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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. B, 7 juillet 2011, n° 09-03139

NÎMES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Wagner MG Plants (EARL), Nîmes Roses (Sté)

Défendeur :

Axa France Iard (SA), Estève et Fils (SAS), Roche (ès qual.), Comptoir Agricole du Sud-Est (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Filhouse

Conseillers :

Mme Brissy Prouvost, M. Bertrand

Avoués :

SCP Pomies-Richaud Vajou, SCP Pericchi, SCP Fontaine-Macaluso Jullien, SCP Guizard-Servais

Avocats :

Mes Clément, Lacan, Monceaux, SCP Lobier Mimran Gouin Lezer

T. com. Nîmes, du 19 mai 2009

19 mai 2009

DONNEES DU LITIGE

Le GFA Nîmes Roses est propriétaire, sur le territoire de la commune de (30) Bouillargues, de 26 000 m² de serres utilisées par l'EARL Wagner MG Plants inscrite au RCS de Nîmes pour une activité d'horticulture, pépinières, production de rosiers mini-greffier.

Le GFA et l'EARL susnommés appartiennent à la famille Wagner.

Fin 2002, le GFA Nîmes Roses a financé l'achat de 20 000 m² de bâches plastiques dont des films Celloclim 4S (cf. facture du 31 décembre 2002) achetées auprès de la SAS Estève et Fils (fournisseur) qui les avait acquises de la SA Case (grossiste), le fabricant étant la société Polyane assurée au titre de sa responsabilité par la SA Axa France Iard.

Ces bâches ont été installées sur des serres abritant alors des cultures de roses.

En décembre 2003, une plantation de fraisiers hors-sol avec introduction de ruches à bourdons destinés à assurer la pollinisation a été effectuée dans 6 000 m² de serres.

Il a été constaté, pour la saison 2003/ 2004, une mauvaise pollinisation avec mortalité importante des bourdons ainsi qu'une faible production de fruits déformés avant maturité, sans qualité et impropres à la consommation.

L'opération a été renouvelée sur 8 000 m² de serres pour la campagne 2004/2005 qui a abouti aux mêmes constatations et résultats.

Le 26 avril 2005, le GFA Nîmes Roses a fait prélever par un huissier des échantillons de films, lesquels ont été adressés au laboratoire national de métrologie et d'essais d'Avignon qui, dans un rapport du 24 juin 2005, a émis l'hypothèse d'une absence de transmission des rayons UV de sorte que les bourdons, dont la perception lumineuse est faible, se trouvent quasiment dans le noir.

Par ordonnance du 7 juin 2006 rendue sur assignation de L'EARL Wagner MG Plants et du GFA Nîmes Roses, au contradictoire de la SA Estève et de la SAS Polyane (dont la liquidation judiciaire a été prononcée par jugement du 16 novembre 2006, suite à un redressement judiciaire ouvert le 3 novembre 2004) le juge des référés du Tribunal de commerce de Nîmes a désigné Mr Gauthier en qualité d'expert avec mission de :

1 - Se rendre sur les lieux du litige,

2 - Convoquer les parties,

3 - Se faire communiquer tous les documents utiles comme documentation du fabricant, rapport d'études, calendrier des cultures 2003/2004 et 2004/2005, factures,

4 - Examiner et décrire les films plastiques Celloclim 4S et dire s'ils présentent les propriétés et spécificités annoncées dans la fiche technique,

5 - Dire si le film Polyane type Celloclim 4S est adapté ou pas à l'usage auquel il est destiné et s'il présente un transfert de luminosité suffisant permettant l'activité des bourdons destinés à la pollinisation,

6 - Dire si ces insuffisances de luminosité ou de passage des rayons UV constituent un vice caché suffisamment grave ou rédhibitoire, ou un défaut de conformité de nature à rendre impropres toutes cultures par pollinisation entreprises par les demanderesses,

7 - Donner tous éléments permettant de déterminer l'imputabilité du vice caché au vendeur ou au fabricant,

8 - Préciser s'il peut être remédié à ce vice et en chiffrer le coût,

9 - Donner tous éléments permettant de dire si le fabricant ou le vendeur ont rempli leurs obligations de conseil et de renseignement à l'égard des requérantes, susceptibles d'engager leur responsabilité,

10 - Donner tous éléments de nature à déterminer le préjudice subi par les requérantes, tant à titre matériel, économique, pertes financières résultant des pertes de récoltes au titre des campagnes de cultures des années 2003/2004 et 2004/2005.'

