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Décisions

CA Chambéry, ch. corr., 13 mars 2008, n° 06-00958

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Busché

Conseillers :

MM. Baudot, Paris

Avocat :

Me Covillard

TGI Annecy, ch. corr., du 13 mars 2006

13 mars 2006

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LE JUGEMENT :

Le tribunal, par jugement contradictoire du 13 mars 2006, a déclaré X coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, du 19/11/2003 au 30/11/2003, à Annecy Le Vieux, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation,

et, en application de ces articles, l'a condamné à 7 500 euro d'amende.

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :

Monsieur X, le 21 mars 2006

Monsieur le Procureur de la République, le 23 mars 2006

LES FAITS

Une opération commerciale se déroulant du 19 au 30 novembre 2003 a été organisée par le groupe Y au niveau national.

Cette opération proposait au consommateur de lui rembourser l'intégralité de 90 produits présentés dans un catalogue intitulé " Le mois de tous les exploits - du mercredi 19 au 30 novembre - 100 % remboursé ".

La SAS Z gérant les magasins de l'enseigne Y dans la région Rhône-Alpes dont le directeur commercial est M. X a participé à l'opération commerciale et fait diffuser la publicité initiée par le franchiseur, le groupe Y.

M. A a adressé une réclamation à la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes de Haute-Savoie (DGCCRF) sur le fait qu'il n'avait pas trouvé dans le magasin Y d'Annecy le Vieux plusieurs produits concernés par l'opération commerciale.

Il portait plainte pour publicité mensongère.

Entendu par la DGCCRF le 5 décembre 2003, M. X a reconnu que les supermarchés se sont retrouvés en rupture de stock. Il a précisé que la société Z n'a participé en rien à l'opération entièrement pilotée par le groupe Y.

Lors de son audition par les services de gendarmerie, il a déclaré qu'il avait donné des directives à chaque directeur de magasin pour acheter les quantités nécessaires pour satisfaire la clientèle. Tout en affirmant avoir pris des précautions pour satisfaire la clientèle, il reconnaît qu'" Il y a pu avoir des problèmes sur des produits n'étant pas dans nos assortiments permanents de base ". Il précisait que des fournisseurs n'avaient pas honoré leur engagement. Il expliquait qu'il n'était pas le concepteur de l'opération et qu'en raison du succès de l'opération commerciale et du nombre de clients " zappeur ", le groupe Y a demandé d'arrêter toute publicité à la fin de la première semaine. Il a ajouté concernant M. A qu'il s'agissait d'un client " zappeur " et qu'il contestait ses dires sur les manques de produits, tout en précisant que les produits ont été en vente " mais pouvaient effectivement se trouver en rupture ".

Il faisait état du fait qu'il n'avait pas conçu l'opération, l'initiative publicitaire ayant été décidée et préparée par le groupe Y. En outre chaque directeur de magasin disposait d'une subdélégation de pouvoir.

D'autres magasins se sont retrouvés dans la même situation de rupture de stocks des produits visés par la publicité que celle du supermarché d'Annecy le Vieux, notamment les supermarchés de Villeurbanne (Rhône) et de Saint Joire en Prieuré (Savoie).

Par conclusions d'avocat, M. X a demandé à la cour de le relaxer de l'infraction de publicité mensongère aux motifs essentiels selon lesquels il n'était pas le concepteur de l'opération commerciale, il avait subdélégué ses pouvoirs à chaque directeur de magasin et il ne pouvait lui être reproché aucune imprudence.

Lors de l'audience, M. X a reconnu que les produits visés par la publicité étaient en nombre insuffisant, mais il a contesté sa responsabilité.

Le Ministère public a requis la confirmation du jugement déféré, l'infraction étant parfaitement constituée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la délégation de pouvoir

Il résulte de la procédure que M. X titulaire d'une délégation de pouvoir en qualité de directeur commercial de la société Z a donné des consignes précises pour que chaque directeur de magasin commande des quantités suffisantes, ce qu'il a d'ailleurs expressément reconnu lors de son audition par les services de gendarmerie.

Il a demandé à chaque directeur de magasin de diffuser le dépliant publicitaire auprès des consommateurs susceptibles d'être attirés par l'annonce.

En raison de la rupture rapide des stocks, il a adressé aux magasins un feuillet afin d'affichage pour prévenir la clientèle du manque de disponibilité de plusieurs produits.

Il est dès lors parfaitement établi que M. X en qualité de directeur commercial a directement participé à la mise en œuvre de la publicité et qu'il ne peut donc s'abriter derrière une subdélégation pour échapper à sa responsabilité pénale alors même que les directeurs des magasins n'avaient aucun pouvoir de décision quant à la diffusion de la publicité et qu'ils n'ont assuré que l'exécution des directives de M. X.

