Cass. crim., 15 juin 2010, n° 09-84.222
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
M. Chaumont
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié, SCP Waquet, Farge, Hazan
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 29 mai 2009, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamnée à 20 000 euro d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, L. 121-1, L. 121-2, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6 du Code de la consommation, 446, 486, 593 et 802 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a constaté que Y, inspecteur de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de Paris, Ile-de-France, était partie intervenante, a déposé en cette qualité des conclusions visées par le président et le greffier, a été entendu en ses observations et est entré en voie de condamnation à l'encontre de la société X ;
"1) alors que les agents de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ne tiennent d'aucun texte la possibilité d'intervenir comme partie à l'instance ; qu'en déclarant la société X coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur sur la base, notamment, des conclusions déposées par cette direction qui tendait à la condamnation de la société X et dont l'argumentation a été reprise par la cour d'appel, celle-ci a méconnu les textes susvisés ;
"2) alors que, selon l'article 446 du Code de procédure pénale, dont les dispositions s'appliquent même aux agents des administrations, les témoins entendus à l'audience doivent, avant de commencer leur déposition, prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité ; qu'en déclarant la société X coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur, sur la base des déclarations de Y, inspecteur de la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes de Paris Ile-de-France, sans qu'il soit constaté qu'il a préalablement prêté serment, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés" ;
Attendu qu'en prononçant après audition sans serment d'un inspecteur de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, représentant le ministre chargé de l'Economie, et en statuant au vu des conclusions qu'il a déposées en qualité de partie intervenante, l'arrêt attaqué a fait l'exacte application de l'article L. 141-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'article 39 de la loi du 3 janvier 2008, disposition de procédure immédiatement applicable aux litiges en cours, en vertu de laquelle sont recherchées et constatées, dans les conditions fixées par les articles L. 450-1 à L. 450-4, L. 450-7, L. 450-8, L. 470-1 et L. 470-5 du Code de commerce, les infractions ou manquements prévus aux dispositions du chapitre préliminaire du titre II du livre Ier du Code de la consommation et aux sections I, II, III, VIII, IX et XII du chapitre Ier du titre II du livre Ier du même Code, dont fait partie l'article L. 121-1 relatif aux pratiques commerciales trompeuses ; que l'article L. 470-5 du Code de commerce, permettait ainsi au ministre chargé de l'Economie ou son représentant de déposer des conclusions et les développer oralement à l'audience, ainsi que de produire les procès-verbaux et les rapports d'enquête ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, L. 121-1, L. 121-2, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6 du Code de la consommation, 112-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur, l'a condamnée à une amende de 20 000 euro, et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs que le consommateur était incité à croire, en croisant les informations générales contenues sur le site Internet de X et les informations individuelles du formulaire d'inscription qu'il allait bénéficier, ipso facto, du service de téléphonie gratuite grâce à la [xxx]box ; que seule la lecture attentive des conditions générales de vente permettait de réaliser l'existence d'une incertitude sur l'éligibilité de la ligne ; que cependant, la cour relève que les correctifs glissés dans des conditions générales de ventes longues et faisant appel à des notions techniques peu accessibles aux néophytes, n'étaient pas de nature à contredire utilement les informations générales et individuelles fournies au consommateur lors de son inscription ; que la cour observe, par ailleurs, que le délit poursuivi est celui de publicité de nature à induire en erreur et non celui de tromperie ; que la société X, en sa qualité d'annonceur, était tenue de s'assurer que la publicité litigieuse était exempte de tout élément susceptible d'induire le consommateur en erreur, et qu'elle s'est, à tout le moins, abstenue de le faire ; que la cour, infirmant le jugement attaqué, retiendra la SAS X dans les liens de la poursuite et la condamnera à une amende de 20 000 euro ; que la cour dispensera la prévenue de la publication de la décision prévue à l'article L. 121-4 du Code de la consommation ;
"1) alors que la cour d'appel ne pouvait sans contradiction constater dans son rappel des faits que la page " description du service de téléphonie " du site Internet de la société X comportait la mention " pour bénéficier de ce service, il suffit d'être abonné à X haut débit et d'avoir une [xxx]box*, *sous réserve des caractéristiques techniques de votre ligne ", d'où il ressort que cette page d'accueil faisait bien mention d'une réserve quant à l'éligibilité de la ligne téléphonique, et entrer en voie de condamnation en relevant qu'à la lecture du site Internet de X, le consommateur était incité à croire qu'il allait bénéficier du service de téléphonie gratuite grâce à sa [xxx]box et que seule la lecture attentive des conditions générales de vente permettait de se rendre compte d'une incertitude sur l'éligibilité de sa ligne ; qu'en entrant en voie de condamnation en reprochant à la société X d'avoir omis de faire apparaître sur son site Internet une telle réserve, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2) alors que le délit de publicité de nature à induire en erreur dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 suppose que le silence gardé par la publicité soit susceptible d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ; qu'en l'espèce, le silence a porté sur les incertitudes qui existaient quant l'éligibilité des lignes téléphoniques de la personne détentrice d'une [xxx]box ; qu'en entrant en voie de condamnation sans rechercher si le silence gardé sur cette réserve était de nature à amener un consommateur moyen à souscrire un contrat de téléphonie gratuite dès lors que la connaissance de ce risque n'implique pas que les lignes téléphoniques sont effectivement incompatibles avec le service proposé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et violé les textes susvisés" ;
Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable de publicité de nature à induire en erreur, l'arrêt infirmatif énonce que le consommateur était incité à croire, en croisant les informations générales contenues sur le site Internet de X et les informations individuelles du formulaire d'inscription, qu'il allait bénéficier, ipso facto, du service "Téléphonie gratuite", grâce à la [xxx]box, et que seule la lecture attentive des conditions générales de vente permettait de réaliser l'existence d'une incertitude sur l'éligibilité de la ligne ; que les juges ajoutent que les correctifs glissés dans des conditions générales de vente longues et faisant appel à des notions techniques peu accessibles aux néophytes, n'étaient pas de nature à contredire utilement les informations générales et individuelles fournies au consommateur lors de son inscription, et que la société, en sa qualité d'annonceur, était tenue de s'assurer que la publicité litigieuse était exempte de tout élément susceptible d'induire le consommateur en erreur, ce qu'elle s'est abstenue de faire ;
Attendu qu'en l'état de ces constations et énonciations, d'où il résulte que la personne morale a, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, en omettant, dissimulant ou fournissant de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle, au sens de l'article L. 121-1 II du Code de la consommation, commis le délit prévu aux articles L. 121-1 à L. 121-6 dudit Code, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, L. 121-1, L. 121-2, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6, L. 421-1 du Code de la consommation, 2 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur, l'a condamnée à une amende de 20 000 euro, et statuant sur les intérêts civils a condamné la société X à payer à l'Association des consommateurs de France (ASCOF) la somme de 25 000 euro à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que la cour puise dans les circonstances de l'espèce, les éléments suffisants pour fixer à 25 000 euro le montant total du préjudice résultant directement pour la partie civile des agissements délictueux retenus à la charge du prévenu (20 000 euro en réparation du préjudice subi par la collectivité des consommateurs + 5 000 euro en réparation du préjudice associatif) ;
"alors qu'en condamnant la société X à verser à la société ASCOF la somme de 25 000 euro au titre du préjudice subi par la collectivité des consommateurs et du préjudice associatif, sans avoir établi l'existence tant d'un préjudice subi par la collectivité des consommateurs que celui subi personnellement et directement par cette association, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice subi par l'Association des consommateurs de France, partie civile, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.