Cette décision a été déclarée commune à la Ste Axa France.

L'expert judiciaire a déposé un rapport le 28 février 2007 et un rapport complémentaire le 11 janvier 2008.

Par acte du 28 et 29 avril, 7 mai 2008, l'EARL Wagner MG Plants et le GFA Nîmes Roses ont assigné la SAS Estève et Fils, la SA Case, André Roche, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Polyane, et la compagnie Axa France pour obtenir, au visa des articles 1134, 1135, 1147, 1604, 1641 et suivants du Code civil, leur condamnation conjointe et solidaire à paiement des sommes :

- de 27 000 euro correspondant au coût des films plastiques,

- de 3 665 euro correspondant au prix des ruches,

- de 40 000 euro au titre du prix de la main-d'œuvre,

- de 160 708 euro au titre de la perte du chiffre d'affaires,

- de 6 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

la décision à intervenir devant être assortie de l'exécution provisoire.

La SAS Estève et Fils a conclu à titre principal au débouté des demandes, à titre subsidiaire à la réduction de la prétention financière de l'EARL Wagner MG Plants et à la condamnation de la SA Case, la société Polyane, la société Axa France à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre.

La SA Case a conclu au débouté de l'action principale engagée contre elle par l'EARL Wagner MG Plants et le GFA Nîmes Roses ainsi que de l'action en garantie diligentée à son encontre par la SAS Estève et Fils.

À titre subsidiaire, elle a sollicité la condamnation d'Axa France à la relever et garantir des condamnations éventuellement prononcées à son encontre.

La compagnie Axa France a conclu au débouté de toutes demandes formulées envers la société Polyane et elle-même.

À titre subsidiaire, d'une part, elle a demandé que toutes condamnations éventuellement prononcées à son encontre soient incluses dans les limites du contrat souscrit par la société Polyane, d'autre part, elle a prié le tribunal de condamner la SA Case à la relever et garantir.

André Roche, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Polyane, n'a pas comparu.

Par jugement réputé contradictoire en date du 19 mai 2009, le Tribunal de commerce de Nîmes, au visa des articles 1134, 1315, 1147, 1604, 1641 du Code civil,

- a débouté l'EARL Wagner MG Plants et le GFA Nîmes Roses de leurs demandes,

- a rejeté les demandes reconventionnelles,

- a condamné l'EARL Wagner MG Plants et le GFA Nîmes Roses à régler à la SAS Estève et Fils et à la SA Case de la somme de 1 000 euro chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- a rejeté le surplus des demandes,

- a condamné conjointement et solidairement l'EARL Wagner MG Plants et le GFA Nîmes Roses aux dépens.

L'EARL Wagner MG Plants a interjeté appel de cette décision par acte du 10 juillet 2009.

Le GFA Nîmes Roses a interjeté appel provoqué par conclusions du 15 décembre 2010.

Par conclusions et bordereau de pièces déposés à la mise en état le 15 décembre 2010, auxquels il est fait expressément référence,

l'EARL Wagner MG Plants et le GFA Nîmes Roses concluent à l'infirmation du jugement déféré et demandent à la Cour, au visa des articles 1315, 1134, 1147, 1604, 1641 du Code civil , de :

- condamner solidairement la SAS Estève et Fils, la SA Case, André Roche, ès qualités, et la SA Axa France Iard à payer à l'EARL Wagner MG Plants (sic) :

+ la somme de 27 000 euro en remboursement des films plastiques Celloclim 4S,

+ la somme de 3 665 euro correspondant au prix des ruches,

+ la somme de 40 000 euro au titre du prix de la main-d'œuvre nécessaire pour supprimer les fruits déformés et effectuer une pollinisation manuelle,

+ la somme de 160 708 euro au titre de la perte de chiffre d'affaires (sauf à parfaire),

+ de 6 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- les condamner dans les mêmes conditions aux entiers dépens, y compris les frais de référé, de constat d'huissier et d'expertise judiciaire, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Pomies Richaud Vajou.

