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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 24 juin 2008, n° 07-10993

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Conseillers :

Mmes Sem, Geraud-Charvet

Avocat :

Me Callige

TGI Paris, 31e ch., du 26 sept. 2007

26 septembre 2007

Rappel de la procédure :

La prévention :

SA X est poursuivie pour avoir à Paris, courant 2005 et 2006, notamment du 22 février 2005 au 30 avril 2006 effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, en l'espèce en annonçant sur les catalogues Xxx, printemps-été 2005 et soleil d'hiver 2005-2006, des offres promotionnelles puis en les supprimant sans adresser aux adhérents X le texte de l'erratum faisant état de cette suppression au 23 juillet 2005.

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré SA X coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur par personne morale, faits commis courant 2005-2006 et du 22/02/2005 au 30/04/2006, à Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 213-6 al. l du Code de la consommation, l'article 121-2 du Code pénal et réprimée par les articles L. 213-6 al. 2, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation, les articles 131-38, 131-39 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7, 8°, 9° du Code pénal et, en application de ces articles, l'a condamné à une amende délictuelle de 15 000 euros, a ordonné la dispense de publication du jugement, a rejeté la demande de non mention au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, l'a condamnée (solidairement avec M. Y) à payer à Mme Scappucci Reboul De Barry, partie civile, la somme de 300 euros à titre de dommages intérêts

Les appels :

Appel a été interjeté par:

- la SA X, le 5 octobre 2007 contre Madame Scappucci Reboul De Barry

Jacqueline.

- M. le Procureur de la République, le 5 octobre 2007 contre SA X.

Statuant sur les appels relevés par la prévenue et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence.

Par lettre recommandée avec avis de réception, Jacqueline Scappucci Reboul De Barry sollicite la confirmation du jugement attaqué. Il sera statué contradictoirement à l'égard de la partie civile intimée, conformément à l'article 420-1 du Code de procédure pénale.

Madame 1'Avocat général requiert la confirmation de la décision critiquée.

Par voie de conclusions, la SA X sollicite au contraire l'infirmation du jugement entrepris et sa relaxe des fins de la poursuite.

Elle souligne tout d'abord que seuls deux des cinq "avantages sur mesure" proposés par X dans ses catalogues Printemps-Eté 2005 et Soleil d'Hiver 2006 ont fait l'objet de réclamations, de la part de seulement trois consommateurs sur une moyenne annuelle de 500 000 clients français et 1 400 0000 clients dans le monde.

Elle relève que le 23 juillet 2005, X n'a pas manqué de :

- informer l'ensemble de ses agences et partenaires de son réseau de distribution de la suppression des "avantages sur mesure" querellés, de sorte que tous les vendeurs saisis d'une demande de réservation pouvaient informer les clients potentiels de cette suppression, comme le confirme d'ailleurs chacun des trois plaignants,

- placarder dans chacune des agences de son réseau de distribution un erratum informant clairement les clients de la suppression de ces offres promotionnelles,

- insérer ce même erratum dans les nouveaux catalogues destinés à être distribués à compter du 24 juillet 2005,

- modifier son site Internet, afin que, là encore, l'information du retrait des offres promotionnelles apparaisse très clairement,

- donner instruction à tous les vendeurs de sa plate-forme téléphonique d'informer les clients de la fin des offres promotionnelles.

La SA X fait valoir, par ailleurs, que :

- contrairement à ce que soutient la DGCCRF, les [catalogues] Printemps-Eté 2006 et Soleil d'Hiver 2005-2006 incriminés ne peuvent en aucun cas s'analyser comme des "supports publicitaires", puisqu'il s'agit de documents à valeur contractuelle par lesquels X informe les intéressés du contenu des prestations qu'il propose, conformément aux dispositions d'ordre public de l'article L. 211-9 du Code du tourisme,

- c'est donc à tort que le tribunal s'est limité, pour écarter en l'espèce l'application des dispositions de l'article L. 211-10 du Code du tourisme, à énoncer "il résulte des dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation que toute publicité comportant des allégations fausses est interdite, sans que ne puissent s'y opposer les dispositions civiles du Code du tourisme",

- il n'a jamais été question pour X de soutenir que le Code du tourisme permettrait aux agents de voyage de se soustraire à l'application des dispositions de l'article L. 221-1 (sic) du Code de la consommation,

- il n'en demeure pas moins que le deuxième alinéa de l'article L. 211-10 du Code du tourisme dispose : "Il ne peut être apporté de modifications à l'information préalable que si le vendeur s'en réserve expressément la faculté dans celle-ci", alors qu'il n'est pas contesté qu'en l'espèce X s'est expressément réservé cette faculté dans le cadre de ses conditions générales de vente,

- en effet, tenant compte de la nature spécifique du forfait touristique, service dont le contenu et le prix sont par nature soumis à de nombreux aléas et donc à des fluctuations importantes indépendantes de la volonté de l'agent de voyage, le législateur a très clairement prévu, au deuxième alinéa de 1'article L. 211-10, la possibilité pour ce dernier de modifier l'information préalable destinée à ses clients éventuels,

- or, c'est bien au sein du [catalogue] que figure cette information préalable contractuelle,

- les "avantages sur mesure" dont le retrait a été incriminé par le jugement dont appel pouvaient donc parfaitement être modifiés ou supprimés, conformément aux dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 211-10, puisqu'ils étaient insérés dans le document d'information préalable à valeur contractuelle que X est dans l'obligation de remettre à tout intéressé préalablement à la conclusion de son contrat.

