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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 13 décembre 2011, n° 10-02188

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Christal (SARL)

Défendeur :

Atac (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Legras

Conseillers :

M. Delmotte, Mme Salmeron

Avoués :

SCP Rives Podesta, SCP Cantaloube-Ferrieu Cerri

Avocats :

Mes Thevenot, Fournier

T. com. Toulouse, du 29 mars 2010

29 mars 2010

Entre le 14 mai et le 13 juin 2009 la SAS Atac, exploitant en établissement secondaire un supermarché sous l'enseigne Simply Market à Carbonne (31), réalisait une publicité comparative portant sur des produits identiques vendus dans ce magasin et dans le supermarché à l'enseigne Casino exploité en franchise indépendante par la SARL Christal à Noé (31).

A partir du 25 mai 2009 et pendant un mois la SARL Christal effectuait à son tour une publicité comparative entre des produits vendus dans son magasin et ceux vendus au supermarché Simply Market. Cette publicité comportait un tract publicitaire distribué dans le point de vente et à l'extérieur, la présentation dans le magasin de deux chariots contenant l'un les produits Casino et l'autre les produits Simply Market aux fins de comparaison et d'un panneau "Droit de réponse" implanté dans le magasin.

Le 16 juin 2009 la SAS Atac mandatait un huissier de justice aux fins de se rendre au magasin Casino et de constater le contenu des chariots et tous les éléments portant la mention Simply Market.

Estimant qu'il ressortait de ce constat des incohérences sur les produits et les prix comparés et que la publicité comparative de sa concurrente constituait un acte de dénigrement déloyal la SAS Atac, par acte du 20 juillet 2009, la faisait assigner devant le tribunal de commerce de Toulouse aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 10 000 euro en réparation de son préjudice, d'ordonner la publication de la décision dans trois journaux locaux à ses frais et la publication d'un erratum de même taille et même police à l'emplacement occupé précédemment par le panneau "droit de réponse" pendant 30 jours consécutifs à compter du huitième jour suivant la signification du jugement et sous astreinte, outre de lui payer une indemnité de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SARL Christal concluait au débouté en demandant 5 000euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 29 mars 2010 le tribunal a :

- condamné la SARL Christal à payer à la SAS Atac 5 000 euro de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;

- ordonné la publication du jugement dans les journaux et magazines LSA et LA Dépêche du Midi aux frais de la SARL Christal dans la limite de 1 000 euro par publication ;

- condamné la SARL Christal à 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SARL Christal a interjeté appel de ce jugement le 21 avril 2010. Elle a conclu le 17 août 2010 à sa réformation intégrale et au débouté de l'intimée de toutes ses demandes outre à sa condamnation à lui payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile de 5 000 euro.

La SAS Atac, intimée, a conclu le 25 novembre 2010 à la confirmation intégrale du jugement et elle demande 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS ET DECISION

L'article L. 121-8 du Code de la consommation dispose que la publicité comparative ne doit pas être trompeuse ou de nature à induire en erreur et l'article L. 121-9 2° précise qu'elle ne peut entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d'un concurrent.

Il est constant qu'une publicité fausse ou de nature à induire en erreur peut avoir pour effet de détourner la clientèle et donc constituer un acte de concurrence déloyale justifiant une action fondée sur l'article 1382 du Code civil et les premiers juges ont opportunément rappelé qu'une publicité comparative devait pour être licite être loyale et véridique, ne pas induire en erreur le consommateur, être objective c'est-à-dire ne porter que sur des caractéristiques essentielles, significatives et vérifiables pour des produits de même nature et disponibles sur le marché.

La méthode utilisée en l'espèce par la SARL Christal soit la présentation d'un même nombre de produits de grande consommation (alimentaire et hygiène), assimilables à ce qu'il est habituel de désigner comme "le panier de la ménagère" présentés dans deux chariots avec, au-dessus de ceux-ci, la reproduction des tickets de caisse les listant et tirés le jour même dans son magasin et dans celui de son concurrent permet sans nul doute au consommateur d'opérer une comparaison de prix sans qu'il soit exigé qu'il doive s'agir de produits strictement identiques ou des mêmes produits dès lors qu'il s'agit de produits présentant les mêmes caractéristiques essentielles. Par ailleurs il correspond à l'attention qu'un consommateur moyen peut porter à ce genre de messages publicitaires d'opérer un choix, en l'espèce de 35 produits, sur les milliers de références de produits en vente dans une moyenne ou grande surface.

Il est sans incidence sur l'appréciation de la licéité de la publicité comparative mise en place par la SARL Christal d'analyser une publicité comparative effectuée précédemment par son concurrent ou de constater qu'elle n'avait pas fait l'objet de poursuites. Il en est de même de la mise en perspective du poids économique de la SARL Christal, commerçant franchisé indépendant, et de la SAS Atac exploitant plus de 60 établissements secondaires.

En revanche il ressort du constat établi le 18 juin 2009 dans le magasin de Noé que l'huissier ayant parcouru les linéaires a relevé sur plusieurs produits des différences de prix entre le ticket de caisse et les indications de la borne de contrôle à la disposition des clients. Ainsi un flacon de liquide vaisselle affiché à 0,48 euro apparaissait sur la borne à 0,49 euro, un paquet de dix knacks affiché à 0,79 euro apparaissait sur la borne à 0,83 euro et une saucisse de 3 850 grammes affichée à 0,79 euro apparaissait sur la borne à 0,83 euro. D'autre part si la plupart des produits du chariot trouvaient leur identique en rayon l'un n'était pas réapprovisionné, un autre avait fait l'objet le jour même d'une modification de tarif, un troisième avait été remplacé.

Si le contrôle n'a révélé que 6 produits sur 35 présentant un problème pour une comparaison de prix il reste qu'en prenant la responsabilité d'une opération de publicité comparative telle que celle de l'espèce la SARL Christal se devait d'être particulièrement vigilante tant sur les prix effectivement payés par le consommateur que sur la disponibilité des produits.

S'agissant du dénigrement, qui consiste à jeter le discrédit sur un concurrent en répandant des informations malveillantes à son propos ou au sujet de ses produits ou services, le premier juge a justement considéré que les formules portées sur le document intitulé "droit de réponse à Simply Market" affiché dans le magasin de Noé :

- "afin que les clients ne soient pas trompés" ;

- "ce qui me laisse penser que des prix ont été baissés" ;

sont des allégations dénigrantes.

Les actes de concurrence déloyale étant ainsi constitués il doit être considéré qu'un trouble commercial constitutif d'un préjudice, fût-il moral, s'infère nécessairement d'un tel acte. Ce préjudice a raisonnablement été évalué à la somme de 5 000 euro, ce dont l'intimée conclut à la confirmation.

En revanche il n'apparaît pas opportun de faire droit à la demande de publication de la décision, le jugement étant ici réformé.

Il sera fait droit à hauteur de 2 000 euro à la demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile de l'intimée.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, - Confirme le jugement sauf en ce que la publication du jugement a été ordonnée ; - Déboute les parties de leurs demandes contraires et plus amples ; - Condamne la SARL Christal à payer à la SAS Atac la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; - Condamne la SARL Christal aux dépens d'appel dont distraction en application de l'article 699 du Code de procédure civile.