Par conclusions et bordereau de pièces déposés à la mise en état le 25 février 2011, auxquels il est fait expressément référence, la SAS Estève et Fils prie la juridiction d'appel :

- de dire irrecevable l'appel provoqué du GFA Nîmes Roses,

- de débouter l'EARL Wagner MG Plants,

- de confirmer, le cas échéant par substitution de motifs, le jugement déféré,

à défaut et en cas de réformation,

- de réduire la prétention financière de l'EARL Wagner MG Plants,

- de condamner la SA Case et la compagnie Axa France Iard à la relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre,

- de condamner l'EARL Wagner MG Plants à paiement de la somme de 1200 euro au titre des frais irrépétibles ainsi que des entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la S. C. P. d'avoués Fontaine-Macaluso Jullien.

Par conclusions et bordereau de pièces déposés à la mise en état le 17 février 2011, auxquels il est fait expressément référence,

la SA Case demande à la cour de :

- débouter l'EARL Wagner MG Plants,

- confirmer la décision déférée sauf à condamner celle-ci à paiement de la somme complémentaire de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que des entiers dépens (y inclus les frais d'expertise) dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Guizard Servais, titulaire d'un office d'avoué.

Par conclusions et bordereau de pièces déposés à la mise en état le 8 octobre 2010, auxquels il est fait expressément référence,

la SA Axa France Iard prie la juridiction d'appel :

- à titre principal, de confirmer le jugement déféré,

- subsidiairement et au visa de l'article 1147 du Code civil, de rejeter toute demande articulant une responsabilité du fabricant et par conséquent toute demande formée contre elle-même,

- subsidiairement, en cas de condamnation prononcée à son encontre,

+ de dire que celle-ci sera prononcée dans les limites du contrat souscrit par la société Polyane,

+ de dire que la SA Case devra la relever et garantir intégralement de toutes condamnations éventuellement prononcées à son encontre,

- dans tous les cas, de condamner l'EARL Wagner MG Plants à paiement de la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que des dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Philippe Perichi, avoué.

André Roche, ès qualités, régulièrement assigné à personne, n'a pas comparu.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 avril 2011.

La procédure a été communiquée au ministère public qui s'en rapporte à Justice.

A la demande de la cour sur l'application des dispositions de l'article L. 622-21 du Code de commerce à l'action en paiement diligentée par les appelantes à l'encontre d'André Roche, es qualités, celles-ci ont déposé une note en délibéré par laquelle elles ont sollicité la fixation au passif de la Ste Polyane de leur créance qu'elles ont justifié avoir déclarée le 26-01-2007.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la procédure en appel

Attendu qu'au vu des pièces produites, il ne ressort aucun moyen d'irrecevabilité de l'appel interjeté par l'EARL Wagner MG Plants que la Cour devrait relever d'office ;

que par ailleurs, les parties ne formulent aucune observation sur ce point ;

Attendu que le GFA Nîmes Roses forme un appel provoqué certes en lien avec l'appel principal mais qu'elle ne formule aucune demande ; de sorte qu'il est sans objet qu'en conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté le GFA Nîmes Roses de ses demandes ;

Sur l'expertise judiciaire

Attendu à titre préliminaire que la lecture des conclusions expertales est peu aisée en raison de la fourniture de trois documents ; que par ailleurs, l'expert a exprimé son avis sur des questions d'ordre juridique qui ne le concernent pas ;

Attendu que l'homme de l'art indique que les documents de référence sur les caractéristiques du film Celloclim 4S sont :

- la fiche technico-commerciale (6 pages) fournie par l'EARL Wagner MG Plants qui définit ce produit comme un film de couverture de serres à bulle, tricouche thermique, longue durée, pour les cultures maraîchères et horticoles sans aucune exclusion et qui expose notamment les effets et avantages spéciaux suivants :

"+ effet climatiseur : les bourdons travaillent mieux et plus longtemps - meilleure pollinisation -meilleure fructification,

+ résultat : meilleure qualité et rendement m² -favorise les cultures biologiques"

- la fiche technique (1 page) issue de sa documentation personnelle précisant uniquement les caractéristiques du produit et portant la date du 5 juillet 2006 ;

Attendu que ses conclusions sont les suivantes :

- le film Celloclim 4S constitue une barrière aux UV ; soumis à une absence de lumière, les bourdons ne peuvent plus se repérer et exercer leur activité pollinisatrice,

- le matériel installé en 2002 est adapté à la culture de roses et constitue même une avancée technique par rapport aux autres qualités de films plastiques,

