CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 18 septembre 2007, n° 06-04520
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Cycom International (SA)
Défendeur :
Sogap (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mandel
Conseillers :
M. Chapelle, Mme Valantin
Avoués :
SCP Jullien, Lecharny, Rol, Fertier, SCP Jupin & Algrin
Avocats :
Mes Noual, Pourre
La société Cycom International ci-après Cycom est spécialisée dans la vente de pneumatiques pour motocyclettes, scooters et vélomoteurs. Elle commercialise ses produits sous la marque Pneu Bis et à travers des points de vente répartis dans toute la France. Elle utilise comme slogans l'expression " Pneu Bis le n° 1 du pneu moto en France " ainsi que les expressions à double sens " vous pouvez tous crever " et " voici les meilleurs médicaments pour tous ceux qui se font enrhumer " ou " voici les médicaments qui vous empêchent de crever ".
Sogap exerce la même activité.
Faisant grief à cette société d'avoir diffusé, auprès de la clientèle, des tracts utilisant l'argumentation commerciale " Cardy n° 1 de la vente des pneus motos en France " et " Cardy crève les prix ", Cycom l'a assignée par acte du 10 décembre 2001 devant le Tribunal de commerce de Versailles sur le fondement des articles 1382 du Code civil et L. 121-1 du Code de la consommation afin qu'elle soit condamnée sous astreinte à retirer sans délais tous ses tracts, brochures, papier à lettres ou autres publicités l'expression " Cardy crève les prix " ou toute expression utilisant dans un sens métaphorique le mot " crève " ainsi que l'expression " n° 1 de la vente du pneu moto en France " ou toute expression comprenant " n° 1 du pneu moto en France ". Cycom sollicitait par ailleurs des mesures d'interdiction ainsi que le versement d'une somme de 91 469 euro à titre de dommages et intérêts (somme portée ultérieurement à 100 000 euro) outre une indemnité sur le fondement de l'article700 du NCPC.
Par jugement du 6 octobre 2004, le Tribunal de commerce de Versailles a, avant dire droit, ordonné une expertise et commis pour y procéder Monsieur Paillot avec mission de définir la nature juridique de chacun des modes de distribution des pneumatiques acquis auprès des fabricants par Cycom et Sogap respectivement, pour être vendus en vue de leur montage sur des motocyclettes, établir la nature (consommateurs, revendeurs, autres) des clients qui se sont approvisionnés respectivement auprès de ces deux sociétés au cours des années 1998, 1999, 2000 et 2001 et établir leur classement s'agissant des ventes de pneumatiques devant équiper les motocyclettes, réunir toute information utile à l'appréciation du préjudice allégué par Cycom.
L'expert a exécuté sa mission et déposé son rapport le 29 juillet 2005.
Après dépôt de ce rapport, Cycom a repris ses demandes initiales tout en modifiant ses demandes de condamnation pécuniaire, sollicitant le paiement d'une somme de 83 000 euro au titre du préjudice commercial et de celle de 1 028 886 euro au titre du préjudice économique.
Sogap concluait au rejet des demandes et reconventionnellement sollicitait le paiement d'une somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, pour dénigrement ainsi que la condamnation de Cycom à payer une amende civile et une indemnité de 8 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC.
Par jugement en date du 10 mai 2006 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens antérieurs des parties, le tribunal a débouté Cycom de ses demandes et dit Sogap irrecevable en sa demande reconventionnelle. Le tribunal a condamné Cycom à payer à Sogap une indemnité de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Sur la demande principale, le tribunal reprenant chacun des griefs formulés par Cycom a tout d'abord considéré que le grief de publicité trompeuse n'était pas fondé dès lors que l'expression " n° 1 du pneu motos en France " n'a pas de sens en soi et qu'en tout état de cause, il n'était pas démontré de façon incontestable que Sogap n'était pas le n° 1 de la vente de pneus motos en France. En second lieu, le tribunal a estimé que l'utilisation par Sogap du terme " crève " n'était pas fautive dès lors que c'était un terme d'usage courant dans le monde du pneumatique, que Sogap et Cycom ne l'employaient pas dans le même sens et n'adressaient pas leur message à la même clientèle. Enfin, sur le grief de parasitisme, le tribunal a considéré qu'il n'était pas démontré, le seul fait d'avoir utilisé les termes courants " crever " et " n° 1 " ne constituant pas une faute. Sur la demande reconventionnelle, le tribunal a précisé que seules les filiales de Sogap exploitant la marque Cardy auraient pu formuler des prétentions.
