CA Douai, 2e ch. sect. 2, 11 septembre 2008, n° 07-04318
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mania (SA)
Défendeur :
RVB (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fossier
Conseillers :
Mme Neve de Mevergnies, M. Cagnard
Avoués :
SCP Deleforge Franchi, SCP Levasseur-Castille-Levasseur
Avocats :
Mes Hatte, Lasserre
Vu le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing le 3 mai 2007 ayant débouté la société Mania de l'ensemble de ses demandes et l'ayant condamnée à payer aux sociétés CMP, RVB et Kap Développement la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Vu l'appel de la société Mania enregistré le 6 juillet 2007.
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 27 février 2008 par la SA Mania qui demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner, sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code civil :
- les sociétés Kap Développement, CMP et RVB solidairement à lui payer
100 000 euro en réparation du préjudice causé du fait d'actes de débauchage déloyal, 100 000 euro en réparation d'actes de parasitisme et de concurrence déloyale par un rattachement indiscret à la marque " pizza'Mania ", 100 000 euro en réparation d'actes de publicité comparative illicite ;
- les sociétés RVB et CMP solidairement, d'une part, à lui payer la somme de 100 000 euro, la société Kap Développement, d'autre part, à lui payer celle de 300 000 euro en réparation d'actes de parasitisme et de concurrence déloyale par imitation illicite de ses documents publicitaires et de ses outils de communication ;
- les trois sociétés défenderesses à faire cesser leurs agissements sous astreinte définitive de 1 500 euro par infraction constatée passée le délai d'un mois à compter de la signification de la décision intervenir.
La SA Mania demande en outre d'ordonner la destruction de tout article ou document identique ou similaire à ses outils de communication devant tel huissier qui lui plaira et ce dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, et l'autorisation de faire publier l'arrêt dans trois journaux périodiques de son choix aux frais des sociétés intimées à concurrence de 4 000 euro hors-taxes par insertion à titre de complément de dommages et intérêts ; elle sollicite la condamnation conjointe et solidaire des sociétés intimées à lui payer la somme de 10 000 euro sur le fondement de l' article 700 du Code de procédure civile .
Vu les conclusions de la SARL RVB et de la SARL CMP déposées le 7 janvier 2008 tendant, à titre principal, à voir déclarer la société Mania irrecevable en ses demandes, et à titre subsidiaire à l'en voir débouter en confirmation du jugement rendu, et condamner à leur payer chacune la somme de 10 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 11 mars 2008 par la SAS Kap Développement demandant à la Cour de confirmer la décision rendue, de débouter la société Mania de l'ensemble de ses prétentions et demandes et de la condamner à lui payer la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties à ces conclusions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 mars 2008.
Motifs de la décision
Sur la recevabilité
La SARL RVB, dont le gérant est M. Hervé Choquel, exploitant des kiosques de fabrication et de vente de pizzas à emporter dans le Nord, a signé le 13 mai 1999 avec la société TWR, aux droits de laquelle se trouve la SA Mania, des contrats d'enseigne qu'elle a résilié en décembre 2001 ; depuis, ses établissements sont exploités sous le nom commercial "le kiosque à pizzas".
La SARL CMP, créée le 14 février 1997, dont le gérant est également M. Hervé Choquel, exerce une activité d'agence, conseil en publicité.
La SAS Kap Développement, créée le 13 mai 2004, exerce une activité de centrale d'achat et de gestion de marque ; le président du comité de direction en est M. Bruno Courcellas, et M. Choquel est membre du comité de direction ; elle est propriétaire avec la SARL CMP de la marque déposée à l'INPI " le kiosque à pizzas ".
Les faits objet du litige se rapportant à des actes attribués à M. Choquel et impliquant le nom " kiosque à pizzas ", l'action engagée à l'encontre des trois sociétés, SARL RVB, SARL CMP, SAS Kap Développement est donc recevable.
Sur le fond
1) sur le débauchage déloyal:
La SA Mania reproche aux trois sociétés intimées d'avoir distribué d'octobre 2003 à avril 2004 aux membres de son réseau une documentation qu'elle qualifie de publicitaire relative à un nouveau réseau concurrent à l'enseigne " le kiosque à pizzas" afin de les inciter à le rejoindre comme l'ont d'ailleurs fait plusieurs de ses affiliés notamment la SARL Les Délices du Kiosque et la SARL Belle Ter.
Il convient tout d'abord d'observer que ni la SARL RVB ni la SARL CMP ne sont bénéficiaires d'une quelconque embauche ou affiliation à leur profit d'anciens contractants de la SA Mania.
La SA Mania ne démontre ensuite pas que le document en cause ( sa pièce numéro 12) a été distribué à tous les membres de son réseau; une seule attestation, délivrée par M. Guillou qui met en cause M. Choquel, co-auteur et seul signataire de ce document ne suffit pas à démontrer l'étendue de l'envoi critiqué. En outre et surtout, l'envoi de lettres à la clientèle d'un concurrent auquel elles se réfèrent, même explicitement comme en l'espèce la société Mania, est licite et relève du jeu normal de la concurrence lorsque ces lettres ne dénigrent pas ou ne contiennent pas d'allégations mensongères ou injurieuses, mais se bornent à informer de l' existence d'un nouveau réseau qui entend faire aussi bien voire mieux en termes de dynamique, de tarifs et de rentabilité.