La concluante soutient par ailleurs que si le délit de publicité de nature à induire en erreur est bien un délit instantané, encore faut-il que "l'infraction ait été effectivement constituée avant que l'erratum n'ait été envoyé, ce qui n'est pas ici le cas".

Elle s'interroge enfin sur le point de savoir quelle négligence ou imprudence pourrait en l'espèce lui être reprochée pour caractériser l'élément intentionnel du délit poursuivi alors que des moyens extrêmement importants ont été mis en œuvre pour diffuser l'information du retrait des "avantages sur mesure" litigieux.

Rappel des faits V

Le tribunal a complètement et exactement rapporté les circonstances de la cause dans un exposé des faits auquel la cour se réfère expressément.

Il suffit de rappeler que le 30 août 2005, Arlette Arditti, faisait parvenir une lettre à la DGCCRF dans laquelle elle expliquait avoir été intéressée par une annonce diffusée dans le catalogue X printemps-été 2005, proposant des réductions aux années de mariage des clients réservant un séjour pour septembre 2005.

Elle s'était présentée à l'agence X des Champs-Elysées pour réserver un forfait pour Ibiza du 18 au 25 septembre 2005 mais avait appris, lors de son paiement, que les réductions avaient été supprimées.

Le 15 janvier 2006, Jacqueline Scappucci Reboul De Barry, faisant suite à une annonce figurant dans le catalogue hiver 2005-2006, apprenait, par un employé de l'agence Thomas Cook de Montceau-Les-Mincs, que la réduction de 150 € annoncée dans ce catalogue avait été supprimée depuis le 23 juillet 2005.

Fin mars 2006, Charles Moha, écrivait à la DGCCRF pour se plaindre de ce qu'il avait appris lors de son séjours à Agadir en février 2006, qu'il n'avait pas bénéficié de la réduction annoncée dans ledit catalogue.

Y, directeur du marketing de la société X et délégataire d'une délégation de pouvoir, expliquait que X avait informé l'ensemble des agences, placardé un erratum et modifié le site de réservation sur l'Internet.

Le casier judiciaire de la SA X ne mentionne aucune condamnation.

Sur ce. LA COUR

Sur l'action publique

Considérant que la SA X est poursuivie pour le délit de publicité de nature à induire en erreur, prévu par l'article L.121-1 du Code de la consommation et non pour celui de tromperie, prévu par l'article L. 213-l du même Code ;

Qu'au cas d'espèce, le catalogue X printemps-été 2005, qui constitue - en dépit des assertions de la défense - un support publicitaire, faisait miroiter aux consommateurs potentiels des offres promotionnelles qui ont été par la suite supprimées, pour la période considérée, à la suite d'un changement de politique commerciale (marketing) décidé unilatéralement par la SA X ;

Considérant que le délit de publicité de nature à induire en erreur est un délit instantané, la diffusion d'erratum après la publication des catalogues restant sans effet sur l'existence de l'infraction;

Considérant que ces annonces de réduction de prix ont assurément attiré les plaignants qui, certains de pouvoir en bénéficier, ont contacté, soit une agence X, soit un point de vente indirecte pour effectuer leur réservation ;

Considérant que le fait d'annoncer sur des catalogues des offres promotionnelles, puis de les supprimer, constitue une publicité de nature à induire le consommateur en erreur au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, quand bien même des erratum ont été diffusés;

Qu'ainsi que souligné à juste titre par le tribunal, les dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ne sauraient être mises en échec par les dispositions civiles du Code du tourisme, relatives aux relations contractuelles entre les parties;

Considérant que par ailleurs le fait de ne pas s'assurer de l'absence de tout élément de nature à induire le consommateur en erreur suffit à caractériser, pour l'annonceur, l'élément intentionnel en matière de publicité trompeuse;

Considérant que la cour confirmera, dès lors, le jugement attaqué sur la déclaration de culpabilité, l'amende de 15 000 € et la dispense de publication de la décision qui constituent une application modérée de la loi pénale, adaptée aux circonstances particulières de l'espèce;

Sur l'action civile

Considérant que la cour ne trouve pas motif à modifier la décision critiquée qui a fait une exacte appréciation du préjudice subi par la partie civile et découlant directement de l'infraction;

Considérant que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions civiles ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'encontre de la SA X, contradictoirement par application de l'article 420-l du Code de procédure pénale à l'égard de Jacqueline Scappucci Reboul De Barry, Reçoit la SA X et le Ministère public en leurs appels, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, tant pénales que civiles, étant précisé qu'en application de l'article 775-1 A du CPP, la condamnation à des peines d'amende d'un montant inférieur à 30 000 euros ne sont pas inscrites au B2 du casier judiciaire des personnes morales, Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires.