Cass. crim., 18 novembre 2008, n° 08-82.135
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Farge (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Chaumont
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X contre l'arrêt n° 221 de la Cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 29 février 2008, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamnée à 70 000 euro d'amende, et a ordonné une mesure de publication ; - Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 113-3, L. 121-1, L. 121-5 et R. 113-1 du Code de la consommation, 5 de l'arrêté ministériel du 2 septembre 1977, préliminaire et 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X coupable de publicité trompeuse et l'a condamnée à une amende délictuelle de 70 000 euro et à la publication de la décision ;
"aux motifs qu'il est constant que la société X SNC prise en la personne de M. Y, représentant légal, n'a pas respecté le Code de la consommation, articles L. 121-1-5 et L. 121-6, en diffusant à l'échelle nationale un tract publicitaire et sur les radios concernant la disponibilité de divers produits dans ses magasins portant sur des aliments et des vêtements en avril et mai 2004, ainsi que cela résulte du procès-verbal de la DGCCRF clos le 23 août 2004 ; que les poursuites ont été engagées sur la base de l'article L. 121-1, L. 121-5 et L. 213-6, alinéa 1, du Code de la consommation; - sur la requalification en contravention et la prescription de l'action publique : que la cour relève que les faits constituent un délit et non une contravention au regard des dispositions de l'article L. 121-1-5 et 6 du Code de la consommation ; que la publicité ne correspondait pas aux biens mis à la vente même si un numéro vert existait, toujours occupé, la société X et ses organes dirigeants ayant intentionnellement, et selon une politique commerciale délibérée, organisé une telle opération commerciale au préjudice du consommateur ; que la prescription sera donc rejetée au regard du procès-verbal de la DGCCRF des 29 avril 2004 et 3 mai 2004 et des actes interruptifs du parquet d'Amiens des 30 juin 2005 et 23 août 2005 (arrêt Cour d'appel Colmar 14 décembre 2006) ; - sur l'absence de responsable de la société X, personne morale : que cet argument ne saurait prospérer puisqu'il est établi que l'infraction a été commise dans tous ses éléments matériels, peu importe que la personne physique organe ou représentant soit identifiée, M. Y, dans le cas d'espèce, n'ayant certes pas été entendu, mais M. Z, responsable action, l'a été de même que M. A et M. B, deux co-gérants SNC X ; - sur la notion d'indisponibilité : que la société X prétend s'exonérer de sa responsabilité aux motifs que rien ne démontre que les consommateurs aient été victimes ; qu'un numéro vert était en place, que la direction régionale avait un stock indisponible ; mais que les magasins X sont des magasins de vente au détail à emporter et que la présence physique des articles à vendre s'impose pour la rapidité des opérations ; que, peu importe qu'il y ait du stock éventuellement disponible à bref délai, ce qui n'est pas prouvé, aucun document n'ayant été remis par la défense sur ce point précis à la direction régionale (Cass. crim. 06/11/79 - 14/6/88 RTD Com. 1989 p. 568) (Cour d'appel de Paris 13e chambre du 16 juin 2003); qu'au vu de ces éléments, les infractions reprochées au regard de l'arrêté 77-105/P du 2 septembre 1977, sont caractérisées et constituées matériellement, la clientèle ne pouvant être satisfaite ; que le jugement entrepris sera confirmé sur la culpabilité ;
"alors que, d'une part, le délit de publicité trompeuse suppose, notamment, que le produit ou le service soit inexistant ; que la simple indisponibilité du produit au sens de l'article 5 de l'arrêté du 2 septembre 1977 relève de la contravention prévue par l'article R. 113-1 du Code de la consommation ; que la cour d'appel, qui constate une simple indisponibilité des produits litigieux, et qui retient, néanmoins, la qualification délictuelle de publicité trompeuse, a violé les articles visés au moyen ;
"alors que, d'autre part, la cour d'appel ne pouvait, sans contradiction, relever des faits constitutifs d'infractions au regard de l'arrêté 77-105/P du 2 septembre 1977, réprimé par l'article R. 113-1 du Code de la consommation, et déclarer la société X coupable de publicité trompeuse sur le fondement de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, lequel incrimine des faits distincts (inexistence des produits) qu'elle n'a pas caractérisés" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Mais, sur le moyen relevé d'office, pris de la violation de l'article 111-3, alinéa 2, du Code pénal ; - Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble les articles L. 121-6, L. 121-7 et L. 213-1 du Code de la consommation ; - Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ;
Attendu qu'après avoir déclaré la société X coupable de publicité de nature à induire en erreur, l'arrêt la condamne à 70 000 euro d'amende ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi une amende supérieure au maximum de 37 500 euro fixé par les articles L. 121-6, alinéa 1er, et L. 213-1 du Code de la consommation, sans préciser si ce maximum pouvait être porté, en application de l'alinéa 2 dudit article L. 121-6, à 50 % des dépenses de la publicité constituant le délit, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; d'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle sera limitée à la peine et à la mesure de publication, la déclaration de culpabilité n'encourant pas la censure ;
Par ces motifs : Casse et annule, en ses seules dispositions relatives à la peine et à la mesure de publication, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Colmar, en date du 29 février 2008, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.