- cependant, il est inadapté à la culture de fraises avec insectes pollinisateurs décidée en 2003 par l'EARL Wagner MG Plants mais la fiche technico-commerciale du fabricant ne formule aucune contre-indication et précise que "les bourdons travaillent mieux et plus longtemps - meilleure pollinisation - meilleure fructification",

- depuis 2001, le problème de la baisse d'activité des insectes pollinisateurs dans des serres couvertes de films opaques aux UV est connu mais non explicité ; en 2004, des essais spécifiques à l'étude de ce sujet ont été réalisés par l'Inra et ont permis de conclure à l'effet néfaste de ces films sur l'activité pollinisatrice des bourdons ; début 2005, l'information a été diffusée dans le milieu professionnel ;

Sur l'action introduite par l'EARL Wagner MG Plants

1°) sur les parties dont l'EARL Wagner MG Plants sollicite la condamnation

Attendu que l'EARL Wagner MG Plants a assigné la SAS Estève et Fils, la SA Case, André Roche, ès qualités, et la SA Axa France Iard, assureur du fabricant en liquidation judiciaire, pour obtenir leur condamnation conjointe et solidaire à paiement de diverses sommes ;

Mais attendu :

- d'une part, qu'en application des dispositions de l'article L. 622-21 du Code de commerce, l'action en paiement dirigée à l'encontre d'André Roche, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Polyane, se trouve interrompue et qu'en l'état de la déclaration de créance dont il a été justifié en cours de délibéré, l'éventuelle créance de l'EARL Wagner MG Plants sera fixée au passif de la Sté Polyane ;

- d'autre part, que l'EARL Wagner MG Plants ne développe aucun moyen à l'encontre de la SA Case et de la SA Axa France Iard, se bornant à préciser (conclusions page 12) que l'ensemble des acteurs est responsable (conclusions page 11) mais qu'il ne lui appartient pas "de discuter la responsabilité des différents intervenants et que les établissements Estève pourront argumenter sur cette question si bon leur semble" ;

2°) sur les moyens invoqués à l'encontre de la SAS Estève et Fils

Attendu à titre préliminaire

- que la facture de films n'est pas établie au nom de l'EARL Wagner MG Plants mais que la SAS Estève et Fils ne conteste pas avoir mené la transaction avec la susnommée et que par ailleurs elle ne lui conteste pas le droit de réclamer la réparation de l'éventuel préjudice résultant de fautes commises dans l'exécution du contrat de vente,

- que l'EARL Wagner MG Plants invoque notamment une violation des dispositions des articles L. 113-2,3, L. 410-1 du Code de la consommation mais que celles-ci ne sont pas applicables à l'espèce dans la mesure où aucun consommateur n'est concerné par ce litige,

- que la cour abordera successivement les autres moyens (conclusions page 11) soulevés par l'EARL Wagner MG Plants, à savoir le manquement au devoir de conseil et à l'obligation d'information ainsi que la garantie des vices cachés,

- que les autres parties ont abordé l'obligation de délivrance conforme mais que l'action en garantie des vices cachés est exclusive de la non-conformité et qu'en tout état de cause ce moyen n'est pas véritablement développé par l'EARL Wagner MG Plants ;

- sur le manquement au devoir de conseil et à l'obligation d'information

Attendu que l'EARL Wagner MG Plants, qui se présente comme un serriste non habitué à la technologie des films plastiques utilisés pour la couverture des serres, reproche à la SAS Estève et Fils, vendeur professionnel, de n'avoir pas exécuté au moment de la vente son devoir de conseil et son obligation d'information, le suivi postérieur à la transaction n'étant pas, selon elle, de nature à compenser ce manquement ; qu'elle fait valoir :

- qu'elle souhaitait acquérir des films multi usages car elle ne pouvait pas investir lourdement dans l'achat de films plastiques limitant son activité à une seule culture,

- que la SAS Estève et Fils lui a préconisé la mise en place de bâches Celloclim 4S et lui a remis "dans le but de l'inciter à contracter" (cf. conlusions page 15) la fiche technico-commerciale du fabricant présentant ce produit comme utilisable, sans aucune restriction, pour les cultures horticoles ou maraîchères et comme assurant une meilleure pollinisation par bourdons,

- qu'elle a fait affaire avec la SAS Estève et Fils en l'état des explications du vendeur et en l'état de ce document publicitaire revêtant une valeur contractuelle,

- que la SAS Estève et Fils ne l'a pas mise en garde sur les problèmes rencontrés par ces films alors qu'ils étaient connus dès 2001,

- qu'en considération de l'information fournie, elle a décidé de changer de culture ;

Attendu que la SAS Estève et Fils répond :

- que l'EARL Wagner MG Plants ne prouve pas avoir acheté le produit litigieux au vu de la fiche technico-commerciale du film plastique Celloclim 4 S émanant du fabricant, laquelle ne porte pas son timbre humide, n'est pas datée, et précise que "les recommandations, informations techniques figurant dans cette documentation ne sont pas contractuelles.

