CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 17 septembre 2009, n° 08-06287
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Sandoz (Sté)
Défendeur :
Laboratoire Glaxosmithkline (SAS), Beecham Group PLC (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mandel
Conseillers :
Mmes Valantin, Lonne
Avoués :
SCP Jupin & Algrin, SCP Bommart Minault
Avocats :
Mes Samyn, Lenoir
Vu la communication de l'affaire au ministère public en date du 05 septembre 2008,
La société de droit britannique Beecham Group PLC est titulaire de la marque française dénominative Deroxat déposée le 25 mai 1992 renouvelée le 27 mars 2002 et enregistrée sous le n°92 420 574 pour désigner en classe 5 des produits pharmaceutiques à usage humain.
Cette marque est utilisée pour désigner un anti-dépresseur commercialisé en France par la société Glaxosmithkline.
La société G GAM a, quant à elle obtenu le 6 août 2002, une autorisation de mise sur le marché (AMM) d'une spécialité pharmaceutique dénommée "paroxetine G Gam 20mg" inscrite au répertoire des génériques le 10 mai 2004.
La société Beecham ayant eu connaissance de ce que la société G GAM avait fait paraître en mai 2003 dans les publications "le quotidien du pharmacien" et "le moniteur des Pharmacies et des Laboratoires" une annonce publicitaire informant de la commercialisation prochaine de la paroxetineG GAM (générique de Deroxat, paru au J.O du 1/11/2002) a fait procéder le 12 juin 2003 à une saisie contrefaçon dans les locaux d'une pharmacie à Paris 7°. Suite à cette procédure, les sociétés Beecham et Glaxosmithkline ont fait assigner la société G GAM en contrefaçon et en concurrence déloyale devant le Tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement en date du 16 novembre 2004, le tribunal a dit que l'utilisation de la marque d'un médicament de référence était légitime en ce qu'elle est nécessaire à l'information des pharmaciens pour l'exercice du droit de substitution par un médicament générique dès lors que ce droit est effectivement ouvert, dit qu'en diffusant les publicités en cause mentionnant, sans autorisation, que le médicament dénommé "paroxetine Ggam" est le générique de "deroxat" alors que la "paroxetine Gga" n'était pas inscrite au répertoire des génériques, la sociétéG GAM a commis des actes de contrefaçon de la marque Deroxat n°92 420 574 et a condamné G GAM à payer à la société Beecham la somme de 30 000 euro à titre de dommages intérêts. Le tribunal a débouté la société Glaxosmithkline de sa demande pour concurrence déloyale. Le tribunal a fait droit à des mesures de publication et a alloué aux sociétés demanderesses une somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 Code de procédure civile.
Sur appel de la société Sandoz venant aux droits de la société G GAM, la Cour d'appel de Paris, par arrêt du 3 mai 2006, a confirmé le jugement en ce qu'il a débouté Glaxosmithkline de ses demandes au titre de la concurrence déloyale. Pour le surplus, réformant le jugement entrepris, la cour a dit que Sandoz, venant aux droits de G GAM avait commis des actes de contrefaçon en reproduisant et faisant usage de la marque Deroxat dans des publicités destinées à promouvoir la spécialité pharmaceutique paroxétine G gam, prononcé des mesures d'interdiction sous astreinte de 10 000 euro par infraction constatée, condamné la société Sandoz au paiement de la somme de 100 000 euro à titre de dommages-intérêts, confirmé les mesures de publication ordonnées par les premiers juges et enfin a condamné Sandoz au paiement d'une somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Sandoz a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision et par arrêt du 26 mars 2008, la chambre commerciale, financière et économique de la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel au visa des articles L. 121-8 du Code de la consommation et de l'article L. 5121-1 5° du Code de la santé publique, sauf en ce qu'il a rejeté la demande fondée sur la concurrence déloyale et renvoyé sur les autres points la cause les parties devant la Cour d'appel de Versailles en retenant qu'en présentant la spécialité paroxétineG GAM comme le générique du Deroxat, la sociétéG GAM informait le public que cette spécialité avait la même composition qualitative et quantitative en principe actif, la même forme pharmaceutique que la spécialité de référence, et que sa bioéquivalence avec cette spécialité était démontrée, ce dont il résultait qu'elle procédait à une comparaison des caractéristiques essentielles, pertinentes , vérifiables et représentatives de ces produits.
