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Décisions

Cass. crim., 17 mai 2011, n° 10-87.646

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Radenne

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié

Lyon, 7e ch., du 30 sept. 2010

30 septembre 2010

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 30 septembre 2010, qui, pour pratique commerciale trompeuse, l'a condamnée à 8 000 euro d'amende et ordonné la confusion de cette peine avec celle prononcée le 25 novembre 2008 par le Tribunal correctionnel de Lyon ; - Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 9 novembre 2006, un agent de la DGCCRF a constaté, au rayon boucherie de l'hypermarché X de St-Genis Laval (Rhône), une centaine de barquettes portant la mention " agneaux de nos terroirs ", dont la traçabilité n'a pas été justifiée, alors que le magasin était approvisionné de viandes d'origines diverses et que, selon l'accord conclu par la société, ce label ne pouvait être utilisé que si chaque barquette comportait les informations de traçabilité ; que la société X et le responsable du secteur métiers de bouche du magasin, poursuivis devant le tribunal correctionnel, pour pratique commerciale trompeuse, ont été déclarés coupables de ces faits ; que la société X a interjeté appel de cette décision ;

En cet état ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme, 6, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de chose jugée, déclaré la société X coupable de pratique commerciale trompeuse et l'a condamnée à une amende de 8 000 euro ;

"aux motifs que si l'article 6 du Code de procédure pénale dispose que l'action publique s'éteint par l'autorité de la chose jugée, il est nécessaire qu'une identité de partie, de cause et d'objet soit caractérisée ; que la publicité poursuivie est identique à celle qui a conduit à la décision définitive contre la société X prononcée par le Tribunal correctionnel de Lyon le 25 novembre 2008 ; que la campagne publicitaire qui a été reconnue comme trompeuse par cette juridiction touchait à la même utilisation du logo " agneaux de nos terroirs " et concernait deux contrôles effectués par la DGCCRF les 12 et 23 juin 2006 dans les hypermarchés X de Dardilly et de Saint-Priest, sans qu'une traçabilité ait été reconnue valable ; que le caractère trompeur de cet affichage ne tenait nullement dans l'allégation que les barquettes vendues provenaient d'agneaux français, mais résultait uniquement d'une absence de possibilité pour le consommateur de vérifier que cette viande provenait bien du découpage d'un bétail satisfaisant à ce critère d'origine ; que cette traçabilité ne dépendait pas d'un discours publicitaire mais du respect par l'hypermarché, qui procédait à la découpe en morceaux, d'un cahier des charges l'obligeant à faire figurer sur chaque barquette ces informations permettant de vérifier cette origine de " terroir " ; que la commission de l'infraction de publicité trompeuse ne pouvait résulter du message lui-même mais du respect par chaque rayon de boucherie de chaque hypermarché des préconisations imposées par ce cahier des charges ; que la société X ne peut dès lors invoquer une autorité de la chose jugée, alors que l'infraction était à caractériser à chaque fois qu'une barquette mise en rayon ne respectait pas l'engagement pris par l'enseigne auprès d'Interbev ovins ; que cette exception doit être rejetée ;

"1°) alors que l'action publique s'éteint par la chose jugée qui implique une identité des faits ; que la société a été condamnée par un jugement du 25 novembre 2008 pour avoir " commercialisé de la viande d'agneau portant le logo " agneau de nos terroirs " après signature d'un engagement avec l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes imposant que les viandes concernées soient présentées à la vente avec un étiquetage comportant notamment l'origine de la viande, les informations de traçabilité, sans que ces mentions visées à l'article 7 du règlement d'usage de la signature agneau de nos terroirs figurent " ; qu'elle est poursuivie pour avoir " commercialisé de la viande portant le logo " agneau de nos terroirs " après signature d'un engagement avec l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes imposant que les viandes concernées soient présentées à la vente avec un étiquetage comportant notamment l'origine de la viande, la mention de la catégorie " agneau " les informations de traçabilité, sans que ces mentions visées à l'article 7 du " règlement d'usage de la signature agneau de nos terroirs " figurent " ; que la condition d'identité des faits est remplie s'agissant de la même publicité concernant la même utilisation du logo " agneaux de nos terroirs " sur les mêmes produits ; qu'en rejetant néanmoins l'exception soulevée, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

"2°) alors que, pour rejeter l'exception de chose jugée, la cour d'appel a énoncé que la commission de l'infraction de publicité trompeuse ne pouvait pas résulter du message publicitaire " agneau de nos terroirs " ; que cependant la prévenue était poursuivie pour publicité mensongère par l'apposition de la mention " agneau de nos terroirs " ; que, dès lors, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3°) alors que constituent des publicités différentes, celles adressées à des personnes différentes mettant en scène de manière individualisée le message publicitaire ; que la cour d'appel a jugé que les faits étaient différents parce que l'infraction était caractérisée pour chaque barquette mise en rayon ; qu'il ne résulte d'aucune énonciation de l'arrêt une quelconque individualisation entre les barquettes mises en rayon de sorte que la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;

Attendu que, pour rejeter l'argumentation de la prévenue, qui soutenait qu'ayant déjà été définitivement condamnée pour l'utilisation de ce même logo et s'agissant d'une seule et même campagne publicitaire, elle ne pouvait être poursuivie une seconde fois, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que les infractions sanctionnées par la décision du 25 novembre 2008, commises à des dates et dans des établissements distincts, concernent des consommateurs différents ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui permettent à la Cour de cassation de s'assurer que les présentes poursuites portent sur des faits distincts de ceux ayant donné lieu à la précédente condamnation, la cour d'appel n'a pas méconnu les textes susvisés ; d'où il suit que le moyen, qui critique des motifs surabondants, ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 112-1 du Code pénal, L. 121-1 et L. 121-1-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X coupable de pratique commerciale trompeuse et l'a condamnée à une amende de 8 000 euro ;

