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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 24 octobre 2008, n° 07-07074

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Maismoinscher.com (SARL)

Défendeur :

Yamaha Corporation (Sté), Yamaha Musique France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Girardet

Conseillers :

Mmes Regniez, Saint Schroeder

Avoués :

SCP Narrat-Peytavi, SCP Gaultier-Kistner

Avocats :

Mes Bessis, Vaisse

TGI Paris, du 21 mars 2007

21 mars 2007

La société Yamaha Corporation, société de droit japonais, fabrique des produits audio vidéo de marque Yamaha, produits qui sont distribués par la société Yamaha Electronique France sur le territoire français dans le cadre d'un réseau de distribution sélective.

La société Yamaha Electronique France ayant appris que des produits de marques Yamaha étaient offerts à la vente sur le site Internet "Maismoinscher.com" a mis en demeure l'éditeur de ce site de cesser ces offres en vente jugées contrefaisantes de cinq de ses marques.

Cette mise en demeure étant restée sans effet, les sociétés Yamaha ont assigné le 22 mai 2005, la société Maismoinscher.com (sigle MMCC) en contrefaçon de marques et concurrence déloyale.

C'est ainsi qu'est né le présent litige.

Par jugement contradictoire du 21 mars 2007, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de Paris a :

- dit qu'en offrant à la vente et en vendant des produits audio vidéo de marque Yamaha sans l'autorisation de la société Yamaha Corporation, la société MMCC à commis des actes de contrefaçon par reproduction ou par imitation des marques n° 1 694 420, 1 603 550,1 512 320,1 453 370 et 191387 dont cette société est titulaire et une violation de l'interdiction de vendre donnée par la société Yamaha à ses distributeurs à d'autres qu'à l'utilisateur final ou à d'autres distributeurs agréés constitutive d'actes de concurrence déloyale au détriment de la société Yamaha Electronique France,

- dit qu'en maintenant de février 2005 à avril 2005 l'offre en vente de tels produits sans les avoir en stock, la société MMCC a utilisé les marques Yamaha comme marques d'appel,

- dit qu'en utilisant la marque Yamaha comme lien pour diriger l'internaute sur le site "officiel" de la société Yamaha, la société MMCC a commis des actes de publicité mensongère préjudiciables à la société Yamaha Electronique Europe,

- interdit la poursuite de tels actes illicites,

- condamné la société MMCC à payer à la société Yamaha Corporation la somme de 30 000 euro au titre de la contrefaçon de marques et de l'utilisation de celles-ci comme marques d'appel et à la société Yamaha Electronique Europe la somme de 20 000 euro au titre des actes de concurrence déloyale y compris les actes de publicité mensongère,

- autorisé la publication du dispositif de la décision dans trois journaux ou revues aux choix des sociétés Yamaha et aux frais in solidum de la société MMCC et ce, dans la limite de 5 000 euro HT par insertion,

- condamné la société MMCC à payer à chaque société demanderesse la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 19 juin 2008, la société MMCC, appelante, demande pour l'essentiel à la cour de :

- dire irrecevables les sociétés Yamaha Corporation et Yamaha Musique France venant aux droits de Yamaha Electronique France pour l'ensemble de leurs demandes, les intimées ne prouvant pas la licéité de leur réseau prétendu de distribution sélective,

- ordonner la restitution des sommes versées aux sociétés Yamaha Corporation et Yamaha Musique France venant aux droits de Yamaha Electronique France suite au jugement déféré,

- dire que la distribution parallèle est licite, la concluante ayant prouvé la licéité de son approvisionnement,

A titre subsidiaire :

- débouter les sociétés Yamaha Corporation et Yamaha Musique France venant aux droits de Yamaha Electronique France de l'ensemble de leurs conclusions, fins et demandes,

En tout état de cause :

- condamner in solidum les sociétés Yamaha Corporation et Yamaha Musique France venant aux droits de Yamaha Electronique France à verser à la société MMCC la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts compte tenu de l'atteinte à l'image qu'elle subit auprès de sa clientèle, et de la perte de marge brute résultant de l'arrêt des ventes les produits Yamaha depuis fin février 2005, la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts du fait des publications judiciaires parues dans la presse professionnelle en avril et mai 2007, ainsi que la somme de 20 000 euro en raison du caractère abusif de la procédure.

A titre infiniment subsidiaire :

- dire que les sociétés Yamaha Corporation et Yamaha Musique France venant aux droits de Yamaha Electronique France n'ont subi aucun préjudice, et les débouter en conséquence de l'ensemble de leurs demandes en réparation.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 4 juin 2008, les sociétés Yamaha Corporation et Yamaha Musique France venant aux droits de Yamaha Electronique France, intimées, demandent pour l'essentiel à la cour de :

- confirmer le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le quantum des condamnations mises à la charge de la société MMCC ;

- porter à 100 000 euro les dommages et intérêts alloués par le jugement déféré à la société Yamaha Corporation, toutes causes de préjudice confondues, au titre de la contrefaçon des marques Yamaha, ainsi que de l'utilisation de celles-ci comme marques d'appel,

- porter à 50 000 euro les dommages et intérêts alloués par le jugement déféré à la société Yamaha Electronique France aux droits de laquelle vient désormais la société Yamaha Musique France, toutes causes de préjudice confondues, au titre des agissements de concurrence déloyale de la société MMCC, ainsi que des actes de publicité trompeuse.

Sur ce, LA COUR

Considérant que la société Maismoinscher.com expose au soutien de son appel que les demandes des sociétés Yamaha sont irrecevables faute pour elles de justifier de l'existence et de la licéité du réseau de distribution sélective dont elles se prévalent, et que, subsidiairement, elles sont mal fondées tant en raison de l'absence d'étanchéité du dit réseau que de la nullité des conditions générales de vente imposées aux revendeurs ;

Que s'agissant des marques, elle avance qu'aucune atteinte n'est caractérisée du fait de l'épuisement des droits de leur titulaire qui a consenti à la première mise en circulation dans l'Espace Economique Européen des articles incriminés ; que la commercialisation de produits authentiques au mépris d'un réseau de distribution sélective n'est pas de nature à constituer en elle-même un acte de contrefaçon des dites marques ;

Qu'en outre, la licéité de l'approvisionnement exclut tout acte de concurrence déloyale, nonobstant les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, comme ne peuvent être incriminés au titre du parasitisme le lien hypertexte qu'elle a créé, de son site vers le site Yamaha, pour fournir toute information utile à aux consommateurs ;

Qu'elle conteste par ailleurs avoir eu une pratique dite de "marque d'appel" car toutes les commandes qu'elle a reçues ont été honorées dans un délai d'usage compris entre 4 et 20 jours ;

Sur la recevabilité des prétentions des sociétés Yamaha

Sur l'existence et la licéité du réseau de distribution sélective

Considérant que la société Yamaha Electronique France aux droits de laquelle vient désormais la société Yamaha Musique France a produit aux débats, les 600 contrats en vigueur au 6 février 2006, qu'elle a conclus avec ses vendeurs agréés ;

Que l'appelante ne saurait déduire de la liste des distributeurs également produite par l'intimée et comprenant plus de 1 300 noms, qu'il existerait d'autres contrats ou des points de vente sans contrat, dès lors que la société Yamaha Musique France explique que cette liste correspond à un historique de l'ensemble de ses distributeurs anciens et actuels et qu'elle cite et produit les documents de gestion (pièce 24) de ses anciens distributeurs ;

Que l'appelante a pu ainsi consulter les contrats en vigueur à ce jour et constater qu'ils étaient tous établis sur le même modèle avec, entre autres clauses, une clause d'étanchéité, aux termes de laquelle le distributeur agréé ne peut vendre au sein de l'Espace Economique Européen qu'à l'utilisateur final ou à un acheteur ayant la qualité de distributeur agréé ; qu'aucune disposition du contrat ne prévoit des prix imposés au distributeur lequel s'oblige cependant à réaliser un volume d'achat minimum de 3 000 euro sur une période de douze mois ;

Considérant que les matériels offerts à la vente dans ce réseau, sont des appareils audio et vidéo ; que la société Yamaha Electronique France fait valoir, comme l'ont d'ailleurs retenu les premiers juges, qu'il s'agit d'appareils d'une grande technicité qui nécessitent un personnel de vente qualifié, apte à assurer à l'utilisateur final une prestation de qualité tant avant la vente qu'après celle-ci, de sorte que le réseau en cause serait conforme aux exigences de l'article 81 paragraphe 3 du Traité CE et à l'article L. 420-4 du Code de Commerce ;

Considérant ceci rappelé, que par application de cet article, un réseau de distribution sélective est licite s'il répond à des exigences légitimes permettant d'assurer un progrès économique et si ses membres sont choisis en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif ;