Appelante, Cycom demande à la cour dans le dernier état de ses écritures (conclusions du 15 mai 2007) de réformer le jugement entrepris, de dire que les agissements de Sogap sont constitutifs de concurrence déloyale par publicité mensongère, imitation de publicité et parasitisme, de lui faire défense d'utiliser l'expression " n° 1 de la vente du pneu moto en France " ou de se prévaloir de la qualité de " n° 1 du pneu moto en France " lors des appels téléphoniques avec la clientèle et ce sous astreinte de 800 euro par infraction constatée, de prononcer diverses mesures d'interdiction, de condamner Sogap à lui payer la somme de 83 000 euro au titre de son préjudice commercial et celle de 1 028 886 euro au titre de son préjudice économique, outre une somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC.
Cycom expose tout d'abord qu'à la date des faits incriminés, elle vendait plus de pneus motos que Sogap et que si elle commercialise ses produits au travers un réseau de franchisés alors que Sogap a un réseau intégré de filiales, les deux sociétés en présence s'adressent à la même clientèle à savoir aux utilisateurs de pneus moto. Cycom fait valoir que Sogap ne justifie pas être n° 1 des ventes de pneus moto et qu'en conséquence le slogan " Cardy n° 1 de la vente de pneus moto en France " est mensonger et de nature à induire l'acheteur potentiel en erreur. Cycom fait par ailleurs grief à Sogap d'avoir copié de manière quasi-servile son slogan " n° 1 du pneu moto en France " et d'avoir imité les publicités " vous pouvez tous crever " et " voici les médicaments qui vous empêchent de crever " en utilisant le sens métaphorique du terme " crever " ; Enfin, Cycom prétend que l'utilisation du slogan " Cardy n° 1 de la vente de pneus moto en France " constitue un agissement parasitaire en ce qu'il copie de façon injustifiée une valeur économique de Cycom, peu important que la notion de n° 1 ne soit pas originale. Enfin, Cycom expose en quoi consiste son préjudice, critiquant sur ce point le rapport d'expertise et soutenant notamment que la baisse de son chiffre d'affaires trouve en partie son origine dans la publicité de Sogap.
Sogap intimée et appelante incidente poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Cycom de ses prétentions mais pour le surplus, reprend sa demande en paiement de la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et réclame, par ailleurs, le versement d'une indemnité de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Quant à l'utilisation du slogan " Cardy n° 1 de la vente de pneus moto en France " Cardy fait valoir que Cycom est incapable d'une part, de définir la notion de n° 1 de vente de pneus moto en France et d'autre part, de prouver que les magasins Cardy n'auraient pas été numéro 1 des ventes de pneus moto en France tout en faisant observer qu'elle n'a pas la même clientèle que Cycom, que le classement produit dans le cadre de l'expertise ne permet pas d'établir que Cycom aurait vendu directement plus de pneus que Sogap sur la période 1998-2001 et que Cycom reconnaît dans ses écritures qu'elle est le n° 1 en termes de livraison de pneus et aucunement en termes de ventes de pneus moto en France.
Sogap poursuit qu'il n'existe aucun risque de confusion entre d'une part les slogans " n° 1 de la vente de pneus moto " et " n° 1 du pneu moto " et d'autre part " Cardy crève les prix " et les publicités de Cycom utilisant le terme "crever" lequel est couramment employé dans la profession. Enfin Sogap expose que Cycom ne démontre pas en quoi la société intimée aurait cherché à tirer profit de ses efforts et de son savoir-faire. Sur le préjudice de Cycom, Sogap en conteste l'existence en se rapportant notamment au rapport d'expertise.
En revanche, Sogap prétend que Cycom est de mauvaise foi lorsqu'elle prétend être " n° 1 du pneu moto en France " et qu'elle a commis une faute en essayant de discréditer Sogap auprès de ses fournisseurs et partenaires commerciaux.