La société Sandoz, qui a régulièrement saisi la présente cour, désignée comme cour de renvoi, conclut dans le dernier état de ses écritures (conclusions du 26 mai 2009) à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que l'utilisation de la marque d'un médicament de référence était légitime car nécessaire à l'information des pharmaciens pour l'exercice du droit de substitution par un médicament générique dès lors que ce droit est effectivement ouvert ; de l'infirmer pour le surplus et de dire que la publicité poursuivie qui cite la paroxetine G Gam et son princeps Deroxat sous son nom de marque constitue une publicité comparative licite au sens des dispositions de l'article L. 121-8 et L. 121-9 du Code de la consommation et en conséquence de dire légitime la citation de la marque Dexorat ; de dire au surplus que l'utilisation de la marque Dexorat est légitime dès délivrance de l'AMM à raison de l'article L. 713-6 du CPI et en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu des actes de contrefaçon. La société Sandoz sollicite le paiement d'une somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de son appel, la société Sandoz fait valoir que la spécialité générique définie à l'article L. 5121-1 5° du Code de la santé publique n'est pas définie par rapport à un principe actif (la DCI) mais par rapport à une spécialité de référence qui est un médicament identifié, commercialisé sous un nom de marque. Elle expose que cette corrélation résulte également de l'article R. 5143-8 du Code de la Santé Publique et relève que la décision d'AMM pour la paroxétine G Gam a fait l'objet d'une publication au JO qui rappelle que la paroxétine G Gam "est un générique de Dexorat 20 mg comprimé pelliculé sécable".
Sur l'application de l'article L. 121-8 du Code de la consommation, Sandoz expose que la publicité comparative légitime la citation de la marque dans des circonstances exclusives de contrefaçon ; que la mention "paroxétine G Gam générique de Dexorat" emporte une comparaison implicite de caractéristiques communes (même composition qualitative en principe actif, même composition quantitative en principe actif, même forme pharmaceutique, bioéquivalence démontrée) en raison du statut particulier de la spécialité générique qui est essentiellement similaire à la spécialité princeps. Sandoz s'appuie également sur la jurisprudence communautaire sur la publicité comparative qui selon elle autorise la référence à un concurrent en citant sa marque.
Sur l'article L. 121-9 alinéa 4 du Code de la consommation qui dispose que la publicité comparative ne peut présenter des biens comme une imitation ou une reproduction d'un bien bénéficiant d'une marque, Sandoz fait valoir que la spécialité générique est par nature et par son statut légal identique à la spécialité de référence, lui est substituable et ne peut renvoyer à la notion d'imitation ou de reproduction sauf à rendre toute publicité comparative illicite en matière de génériques. Elle ajoute que la publicité en cause ne présente d'ailleurs pas la paroxétine G Gam comme l'imitation ou la reproduction du Dexorat. Sandoz soutient que la citation de la marque Dexorat est même impérative au regard du statut spécifique et particulier du médicament générique et ce en application de l'article L. 5122-4 du Code de la santé publique.
Sur l'article L. 121-9 alinéa 1 du Code de la consommation qui énonce que la publicité comparative ne peut tirer indûment profit de la notoriété attachée à une marque, Sandoz expose qu'il convient de prendre en compte le fait que la publicité incriminée visait un public spécialisé (professionnels de santé), que ce public n'a pu être induit à associer Glaxosmithkline et G GAM, qu'il n'y a aucun risque de confusion ; qu'elle n'a pas cherché à tirer profit de la notoriété de la marque mais qu'elle a uniquement voulu informer les professionnels ; que la publicité comparative est nécessaire en matière de génériques ; que tous les laboratoires de génériques y ont recours et citent les marques de la spécialité princeps.
Enfin, Sandoz se référant à l'article L. 713-6 du CPI soutient que la référence à la marque de la spécialité princeps est nécessaire et obligée pour le médicament générique ; que la DCI (dénomination commune internationale) est incertaine, indirecte, insuffisante.
Enfin, Sandoz critiquant le jugement sur ce point, fait valoir que l'inscription au répertoire des génériques ne crée pas le statut de générique mais en découle et que la paroxétineG GAM a, indépendamment de cette inscription, acquis la qualité de générique dès l'ampliation de son AMM le 6 août 2002.
Glaxosmithkline et Beecham poursuivent la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que G GAM avait commis des actes de contrefaçon de la marque Dexorat et l'a condamnée de ce chef. Mais elles en demandent l'infirmation en ce qu'il a dit que l'utilisation de la marque d'un médicament de référence était légitime en ce qu'elle était nécessaire à l'information des pharmaciens pour l'exercice du droit de substitution par un médicament générique dès lors que ce droit est effectivement ouvert. Les intimées demandent à la cour de dire que Sandoz s'est rendue coupable de contrefaçon par reproduction et utilisation de la marque Deroxat et ce indépendamment de l'inscription de la paroxetine G GAM au répertoire des génériques, sollicitent des mesures d'interdiction et de publication , la condamnation de Sandoz au paiement d'une somme de 150 000 euro à titre de dommages-intérêts à la société Beecham, demandent qu'il soit ordonné à Sandoz de récupérer toutes brochures et prospectus comportant la reproduction de la marque Deroxat sous astreinte de 10 000 euro par jour de retard et réclament le paiement d'une indemnité de 40 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Selon Glaxosmithkline et Beecham, la publicité en cause ne constitue pas une publicité comparative licite au regard de l'article L. 121-9 alinéa 4 du Code de la consommation dans la mesure où la Paroxetine G GAM y est présentée comme une imitation ou une reproduction de la spécialité Deroxat. Elles exposent que la spécialité générique est par définition une imitation ou une reproduction de la spécialité de référence (même composition qualitative et quantitative en principe actif, bioéquivalence) qu'elle reproduit les caractéristiques du produit couvert par le brevet et partant en constitue une contrefaçon ce qui explique qu'elle ne peut pas être commercialisée avant l'expiration du brevet. Selon Glaxosmithkline et Beecham, le caractère licite de la spécialité générique qui constitue la copie de la spécialité de référence ne peut légitimer la référence à la marque sous laquelle est commercialisée la spécialité de référence. Elles ajoutent que l'article L. 5122-4 du Code de la santé publique (abrogé le 27 février 2007) ne prévoyait pas que la publicité doive mentionner la spécialité de référence et encore moins la marque sous laquelle cette dernière était commercialisée mais seulement l'appartenance à la catégorie des spécialités génériques
En deuxième lieu, Glaxosmithkline et Beecham soutiennent que la publicité en cause ne constitue pas une publicité licite au regard des dispositions de l'article L. 121-9 alinéa 1 du Code de la consommation dans la mesure où la citation qui est faite de la marque Dexorat a pour finalité de bénéficier immédiatement de la notoriété de cette marque afin d'en tirer indûment profit. Elles insistent sur le fait que l'usage de la marque n'était pas nécessaire pour indiquer la destination de la Paroxetine G Gam.
En troisième lieu, Glaxosmithkline et Beecham font valoir que la référence à la marque Deroxat n'est pas une référence nécessaire au sens de l'article L. 713-6 du CPI pour désigner la spécialité générique, que le public visé étant un public de professionnels de santé, il suffisait d'indiquer le statut de la spécialité Paroxetine G Gam à savoir médicament générique et de mentionner la DCI à savoir : paroxétine.
