescrite puisque engagée plus de cinq ans après le contrat, que l'action civile de Monsieur X a été déclarée irrecevable dans la procédure pénale contre les dirigeants de RSF, que Monsieur X fonde son argumentation uniquement sur le jugement du Tribunal correctionnel de Lyon du 5 juillet 2002 par analogie sans établir avoir été personnellement victime de dol, que le jugement a été amnistié, qu'il ne verse aucun document publicitaire qui aurait pu l'induire en erreur, que la lettre de RSF produite ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité, qu'elle ne vend pas des programmes, que Monsieur X a acquis le matériel, bénéficié de son installation, de sa mise en service et des prestations accessoires de garantie et service après-vente pour un prix qu'il connaissait parfaitement, qu'il a exprimé sa satisfaction dans un questionnaire relatif à la qualité de l'installation, qu'il n'a pas été trompé sur les qualités substantielles de son achat, qu'il a attendu six ans pour exprimer un mécontentement, qu'il jouit du matériel depuis tout ce temps, la SA Avenir Numeric's conclut à la confirmation du jugement, subsidiairement à la réduction des dommages-intérêts et à la condamnation de Monsieur X à lui payer 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'il ne peut être fait droit à la demande de retirer du dossier une pièce qui a été régulièrement communiquée en première instance, qui figure au dossier depuis le début du litige et contre la production de laquelle l'intimée n'a jamais trouvé à redire jusqu'à la clôture de la procédure d'appel ;

Attendu que le premier juge a exactement retenu que ce n'était qu'au bout d'un an que, en recevant la demande de paiement de l'abonnement supposé gratuit au départ, l'acquéreur a pu se rendre compte du caractère mensonger de la publicité qui l'avait déterminé à contracter, et que ce n'est donc qu'à ce moment que la prescription avait couru, en sorte que le jugement qui a considéré que la demande n'était pas prescrite doit être confirmé ;

Attendu qu'il résulte de l'article 23 de la loi du 4 août 1981 que "l'amnistie ne préjudicie pas aux droits des tiers. En cas d'instance sur les intérêts civils, le dossier pénal est versé aux débats et mis à la disposition des parties" ;

Qu'il n'y a aucune raison d'écarter le jugement correctionnel des débats et que l'appelant est en droit d'invoquer cet arrêt au soutien de sa prétention ;

Attendu que Monsieur X a été cité parmi les 277 victimes qui se sont constituées parties civiles dans la procédure correctionnelle diligentée contre Messieurs A et B du chef de publicité mensongère et de nature à induire en erreur, la SA Avenir Numeric's étant citée comme civilement responsable ;

Que les faits reprochés étaient d'avoir "sur le territoire national, entre 1999 et 2001, effectué des publicités comportant sous quelque forme que ce soit, des allégations indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, sur les qualités substantielles et les résultats attendus d'un ensemble satellite motorisé numérique en arguant : - des avantages d'une installation groupée, - de l'agrément de la société RSF par l'Etat, du droit européen de l'audiovisuel, - de la disparition des chaînes hertziennes, - de la multiplicité et de la gratuité des chaînes, alors qu'un abonnement est nécessaire pour percevoir certaines chaînes et en entretenant cette confusion en offrant la première année un abonnement à des programmes payants, - en intitulant la présentation des chaînes "programme satellite-chaîne gratuite et TPS Version 2000" sans préciser ensuite si la réception de ces chaînes est gratuite ou payante, - en présentant la chaîne Canal + dans la publicité intitulée "chaînes stars version 2000 (...) en clair" alors que pour accéder à tous les programmes de cette chaîne un abonnement est nécessaire, - de la traduction simultanée des chaînes en langue étrangère grâce à l'accès au multi-langue-touche "changement de langue", alors que cette traduction nécessite un investissement dont le consommateur n'est pas informé, - de la garantie de la révision du matériel et de la programmation des chaînes une ou deux fois par an, de la garantie du produit sur vingt ans ou des interventions sur site garanties par le contrat de maintenance, sans préciser que le service après-vente était payant après la première année d'utilisation au préjudice de diverses victimes" ;

Que les prévenus ont été condamnés ;

Que cinquante-neuf parties civiles, dont l'appelant, ont été déclarées irrecevables au seul motif que leurs demandes tendaient uniquement à la restitution de tout ou partie du prix de vente en contrepartie de celle du matériel vendu, ou à l'indemnisation du coût du crédit, voire du remboursement des frais de réparation, la résolution du contrat n'étant pas de la compétence du tribunal correctionnel ;

Que sa demande en indemnisation de son préjudice moral n'a été rejetée par la cour d'appel qu'en raison de sa nouveauté ;

Attendu que Monsieur X justifie du contrat allégué par la production du bon d'accord de fin de travaux qu'il a signé le 25 août 2000 visant le matériel de réception satellite, le tableau d'amortissement du contrat de prêt et la lettre de l'intimée en date du 21 octobre 2003 lui proposant "de trouver une solution globale dans le différend qui nous oppose", qui n'avait pas de raison d'être en l'absence de contrat ;