Sur ce, LA COUR,
I. Sur la demande principale :
Considérant que trois griefs étant formulés par Cycom à l'encontre de Sogap, il convient de les examiner successivement tout en déterminant au préalable si les deux sociétés en cause sont en situation de concurrence ;
Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert que Cycom distribue des pneus moto via un réseau de point de vente liés à Cycom par un contrat de franchise partielle sous la marque " Pneu-Bis " alors que Sogap distribue des pneus moto via un réseau de points de vente utilisant l'enseigne " Cardy " qui sont pour les trois-quarts d'entre eux des filiales qu'elle contrôle toutes à plus de 50 %, sauf la société Arax (40 %) et pour le quart restant des entreprises " juridiquement et financièrement indépendantes " ; que c'est un réseau partiellement intégré ;
Que l'expert précise par ailleurs que si Sogap et Cycom ont recours à des montages juridiques différents, d'une part une franchise partielle avec la marque " Pneu-Bis ", d'autre des filiales contrôlées par leur société mère, associées à des entreprises indépendantes toutes utilisant l'enseigne Cardy et/ou Cardy Blue Station, dans les faits Cycom et Sogap sont sur le même marché et s'adressent à la même clientèle, celle des consommateurs de pneus moto (particuliers ou véhicules d'entreprises) ;
Considérant qu'en dépit de l'existence de deux modes juridiques de distribution différents Cycom et Sogap commercialisent toutes deux par l'intermédiaire de leurs franchisés (pour Cycom) ou de filiales qu'elle contrôle (pour Sogap) des pneus moto et s'adressent à la même clientèle, à savoir les utilisateurs de véhicules à deux roues, actionnés par un moteur à explosion de plus de 125 cm3; qu'il existe ainsi que l'a relevé l'expert une assimilation des deux sociétés à leur réseau ; qu'elles sont donc en situation de concurrence ;
Considérant de plus que les actes de parasitisme que Cycom reproche notamment à Sogap peuvent être constitutifs d'une faute, au sens de l'article 1382 du Code civil, même en l'absence de toute situation de concurrence ;
A. Sur le grief de publicité trompeuse :
Considérant que Cycom fait grief à Sogap d'avoir utilisé au cours de la période 1998-2001, dans ses annonces publicitaires le slogan " n° 1 de la vente de pneus moto en France " alors qu'elle ne pouvait prétendre occuper cette position ;
Considérant que l'article L. 121-1 du Code de la consommation interdit "toute publicité comportant sous quelque forme que ce soit des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des éléments ci-après : ... qualités ou aptitude du fabricant, des revendeurs" ;
Considérant que si Cycom utilise quant à elle le slogan " n° 1 du pneu moto en France ", elle ne prétend pas devant la cour être le n° 1 des ventes de pneus moto en France mais soutient qu'elle se prévaut de cette position de " n° 1 " en termes de livraisons de pneus lors de la période considérée ;
Considérant toutefois que la publicité en cause n'ayant pas la nature d'une publicité comparative, il importe peu de savoir qui de Cycom ou Sogap pourrait revendiquer la position de n° 1 de la vente des pneus moto en France ; qu'en revanche, il y a lieu de rechercher si Sogap en usant du slogan " Cardy n° 1 de la vente de pneus moto en France " diffuse une information fausse de nature à induire en erreur les personnes visées par la publicité et susceptible en conséquence de détourner la clientèle au détriment d'autres concurrents ;
Considérant que le slogan utilisé par Sogap employant l'expression "vente de pneus", cette société entend sans conteste se présenter comme la société vendant le plus de pneus pour motos en France ; que toute autre interprétation et notamment celle tendant à faire croire qu'il s'agit de la société ayant le plus de points de vente en France est à exclure ;
