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Décisions

CA Versailles, 14e ch., 7 avril 2010, n° 09-02940

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Sud Loire Caravanes (SAS)

Défendeur :

Centre National des Véhicules de Loisir (SARL), Narbonne Accessoires (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fedou

Conseillers :

Mme Andrich, M. Boiffin

Avoués :

SCP Bommart Minault, SCP Debray-Chemin

Avocats :

Mes Meschin, Amado

T. com. Chartres, du 17 mars 2009

17 mars 2009

FAITS ET PROCEDURE

La société Sud Loire Caravanes - SLC - exerce une activité de vente de camping cars et de caravanes, neufs ou d'occasion, et exploite notamment deux établissements dans l'Eure-et-Loire (28).

Estimant que la publication dans le magasine " Camping Car " du mois de mars 2009 d'une publicité sous la marque TPL - Tout pour le Loisir - pour un " salon régional du camping car de Dreux " au parc des expositions de Dreux du 19 au 22 mars 2009, de même que cette manifestation, constituaient un " acte manifeste de concurrence déloyale " à son encontre, la société SLC a, le 4 mars 2009, assigné en référé d'heure à heure devant le président du Tribunal de commerce de Chartres les sociétés Narbonne Accessoires et Centre National de Véhicules de Loisir - CNVL -, respectivement déposant et exploitant de la marque TPL, afin d'obtenir l'interdiction, sous astreinte, de " l'opération de vente projetée du 19 au 20 mars 2009 " ainsi que leur condamnation à lui verser la somme provisionnelle de 10 000 euro à valoir sur des dommages-intérêts.

Suivant une ordonnance contradictoire rendue le 17 mars 2009, le juge des référés du Tribunal de commerce de Chartres :

- s'est déclaré " compétent pour connaître de l'action en concurrence déloyale et en interdiction de manifestation à lui soumise ",

- a dit recevable " l'action dirigée contre les sociétés Narbonne Accessoires et CNVL ",

- a débouté la société SLC de l'ensemble de ses demandes, en l'ayant condamnée à payer à chacune des sociétés défenderesses la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'aux dépens,

- a débouté les sociétés CNVL et Narbonne Accessoires de " leurs demandes respectives de 5 000 euro à l'encontre de la société SLC, celles-ci n'étant pas motivées ".

Vu l'appel de cette ordonnance formé par la société SLC à l'encontre des sociétés Narbonne Accessoires et CNVL,

Vu les dernières conclusions signifiées le 29 janvier 2010 par lesquelles la société Sud Loire Caravanes - SLC -, poursuivant l'infirmation de l'ordonnance entreprise, demande à la cour de dire que " la publicité dans le magasine " Camping Car " de mars 2009 sous la marque TPL, pour un salon régional du camping car de Dreux ", est constitutive d'une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, en conséquence de condamner " solidairement " les sociétés Narbonne Accessoires et CNVL à lui verser une somme provisionnelle de 10 000 euro " à raison de cette pratique ", outre celle de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, et de débouter celles-ci de toutes leurs prétentions,

Vu les dernières écritures signifiées le 15 janvier 2010 par lesquelles les sociétés Narbonne Accessoires et Centre National de Véhicules de Loisir - CNVL -, intimées, demandent à la cour de déclarer la société SLC irrecevable en ses prétentions concluent à la confirmation " en toutes ses dispositions " de la décision déférée, au rejet de toutes ces prétentions et sollicitent la condamnation de la société SLC aux entiers dépens, ainsi qu'à leur verser, à chacune d'elles, la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que la disposition de l'ordonnance entreprise par laquelle le premier juge s'est déclaré compétent " pour connaître de l'action en concurrence déloyale et en interdiction de manifestation à lui soumise ", qu'aucune des parties ne remet en cause, ne peut qu'être confirmée ;

Sur la recevabilité des action et demandes de la société SLC :

Considérant que les sociétés Narbonne Accessoires et CNVL soulèvent, au visa de l'article 564 du Code de procédure civile, l'irrecevabilité de la demande de provision formée à leur encontre par la société SLC en invoquant sa nouveauté en cause d'appel ;

Considérant, cependant, que contrairement à ce qu'elles énoncent, cette demande de provision d'un montant de 10 000 euro, contenue dans l'assignation du 4 mars 2009, avait déjà été soumise au premier juge, ainsi qu'en atteste le rappel fait par celui-ci des prétentions des parties ;

Qu'elle n'est donc pas nouvelle au sens des dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile et ne se heurte à aucune irrecevabilité de ce chef ;

Considérant que les sociétés Narbonne Accessoires et CNVL font ensuite valoir que la société SLC qui " n'est pas consommateur mais concurrent ", n'a ni qualité ni intérêt pour agir à leur encontre sur le fondement de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, alors, en outre, qu'elle n'a pas mis en cause l'annonceur responsable de la publicité incriminée, soit la société Eole.Com. ;

Mais considérant que la société SLC qui soutient que la publicité parue pour le " salon régional du camping car de Dreux " constitue un acte de concurrence déloyale à son égard imputable aux sociétés Narbonne Accessoires et CNVL en raison de l'utilisation du terme de " salon régional " qu'elle qualifie de trompeuse au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, a bien qualité et intérêt à agir à l'encontre de ces dernières, étant rappelé que la justification de l'intérêt à agir n'est pas subordonnée à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ;