Considérant que la nature des appareils en cause, d'une technologie sophistiquée, suppose de la part du personnel de vente un niveau de connaissance permettant d'assurer au consommateur les conseils et les démonstrations techniques utiles et de procéder à leur installation chez les clients; que c'est d'ailleurs ce que rappelle en ces termes, le contrat de distribution sélective : "(...) matériels audio-vidéo faisant appel à une technologie sophistiquée (...). La plupart des produits audio-vidéo de marque Yamaha nécessitent les mêmes niveaux d'expertise, de service et d'infrastructure commerciale. Toutefois, certains de ces produits sont susceptibles de nécessiter un niveau renforcé de service, tel que leur démonstration dans un espace adapté ou leur installation chez l'utilisateur (...)." ;

Considérant qu'outre cette technologie particulière qui légitime en effet le maintien d'un réseau de distribution spécialisée, les intimées revendiquent d'abord et à bon droit le bénéfice du Règlement d'exemption n° 2790-1999 du 22 décembre 1999 ;

Considérant à cet égard, que le contrat de distribution sélective ne concerne que les conditions de distribution des appareils audio vidéo en France et aucune de ses dispositions ne régit les relations avec les autres distributeurs des Etats membres ; que cependant il n'exclut pas les ventes par les distributeurs en Europe et vise même en son article 5 les ventes par Internet qui par nature sont ouvertes au commerce transfrontalier si bien que le Règlement 2790-1999 s'applique nécessairement aux accords en cause ;

Qu'en l'espèce, conformément aux exigences posées par l'article 3 de celui-ci, il est constant et d'ailleurs non contesté que la part de la société Yamaha Musique France pour le commerce des appareils précités est bien inférieure à 30 % et même à 15 %, et que le contrat de distribution ne contient aucune des clauses "noires" prohibées par les articles 4 et 5 ;

Que le réseau litigieux constitue ainsi, au sens des articles précités un réseau de distribution sélective licite rendant recevables, les prétentions formées par les intimées sur son fondement ;

Sur la licéité des conditions contractuelles du réseau de distribution sélective

Considérant que la société Maismoinscher.com incrimine deux dispositions du contrat : celle (article 6.3) qui oblige le distributeur à réaliser un volume d'achat minimum de 3 000 euro sur un an et celle (article 1-3) qui énonce que les dates de livraison par Yamaha Electronique France ne sont données qu'à titre indicatif et ne font l'objet d'aucune garantie ;

Que s'agissant de la première de ces clauses, force est de relever que le montant peu élevé d'un minimum d'achat annuel n'est pas de nature comme se borne d'ailleurs seulement à l'affirmer l'appelante, à caractériser l'abus par le fournisseur d'une relation de dépendance dans laquelle il tiendrait le distributeur, au sens de l'article L. 442-6-I-2° b du Code de commerce ;

Considérant que pas plus la clause indiquant que les délais de livraison sont purement indicatifs ne peut-elle caractériser un tel abus d'autant que les distributeurs agréés commercialisent d'autres marques et que les intimées ne sont pas démenties lors qu'elles affirment qu'une telle clause de prudence est une réserve d'usage ;

Sur l'étanchéité du réseau

Considérant tout d'abord que tous les distributeurs agréés s'obligent, selon l'article 6.1.2 à "ne vendre, ou ne fournir les produits achetés au sein de l'Espace Economique Européen qu'à l'utilisateur final ou à un acheteur ayant également la qualité de distributeur agréé (...)" ;

Que par ailleurs la société Yamaha Musique France justifie de ses diligences pour assurer l'étanchéité du réseau qu'elle a mis en œuvre, par la production (pièces 13 à 23) des nombreuses lettres de mise en demeure adressées à des distributeurs non agréés comme à ses distributeurs agréés lorsqu'ils vendent des appareils à des distributeurs non agréés ; qu'elle établit également qu'elle ne se borne pas à envoyer ces courriers mais qu'elle est attentive à la suite qui leur est réservée ;

Que l'appelante est dès lors mal fondée à exciper d'un prétendu défaut d'étanchéité du réseau qui lui est opposé ;

Sur l'atteinte aux marques

Considérant que la société Yamaha Corporation est titulaire des marques françaises et d'une marque communautaire enregistrées sous les numéros suivants :

- 1694420

- 1603550

- 1512320

- 1453370

- 191387

Qu'elles désignent les produits de la classe n° 9;

Considérant que les intimées font valoir que les article L. 713-2 et L. 713-3 du CPI interdisent l'usage, sans l'autorisation de son titulaire, d'une marque pour des produits identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement et que l'article 5-3° de la directive 89-104 du 21 décembre 1988 précise que peut être interdit l'usage du signe "dans les papiers d'affaires et la publicité"; qu'il suit que le fait pour une société de distribuer des produits marqués sans avoir la qualité de revendeur agréé dans un réseau de distribution sélective, caractériserait un usage illicite des marques dont ces produits authentiques sont porteurs ;