Les agissements personnels de M. Heullant, conjoint de la gérante de la SARL Les Délices Du Kiosque, elle-même membre du comité de direction de la SAS Kap Développement, dénoncés par M. Verger, sont dénués de portée, en l'absence de lien quelconque de M. Heullant avec l'une des trois sociétés intimées, d'une part, d'incidence sur un quelconque débauchage, d'autre part.
La SA Mania n'établit donc aucune faute à l'encontre des sociétés intimées de ce chef.
2) sur le rattachement indiscret à la marque " Pizza' mania " :
Le fait de se référer dans le document publicitaire précité à la qualité " d'anciens Pizza' Mania " n'est pas constitutif d'un acte de concurrence déloyale dès lors que cette mention vise seulement à informer le lecteur, a priori déjà professionnel, que les animateurs du nouveau réseau sont eux aussi expérimentés en la matière.
Il n'est donc pas démontré l'existence d'une faute de ce chef.
3) sur l'imitation illicite des documents publicitaires et des outils de communication :
Les kiosques achetés par les affiliés au réseau " Pizza' mania " restent la propriété de ceux-ci en fin de contrat, y compris l'enseigne, support du logo qui en fait partie intégrante. Il n'est donc pas fautif d'utiliser une telle enseigne qui de surcroît ne revêt aucun caractère original.
Les boîtes comprenant un point prédécoupé, le " mixe pizza " provenant des Grands Moulins de Paris, les tee-shirts et casquettes qui habillent les vendeurs ne sont pas des outils de communication propres à la SA Mania.
Le logo utilisé par les "kiosques à pizzas" se distingue nettement de celui de la SA Mania.
La présentation des menus, outre que celle faite par la SA Mania ne revêt aucune originalité particulière, s'avère également différente, dans son format, son pliage, la couleur du fond, le descriptif de chaque pizza ; le nom traditionnel des pizzas et l'utilisation des trois couleurs rappelant le drapeau italien ne peut être approprié par la SA Mania ; l'impression visuelle d'ensemble ne présente aucun risque de confusion dans l'esprit du consommateur.
La taille des affiches et leur emplacement sont conditionnés par la structure même du kiosque et ne sont de surcroît susceptibles d'aucune protection ; leur libellé n'est empreint d'aucune originalité et leurs couleurs, dans une gamme restreinte largement utilisée par tous les professionnels en la matière, s'avère en l'espèce différentes dans leurs dominantes.
Il convient en outre d'observer avec les sociétés intimées que la SA Mania a modifié profondément depuis juin 2003 ses outils de communication ce qui conduit à les distinguer encore plus de ceux qu'elles mettent en œuvre.
Aucun de ces éléments ne constitue en tout état de cause un détournement d'informations privilégiées de la SA Mania.
Aucune faute n'est donc établie de ce chef.
4) sur la publicité comparative illicite :
Le tableau comparatif des prix pratiqués par la SA Mania et la SAS Kap Développement sur quatre produits de base entrant dans la fabrication des pizzas et la synthèse exprimée en pourcentage sur le différentiel des prix sous le titre " Mania plus cher que Kap de : " ne contrevient pas aux dispositions des articles L. 121-8 et L. 121-9 du Code de la consommation .
En effet, d'une part, ces textes visent à protéger les consommateurs et ne trouvent pas à s'appliquer entre professionnels ; or le document qui contient ce tableau est destiné exclusivement à des professionnels pouvant chercher à rejoindre un réseau tel que celui proposé par la SAS Kap Développement; et en admettant même que ce document ait été adressé à tous les affiliés de la SA Mania, ce qui n'est pas démontré, sa diffusion est restée restreinte et confidentielle. D'autre part, ce document se limite à une comparaison objective des prix auxquels des produits identiques sont vendus, dans les mêmes conditions, par des commerçants différents, sans chercher à tirer indûment profit de la prétendue notoriété attachée à la marque " Pizza' mania ", notoriété dont la SA Mania ne rapporte pas la preuve.
Il n'est donc pas établi de faute de ce chef.
En conséquence, en l'absence de preuve d'une faute des sociétés intimées constitutive d'un acte de concurrence déloyale ou de parasitisme, la SA Mania doit être déboutée de toutes ses demandes, en confirmation du jugement déféré.
Sur les autres demandes
Il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés intimées le montant de leur frais irrépétibles, exposés en appel , fixés à 3 000 euro pour chacune d'elles ; la somme accordée en première instance à ce titre est confirmée.
La SA Mania supportera l'intégralité des dépens.
Par ces motifs, Statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, Confirme le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne la SA Mania à payer à la SARL RVB, la SARL CMP, et la SAS Kap Développement la somme de 3 000 euro chacune en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SA Mania aux dépens et autorise la SCP Levasseur, Castille, Levasseur, avoué à les recouvrer en application des dispositions de l' article 699 du Code de procédure civile.