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Décisions

Cass. crim., 9 mars 2010, n° 09-82.823

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Harel-Dutirou

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton

Versailles, 21e ch., du 1er avr. 2009

1 avril 2009

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X, la société Y, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, en date du 1er avril 2009, qui, pour publicité trompeuse, les a condamnés respectivement à une amende 1 000 euro et à une amende de 20 000 euro et a ordonné la publication de la décision ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que les services de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont été saisis de la diffusion dans le catalogue d'un supermarché d'un message publicitaire présentant un aspirateur comme doté d'une puissance de 1 400 W alors que la plaque signalétique de l'appareil mentionnait une puissance de 1 200 W ;

Attendu que la société Y chargée du service communication de l'enseigne au niveau national, et X, alors directeur commercial, ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel du chef de publicité trompeuse ;

En cet état ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 et de l'article 2 du Protocole n° 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, des articles 550, 551, 555, 706-43, 706-46, 802, 591, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a rejeté l'exception de nullité de la citation délivrée le 26 février 2008 à la société Y, l'a déclarée coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur et l'a condamnée au paiement d'une amende de 20 000 euro ;

"aux motifs que le conseil de la société Y fait valoir que la citation a été délivrée "probablement" à M. A, dont le nom figurait sur le mandement de citation, alors qu'il n'était plus le représentant légal de la société à sa date de délivrance, au surplus à son adresse personnelle, en contravention avec les dispositions de l'article 555 du Code de procédure pénale ; que, certes, il résulte du procès-verbal des associés, réunis le 1er février 2008 et d'un extrait Kbis du 22 février 2008 produits par le conseil de la société Y, qu'à la date de délivrance de la citation M. A, démissionnaire, était remplacé par M. B ; que, toutefois, le nom de M. A figure uniquement et de manière superfétatoire sur le mandement de citation, dès lors que les dispositions de l'article 555 du Code de procédure pénale n'imposent pas de mentionner le nom du représentant légal d'une personne morale sur une citation ; qu'en outre, l'original de cet acte a été délivré par l'huissier à la "société Y prise en la personne de son représentant légal, <adresse> à Levallois-Perret", acte qui a été remis "au siège de la personne morale à la personne de M. C, directeur, qui a accepté de signer l'original de la citation, et n'a nullement contesté avoir qualité pour accepter cet acte ; qu'enfin contrairement aux affirmations des conclusions du conseil de la société Y, le <adresse> n'est pas l'adresse personnelle de M. A mais l'adresse du siège administratif de la société Y, à laquelle ont été adressés tous les actes de la procédure d'enquête ; que, faute par la société Y de rapporter la preuve de l'existence d'un grief, il n'y a lieu à annulation ni de la citation et ni du jugement ;

1°) "alors que l'action publique est exercée à l'encontre de la personne morale prise en la personne de son représentant légal ; que la société Y faisait valoir, dans ses écritures d'appel, qu'elle n'avait pas été citée en la personne de son représentant légal puisque M. A avait démissionné de ses fonctions de président le 1er février 2008 pour être remplacé le même jour par M. B ; qu'en rejetant l'exception de nullité de la citation du 26 février 2008 aux motifs que l'article 555 du Code de procédure pénale n'impose pas d'indiquer le nom du représentant légal d'une personne morale sur une citation et que M. C, auquel elle avait été remise, n'avait pas contesté avoir qualité pour l'accepter alors que la personne physique désignée par la citation n'était pas habilitée à représenter la personne morale et que le représentant légal de la société Y n'avait pas accepté de comparaître volontairement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°) "alors que la remise de la copie de la citation délivrée à une personne morale, à une personne physique habilitée à cet effet, doit être suivie "sans délai" d'une lettre simple informant la personne morale de la citation délivrée à son encontre ; qu'en rejetant l'exception de nullité de la citation au motif que, même si la citation ne visait pas le représentant légal de la personne morale, cette circonstance était sans incidence sur la validité de l'acte dès lors que cette mention n'est pas exigée par la loi et que la citation avait été délivré au siège administratif de la société Y, à M. C, directeur, qui avait accepté de signer l'original de la citation et n'avait pas contesté avoir qualité pour accepter cet acte, sans s'assurer que la personne morale avait été dûment informée, par courrier simple, de l'exploit remis en copie à M. C, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