En quatrième lieu, Glaxosmithkline et Beecham critiquant le jugement sur ce point, font valoir que la référence à la marque d'un médicament de référence dans une publicité pour un médicament générique n'est pas nécessaire à l'information des pharmaciens quant au caractère substituable de cette spécialité, cette information pouvant être apportée en indiquant la DCI et les pharmaciens étant de surplus tenus d'actualiser leurs connaissances. Les intimées font observer que la politique mise en place est de favoriser la prescription en DCI et que toute position contraire conduirait à une atteinte grave et injustifiée au droit de propriété absolue du titulaire de la marque de la spécialité princeps (dégénérescence de la marque, expropriation de fait). Glaxosmithkline et Beecham indiquent enfin que le fait que l'AFSSAPS utilise la marque de Beecham dans un document administratif ne peut exonérer Sandoz des faits de contrefaçon, ne constitue pas un fait justificatif.
Pour justifier du préjudice, les intimées invoquent le fait que la spécialité de référence est commercialisée depuis 1995 et que la contrefaçon déprécie la valeur de la marque.
Sur ce, la cour
Considérant qu'il sera observé que l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 3 mai 2006 n'ayant pas été cassé en ce qu'il a rejeté la demande en concurrence déloyale, la cour de céans en tant que cour d'appel de renvoi n'est pas saisie de ce chef de demande ;
Considérant qu'en cours de délibéré les parties ont chacune communiqué des notes en délibéré ; que ces notes n'ayant pas été sollicitées par la cour pas plus que la communication de l'arrêt rendu par la CJCE le 18 juin 2009 suite à une demande de question préjudicielle introduite par la Court of Appeal (England & Wales) dans une affaire opposant les sociétés L'Oreal, Lancôme Parfums, Laboratoires Garnier aux sociétés Bellure, Malaika Investments Et Starion International, ces notes et cet arrêt seront écartés ; que de plus il sera relevé que la CJCE s'est prononcée dans le cadre des listes comparatives en matière de parfums dans lesquelles des marques enregistrées sont utilisées et non dans le cadre d'une publicité comparative en matière de médicaments génériques ;
Considérant que suite à l'arrêt de la cour de cassation, aucune des parties ne conteste que la publicité incriminée soit une publicité comparative au sens de l'article L 121-8 du Code de la consommation ;
Mais considérant qu'il convient toutefois de rechercher si elle constitue une publicité comparative licite au regard des articles L. 121-9 alinéa 1 et 4 du Code de la consommation et de l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle ;
Considérant que les annonces incriminées informent de "la commercialisation prochaine de la paroxetine G Gam (générique de Dexorat, paru au J.O du 01/11/2002)" et présentent un conditionnement de paroxetine G GAM vu de face sur lequel figure notamment la mention
" ce médicament générique remplace ... prescrit par votre médecin" ;
Considérant que l'article L. 121-9 alinéa 4 du Code de la consommation dispose que "la publicité comparative ne peut présenter des biens ou services comme une imitation ou une reproduction d'un bien ou d'un service bénéficiant d'une marque ou d'un nom commercial protégé" ;
Considérant que l'article L. 5121-1 du Code de la santé publique donne du générique la définition suivante : 'on entend par 5° a) spécialité générique d'une spécialité de référence, celle qui a la même composition qualitative et quantitative en principe actif, la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par les études de biodisponibilité appropriées' ;
Que la spécialité de référence est encore dénommée 'princeps' ;
Considérant que la publicité incriminée ne présente pas la paroxetine comme une imitation ou une reproduction de la spécialité de référence mais comme le générique de la spécialité de référence ; que le générique étant substituable au princeps, constituant son équivalent, il n'imite pas le princeps ; que par ailleurs la disposition de l'article L. 121-9 alinea 4 du Code de la consommation visant la reproduction doit être différenciée de la notion de "bioéquivalence" qui caractérise le générique; qu'affirmer qu'un produit est le générique d'une spécialité de référence, c'est à dire qu'il en constitue l'équivalent, sans faire allusion au fait que cette équivalence résulte d'une "copie" du produit premier ne rentre pas dans le champ d'application de l'article L. 121-9 alinéa 4 du Code de la consommation ; que le médicament générique bénéfice d'un statut législatif spécifique et toute publicité pour un générique doit préciser que le médicament, objet de cette publicité, est un générique ;