Considérant que même si les manufacturiers interrogés par l'expert n'ont pas communiqué leurs chiffres comme l'expert leur avait demandé, celui-ci indique toutefois dans son rapport que ni Cycom, ni Sogap ne " semblent être les plus gros revendeurs de pneus moto de rechange en France " faisant référence en cela à une lettre de Michelin du 12 mai 2005 qui mentionne que " en ce qui concerne les pneus achetés à Michelin, les réseaux Cycom-Pneu Bis et Sogap-Cardy figurent respectivement à la 4e et à la 5e place loin derrière les trois clients-revendeurs qui les précédent, ce qui fait douter que l'un ou l'autre occupe la première place des ventes de pneus moto en France si on évalue de 35 à 40 % la part du marché occupée par Michelin au cours de la période sous revue " ; que Michelin joint à sa lettre un tableau montrant que tant Cycom que Sogap se placent loin derrière les trois premiers clients en quantité de pneus Michelin vendus par Michelin ; que ce tableau se trouve confirmé par celui adressé à l'expert le 9 juin 2005, tableau qui apporte des précisions sur le chiffre d'affaires ; que la société Bridgestone énonce également dans une lettre en date du 1er juin 2005 que ni Cycom, ni Sogap n'a été numéro un dans ses chiffres de ventes en pneumatiques motos ; que la même conclusion peut être tirée en ce qui concerne Goodyear/Dunlop si on compare le nombre de pneumatiques pour motos qu'elle vendait annuellement au cours de la période en cause - 100 000 - avec les quantités achetées par Sogap et Cycom, de 9 902 pour Sogap en 1998 à 21 158 pour Cycom en 2001 ; que s'agissant de Metzeler aucun élément de comparaison avec les autres revendeurs de pneus moto n'est communiqué ;
Considérant enfin que le tableau établi par l'expert (page 64 de son rapport) démontre que pour la période 1998-2001 Cycom a livré plus de pneus motos à son réseau que Sogap ; que si ultérieurement Sogap passe devant Cycom, Sogap ne démontre pas pour autant que son réseau était celui qui vendait le plus de pneus moto en France entre 1998 et 2001 ;
Que Sogap ne peut valablement soutenir qu'il convient, sur la période considérée, d'écarter les trois premiers acheteurs visés par Michelin dès lors qu'elle ne démontre pas que ces trois premiers acheteurs seraient effectivement des concessionnaires ou des constructeurs (Michelin n'en ayant pas révélé le nom) ; qu'il sera observé qu'il existe manifestement d'autres sociétés spécialisées dans les accessoires pour motos et le service de deuxième monte de pneus telles que Moto Expert, Dafy, Moto Axe et Service Plus, MSV, Vouillé Moto Pneus visées dans les extraits de presse communiqués ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Sogap ne rapporte pas la preuve qu'entre 1998 et 2001, son réseau Cardy était celui qui vendait le plus de pneus moto en France ; qu'en utilisant dans ses annonces publicitaires le slogan "Cardy n° 1 de la vente des pneus moto en France" Sogap a eu recours à une publicité mensongère de nature à nuire directement à son concurrent Cycom ; qu'à la lecture de ce slogan vantant les performances de Sogap, la clientèle aura tendance à considérer que le réseau Cardy est le meilleur, le plus performant sur le marché de la vente des pneus moto de rechange ;
Que ce grief de concurrence déloyale est donc fondé ;
B. Sur l'imitation des publicités :
Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le slogan " n° 1 des ventes de pneus moto en France " ne constituait pas une copie quasi-servile du slogan " le n° 1 du pneu moto en France " ;
Qu'en effet, outre le fait que la mention " n° 1 " est banale et courante en matière de publicité, le slogan utilisé par Cycom ne fait référence à rien de précis, que le consommateur peut être amené à penser qu'il s'agit de la qualité du service rendu, du nombre de points de vente, de la première société à vendre des pneus moto ; qu'en revanche le slogan incriminé ne présente aucune ambiguïté et est clairement compris comme l'affirmation que Cardy est le réseau qui vend le plus de pneus moto en France ; qu'il n'existe en conséquence aucun risque de confusion pour le public ciblé qui est celui qui possède une moto ;
Considérant que le grief d'imitation n'est pas davantage fondé en ce qui concerne l'usage par Sogap du slogan " Cardy crève les prix " ; que si tant Sogap que Cycom ont par l'utilisation qu'elles font du verbe "crever" recours à un jeu de mots, le sens de chacun des slogans est différent et ne prête à aucune confusion ; que les slogans " vous pouvez tous crever " et " voici les médicaments qui vous empêcheront de crever " font allusion au service après-vente de Cycom en cas de crevaison et/ou à la promotion d'un forfait sur un pneu qui ne crève pas tandis que le message de Sogap fait uniquement référence aux prix pratiqués par l'enseigne Cardy et tend à les présenter aux consommateurs comme étant particulièrement intéressants ; que Sogap au lieu d'avoir recours à la formule courante " Cardy casse les prix " a utilisé une métaphore se rattachant à la nature des produits vendus;
Qu'en conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté ce grief ;
C. Sur le parasitisme :
Considérant que Cycom soutient qu'en utilisant les messages publicitaires susvisés Sogap a cherché à se procurer un avantage concurrentiel, fruit du travail de Cycom et en conclut qu'un tel comportement constitue une agissement parasitaire ;
Mais considérant qu'il résulte des pièces produites que Sogap qui a débuté ses activités en janvier 1996 a dès l'origine développé des publicités autour de la notion de n° 1 de l'accessoire moto, mis en avant sa politique de prix et vendu et monté des pneus motos ; que l'usage en 1998-2001 du slogan " n° 1 de la vente de pneus moto en France " constitue en quelque sorte une déclinaison du premier slogan même s'il a été démontré qu'il était mensonger ; que Cycom ayant, au cours de la même période, fait usage de slogans très divers tels que " voici les meilleurs médicaments pour tous ceux qui se sont fait enrhumer ", " montage immédiat et prix discount ", " votre pot en 48 heures pétantes " " vous pouvez tous crever ", " prix au ras du bitume ", " prix à vous faire frémir les tétines " en association avec le slogan " Pneu-Bis n° 1 du pneu moto en France " et la présentation générale de ses publicités se distinguant très nettement de celles mises en œuvre par Sogap, l'appelante ne peut valablement soutenir qu'en faisant usage de la mention " n° 1 ", Sogap aurait cherché à s'inscrire dans son sillage et à tirer profit des investissements publicitaires réalisés par Cycom ; que pour les mêmes motifs, l'emploi du terme " crever " dans certaines des publicités de Sogap, même en combinaison avec le slogan " n° 1 de la vente de pneus moto en France " n'est pas davantage constitutif de concurrence parasitaire, ce d'autant plus que d'autres concurrents font également usage du terme " crever " autour duquel il est aisé et séduisant de construire un jeu de mots pour un revendeur de pneus ou un prestataire de services dans le domaine des pneumatiques ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a écarté le grief de parasitisme ;
D. Sur le préjudice :
Considérant que Cycom qui à l'origine sollicitait une somme globale de 91 469,41 euro (600 000 F) réclame aujourd'hui le versement d'une somme de 83 000 euro au titre de son préjudice commercial, subsidiairement de 24 885 euro et une somme de 1 028 886 euro au titre de son préjudice économique ;
Qu'en ce qui concerne son préjudice commercial, Cycom critique la méthode d'évaluation de l'expert et soutient qu'il convient d'appliquer un taux de 30 % à l'investissement publicitaire qu'elle a dépensé sur la période considérée ;
Que par ailleurs, elle expose qu'à partir de 2001 et jusqu'en 2004, ses ventes ont baissé alors que celles de Sogap ont augmenté et elle attribue cette baisse aux publicités diffusées par Sogap ; qu'elle évalue le bénéfice brut attendu et non perçu à la somme de 1 028 886 euro ;
Mais considérant que seul doit donner lieu à indemnisation le préjudice subi par Cycom du fait de la publicité mensongère " Cardy n° 1 de la vente de pneus moto en France " ;
Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert que la première publicité dans laquelle Sogap mentionne ce slogan est une annonce parue dans Moto Journal 1377 du 27 mai 1999 et qu'au total en 1999, 5 annonces ont fait état de cette qualité sur un total de 37 annonces ; qu'en 2000, sur un total de 45 annonces, une seule annonce de Sogap a été publiée avec ce slogan; qu'en 2001, sur un total de 113 annonces occupant plus de 138 pages, le slogan " n° 1 " est apparu 6 fois, soit 4,3 % des pages et le slogan " n° 1 de la vente de pneus TT " 4 fois ;
Qu'en 2002, 6 annonces avec le slogan " n° 1 " et 3 avec le slogan " n° 1 de la vente de pneus TT " ont été publiées par Sogap et en 2003, 5 en petits caractères ;
Considérant que l'expert relève que durant la même période (1999-2003) Cycom a publié 244 annonces ayant toutes le slogan " Pneu-Bis, n° 1 du pneu moto en France " ;