Qu'à l'appelante qui lui oppose que le droit du titulaires des marques serait épuisé par application de l'article L. 713-4 du CPI dès lors que les produits en cause sont authentiques et qu'elle a consenti à leur commercialisation, la société Yamaha Corporation réplique que l'existence du réseau de distribution sélective Yamaha constitue un motif légitime d'opposition à la commercialisation de produits revêtus de ses marques par des tiers n'appartenant pas au réseau ; qu'elle en déduit que quand bien même l'approvisionnement de l'appelante eût été régulier, il demeurerait un usage illicite de marques au sens des articles L. 713-2 et L. 713-3 précités ; qu'en outre, l'appelante serait d'une particulière mauvaise foi puisqu'elle n'ignorait nullement l'existence du réseau de distribution sélective et que bien plus, elle continua à s'approvisionner en produits Yamaha après réception de la lettre que la société Yamaha Electronique France lui adressa le 24 septembre 2004, pour lui enjoindre de cesser ses agissements ;

Considérant ceci rappelé, que la société Maismoinscher.com produit ses factures d'approvisionnement en France auprès de divers distributeurs - notamment les sociétés Delec, Electromat, Bardou, dont elle déclare qu'ils font partie du réseau de distribution sélective mis en place en France, ce que les sociétés Yamaha ne contestent pas précisément ; que les factures produites pour la période postérieure à la réception de la lettre de mise en demeure établissent la persistance de cet approvisionnement en produits authentiques auprès de ces mêmes distributeurs agréés ;

Qu'il convient donc de tenir pour établis par la production de l'ensemble de ces documents, tant l'origine de ces matériels audio vidéo que leur caractère authentique ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 713-4 du CPI qui est la transposition de l'article 7 de la directive 89-104, "le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce de l'Espace Economique Européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement ;

Toutefois, faculté reste alors ouverte au propriétaire de s'opposer à tout nouvel acte de commercialisation s'il justifie de motifs légitimes, tenant notamment à la modification ou à l'altération, ultérieurement intervenue, de l'état des produits" ;

Considérant qu'il suit que le principe de l'épuisement des droits énoncé à l'alinéa 1 ne saurait souffrir d'exceptions qu'en raison de motifs légitimes, dûment justifiés, tenant aux conditions dans lesquelles les produits marqués sont présentés et commercialisés auprès des consommateurs ;

Qu'en l'espèce, il est constant que les produits en cause ont été mis sur le marché avec l'accord de la société Yamaha Corporation ;

Que pour faire échec à l'épuisement de ses droits, celle-ci doit donc justifier de motifs légitimes tenant aux conditions dans lesquelles la société Maismoinscher.com revend les produits audio vidéo ;

Considérant que les intimées ne peuvent incriminer en son principe et n'incriminent d'ailleurs pas la commercialisation effectuée sur le réseau Internet, d'autant que la société Yamaha Musique France autorise elle-même ses distributeurs agréés à "promouvoir et à vendre les produits par Internet, ... cette activité pouvant être menée soit de manière complémentaire d'un point de vente (...) soit (même) de manière exclusive (...)" (article 5 du contrat) ;

Considérant que les intimées n'émettent aucun grief sur la qualité du site Internet au moyen duquel l'appelante procède à la revente de ces appareils ; que la présentation de celui-ci, l'exactitude des informations techniques fournies ou la reproduction photographique des appareils ne sont pas discutées ; que si elles incriminent l'existence d'un lien hypertexte permettant d'accéder au site Yamaha, il demeure que ce lien n'affecte pas la teneur des informations données sur le site litigieux ni les conditions de commercialisation des produits et ne peut donc faire échec à l'épuisement des droits ;

Considérant dès lors que la seule existence d'un réseau de distribution sélective, n'est pas susceptible de caractériser en elle-même, la justification d'un motif légitime au sens de l'article L. 713-4 précité, peu important que les actes incriminés se soient poursuivis après la lettre de mise en demeure laquelle n'est susceptible d'être prise en compte que pour caractériser une concurrence déloyale ;

Considérant que l'épuisement des droits de la société Yamaha Corporation, commande en conséquence l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a condamné l'appelante pour contrefaçon des marques précitées ;

Sur les actes de concurrence déloyale

Considérant que les sociétés Yamaha fondent leurs prétentions à cet égard sur la violation des dispositions de l'article L. 442-6 1 6° du Code de commerce, sur le parasitisme que constitue la création du lien hypertexte vers leur site ainsi que sur une pratique de marque d'appel ;