Elles sont le résultat de la propre expérience de PROSYN Polyane", étant observé que la fiche technique porte la date du 5 juillet 2006,

- que fin 2002, elle a conseillé l'EARL Wagner MG Plants au vu de son activité monoculturale de roses à l'époque et que l'expert judiciaire ayant retenu que ce produit était adapté à cette culture, aucun manquement à son devoir de conseil et à son obligation d'information ne peut lui être reproché,

- que fin 2003, elle n'a pas été consultée par l'EARL Wagner MG Plants sur la compatibilité ou non de ce film plastique avec la culture des fraisiers ;

Mais attendu à titre préliminaire qu'il sera passé outre à la mention susvisée figurant en petits caractères en dernière page de la fiche technico-commerciale imprimée par le fabricant sauf à priver ce document de tout sens ;

Mais attendu tout d'abord que le vendeur supporte un devoir de conseil à l'égard de l'acheteur ; que ce devoir, qui s'exécute lors de la formation du contrat, c'est-à-dire avant ou au moment de la conclusion de la convention, impose au vendeur de s'informer des besoins de l'acheteur et, en fonction des réponses obtenues, de le conseiller pour le choix d'un matériel adapté ; que ce devoir existe tant envers un acheteur profane qu'envers un acheteur professionnel d'une autre spécialité ; que la charge de la preuve de son exécution incombe au vendeur professionnel ;

Attendu en l'espèce et à titre préliminaire que la date et les conditions précises de l'obtention par l'EARL Wagner MG Plants de la fiche technico-commerciale du Cellofilm S4 (qui ne doit pas être confondue avec la fiche technique) ne sont pas établies, le seul élément sur ce point étant ainsi consigné dans le rapport d'expertise et ne faisant l'objet d'aucune discussion : "Lorsqu'en 2003, le client décide de changer de culture dans les serres dont il a remplacé la couverture l'année précédente, il se base sur la fiche technico-commerciale du fabricant qui ne formule aucune contre-indication (cf. déclaration de sinistre)" ;

qu'en l'état de ces éléments, ladite fiche éditée par la société Prosyn Polyane ne sera pas considérée comme un document contractuel ;

Attendu ensuite que l'EARL Wagner MG Plants, qui s'adonnait fin 2002 à la culture des roses, ne produit aucun document (devis, bon de commande, échange de courriers, demande d'informations (...)) de nature à établir les caractéristiques convenues du produit qu'elle souhaitait acheter et qu'elle ne fait pas état de conditions générales ou particulières de vente ;

qu'elle n'établit donc pas qu'avant ou au moment de la vente, elle a indiqué à la SAS Estève et Fils qu'elle souhaitait acquérir des films plastiques destinés à tous types de cultures (horticoles et maraîchères) avec un mode particulier de pollinisation (introduction de ruche de bourdons dans la serre) ;

qu'au surplus, elle ne prouve pas davantage qu'elle envisageait alors de procéder à une modification d'une partie de son activité de cultures florales en une activité de cultures maraîchères;

que le vendeur, la SAS Estève et Fils, lui a donc légitimement proposé, en l'absence de précision d'un besoin particulier et en connaissance de son activité culturale à l'époque, les films Cellofilm S4 dont l'expert indique qu'ils constituaient une avancée technique par rapport aux autres qualités de films plastiques ;

que l'EARL Wagner MG Plants, à laquelle appartient la charge de la preuve, n'établit donc pas le manquement de la SAS Estève et Fils à son devoir de conseil ;

Mais attendu aussi que le vendeur supporte une obligation d'information en vertu de laquelle il est tenu de fournir les renseignements qui sont en sa possession et dont l'absence altère le consentement de son cocontractant ;

que toutefois cette obligation ne dispense pas l'acheteur de toutes diligences, le cocontractant devant également informer le vendeur professionnel de l'usage auquel il destine la chose achetée et définir précisément ses besoins ainsi que les prestations qu'il réclame pour les satisfaire ; que le contenu des obligations du vendeur est déterminé par référence aux informations données par son client;

