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Décisions

CA Angers, ch. com., 26 janvier 2010, n° 08-02783

ANGERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Franklin France (SA)

Défendeur :

Ouest Accro (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vallée

Conseillers :

Mmes Breton, Schutz

Avoués :

SCP Gontier-Langlois, SCP Chatteleyn, George

Avocats :

Mes Greffe, de Treverret

T. com. Laval, du 29 oct. 2008

29 octobre 2008

Exposé du litige

Selon devis du 20 mars 2006, la société Ouest Acro, spécialisée dans la réalisation de travaux d'accès difficile, notamment l'installation de paratonnerres, a proposé à la société Cargill la remise en conformité de la protection contre la foudre sur le point culminant de son usine par le remplacement des paratonnerres à dispositif d'amorçage dits PDA par des modèles plus récents.

Reprochant à la société Ouest Acro d'avoir indiqué dans son devis que les paratonnerres à système de test à distance qu'elle fabrique n'ont pas fait la preuve de leur efficacité, qu'aucun certificat n'est disponible et que les éléments radio alimentés par les cellules photovoltaïques ont peu de chance de résister à un impact de foudre, la société Franklin France l'a fait citer devant le Tribunal de commerce de Laval pour obtenir réparation du préjudice que lui a occasionné ce qu'elle qualifie de concurrence déloyale et de publicité mensongère comparative, sollicitant sa condamnation à lui payer 30 000 euro de dommages et intérêts et à cesser ces agissements sous astreinte de 30 000 euro par infraction constatée.

Par jugement du 29 octobre 2008 le Tribunal de commerce de Laval, retenant qu'un seul devis comporte la mention litigieuse et qu'il s'agit d'un commentaire sur la qualité d'un produit à destination d'un client, a débouté la société Franklin France de ses demandes, l'a condamnée à verser à la société Ouest Acro les sommes de 5 000 euro de dommages et intérêts et 3 000 euro en application des dispositions de l' article 700 du Code de procédure civile .

La cour

Vu l'appel formé par la société Franklin France contre ce jugement.

Vu les dernières conclusions du 23 juillet 2009 par lesquelles la société Franklin France demande à la cour de retenir que les mentions du devis constituent une publicité comparative mensongère à l'égard de la clientèle et une concurrence déloyale à son égard, d'infirmer le jugement, de condamner la société Ouest Acro à lui payer 30 000 euro de dommages et intérêts, de lui interdire, sous astreinte de 30 000 euro par infraction constatée, de poursuivre ces agissements, d'ordonner la publicité de la décision, de condamner la société Ouest Acro à lui verser 20 000 euro en application des dispositions de l' article 700 du Code de procédure civile et de la condamner aux dépens de première instance et d'appel ;

Vu les dernières conclusions du 19 octobre 2009 par lesquelles la société Ouest Acro demande de confirmer le jugement et de condamner la société Franklin France à lui verser 3 500 euro en application des dispositions de l' article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel ;

Discussion

Selon l' article L. 121-1 du Code de la consommation tout moyen d'information destiné à permettre à un client potentiel de se faire une opinion sur les résultats qui peuvent être attendus d'un bien ou d'un service constitue une publicité.

La publicité comparative est définie par l'article L. 121-8 du même Code qui énonce que toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant implicitement ou explicitement un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur, que si elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services ; elle doit être loyale et ne pas être utilisée pour dénigrer un concurrent.

L'article L. 121-9 du Code de la consommation énonce enfin que la publicité comparative ne peut entraîner le discrédit ou le dénigrement des biens, services ou activité d'un concurrent ; il en résulte une convergence entre la protection des consommateurs et la protection des concurrents.

La société Franklin France prétend que les allégations relatives à son dispositif de paratonnerres testables à distance, contenues dans le devis dressé par la société Ouest Acro à destination de la société Cargill, constituent une publicité comparative mensongère ayant entraîné son dénigrement et jeté le discrédit sur son produit en répandant sur celui-ci des informations malveillantes dont il est résulté nécessairement un préjudice.

Pour qu'il soit condamnable au titre de la concurrence déloyale, le dénigrement doit être public ; certes la publicité du message dénigrant peut ne résulter que de sa divulgation à un seul tiers, client éventuel, mais l'absence de divulgation exonère son auteur.

En l'espèce le message incriminé figure sur un devis en date du 20 mars 2006, adressé par la société Ouest Acro à la société Cargill dans le cadre d'une relation contractuelle privée ; le fait qu'à la demande expresse de la société RG Consultant, il ait été transmis à cette société ne l'a pas fait sortir de ce cadre privé puisque celle-ci se trouvait missionnée par la société Cargill, pour procéder à la réfection des travaux de protection foudre ; il constitue une réponse à la demande du client concernant le remplacement d'un paratonnerre à dispositif d'amorçage existant par un nouveau et se situe dans la relation de confiance qui lie la société Ouest Acro à son client, la société Cargill, aux termes de laquelle la société Cargill confie à la société Ouest Acro, son co contractant, le choix des matériels qui seront installés sur son site.

La société Ouest Acro, qui engage sa compétence et sa responsabilité envers la société Cargill par le choix qu'elle opère entre les divers matériels offerts sur le marché, ne répond des raisons de ce choix que devant son co-contractant, sans avoir à faire la preuve, auprès des tiers, du bien fondé et de la justesse des éléments qui président à ce choix.

Par ailleurs, la mention du devis qualifiée de publicité comparative trompeuse et discriminante comporte trois éléments : le premier est un avis général exprimé par la société Ouest Acro qui ne relève pas d'une analyse technique des caractéristiques du produit ; le caractère général de l'appréciation portée lui ôte toute dimension objective et renvoie son destinataire à la confiance qu'il porte au professionnel auquel il a recours ; la seconde phrase mentionne un fait qui se révèle être exact ; si aux termes de l' article L. 212-12 du Code de la consommation il revient à l'auteur de démontrer que ses assertions sont exactes, il apparaît que la société Ouest Acro démontre qu'il n'existait pas de certificat en mars 2006, le rapport d'essai officiel n° 1262-05 dressé le 10 octobre 2005 par le laboratoire haute tension de Bazet, dont il n'est pas établi qu'il a bénéficié d'une publication antérieurement aux faits litigieux auprès des professionnels concernés, ne constituant pas un tel document ; la dernière phrase est, comme la première l'expression d'un avis sur la résistance des cellules photovoltaïques que l'auteur, qui emploie les termes "ont peu de chance" livre à son co-contractant au soutien du choix des matériels qu'il a effectué.

Il en résulte que les termes incriminés ne constituent pas une comparaison trompeuse des caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives d'un produit par rapport à un autre, telle que visée par les dispositions des articles L. 121-8 et L.121-9 du Code de la consommation .

La société Franklin France invoque également le caractère déloyal des termes utilisés par la société Ouest Acro qu'elle accuse d'avoir cherché à détourner des clients potentiels sur des produis concurrents.

Or le fait, pour la société Ouest Acro de privilégier, dans le cadre des contrats d'installation de systèmes de protection contre la foudre qu'elle a signés, les produits qu'elle connaît le mieux, dans lesquels elle a confiance et qu'elle sera le mieux à même d'installer, ne constitue pas un acte de malveillance à l'égard du fabriquant de produits concurrents.

Le jugement du 29 octobre 2008 doit être confirmé en toutes ses dispositions.

La société Franklin France, qui succombe en son appel, en supportera les dépens et indemnisera la société Ouest Acro de ses frais de procédure.