Cass. crim., 28 juin 2011, n° 10-82.607
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
Mme Radenne
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Thouvenin, SCP de Chaisemartin, Courjon
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 2 février 2010, qui, pour pratiques commerciales trompeuses et publicité comparative illicite, l'a condamnée à 8 000 euro d'amende, a ordonné une mesure d'affichage, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 111- 4, 121-2 du Code pénal, L. 121-1, L. 121-5, L. 121-8 et L. 121-14 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X, coupable de pratique commerciale trompeuse et de publicité comparative illicite et l'a condamnée à la peine d'amende de 8 000 euro ; "aux motifs que, le 24 mai 2008, avait été apposée, à l'intérieur du magasin Y exploité par la société X, une affiche à l'intention des clients sur laquelle était indiqué que ce magasin était le moins cher de la ville en 2007 pour 8 000 produits et que, "preuves à l'appui", ce serait encore le cas pour les mois de janvier, février, mars et avril 2008 ; qu'il avait été relevé, concernant le mois d'avril 2008, que sur 3 960 produits de marques nationales identiques, le magasin Y obtenait un indice de 101,01 tandis que le magasin Z un indice de 100, que sur des produits de marque distributeur, non strictement comparables, le magasin Z obtenait un indice de 100 et Y un indice de 99,7 et que sur les produits - premier prix - non strictement comparables entre les enseignes, Z obtenait un indice de 100 et Y un indice de 102,3 ; que ces éléments étaient plutôt en faveur d'une plus grande compétitivité de la société A exploitant le magasin Z ; que les relevés de prix fournis par la société X portaient sur 4 777 produits comparables, soit bien moins que le nombre annoncé ; qu'ainsi les agissements de la société X qui avait apposé à l'intérieur de son magasin une affiche à l'intention des consommateurs, sur laquelle elle prétendait être moins chère sur 8 000 produits, étaient constitutifs du délit de publicité trompeuse et du délit de publicité comparative illicite, les produits n'étant pas objectivement comparables, s'agissant au surplus de produits qui n'avaient pas été inventoriés et décrits de manière précise ; que, de toute évidence, la publicité avait été faite de mauvaise foi, dans un contexte de rivalité commerciale forte et en conscience d'induire le consommateur en erreur ;
"alors que la personne morale ne peut être déclarée pénalement responsable que si l'infraction a été commise, pour son compte, par un organe ou un représentant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à évoquer les agissements délictueux de la société, sans rechercher si les publicités reprochées avaient été réalisées par un organe ou un représentant de celle-ci" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de la maxime non bis in idem et de la règle specialia generalibus derogant, des articles L. 121-1, L. 121-8 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X, coupable de pratique commerciale trompeuse et de publicité comparative illicite et l'a condamnée à la peine d'amende de 8 000 euro ;
"aux motifs que, le 24 mai 2008, avait été apposée à l'intérieur du magasin Y exploité par la société X, une affiche à l'intention des clients sur laquelle était indiqué que ce magasin était le moins cher de la ville en 2007 pour 8 000 produits et que, " preuves à l'appui ", ce serait encore le cas pour les mois de janvier, février, mars et avril 2008 ; qu'il avait été relevé concernant le mois d'avril 2008 que, sur 3 960 produits de marques nationales identiques, le magasin Y obtenait un indice de 101,01 tandis que le magasin Z un indice de 100, que sur des produits de marque distributeur, non strictement comparables, le magasin Z obtenait un indice de 100 et Y un indice de 99,7 et que sur les produits - premier prix - non strictement comparables entre les enseignes, Z obtenait un indice de 100 et Y un indice de 102,3 ; que ces éléments étaient plutôt en faveur d'une plus grande compétitivité de la société A exploitant le magasin Z ; que les relevés de prix fournis par la société X portaient sur 4 777 produits comparables, soit bien moins que le nombre annoncé ; qu'ainsi les agissements de la société X qui avait apposé à l'intérieur de son magasin une affiche à l'intention des consommateurs, sur laquelle elle prétendait être moins chère sur 8 000 produits étaient constitutifs du délit de publicité trompeuse et du délit de publicité comparative illicite, les produits n'étant pas objectivement comparables, s'agissant au surplus de produits qui n'avaient pas été inventoriés et décrits de manière précise ; que le message délivré invitait à la comparaison implicite avec les concurrents de la société X, concurrent d'autant plus facile à identifier qu'il était le seul installé dans la ville de Neuville-aux-Bois ; que cette publicité comparative se contentait de présenter le magasin Y de la société X comme étant le moins cher, sans opérer de comparaison objective sur les produits clairement identifiés ;
"alors que un fait unique ne peut donner lieu à deux déclarations de culpabilité si la valeur protégée est commune aux deux infractions; qu'en déclarant l'exposante coupable du délit de publicité comparative illicite réprimé à l'article L. 121-8 du Code de la consommation et en la déclarant également coupable de pratique commerciale trompeuse sur les prix au sens de l'article L. 121-1, 2° c, du même Code, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé, dès lors que la publicité mensongère qui porte sur le prix se réalise par une publicité comparative illicite car trompeuse" ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société X, qui exploite un magasin supermarché dans la commune de Neuville-aux-Bois (Loiret), sous l'enseigne Y a fait apposer, le 24 mai 2008, à l'intérieur de son magasin une affiche indiquant qu'en 2007 elle avait été la moins chère de la ville sur huit mille produits ainsi qu'au cours des quatre premiers mois de 2008 ; que la société A, qui exploite, le second supermarché de la ville, sous l'enseigne Z, l'a fait citer directement devant le tribunal correctionnel, des chefs, d'une part, de publicité mensongère, l'annonce prétendant faussement qu'elle avait pratiqué les prix les plus bas et, d'autre part, de publicité comparative illicite en l'absence de comparaison objective des prix pratiqués portant sur des produits clairement identifiés ;
Attendu que, pour retenir la prévenue dans les liens de la prévention, la cour d'appel prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, dont il résulte que la publicité incriminée prétendait faussement que la société X pratiquait les prix les moins élevés de la ville et invitait, en outre, à une comparaison implicite avec son unique concurrent, sans opérer de comparaison objective sur des produits clairement identifiés, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Attendu que, d'une part, la prévenue n'a pas soutenu devant les juges du fond que la publicité litigieuse n'aurait pas été faite pour son compte par un organe ou un représentant ; que, d'autre part, elle est sans intérêt à reprocher à la cour d'appel de l'avoir déclarée coupable des mêmes faits sous plusieurs qualifications, dès lors qu'une seule peine a été prononcée ; d'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;
Mais sur le moyen relevé d'office, et pris de la violation de l'article 111-3, alinéa second, du Code pénal et des articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-6, L. 121-8, L 121-14 et L. 213-1 du Code de la consommation ; - Vu lesdits articles ; - Attendu qu'aux termes de l'article 111-3, alinéa second, du Code pénal, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;
Attendu que, la cour d'appel, après avoir condamné la prévenue des chefs de pratiques commerciales trompeuses et de publicité comparative illicite, a ordonné notamment l'affichage de la décision pour une durée d'un mois sur l'ensemble des portes du magasin de la société X ;
Mais attendu que, si l'article L. 121-4 du Code de la consommation prévoit la publication de la condamnation, il n'en autorise pas l'affichage ; d'où il suit que l'arrêt encourt la cassation pour avoir méconnu le texte ci-dessus rappelé ;
Par ces motifs : Casse et annule, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel d'Orléans, en date du 2 février 2010, en ses seules dispositions concernant l'affichage de la condamnation, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Dit n'y avoir lieu à renvoi.