Considérant qu'il est encore reproché à la société Sandoz d'avoir réalisé une publicité comparative qui tire indûment profit de la notoriété attachée à la marque "dexorat" et ce en violation de l'article L. 121-9 alinéa 1 du Code de la consommation qui dispose que "la publicité comparative ne peut 1° tirer indûment profit de la notoriété attachée à une marque de fabrique, de commerce ou de service ..." ;
Mais considérant qu'en l'espèce une telle preuve n'est pas établie ;
Qu'outre le fait qu'il n'existe ni identité, ni similitude entre la dénomination "paroxetine" et "dexorat", la mention entre parenthèses et en petits caractères "générique de Dexorat paru au JO du 1/11/2002" ne cherche pas à exploiter la notoriété de cette marque mais à donner une information immédiate au public concerné, à savoir les pharmaciens et professionnels de santé, en leur indiquant que cette spécialité est le générique de la spécialité de référence "dexorat"; qu'il convient également de relever que le conditionnement reproduit sur la publicité ne comporte que le nom "Paroxetine G GAM" en gros caractères et qu'aucune mention de la marque "dexorat" ne figure dans le carré blanc destiné à informer le patient de la nature de la substitution opérée par le pharmacien ; qu'enfin le public visé étant un public de professionnels particulièrement avisés qui connaît les laboratoires pharmaceutiques, il n'existe aucun risque de méprise sur l'origine des produits ; que par voie de conséquence il ne peut être fait grief à la société Sandoz d'avoir par la publicité en cause tiré indûment profit de la notoriété de la marque "deroxat" ;
Considérant toutefois que la spécialité de référence étant protégée par la marque "deroxat", il convient de rechercher si l'usage de cette marque était nécessaire pour indiquer la destination du produit tel que l'énonce l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle qui est la transposition en droit français de l'article 6 c) de la directive 89/104 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;
Que la destination du produit en tant qu'accessoire ou pièce détachée n'étant donnée qu'à titre d'exemple, l'application de l'article L. 713-6 n'est pas limitée à ces situations mais peut s'appliquer à la situation, objet de la présente instance ;
Considérant que la société Sandoz soutient que seule la citation de la marque de la spécialité de référence au regard de la spécialité générique permet une information compréhensible et complète au profit du personnel de santé ; qu'elle fait valoir que l'identification par la dénomination commune internationale -DCI- est incertaine, indirecte et insuffisante ;
Considérant que la CJCE a dit pour droit dans son arrêt du 17 mars 2005 (The Gillette Company, Gilette Group Finland Oy/LA Laboratories Finland Oy) que : "l'usage de la marque par un tiers qui n'en est pas titulaire est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit commercialisé par ce tiers lorsqu'un tel usage constitue en pratique le seul moyen pour fournir au public une information compréhensible et complète sur cette destination afin de préserver le système de concurrence non faussé sur le marché de ce produit" ; qu'elle a également dit que pour vérifier si un tel usage est nécessaire, il convient de tenir compte de la nature du public auquel est destiné le produit commercialisé par le tiers en cause ;
Considérant qu'en l'espèce la publicité incriminée qui a été publiée dans le Quotidien du pharmacien et le 'moniteur des pharmacies et des laboratoires' est destinée aux pharmaciens et aux professionnels de santé et non au public des patients concernés par les prescriptions ; que cette publicité a pour but d'informer ces professionnels de la destination thérapeutique du produit "paroxetine G Gam" ; qu'elle mentionne la présentation pharmaceutique du médicament, sa composition, le dosage en principe actif à savoir la paroxetine, les indications thérapeutiques et contre-indications, le mode d'administration, la posologie ;