Considérant, enfin, que la société Narbonne Accessoires soutient que l'action introduite à son encontre est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas participé au salon qui s'est tenu à Dreux, n'y a vendu aucun produit et " met la marque TPL à la disposition " de sa filiale, la société Sodev, laquelle est concessionnaire des principales marques de camping cars " à travers ses établissements secondaires situés sur tout le territoire national et regroupés sous l'enseigne TPL - Tout pour le Loisir " ;

Considérant, toutefois, que la société Narbonne Accessoires reconnaît être propriétaire de la marque TPL sous laquelle la publicité incriminée a été publiée par sa filiale, la société Eole.Com.; que c'est également elle qui apparaît en qualité d'organisateur de la manifestation commerciale litigieuse sur le récépissé de déclaration délivré par la préfecture d'Eure-et-Loire ;

Qu'elle a donc bien qualité pour défendre à l'action engagée par la société SLC ;

Considérant que l'ordonnance entreprise sera ainsi confirmée en ce qu'elle a dit recevables les action et demandes de la société SLC formées à l'encontre des sociétés Narbonne Accessoires et CNVL ;

Au fond :

Considérant qu'ainsi que la société SLC l'énonce elle-même, sa demande tendant à l'interdiction de " l'opération de vente projetée du 19 au 22 mars 2009 " n'a plus d'objet puisque cette manifestation a eu lieu comme annoncée ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande de provision, la société SLC soutient, comme devant le premier juge, que l'utilisation, dans l'annonce insérée dans le magasine " Camping Car " de mars 2009, puis lors de la manifestation commerciale s'étant déroulée du 19 au 22 mars 2009, des termes " salon régional du camping car de Dreux " est trompeuse au sens des dispositions de l'article L. 120-1 du Code de la consommation et de la directive n° 2005-29-CE du 11 mai 2005 du Parlement et du Conseil de l'Union européenne, puisqu'elle laisse penser qu'il s'agit d'un rassemblement de plusieurs vendeurs de camping cars exerçant leur activité dans la région, conformément aux prévisions de l'article R. 762-4 du Code de commerce, et non, tel qu'en réalité, d'une vente promotionnelle organisée pendant plusieurs jours par une seule société ne disposant d'aucun concessionnaire en Eure-et-Loir et n'y exerçant pas d'activité, au profit de la seule marque TPL ;

Qu'elle ajoute qu'en ayant, sur la publicité incriminée, omis de faire figurer leur siège social et leur " identité sociale ", les intimées ont encore contrevenu aux prescriptions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;

Qu'elle estime qu'il s'est agi d'une tromperie portant sur les " nature, procédé et motif de la vente " et qu'en écartant de ce " salon " leurs concurrents, les intimées ont dénaturé ce terme, ces agissements étant, selon elle, constitutifs d'actes de concurrence déloyale à son encontre ;

Considérant, toutefois, que la question de savoir si le terme " salon " peut, pour une annonce commerciale, être utilisé dans son acception générique ou commune, c'est-à-dire pour indiquer l'organisation d'une exposition ou d'un rassemblement, et non seulement par référence à la définition qu'en donne l'article R. 762-4 du Code de commerce, ainsi que l'a retenu le premier juge et le font valoir les intimées en insistant sur la circonstance qu'en l'espèce, il s'agissait d'un " salon " principalement destiné au public et non réservé à des professionnels, et, par voie de conséquence, si les publicité et manifestation litigieuses ont ou non constitué une pratique commerciale trompeuse susceptible de caractériser des actes de concurrence déloyale, excède les pouvoirs de la juridiction des référés et relève de la seule appréciation du juge du fond, lequel a d'ailleurs déjà été saisi par la société SLC le 18 juin 2009 ;

Que la contestation élevée de ce chef par les sociétés Narbonne Accessoires et CNVL est, en tout état de cause, suffisamment sérieuse pour faire obstacle à l'octroi d'une provision à valoir sur l'allocation de dommages-intérêts, alors, de surcroît, que la société SLC ne produit aucun élément ni même n'articule aucun moyen propre à justifier tant l'existence que le montant du préjudice qu'elle dit avoir subi en raison de la faute qu'elle reproche aux intimées ;

Qu'il n'y a donc lieu à référé sur la demande formée par la société SLC ; que l'ordonnance entreprise doit être réformée en ce sens ;

Considérant que les sociétés Narbonne Accessoires et CNVL qui n'établissent pas le caractère abusif des action et demandes formées à leur encontre, doivent être déboutées de leurs demandes indemnitaires présentées à ce titre et l'ordonnance déférée infirmée en ce qu'elle y a fait droit à hauteur de la somme de 1 euro ;

Considérant que le premier juge a exactement statué sur les dépens ;

Que la société SLC qui succombe en son recours, doit être condamnée aux dépens d'appel et à verser aux sociétés Narbonne Accessoires et CNVL la somme, pour chacune d'elles, de 1 200 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant contradictoirement et en dernier ressort : Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions ayant dit le juge des référés compétent " pour connaître de l'action en concurrence déloyale et en interdiction de manifestation ", déclaré recevable cette action et condamné la société Sud Loire Caravanes - SLC - aux dépens ; Infirme pour le surplus ; Statuant à nouveau et y ajoutant : Constate que la demande de la société SLC tendant à l'interdiction de " l'opération de vente projetée du 19 au 22 mars 2009 " est devenue sans objet ; Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par la société SLC ; Déboute les sociétés Narbonne Accessoires et Centre National de Véhicules de Loisir - CNVL - de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive ; Condamne la société SLC à payer aux sociétés Narbonne Accessoires et Centre National de Véhicules de Loisir la somme, pour chacune d'elles, de 1 200 euro (mille deux cents euros) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société SLC aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.