"aux motifs que la société X n'a pas contesté que la mention " agneaux de nos terroirs " constituait bien une mention publicitaire, en ce qu'elle a plaidé, dans le cadre de son exception de chose jugée, l'unicité de cette campagne publicitaire ; que l'article L. 121-2 du Code de la consommation obligeait la société X à pouvoir justifier de l'indication concernant l'origine de l'agneau vendu en barquette, en fournissant un élément d'information permettant d'effectuer un lien certain avec l'agneau provenant de " nos terroirs " et la pièce de viande ainsi détaillée ; que si ces informations de traçabilité ne faisaient pas partie de mentions alors obligatoires et impératives, la société X devait mettre le consommateur en possibilité de la vérifier ; que l'engagement pris par la société X auprès d'Interbev ovins matérialisé et signé le 22 janvier 2004, obligeait l'entreprise adhérente notamment à attribuer un numéro de lot de découpe assurant la traçabilité des découpes effectuées, et à établir une comptabilité matière relative à l'agneau à la signature en cas de double rayon ; que la société X ne conteste pas que l'étiquetage présent sur les barquettes d'agneau ne comportait pas de mention permettant de faire le lien avec le lot de provenance de la viande, ni même de numéro de découpe, mais faisait état d'un numéro de lot correspondant au jour de la découpe alors que l'atelier de boucherie était destinataire de quatre types de viande d'agneau ; que la " comptabilité matière " nécessaire du fait de la mise en vente d'autres types d'agneau dans l'hypermarché n'était pas effectuée de l'aveu même de toutes les personnes entendues pendant et à la suite du contrôle ; que cette absence de respect d'un cahier des charges qui interdisait normalement à l'enseigne d'utiliser cette signature, et l'incertitude inhérente à la seule mention à un jour de découpe dans un atelier où plusieurs viandes d'agneaux transitaient et/ou étaient découpées, ne permettait pas au consommateur d'avoir la certitude de l'origine de la viande qu'il acquérait ; que la société X se trouvait d'ailleurs dans la même impossibilité de justifier d'un lien certain entre l'agneau et les morceaux détaillés en barquette par l'utilisation des documents en sa possession, la vérification a posteriori proposée au contrôleur n'étant pas plus efficace compte tenu de cette confusion possible avec d'autres viandes stockées et traitées dans le même atelier de boucherie ; que la décision déférée ne peut qu'être confirmée en ce qu'elle a retenu la société X dans les liens de la prévention comme sur la peine prononcée qui correspond à la fois à une répression efficace de l'infraction et adaptée aux circonstances de la cause comme aux caractéristiques de la prévenue ; qu'au regard de ce que l'infraction poursuivie et réprimée dans le jugement déféré a été commise avant le jugement définitif du 25 novembre 2008 rendu par le même tribunal correctionnel, est identique et correspond à la même pratique commerciale que celle sanctionnée dans cette première décision, il convient d'ordonner la confusion des peines ainsi prononcées ;

"1°) alors que sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ; que les lois pénales de fond plus sévères ne peuvent pas s'appliquer aux faits commis avant leur entrée en vigueur ; que l'article L. 121-1 du Code de la consommation sanctionne limitativement les pratiques commerciales trompeuses constituées par des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ; que l'article L. 121-1-1 du Code de la consommation créé par la loi n° 2008-776 du 4 août 2 008 sanctionne de nouvelles pratiques commerciales telles que le non-respect de la signature d'un engagement de conduite ; que la cour d'appel a déduit l'infraction de publicité trompeuse en se fondant sur le non-respect par la société X du formulaire d'engagement auprès de l'Interbev ovins ; qu'à la date du 9 novembre 2006, date des faits, l'absence de respect d'un engagement de conduite envers une association interprofessionnelle n'est pas un élément constitutif de l'infraction de publicité trompeuse ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de la société X du chef de pratique commerciale trompeuse pour ne pas avoir respecté, après signature, l'engagement avec l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes, faits qui n'étaient pas constitutifs d'une infraction, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"2°) alors que l'article L. 121-2 du Code de la consommation prévoit le rôle des agents de la DGCCRF ; que cette disposition n'est pas relative aux éléments constitutifs de l'infraction de pratique commerciale trompeuse ; que la cour d'appel qui, pour considérer que la société avait commis l'infraction de pratique commerciale trompeuse, s'est fondée sur les pouvoirs octroyés aux agents de la DGCCRF pour en déduire que les éléments constitutifs de l'infraction étaient réunis, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Attendu que, pour dire établi le délit de pratique commerciale trompeuse, l'arrêt énonce, notamment, que l'annonceur doit pouvoir justifier des allégations, indications ou présentations publicitaires et qu'en l'espèce aucune traçabilité de nature à garantir au consommateur final la certitude de la provenance de la viande n'a été mise en place ; que les juges ajoutent que si les informations sur la traçabilité ne faisaient, alors, pas partie des mentions devant obligatoirement figurer sur l'emballage, il n'en demeure pas moins que la société X n'est pas en mesure de justifier de l'origine de la viande se trouvant dans les barquettes étiquetées "agneau du terroir" ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent les éléments constitutifs du délit prévu par l'article L. 121-1 du Code de la consommation, dans sa version applicable à l'époque des faits, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués au moyen ;

Qu'en effet, l'article L. 121-1-1, inséré dans ce Code par l'article 84-1 de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 ne fait que dresser une liste de pratiques commerciales présumées trompeuses, au sens de l'article L. 121-1, sans créer de nouvelle incrimination ; d'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.