Sur la responsabilité pénale du prévenu

Il ressort du procès-verbal établi par la DGCCRF en date du 13 février 2004 que celle-ci, ayant réceptionné plusieurs plaintes de consommateurs dont celle de M. A, a constaté en se rendant au magasin Y d'Annecy le Vieux en se faisant transmettre les documents relatifs à l'opération à savoir l'état des commandes réalisé pour l'opération promotionnelle, le relevé des livraisons pour la période considérée, les dispositions prises à l'égard de la clientèle pour l'informer et lui assurer la disponibilité des produits, que des produits se sont trouvés rapidement en rupture de stock, soit en raison de quantités importantes achetées par des consommateurs, soit parce que des fournisseurs n'avaient pas honoré la totalité de leur engagement.

La DGCCRF ajoutait qu'une commande différée n'était pas possible compte tenu d'un code barre spécifique pour les produits dont s'agit.

Les assistantes de caisse ont informé les clients de l'impossibilité de les satisfaire en raison du succès de l'opération, les clients mécontents étant orientés vers le service consommateurs de B.

Le directeur commercial de Z a fait parvenir aux magasins un feuillet en vue d'affichage dans le but de prévenir la clientèle des raisons du manque de produit.

La DGCCRF a précisé que le magasin " n'a pas été en mesure de proposer aux consommateurs, pendant toute la durée de l'opération, les produits visés par l'offre '100 % remboursés'", ce qui n'est pas contesté par M. X.

En offrant un remboursement de 100 % et en n'étant pas en situation de respecter cet engagement, l'annonceur de la publicité a induit le consommateur en erreur au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation. Si la société Z, en qualité de franchisé, n'a pas été l'initiateur de l'opération commerciale, elle est cependant l'annonceur pour le compte de qui la publicité est diffusée au sens de l'article L. 121-5 du Code de la consommation puisque celle-ci est bien réalisée pour son compte et qu'elle est destinée à attirer des consommateurs dans les supermarchés de la société Z dans le but de réaliser des bénéfices à son profit comme l'indique justement la DGCCRF dans le procès-verbal sus-cité : " le succès commercial de l'opération a été très important et cette société n'a pu que retirer un bénéfice substantiel de la présence des clients dans les supermarchés participants. ".

De plus le directeur commercial de la société Z a mis en œuvre lui-même la campagne publicitaire en assurant la diffusion de la publicité par l'intermédiaire des directeurs des supermarchés. Il a donc eu un rôle actif dans cette diffusion.

M. X a commis une imprudence en ne s'assurant pas que le supermarché d'Annecy le Vieux serait en mesure d'offrir aux consommateurs les produits visés par la publicité pendant toute la période promotionnelle alors même que les moyens publicitaires mis en œuvre par le groupe Y étaient considérables et ne pouvaient qu'attirer la clientèle qu'elle soit habituelle ou occasionnelle.

Il ne pouvait ignorer non plus que les clients ne trouvant pas les produits ne pourraient pas être satisfaits compte tenu que les produits concernés comportaient des codes barres spécifiques et qu'il n'était plus possible une fois les commandes enregistrées d'obtenir des quantités supérieures à celles prévues initialement. Sur ce point également, aucune précaution n'a été prise par M. X.

Dans ces conditions, l'infraction de publicité mensongère est constituée et la responsabilité de M. X est parfaitement établie.

Sur la peine

Au regard de l'importance de la publicité mensongère, du fait que le plaignant n'a pu être satisfait, la dispense de peine sollicitée n'est pas justifiée.

Une peine d'amende de 10 000 euro sera prononcée en raison des faits commis, de leur caractère économique, et de l'absence de mentions au casier judiciaire de l'intéressé.

Le présent arrêt sera publié dans le journal du Dauphiné Libéré de Haute-Savoie (édition d'Annecy) aux frais du condamné conformément à l'article L. 121-4 du Code de la consommation prescrivant une publication obligatoire.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la Loi, et contradictoirement, Confirme le jugement du Tribunal correctionnel d'Annecy en date du 13 mars 2006 en ce qui concerne la culpabilité ; Le réforme en ce qui concerne la peine ; Statuant à nouveau sur ce point, Condamne M. Robert X à payer une amende de 10 000 euro ; Y ajoutant, Ordonne la publication du présent arrêt dans le journal du Dauphiné Libéré de Haute Savoie (édition d'Annecy) aux frais du condamné ; Dit que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable X ; Fixe la contrainte judiciaire, s'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 750 du Code de procédure pénale ; Le tout en vertu des textes sus-visés. Le condamné est avisé de ce qu'en vertu des dispositions des articles 707-2, 707-3, R55 et suivants du Code de Procédure Pénale, que s'il s'acquitte du montant de l'amende et du droit fixe dans un délai d'un mois à compter du prononcé ou de la signification de la présente décision, le montant total (de l'amende et du droit fixe) est diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro.