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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 21 janvier 2010, n° 08-02258

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sejac (SAS)

Défendeur :

Lanssade, Renault (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valentin

Conseillers :

M. Regimbeau, Mme Calot

Avoués :

SCP Bommart Minault, SCP Debray-Chemin

Avocats :

Mes Vigier, Berion, Binoche

TGI Nanterre, du 29 févr. 2008

29 février 2008

Le 24 janvier 2004, Mme Sylvie Lanssade a acheté un véhicule Twingo à la SAS Sejac situé à Montrouge (92), moyennant le prix de 9 100 euro. Le véhicule, qui avait un kilométrage de 11 200 km, avait été présenté comme en parfait état justifiant une "surcôte". Il bénéficiait d'une garantie OR de 12 mois.

Le véhicule a été livré le 5 février 2004. Le jour même, à quelques kilomètres du garage, le voyant d'injection s'est allumé et la pédale d'accélérateur est devenue inefficace. La vitesse n'a plus dépassé 20 à 50 km/h.

Le garage Sejac a invité Mme Sylvie Lanssade à contacter le service garantie OR. Sur indication elle a laissé son véhicule au garage SVAC concessionnaire Renault à Créteil (94) et n'a récupéré son véhicule que le 9 février. Le 14 février suivant, il est de nouveau tombé en panne et a ensuite subi encore, de nombreuses pannes.

L'assureur de Mme Sylvie Lanssade (la Macif) a fait diligenter une expertise du véhicule dans des conditions contradictoires. Il a conclu au fait que le véhicule avait été livré à Mme Sylvie Lanssade avec un vice connu de la SAS Sejac. Le garage Sejac n'a pas voulu intervenir.

Mme Sylvie Lanssade a confié son véhicule à un garage succursale Renault qui n'est pas parvenu à mettre fin aux inconvénients constatés.

Le 20 octobre 2005, il a été procédé au changement du bas moteur pris en charge par la SAS Renault. Depuis le véhicule subit encore des dysfonctionnements.

En l'absence de tout accord avec la SAS Sejac, Mme Sylvie Lanssade a fait assigner ce garage par acte d'huissier du 17 février 2006, sur le fondement des articles L. 111 du Code de la consommation et de l'article 1116 du Code civil, demandant la nullité de la vente pour dol et restitution du prix de 9 100 euro ainsi que la condamnation de ce garage au paiement de dommages-intérêts par application de l'article 1382 du Code civil.

A titre subsidiaire, elle sollicitait la désignation d'un expert.

La SAS Sejac a appelé en intervention forcée la SAS Renault pour quelle la garantisse de toutes condamnations.

Par jugement rendu le 29 février 2008, le Tribunal de grande instance de Nanterre a prononcé la nullité du contrat de vente du véhicule par la SAS Sejac à Mme Sylvie Lanssade et a condamné la SAS Sejac à rembourser à Mme Sylvie Lanssade la somme de 9 100 euro. Il l'a également condamné à lui régler des dommages-intérêts en indemnisation de son préjudice matériel et de son préjudice moral.

Il a débouté Mme Sylvie Lanssade du surplus de ses demandes, l'a condamnée à restituer à la SAS Sejac le véhicule, a débouté la SAS Sejac de sa demande de garantie contre la SAS Renault et a débouté la SAS Renault de sa demande reconventionnelle.

Enfin, il a condamné la SAS Sejac au paiement d'une somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SAS Sejac a interjeté appel. Aux termes de ses dernières conclusions, elle demande à la cour de réformer le jugement et de débouter Mme Sylvie Lanssade.

A titre subsidiaire, elle sollicite la désignation d'un expert pour que soient examinés si les dysfonctionnements actuels et passés et leur cause depuis la mise en service du véhicule.

Très subsidiairement, elle sollicite la réformation du jugement sur son appel en garantie à l'encontre de la SAS Renault demandant de l'accueillir ;

Elle demande enfin le paiement d'une somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Mme Sylvie Lanssade conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement entrepris du chef de la nullité pour dol et de la restitution ordonnée mais forme appel incident en ce qui concerne les dommages-intérêts.

Elle demande à la cour sur ce point de lui allouer une somme de 2 000 euro à titre de dommages-intérêts pour préjudice matériel et de 4 000 euro pour préjudice moral.

A titre subsidiaire, elle sollicite le paiement de la somme de 6 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices matériel et moral.

En tout état de cause, elle demande de débouter la SAS Sejac de sa demande d'expertise et de toutes ses prétentions à son encontre ainsi que la SAS Renault et de condamner la SAS Sejac à lui régler la somme de 2 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SAS Renault conclut également à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la SAS Sejac de sa demande de garantie à son encontre. Elle fait valoir que cette action est prescrite et de toute façon mal fondée.

Elle sollicite la condamnation de cette société au paiement de la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur ce,

- Sur l'action de Mme Sylvie Lanssade en nullité de la vente du véhicule

Considérant que selon l'article 1109 du Code civil "Il n'y a pas de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou surpris par dol" ;

Qu'en vertu de l'article 1116, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manœuvres l'autre partie n'aurait pas contracté ;

Considérant qu'en application de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, le vendeur doit porter à la connaissance de l'acquéreur de tous les éléments d'information utiles concernant le bien ; que le manquement volontaire ayant un effet déterminant sur le consentement de l'acheteur est susceptible d'entraîner l'application de l'article 1116 du Code civil ;

Considérant qu'en l'occurrence, Mme Sylvie Lanssade se prévaut d'un manque d'information volontaire lors de la vente du véhicule Twingo litigieux ;

Considérant que lors de l'achat, il a été remis à Mme Sylvie Lanssade un carnet d'entretien du véhicule Twingo vierge de toute mention sur l'état et sur les problèmes ou l'entretien antérieur du véhicule ; que la SAS Sejac ne prouve pas avoir contesté l'affirmation de Mme Sylvie Lanssade dans le courrier que celle-ci lui a expédié le 10 juin 2005, lui reprochant de ne pas l'avoir informée des 11 interventions dont avait fait l'objet le véhicule avant la vente ;

Que la SAS Sejac encore actuellement soutient que les interventions avaient un caractère normal pour une automobile mise en circulation trois ans auparavant et qu'elle n'avait "strictement aucune obligation de faire état de ces interventions auprès de madame Lanssade au moment de la vente dans la mesure où il ne s'agissait aucunement d'interventions lourdes consécutives notamment à un accident" ;

Considérant que parmi ces interventions se trouvaient quatre interventions sur le système d'injection (dont l'une par le garage Sejac) ; une sur l'embrayage et un sur l'allumage ;

Que dès les premiers instants de l'utilisation du véhicule, celui-ci a marqué un dysfonctionnement qui a entraîné une immobilisation du véhicule pendant plusieurs jours ;

Considérant que Mme Sylvie Lanssade établit parla liste des incidents, non contestée par la SAS Sejac que dans cette panne se trouvait mis en cause le système d'injection ; qu'en outre, le 16 février 2004, l'allumage s'est montré défaillant ainsi que l'embrayage ;

Considérant que le véhicule a eu encore de nombreux incidents (connecteur groupe moto propulseur le 9/02/2004, le 20/02/2004) ;

Considérant qu'il en résulte que le garage Sejac, qui connaissait les interventions survenues sur le véhicule (pour être intervenu lui-même sur le système d'injection quelques jours avant la vente), n'a donné aucune information à Mme Sylvie Lanssade à laquelle il a demandé un prix 'surcoté', qu'il a justifié par le bon état du véhicule ; que le véhicule vendu est tombé en panne dès les premiers kilomètres après sa prise en charge ; que le vendeur a volontairement tu des éléments d'informations portant sur des faits importants, en tous cas de nature à modifier la décision de Mme Sylvie Lanssade -qui avait besoin d'un véhicule fiable- et à ce titre déterminants de son consentement ;

Considérant que ce manquement volontaire par la SAS Sejac à une obligation de renseignement et à tout le moins d'information sur le véhicule, dans le cadre de relations commerciales loyales, est une réticence dolosive afin d'obtenir par la tromperie sur le passé du véhicule et son état réel, l'achat du véhicule par Mme Sylvie Lanssade ;

Considérant que contrairement à ce que prétend la SAS Sejac en se fondant sur un rapport de son expert réalisé dans des conditions non contradictoires, selon lequel le véhicule fonctionnait en septembre 2004, il ressort d'un courrier de Mme Sylvie Lanssade à cet expert, le 22 août 2005, que "les anomalies persistent et s'intensifient rendant le véhicule dangereux" ; que d'ailleurs en 2009, le véhicule présente toujours des défauts de coupure d'alimentation ; (lettre de la SARL Flash'Auto à Mme Sylvie Lanssade du 26 août 2009) ;