Considérant que compte tenu du nombre d'annonces Cycom par rapport au nombre d'annonces Sogap utilisant le slogan " n° 1 de la vente de pneus moto en France " ou " n° 1 de la vente de pneus TT en France ", étant observé que Cycom n'incrimine que le premier slogan, il est manifeste que l'impact de la publicité mensongère sur le consommateur a été des plus limités ; que toutefois les réseaux d'accessoiristes étant relativement peu nombreux sur le marché et le réseau de Cycom ayant manifestement vendu entre 1998 et 2001 plus de pneus moto que celui de Sogap, le slogan en cause a porté atteinte à l'image et à la crédibilité de la société Cycom ; que ce préjudice sera exactement réparé par le versement d'une somme de 10 000 euro ;
Considérant en revanche que Cycom ne démontre pas que l'usage du slogan " n° 1 de la vente des pneus moto en France " dont la diffusion a été limitée soit la cause directe de la baisse de ses ventes ; qu'il résulte du rapport de l'expert que cette baisse s'explique par d'autres motifs, notamment le départ de Joël Bertrand en juillet 2000, le départ d'un certain nombre d'adhérents alors que dans le même temps Sogap connaissait au sein de son réseau une plus grande stabilité ; que par ailleurs on constate qu'il existe entre les différents intervenants sur ce marché une très forte concurrence sur les prix, facteur déterminant pour la clientèle ; que Cycom sera donc déboutée de sa demande de ce chef ;
Considérant qu'il sera fait droit aux mesures de publication dans les conditions précisées au dispositif à titre de réparation complémentaire ;
II. Sur la demande reconventionnelle :
Considérant que Sogap fait valoir d'une part que Cycom a fait preuve de mauvaise foi en se prétendant être n° 1 du pneu moto en France ", d'autre part qu'elle a intenté la procédure dans le but de la décrédibiliser auprès de ses partenaires ;
Mais considérant que la demande de Cycom ayant été reconnue en partie bien fondée, Sogap ne peut valablement soutenir que celle-là aurait engagé la présente procédure dans le seul but de lui nuire et de porter atteinte à sa crédibilité ;
Considérant par ailleurs que le slogan " n° 1 du pneu moto en France " étant ouvert à plusieurs interprétations, ne visant aucune qualité ou quantité déterminée et ne citant aucun concurrent n'est pas de nature à discréditer Sogap ;
Considérant enfin qu'il résulte du rapport de l'expert et de ses annexes que Cycom a participé avec la plus parfaite bonne foi aux opérations d'expertise et a fourni à l'expert les documents qu'il réclamait ;
Que le préjudice que Sogap aurait subi du fait du temps passé par son personnel lors des opérations d'expertise, ne saurait être imputé à Cycom, cette mesure ayant été ordonnée par le tribunal qui ne trouvait pas dans les pièces et conclusions contradictoires des parties, d'éléments suffisants pour trancher le litige ;
Considérant en conséquence que Sogap sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;
III. Sur l'article 700 du NCPC :
Considérant que l'équité commande d'allouer à Cycom une somme de 5 000 euro pour les frais hors dépens par elle engagés tant en première instance qu'en appel ;
Qu'en revanche, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du NCPC à Sogap ;
Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement entrepris. Dit que la société Sogap a commis des actes de concurrence déloyale par publicité mensongère à l'encontre de la société Cycom International. Fait interdiction à la société Sogap d'utiliser l'expression " n° 1 de la vente de pneus moto en France " dans le cadre d'une publicité écrite ou orale ou dans le cadre de ses relations avec la clientèle sous astreinte de 500 euro (cinq cent euro) par infraction constatée passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt. Condamne la société Sogap à payer à la société Cycom International la somme de 10 000 euro (dix mille euro) à titre de dommages et intérêts. Déboute les parties du surplus de leurs demandes. Condamne la société Sogap à payer à la société Cycom International une indemnité de 5 000 euros (cinq mille euros) sur le fondement de l'article 700 du NCPC. Condamne la même aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais taxables de l'expertise. Admet la SCP Jupin & Algrin au bénéfice de l'article 699 du NCPC