Qu'il n'est pas contesté que c'est suite à un démarchage par RSF que Monsieur X a contracté, qu'il a été définitivement jugé que l'action publicitaire de RSF était répréhensible et que la SA Avenir Numeric's ne soutient pas avoir eu plusieurs actions publicitaires différentes à l'époque du contrat ;

Que le Tribunal correctionnel de Lyon, dans le jugement qui a été confirmé, a retenu "qu'en faisant remettre à domicile à la clientèle une documentation écrite aux termes de laquelle il était fortement argué de l'avantage essentiel de recevoir de très nombreux programmes télévisés en langue française en l'absence de tout abonnement et dont il résultait une grande ambiguïté quant à la gratuité de la réception de certaines chaînes de télévision désignées comme "Stars", telles que notamment "Canal +" ou "Eurosport", ou de la réception des programmes "TPS" ou "Canal Satellite", tout en laissant ses démarcheurs faire faussement croire aux acquéreurs potentiels à l'existence d'un agrément par l'Etat ou la Communauté Européenne, voire par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, et surtout à la disparition prochaine du système traditionnel de réception par la voie hertzienne, les sociétés visées à la prévention ont ainsi procédé à une publicité au sens de l'article X 121-1 du Code de la consommation de nature à induire en erreur les consommateurs moyens, s'agissant d'un secteur commercial et d'un domaine technique complexes, sur les qualités substantielles, ainsi que les résultats pouvant être attendus du système de captation proposé à la vente", "que, de fait, de très nombreux contractants ont commis l'erreur de croire qu'ils pourraient ainsi capter gratuitement et sans limitation de durée l'ensemble des programmes mentionnés dans la documentation publicitaire et en particulier ceux de la chaîne "Canal +" ou du "bouquet TPS", alors que l'abonnement aux prestations de ce dernier n'était offert que pendant un an ; que de même certains cocontractants ont également cru, en l'absence de toute précision à cet égard dans la documentation publicitaire, que le réglage promis du système de captation, indispensable à la réception future des nouveaux programmes susceptibles d'apparaître à l'avenir, serait effectué gratuitement par les sociétés visées par la prévention, alors que ce service a été, à terme, facturé et "que l'action publicitaire ainsi mise en œuvre caractérise une imprudence et des négligences imputables à ses auteurs, lesquelles ont perduré pendant plusieurs années, malgré les injonctions d'y mettre fin émanant du Ministère public et le nombre croissant des plaignants ; qu'il apparaît d'ailleurs que A lui-même a déclaré aux enquêteurs que l'offre d'abonnement gratuit pendant un an au "bouquet TPS" faite aux cocontractants était destinée à faire patienter ces derniers, dans l'attente de l'apparition de programmes télévisés nouveaux captables gratuitement par la voie satellitaire, ce qui révèle une imprudente spéculation sur l'avenir, dès lors que de tels programmes propres à satisfaire la clientèle ne sont pas ultérieurement apparus de manière significative" ;

Que la généralité des pratiques dénoncées dans ce jugement, et aussi le fait qu'elles ont touché un grand nombre de personnes habitant le même département où réside l'appelant (11) et les départements voisins (Saône et Loire, Puy de Dôme, Haute-Loire, Loire, Rhône) démontrent que Monsieur X n'a pu qu'être victime des mêmes agissements et des mêmes représentants de l'intimée ;

Attendu que la remise de documents douteux et les informations inexactes fournies lors de la souscription du contrat litigieux constituent bien des manœuvres dolosives au sens de l'article 1116 du Code civil et que ces manœuvres ont déterminé le consentement de Monsieur X ;

Qu'il ne peut être tiré aucune conséquence des réponses données à un questionnaire de satisfaction rempli après l'installation du matériel, ces réponses n'étant que la suite logique des informations contestables qui avaient été fournies ;

Attendu que le contrat doit être en conséquence annulé, la SA Avenir Numeric's devant rembourser les sommes versées (19 850 F, soit 3 026,11 euro) majorées du coût du crédit souscrit pour financer l'achat (11 457,36 F, soit 1 746,66 euro), en tout 4 772,77 euro, somme limitée par la demande à 4 700 euro, et à prendre en charge les frais de remise en état des lieux ;

Que, s'agissant de l'annulation d'un contrat, le prix doit être restitué et que le coût du crédit constitue un préjudice qui n'est dû qu'à la nécessité de financer le contrat annulé ;

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, Infirmant, Dit nul le contrat passé en août 2000 entre Monsieur X et la SA Réseaux Satellites France devenue SA Avenir Numeric's, Condamne cette dernière à rembourser à Monsieur X la somme de 4 700 euro (quatre mille sept cents euro) et à prendre à sa charge les frais de remise en état des lieux, Condamne Monsieur X à lui restituer le matériel vendu par le contrat annulé, Condamne la SA Avenir Numeric's à payer à Monsieur X 750 euro (sept cent cinquante euro) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, La condamne aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces derniers seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.