Que la paroxetine est la dénomination commune internationale (DCI) correspondant au principe actif contenu dans le médicament ; qu'elle identifie la substance active d'une spécialité pharmaceutique ; qu'elle est unique et commune à tous les pays ;
Que si à une même DCI peut correspondre plusieurs spécialités de référence comme c'est le cas par exemple pour le diltiazem, il demeure que les trois spécialités de Sanofi à savoir "tildiem", "bi-diltiem" "dilrene" comportent toutes comme principe actif du diltiazem et qu'à chaque spécialité correspond un certain dosage en principe actif variant de 60 à 300 mg et que chaque composition a une indication thérapeutique différente ; qu'en toute hypothèse, en l'espèce Sandoz ne rapporte pas la preuve qu'il existe plusieurs spécialités princeps à but thérapeutique différent pour le seule DCI "paroxetine" ;
Que la mention de la DCI "paroxetine" dès lors qu'elle est accompagnée de l'indication du dosage en principe actif ce qui est le cas dans la publicité incriminée qui mentionne 20mg ainsi que d'indications thérapeutiques permet d'informer de manière compréhensible et complète les professionnels de santé sans qu'il soit nécessaire de faire référence à la marque "deroxat" ;
Qu'il ne peut être valablement soutenu que seule la référence à la marque "deroxat" est susceptible de procurer une information complète et de savoir quel médicament générique peut être substitué à cette spécialité princeps ; qu'en effet le public de référence étant un public de professionnels de santé, il ne peut se limiter aux informations données par un document publicitaire mais se doit en toute hypothèse de vérifier pour des raisons de sécurité et de santé publique que le médicament générique qu'il prescrit ou s'agissant du pharmacien qu'il substitue comporte le même principe actif avec le même dosage, pour la même application thérapeutique que la spécialité de référence ; qu'ils disposent pour ce faire notamment du dictionnaire VIDAL ou du Répertoire des groupes génériques ; qu'à partir de ces mêmes documents, le professionnel de santé qui reçoit une publicité ne mentionnant que la DCI, le dosage en principe actif et certaines indication thérapeutiques est à même d'identifier la spécialité de référence à laquelle cette spécialité générique peut être substituée ; que si la mention de la marque est une solution de facilité et de commodité, elle n'est cependant pas une référence nécessaire puisqu'il existe pour le public de référence d'autres moyens d'identifier la destination du générique "paroxetineG Gam" ; qu'enfin il sera relevé que les pharmaciens sont tenus de par leur profession de connaître les DCI et que les médecins sont invités à prescrire en DCI et peuvent prescrire en DCI ce qui permet notamment aux patients de se familiariser avec ce mode de dénomination qui pour un même principe actif est la même dans le monde entier ;
Que le fait que le directeur général de L'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé mentionne dans sa décision du 6 août 2002 que "paroxetine G GAM" 20 mg, comprimé pelliculé sécable est un générique de Deroxat 20 mg, comprimé pelliculé sécable' ne peut à lui seul légitimer l'utilisation de la marque dans un document publicitaire ;
Que de même, le fait que l'AFSSAPS soit autorisée par l'article R. 5143-8 (aujourd'hui R. 5121-5) du Code de la santé publique à reproduire dans la décision de son directeur général la spécialité de référence correspondante et comme en l'espèce la marque de cette spécialité ne saurait légitimer l'usage de cette marque dans un document publicitaire utilisé dans la vie des affaires et qui a pour but essentiel d'inciter les professionnels de santé à prescrire ce générique ou à exercer leur droit de substitution ;
Que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'inscription ou le défaut d'inscription de la spécialité générique "paroxetine G Gam" au répertoire des spécialités génériques est sans incidence puisque la qualification de générique résulte de la décision prise par le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé après avis de la commission prévue à l'article R. 5140 du Code de la santé publique et que les génériques peuvent être prescrits par les médecins, en lieu et place de la spécialité princeps avant toute inscription au répertoire ;
Considérant qu'il s'en suit que la société Sandoz ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 713-6 b du Code de la propriété intellectuelle et qu'en reproduisant et en faisant usage de la marque "deroxat" dans une publicité destinée à promouvoir la spécialité pharmaceutique "paroxétine G Gam", elle a commis des actes de contrefaçon de cette marque; que le jugement sera donc réformé sur ce point ;