Attendu en l'espèce et comme déjà indiqué que l'EARL Wagner MG Plants n'établit pas avoir informé la SAS Estève et Fils du fait qu'elle entendait utiliser les films achetés pour la culture de fraisiers avec introduction de ruches de bourdons dans la serre ;

que la SAS Estève et Fils n'avait donc pas à fournir une information particulière ;

qu'en l'état de ces éléments, l'EARL Wagner MG Plants, à laquelle appartient la charge de la preuve, n'établit pas le manquement de la SAS Estève et Fils à son obligation d'information ;

Attendu au surplus que la susnommée n'a formulé aucune observation après la réception des produits ;

- sur la garantie des vices cachés

Attendu que l'EARL Wagner MG Plants soutient, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil, que la SAS Estève et Fils est tenue de la garantie à raison des défauts cachés de la chose qui la rendent impropre à l'usage auquel elle la destinait, à savoir les cultures maraîchères et horticoles nécessitant une pollinisation par insectes, aucun remède n'étant possible ;

Attendu que la SAS Estève et Fils répond que l'EARL Wagner MG Plants, sans l'interroger, a décidé, un an après la vente, de se livrer à l'activité culturale de fraises, plus rémunératrice, alors que le film vendu était adapté à l'activité de culture de roses ;

Mais attendu qu'en sa qualité de vendeur professionnel, la SAS Estève et Fils ne pouvait pas/ne devait pas ignorer les effets et avantages spéciaux annoncés par le fabricant en ce qui concerne le produit qu'elle vendait, sans aucune restriction, pour les cultures maraîchères et horticoles notamment

"+ effet climatiseur : les bourdons travaillent mieux et plus longtemps - meilleure pollinisation -meilleure fructification,

+ résultat : meilleure qualité et rendement m² - favorise les cultures biologiques" lesquels sont consignés sur la fiche technico-commerciale imprimée par la société Polyane ;

que l'explication de l'absence de pollinisation par les bourdons a été fournie en 2004 et qu'il résulte de l'expérimentation menée par l'Inra que ce phénomène s'appliquant tant aux insectes introduits en ruche dans la serre qu'aux bourdons venant de l'extérieur (cf. expérimentation Inra à Alenya printemps 2004) ;

que le produit Cellofilm 4S vendu fin 2002 n'était donc pas conforme à la destination énoncée par la fiche technico - commerciale puisqu'il ne convenait pas aux cultures de fraises (cultures maraîchères) nécessitant une pollinisation et qu'il n'assurait pas une meilleure récolte en qualité et en quantité ;

qu'il ne fournissait donc pas l'usage et le résultat auquel l'EARL Wagner MG Plants pouvait légitimement le consacrer au vu des seules informations claires et précises données sur cette fiche par son fabricant étant observé que la SAS Estève et Fils ne saurait valablement reprocher à l'appelante de ne l'avoir pas consultée pour savoir si le film était ou non adapté à ce projet, alors qu'à l'époque elle-même ignorait le problème posé par le Cellofilm 4S ; que la SAS Estève et Fils, dans le cadre de cette vente par un professionnel à un acheteur non averti en la matière, est tenue des vices cachés quand bien même elle ne les aurait pas connus au moment de la vente, étant toutefois observé que le problème avait été signalé depuis 2001 ;

Attendu en conséquence que la SAS Estève et Fils doit garantir les conséquences ayant résulté pour l'EARL Wagner MG Plants des vices cachés affectant les films vendus ;

Sur l'appel en garantie de la SA Case par la SAS Estève et Fils

Attendu à titre préliminaire que, compte tenu de l'économie de cette décision, l'appel en garantie ne sera examiné que sur le fondement juridique de la garantie des vices cachés ;

Attendu que la SA Case conteste l'existence du vice caché au motif que le produit était conforme à l'utilisation prévue par l'acquéreur, à savoir la culture des roses ;

Mais attendu que la Cour a retenu que le Cellofilm 4S était affectée de vices cachés au regard de sa destination fixée par la fiche technico-commerciale diffusée par le fabricant ;

