Cass. crim., 23 mars 2010, n° 09-82.545
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
M. Chaumont
Avocats :
SCP Monod, Colin, SCP Richard
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 25 mars 2009, qui, notamment pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamnée à 20 000 euro d'amende, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 213-1 du Code de la consommation, 2 et 3 du décret n° 2002-1465 du 17 décembre 2002 relatif à l'étiquetage des viandes bovines dans les établissements de restauration, 111-3, 131-13 du Code pénal, 6 § 3, 7 de la Convention européenne des droits de l'Homme et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X coupable de délit de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur et l'a condamnée à une amende de 20 000 euro, ainsi qu'à la publication de la décision par extraits dans les journaux Le Figaro et Le Monde, puis l'a condamnée à payer la somme de 5 000 euro à l'Institut national de la qualité et de l'origine, à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que le fait pour la société X d'avoir omis d'indiquer chaque jour, et en tout cas le 5 avril 2006, date à laquelle les agents de la DDCCRF ont été amenés à constater que l'affiche portant indication de l'origine des viandes servies mentionnait quatre pays différents (France, Italie, Irlande et Espagne), alors que la viande ne provenait que de France, constituait l'infraction visée à l'article L. 121-1 du Code de la consommation et de l'article 2 du décret n° 2002-1465 du 17 décembre " 1965 " (lire : " 2002 "), alors au surplus que l'un des responsables de la société X, interrogé par les agents enquêteurs, a reconnu ne procéder à la mise à jour de l'affichage que tous les mois seulement, en fonction des arrivages prévus, une telle pratique étant de nature à induire en erreur le consommateur sur l'origine précise de la viande qui lui est servie et à créer une confusion que les dispositions légales et réglementaires ont justement pour objet d'écarter ;
"1°) alors que si une pratique commerciale est trompeuse, lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur les caractéristiques essentielles du bien, et notamment son origine, ne constitue pas une pratique commerciale trompeuse, celle consistant à indiquer qu'un produit est susceptible de provenir de quatre origines distinctes, sans indiquer sa provenance exacte, dès lors que le produit provient effectivement de l'un des lieux mentionnés ; qu'en effet, dans ce cas, l'indication est imprécise, mais non trompeuse ; qu'en décidant néanmoins que le fait, pour la société X, d'avoir affiché, s'agissant de l'indication de l'origine des viandes servies, la France, l'Italie, l'Irlande et l'Espagne, tandis qu'elle ne disposait en stock que de viandes provenant de France, constituait le délit de publicité mensongère, bien que la viande n'ait pas eu pour origine un autre pays que ceux mentionnés, de sorte que l'indication n'était nullement mensongère, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2°) alors que la mention du nom des pays dans lesquels le vendeur se fournit suffit à satisfaire à l'obligation qui lui est faite de porter à la connaissance du consommateur l'origine des viandes bovines qu'il vend ; qu'en décidant, néanmoins, que la société X n'avait pas satisfait à cette obligation, en mentionnant que la viande bovine intégrée dans ses produits provenait de " France / Italie / Irlande / Espagne ", dès lors qu'en réalité, elle disposait uniquement de viandes françaises en stock, la cour d'appel a exposé sa décision à la cassation ;
"3°) alors que toute infraction doit être définie en termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire ; que n'est pas claire et précise, l'obligation faite au vendeur de porter à la connaissance du consommateur, par affichage, indication sur les cartes et menus ou tout autre support, l'origine des viandes bovines servant à composer ses plats, dès lors qu'elle ne précise pas la manière de procéder lorsque le restaurateur utilise des viandes bovines d'origines différentes dont il se sert indifféremment pour composer ses plats ; qu'en déclarant, néanmoins, la société X coupable d'avoir méconnu cette disposition imprécise, la cour d'appel a exposé sa décision à la cassation" ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article L. 121-1 du Code de la consommation ; - Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments de l'infraction qu'il réprime ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à l'occasion d'un contrôle effectué le 5 avril 2006 dans un restaurant exploité par la société X, des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont constaté que l'affiche prescrite par le décret du 17 décembre 2002 relatif à l'étiquetage des viandes bovines dans les établissements de restauration mentionnait, comme pays d'origine de la viande bovine contenue dans les produits alimentaires vendus aux consommateurs, la France, l'Italie, l'Irlande et l'Espagne, alors que la viande était uniquement d'origine française ; que la société X a été poursuivie pour publicité de nature à induire en erreur devant le tribunal correctionnel qui l'a déclarée coupable par jugement dont elle a relevé appel ;
Attendu que, pour confirmer le jugement sur la culpabilité, l'arrêt retient que l'affichage litigieux créait une confusion de nature à induire en erreur le consommateur sur l'origine de la viande qui lui était servie ;
Mais attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, qui ne caractérisent pas le délit de publicité trompeuse, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les faits dont elle était saisie ne constituaient pas la contravention de la troisième classe prévue par l'article 3 du décret du 17 décembre 2002, n'a pas justifié sa décision ; d'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs : Casse et annule l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Paris, en date du 25 mars 2009, mais en ses seules dispositions ayant condamné la société X du chef de publicité de nature à induire en erreur sur l'origine de la viande bovine, et l'ayant condamnée à verser des dommages-intérêts à l'Institut national de la qualité et de l'origine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.