Considérant qu'en réparation de son préjudice, la société Beecham sollicite paiement de la somme de 150 000 euro en se prévalant de la notoriété de sa marque et de ce que la contrefaçon a entraîné une dépréciation de sa valeur et lui a causé un préjudice moral ;
Considérant qu'en revanche Sandoz dénie l'existence d'un quelconque préjudice ;
Considérant ceci exposé que la société Sandoz n'a fait procéder qu'à deux insertions de la publicité incriminée, l'une dans le "quotidien du pharmacien" (n°2141), l'autre dans "le Moniteur des pharmacies et des laboratoires" (n°2491) dont le tirage n'est pas communiqué ; que ni les conditionnements du médicament "paroxetine G GAM", ni la notice ne comportent la mention de la marque "dexorat" ; que le générique n'étant pas un médicament de moindre qualité et étant vendu tout comme le "dexorat" en pharmacie, la société Beecham ne peut se prévaloir d'une dépréciation de la valeur de sa marque ; que dans ces conditions le préjudice subi par la société Beecham s'analyse essentiellement comme un préjudice moral lequel sera exactement réparé par le versement d'une indemnité de 75 000 euro ;
Considérant que les mesures de publication doivent être confirmées, selon les modalités financières telles que prescrites par les premiers juges, étant précisé qu'elles devront faire mention du présent arrêt ;
Considérant qu'afin de prévenir tout nouvel acte de contrefaçon, il sera fait droit aux mesures d'interdiction selon les modalités prescrites au dispositif; que la demande de récupération et de destruction des documents reproduisant la marque n'est pas nécessaire en raison de l'interdiction prononcée ;
Considérant que la société Sandoz qui succombe sera déboutée de sa demande du chef de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant en revanche que l'équité commande d'allouer à la société Beecham une somme complémentaire de 10 000 euro ; que l'équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile à la société Glaxosmithkline ;
Que la société Sandoz sera condamnée en tous les dépens d'instance et d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Ecarte les notes en délibéré des 24 et 31 juillet 2009, et 24 août 2009 ainsi que la pièce communiquée le 24 juillet 2009, Statuant dans les limites de sa saisine, Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'utilisation de la marque d'un médicament de référence est légitime en ce qu'elle est nécessaire à l'information des pharmaciens pour l'exercice du droit de substitution par un médicament générique dès lors que ce droit est effectivement ouvert et en ce qu'il a condamné la société G GAM au paiement de la somme de 30 000 euro (trente mille euro), Le Reformant de ces chefs, Statuant à nouveau et Y Ajoutant, Dit que la publicité poursuivie est une publicité comparative licite au sens des articles L. 121-8 et L. 121-9 du Code de la consommation, Dit que la société Sandoz venant aux droits de la société G GAM ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 713-6 b du Code de la propriété intellectuelle et qu'elle a commis des actes de contrefaçon en reproduisant et en faisant usage de la marque "dexorat" n°92 420 574 dont est titulaire la société Beecham Group PLC dans des publicités comparatives, La Condamne à payer à la société Beecham Group PLC une somme de 75 000 euro (soixante-quinze mille euro) à titre de dommages-intérêts, Confirme les mesures de publication telles qu'ordonnées par les premiers juges lesquelles devront faire mention du présent arrêt, Fait interdiction à la société Sandoz d'utiliser la marque "dexorat" pour désigner des spécialités pharmaceutiques sous astreinte de 1 000 euro (mille euro) par infraction constatée, à compter de la signification du présent arrêt, Condamne la société Sandoz à payer à la société Beecham Group PLC une somme complémentaire de 10 000 euro (dix mille euro) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et confirme le jugement en ce qu'il lui a alloué de ce chef la somme de 10 000 euro (dix mille euro), Deboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne la société Sandoz en tous les dépens, Admet la SCP Bommart Minault, avoués, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.