3°) "alors que la nullité de l'exploit doit être prononcée lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne concernée ; qu'en rejetant l'exception de nullité de la citation alors que, faute d'avoir été régulièrement citée devant la juridiction de jugement, la société Y qui n'avait pas été informée de l'exercice d'une action publique à son encontre, n'avait pu comparaître et avait ainsi été privée d'un double degré de juridiction et des droits de la défense, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que la société Y a soutenu avant toute défense au fond que la citation qui lui avait été délivrée était nulle dès lors qu'elle visait le nom de son ancien représentant légal, et non celui du nouveau, qui n'avait pas accepté de comparaître volontairement, et qu'ainsi, elle avait été privée du double degré de juridiction et des droits de la défense ;

Attendu que, pour écarter cette exception, les juges relèvent que la citation n'a occasionné aucun grief à la prévenue dans la mesure où le nom du représentant légal figure de manière superfétatoire sur le mandement de citation, l'article 555 du Code de procédure pénale n'imposant pas de le mentionner ; qu'ils ajoutent que l'original de l'acte a été délivré à "la société Y prise en la personne de son représentant légal" en son siège administratif et remis à son directeur qui l'a signé et n'a pas contesté avoir qualité pour l'accepter ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte précité ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation, des articles 121-2, 131-38 et 131-39 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré la société Y et X coupables de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur par personne morale, les a condamnés respectivement, à une peine d'amende de 20 000 euro et de 1 000 euro et a ordonné la publication du dispositif de l'arrêt dans Le Parisien des Hauts-de-Seine, à leurs frais ;

"aux motifs que X reconnaît avoir conçu cette campagne de publicité en sa qualité de directeur marketing ; qu'en revanche, il conteste le caractère mensonger des données sur lesquelles il a été communiqué ; qu'il ne saurait cependant invoquer un usage de la profession, qui ne peut se substituer à un texte réglementaire, usage dont il est par ailleurs constant qu'il était tombé en désuétude depuis 2002 ; qu'en outre, cet usage, qui tendait à demander aux adhérents du groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils ménagers de communiquer "sur la dépression", ne pouvait avoir pour conséquence de leur demander de communiquer sur une puissance inexacte ; que X insiste sur le fait que les deux mentions de puissance sont exactes et qu'en conséquence, la publicité figurant sur le catalogue litigieux n'est pas mensongère ; que, cependant, le rapport d'expertise Véritas versé au dossier établit que, par rapport à la puissance assignée de mise en fonctionnement, après trois minutes d'utilisation, une partie de la puissance est absorbée, laquelle vient en déduction de la puissance maximale et conduit à retenir une puissance moyenne de 1 218 W, puissance de l'appareil qui doit figurer sur la plaque signalétique ; que, si, en l'espèce, était bien mentionné sur la plaque une puissance de 1 200 W, la publicité mentionnait uniquement une puissance de 1 400 W valable au démarrage de l'appareil ; que X, qui a organisé l'opération publicitaire incriminée, se devait de veiller au fait que la publicité faite sur le catalogue corresponde exactement aux descriptions figurant sur la plaque signalétique de l'appareil ; qu'annoncer dans un catalogue "aspirateur xxx ref BVC 3 307,20 euro, à partir du vendredi 12 mars, puissance 1 400 W", sans faire figurer également la puissance de 1 200 W en usage normal, constitue une publicité incomplète, voire tronquée, le consommateur se trouvant trompé sur les qualités substantielles de cet appareil, principalement sur les résultats qu'il peut en attendre ; que X ayant agi pour le compte de la personne morale, il incombait à celle ci, s'agissant d'une campagne nationale de promotion attractive, de vérifier les supports publicitaires avant de diffuser un catalogue comportant l'annonce de la vente d'un aspirateur d'une puissance de 1 400 W pour 20 euro, prix modique, qui constitue pour la société Y un simple argument de vente" ;

"1°) alors que le délit de publicité mensongère n'est constitué que si celle-ci est fausse ou de nature à induire en erreur le consommateur ; que X rappelait, dans ses conclusions d'appel, que l'expert du bureau Véritas avait précisé que la puissance mesurée de 1 218 W était une moyenne entre la puissance minimale et la puissance maximale et que, par rapport à cette puissance mesurée, la puissance maximale de cet aspirateur était bien de 1 400 W ; qu'en entrant en voie de condamnation au motif que la publicité n'indiquait pas, outre la puissance maximale de 1 400 W de l'aspirateur, la puissance de 1 200 W qui constituait une moyenne entre la puissance minimale et maximale, tout en constatant que l'indication d'une puissance de 1 400 W n'était pas fausse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que le caractère trompeur d'une publicité s'apprécie au regard du consommateur moyennement avisé ; qu'en entrant en voie de condamnation du chef du délit de publicité trompeuse sans rechercher si le consommateur moyennement avisé ne sait pas que l'indication de la puissance de moteur est sa puissance maximale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, du caractère trompeur de la publicité incriminée, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.