Attendu qu'en sa qualité de grossiste, la SA Case sera condamnée à relever et garantir la SAS Estève et Fils de son obligation à réparer les conséquences ayant résulté pour l'EARL Wagner MG Plants des vices cachés des films ;

Sur l'appel en garantie de la SA AXA France diligenté par la SA Case

Attendu que la SA Case, qui fait valoir que les vices affectant la chose procèdent de ses conditions de conception et de fabrication, sollicite la garantie de l'assureur du fabricant, la SA Axa France ;

Attendu que celle-ci conclut au débouté de cette demande en faisant valoir qu'aucun manquement au devoir de conseil ne peut être reproché à son assuré dans la mesure où, d'une part, il n'a pas été interrogé sur la question de l'adéquation du film à la culture des fraises, d'autre part, les connaissances venaient d'évoluer du fait d'études toutes récentes ;

Mais attendu que la responsabilité du fabricant n'est pas recherchée sur le manquement au devoir de conseil ;

que la cour a déjà évoqué l'inexistence des effets et avantages énoncés par le fabricant dans la fiche technico-commerciale ;

que la société Polyane était spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de films polyéthylène basse densité ;

que l'expert judiciaire a indiqué que les affirmations du fabricant sur l'amélioration de l'activité des bourdons par le Celloclim 4S ne sont étayées par aucune démonstration scientifique, ce fabricant ne lui ayant jamais fourni les résultats des essais qui lui permettaient d'affirmer que ce film améliore l'activité des bourdons, n'ayant jamais fourni d'études précises et n'ayant pas indiqué que les résultats énoncés par l'Inra étaient contestables;

qu'il explique que le fabricant a considéré que l'effet climatiseur du film était suffisant pour activer l'activité pollinisatrice des bourdons; que Polyane a donc fait preuve d'une légèreté blâmable en mettant sur le marché un produit dont il vantait des qualités sans avoir procédé préalablement à une recherche et une expérimentation suffisante ;

qu'il convient d'ajouter qu'alors que le premier phénomène signalé date de 2001 et que le problème a été mis en évidence par l'Inra en 2004, le fabricant n'a effectué aucune démarche afin d'aviser les vendeurs et détenteurs des films litigieux ;

qu'en l'état de ces éléments, la responsabilité du fabricant doit être retenue ;

que la SA Axa France sera donc condamnée à garantir les conséquences ayant résulté pour l'EARL Wagner MG Plants des vices cachés des films vendus ;

qu'en l'absence d'observations de la part des autres parties, il sera fait droit à la demande de la SA AXA tendant à ce qu'une éventuelle condamnation soit prononcée dans les limites du contrat souscrit par la société Polyane ;

Attendu que la condamnation de la société AXA France étant prononcée au titre de l'appel en garantie formé à son encontre par la SA Case, il ne sera pas fait droit à sa demande tendant à être relevée et garantie par la susnommée ;

Sur le préjudice dont l'EARL Wagner MG Plants sollicite réparation

Attendu que l'EARL Wagner MG Plants réclame paiement de la somme :

- de 27 000 euro correspondant au coût des films plastiques,

- de 3 665 euro correspondant au prix des ruches,

- de 40 000 euro au titre du prix de la main-d'œuvre,

- de 160 708 euro au titre de la perte du chiffre d'affaires pour les récoltes 2003/2004, 2004/2005 ;

Attendu que l'expert, qui a souligné la carence de l'EARL Wagner MG Plants au niveau de la preuve, a toutefois chiffré son préjudice à la somme de :

- 5 860 euro pour les films plastiques,

- 2 800 euro au titre des ruches,

- 892,80 euro au titre du prix de la main-d'œuvre,

- 31 547,10 euro au titre de la perte de production 2003/2004,

- 38 370 euro au titre de la perte de production 2004/2005 ;

Attendu que la SAS Estève et Fils, la SA Case et la SA Axa France font état de la carence en preuve de l'EARL Wagner MG Plants ; que sans discussion précise, la SAS Estève et Fils sollicite une réduction des prétentions financières de l'appelante ;

Mais attendu, à titre préliminaire, que la cour n'est aucunement liée par les conclusions expertales et qu'il convient de rechercher si l'appelante établit l'existence d'un préjudice rattachable à l'utilisation du Cellofilm 4S ;

Attendu tout d'abord, que la facture versée aux débats concerne partiellement les films litigieux ; que son préjudice de ce chef sera ainsi chiffré :

- 71151082 - Celloclim 4S 3 065,60 euro

- 71151082 - Celloclim 4S 3 673,60 euro

Total HT 16 739,20 euro

- 71151082 - avoir sur le film Colloclim -1 636,80 euro

- 86 - Avoir Total sur le film Colloclim - 1 987,78 euro dû HT 13 114,62 euro

Attendu ensuite que l'EARL Wagner MG Plants ne fournit aucun justificatif des frais de main-d'œuvre qui auraient été générés par l'utilisation du Cellofilm ; qu'elle sera donc déboutée de ce chef de demande ;

Attendu par ailleurs que l'EARL Wagner MG Plants, qui ne produit aucun document comptable et ne pourrait réclamer que l'indemnisation d'une perte de résultat, ne saurait solliciter l'indemnisation d'une perte de chiffre d'affaires, étant observé au surplus qu'ayant entrepris une culture nouvelle, elle ne peut pas fournir d'éléments de comparaison ; que son préjudice est toutefois admissible au titre de la perte de chance ; qu'en l'état des éléments du dossier, celle-ci sera chiffrée à la somme de 10 000 euro ;

Attendu enfin que l'EARL Wagner MG Plants justifie de l'acquisition de ruches de bourdons et que l'existence d'un lien de causalité entre le film vendu et la mortalité des insectes n'est pas contestée ;

qu'il sera donc fait droit à la demande de l'EARL Wagner MG Plants ;

Attendu en conséquence que le préjudice de l'EARL Wagner MG Plants sera chiffré à la somme totale de : 13 114,62 euro + 10 000 euro + 2 800 euro = 25 914,62 euro ;

Attendu que cette créance sera fixée au passif de la Sté Polyane ;

Attendu que la SA AXA France sera condamnée, dans les limites du contrat souscrit par la société Polyane, à indemniser l'EARL Wagner MG Plants de son préjudice ;

Attendu en définitive que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté l'EARL Wagner MG Plants de l'ensemble de ses demandes ;

Sur les entiers dépens et frais irrépétibles

Attendu que les entiers dépens, y inclus les frais de constat d'huissier, d'expertise et de référé, seront supportés par la SA AXA France en ce qu'elle a été condamnée à relever et garantir la SA Case, elle-même condamnée à relever et garantir la SAS Estève et Fils, elle-même condamnée à garantir l'EARL Wagner MG Plants du préjudice résultant du vice caché ;

qu'il sera alloué à l'EARL Wagner MG Plants la somme de 3 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire, publiquement, en matière commerciale et en dernier ressort, - déclare l'appel de l'EARL Wagner MG Plants recevable, - déclare l'appel provoqué interjeté par le GFA Nîmes Roses, sans objet. - déclare irrecevable la demande de l'EARL Wagner MG Plants à l'encontre de André Roche, ès qualités, - confirme la décision déférée en ce qu'elle a débouté le GFA Nîmes Roses de ses demandes, - infirme la décision déférée en ce qu'elle a débouté l'EARL Wagner MG Plants de ses demandes, Statuant à nouveau, - dit que la SAS Estève et Fils doit garantir le préjudice ayant résulté pour l'EARL Wagner MG Plants des vices cachés affectant les films vendus, - dit que la SA Case doit garantir la SAS Estève et Fils de sa condamnation à réparer le préjudice ayant résulté pour l'EARL Wagner MG Plants des vices cachés affectant les films vendus, - dit que la SA Axa France Iard doit garantir la SA Case de sa condamnation à réparer le préjudice ayant résulté pour l'EARL Wagner MG Plants des vices cachés des films vendus, - chiffre le préjudice subi par l'EARL Wagner MG Plants à la somme totale de 25 914,62 euro, - fixe la créance de l'EARL Wagner MG Plants au passif de la Sté Polyane à la somme de 25 914,62 euro, - condamne la SA AXA France IARD, dans les limites du contrat souscrit par la société Polyane,à réparer le préjudice subi par l'EARL Wagner MG Plants et à paiement de la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, - rejette le surplus des demandes, - condamne la SA AXA France IARD aux entiers dépens y inclus les frais de constat d'huissier, d'expertise et de référé dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Pomies Richaud Vajou, la S. C. P. d'avoués Fontaine-Macaluso Jullien, la SCP Guizard Servais, titulaire d'un office d'avoué.