Que compte tenu de la réticence dolosive de la SAS Sejac lors de la vente du véhicule Twingo à Mme Sylvie Lanssade en janvier 2004, il y a lieu au prononcé de la nullité de cette vente ainsi qu'en ont décidé les premiers juges ;

- Sur les conséquences de la nullité de la vente

Considérant que la nullité de la vente a pour conséquence de remettre les parties dans l'état où elle se trouvait avant la vente de sorte que la SAS Sejac doit rendre la somme de 9 100 euro à Mme Sylvie Lanssade et celle-ci doit lui restituer le véhicule ;

Considérant qu'en cas de dol outre la restitution, la victime peut obtenir un dédommagement des préjudices résultant du dol ;

Considérant que Mme Sylvie Lanssade justifie avoir dépensé en liaison avec la vente dolosive :

* le coût de la carte grise 145 euro

* le coût de l'assurance 679,52 euro + l'extension de son assurance 72,87 euro pour dépannage

* le coût de réparations (157 euro +185,02 euro)

Qu'elle a dû en outre exposer des frais de taxis pour rentrer de son travail frais exposés en liaison directe avec la vente ; qu'elle est fondée à obtenir réparation de son préjudice matériel dont le montant sera fixé à la somme de 1 800 euro ;

Considérant que les différentes pannes ont été la source de soucis pour en obtenir la réparation ; que par ailleurs, l'immobilisation de son véhicule a empêché Mme Sylvie Lanssade d'utiliser le véhicule alors que son domicile est éloigné de son lieu de travail et qu'elle a dû emprunter plusieurs sortes de transports en commun ce qui a augmenté ses temps de trajet (X4) et à des heures tardives où les transports en commun sont plus rares et moins sûrs ; qu'elle a eu une vie personnelle et familiale perturbée ;

Que le préjudice moral résultant de ces différentes situations liées à la vente dolosive doit être réparé par une somme que la cour fixe à 1 500 euro ;

Considérant que la SAS Sejac devra lui régler une indemnité pour frais exposés à l'occasion de la procédure d'appel ;

- Sur l'action en garantie de la SAS Sejac contre la SAS Renault

Considérant que la SAS Sejac fonde son recours en garantie sur l'article 1641 du Code civil ;

Considérant que la SAS Sejac a assigné la SAS Renault, par acte d'huissier délivré le 16 novembre 2006 ; qu'elle avait elle-même été assignée, le 17 février précédent, qu'en conséquence, son action en garantie n'est pas prescrite ;

Considérant toutefois qu'elle a été condamnée pour réticence dolosive et non pour vice caché ; qu'en conséquence son action en garantie n'a pas de fondement ;

Considérant par ailleurs, que la SAS Renault n'a pas participé à son comportement dolosif et il n'est pas démontré qu'elle a eu une attitude fautive envers elle ; que dès lors la SAS Sejac ne peut exercer une action récursoire envers la SAS Renault et ne peut dès lors qu'être déboutée des fins de son action en garantie contre cette société ;

Considérant qu'elle devra régler une indemnité pour frais à cette société ;

Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente, le 24 janvier 2004, par la SAS Sejac à Mme Sylvie Lanssade d'un véhicule Twingo immatriculé 330 CVG 92 et en ce qu'il a ordonné le remboursement par la SAS Sejac de la somme de 9 100 euro à Mme Sylvie Lanssade contre la remise du véhicule, Le confirme également en ce qu'il a débouté la SAS Sejac de son action en garantie contre la SAS Renault et en ses dispositions relatives à l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens. Le réforme pour le surplus, Condamne la SAS Sejac à payer à Mme Sylvie Lanssade la somme de 1 800 euro en réparation de son préjudice matériel et celle de 1 500 euro au titre du préjudice moral, Constate que la SAS Renault ne forme plus de demande reconventionnelle contre la SAS Sejac, Condamne la SAS Sejac à régler à en application de l'article 700 du Code de procédure civile , la somme de 2 000 euro à Mme Sylvie Lanssade et celle de 1 500 euro à la SAS Renault, Condamne la SAS Sejac aux dépens d'appel avec droit pour la SCP Debray-Chemin et maître Binoche, avoués, de recouvrer directement les dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.