Considérant que selon l'article L. 442-6 "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout commerçant (...) I, 6° de participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence." ;

Considérant que si les factures des fournisseurs de l'appelante ne paraissent pas porter mention de l'existence des obligations relatives à la revente des appareils Yamaha, il convient cependant de retenir que la société Maismoinscher.com a été pleinement informée de l'existence de ce réseau par le courrier que lui adressa le 24 septembre 2004 la société Yamaha Electronique France, et d'en déduire que sa responsabilité est engagée pour avoir continué à s'approvisionner auprès de distributeurs agréés et à revendre le matériel acquis au mépris de l'injonction qui lui avait été faite et au mépris des contrats de distributions sélective conclus par la société Yamaha Electronique France ;

Considérant en outre que, comme le constata Maître Jezequel huissier, dans son procès-verbal du 11 avril 2005, l'appelante avait créé un lien, sur la colonne de droite de l'écran, entre son site et le site des intimées ; que la création de ce lien constitue un rattachement fautif de nature à tromper le consommateur qui pourra penser que l'offre à la vente de produits Yamaha est effectuée avec l'autorisation de cette dernière ;

Considérant enfin que lors de l'établissement de ce constat, l'huissier instrumentaire a pu relever qu'étaient offerts à la vente des appareils de marque "Yamaha" ; qu'il est cependant acquis aux débats qu'à cette date l'appelante n'en avait plus en stock puisqu'elle reconnaît elle-même qu'elle avait cessé de les vendre à partir du 28 février 2005 et que l'affichage de ces produits sur son site s'est pourtant prolongée jusqu'au 30 avril 2005 ; que la poursuite de cette affichage pendant deux mois consécutifs est exclusive d'une simple erreur matérielle alléguée par l'appelante et constitue une pratique fautive d'utilisation de la marque d'autrui comme marque d'appel, incriminée par la société Yamaha Corporation au titre de la concurrence déloyale et non pas au titre de la contrefaçon ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant que le préjudice subi par la société Yamaha Musique France du fait des actes de concurrence déloyale précités qui se sont poursuivis sur plusieurs mois après la mise en demeure et qui ont été commis sur un site destiné à un large public et fréquemment consulté, sera réparé par la condamnation de l'appelante à verser la somme de 30 000 euro ;

Que la société Yamaha Corporation a également subi un préjudice en raison de l'utilisation de ses marques comme marques d'appel ; que celui-ci sera réparé par le versement d'une somme de 5 000 euro, à charge pour la société Yamaha Corporation de restituer à l'appelante la différence entre la somme qu'elle a reçue au titre de la décision infirmée et le montant de la condamnation prononcée par le présent arrêt ;

Sur les demandes reconventionnelles

Considérant que l'accueil partiel des prétentions des intimées commande de rejeter celles formées par l'appelante sur le fondement du caractère prétendument abusif de la procédure ;

Que la société Maismoinscher.com sera en outre déboutée de sa demande de condamnation des sociétés Yamaha à lui verser une somme de 20 000 euro en réparation de l'atteinte à son image que lui a causée la publication de la décision des premiers juges car sa responsabilité délictuelle pour des actes de concurrence déloyale commis à l'encontre des deux intimées est également retenue par le présent arrêt ;

Sur l'article 700 du CPC

Considérant que l'équité commande de condamner l'appelante à verser aux intimées la somme globale de 5 000 euro au titre des frais irrépétibles ;

Par ces motifs : Confirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a dit qu'en offrant à la vente et en vendant des produits audio vidéo de marque "Yamaha", sans l'autorisation de la société Yamaha Corporation, la société Maismoinscher.com avait commis des actes de contrefaçon des marques dont cette société est titulaire, et sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts, Statuant à nouveau, Constate l'épuisement des droits de la société Yamaha Corporation et la déboute de ses demandes en contrefaçon de ses cinq marques, Condamne la société Maismoinscher.com à verser à la société Yamaha Musique France venant aux droits de la société Yamaha Electronique France la somme de 30 000 euro et à la société Yamaha corporation la somme de 5 000 euro en réparation des actes de concurrence déloyale commis au préjudice de chacune d'elle, Rejette toute autre demande, Condamne la société Maismoinscher.com à verser aux intimées la somme globale de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC et à supporter les dépens qui seront recouvrés par la SCP Gaultier-Kistner Gautier, avoués, dans les formes de l'article 699 du même Code.