CE, 5e et 4e sous-sect. réunies, 2 décembre 2009, n° 315699
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
MCM (Sté)
Défendeur :
Télévision Locale (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Stirn
Rapporteur :
M. Ranquet
Avocats :
SCP Boutet, SCP Vier, Barthelemy, Matuchansky
LE CONSEIL : - Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 avril et 28 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la societe MCM, dont le siège est 28 rue François 1er à Paris (75008) et la societe Europe 2 Entreprises, dont le siège est à la même adresse ; la societe MCM et la societe Europe 2 Entreprises demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler la décision du 5 février 2008 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la Société de télévision locale à changer la dénomination du service de télévision LTF qu'elle édite en NRJ Paris ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ; Vu les autres pièces des dossiers ; Vu la loi ° 86-1067 du 30 septembre 1986 ; Vu le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 ; Vu le Code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Philippe Ranquet, Auditeur, - les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la societe MCM et de la societe Europe 2 Entreprises et de la SCP Boutet, avocat de la Société de télévision locale, - les conclusions de Mme Catherine de Salins, rapporteur public, La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la société MCM et de la société Europe 2 Entreprises et à la SCP Boutet, avocat de la Société de télévision locale ; Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ;
Considérant que par la décision du 5 février 2008 dont la société MCM et la société Europe 2 Entreprises demandent l'annulation pour excès de pouvoir, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a modifié l'autorisation délivrée le 24 juillet 2007 à la Société de télévision locale pour l'exploitation du service de télévision La Télévision de Tous les Franciliens (LTF), diffusé en clair par voie hertzienne terrestre en mode numérique sur la région parisienne, ainsi que la convention annexée à cette autorisation, afin d'agréer le changement de dénomination de ce service en NRJ Paris ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, autorité indépendante, garantit l'exercice de la liberté de communication audiovisuelle par tout procédé de communication électronique, dans les conditions définies par la présente loi. / Il assure l'égalité de traitement (...). ; qu'aux termes de l'article 28 de la même loi : La délivrance des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique pour chaque nouveau service diffusé par voie hertzienne terrestre autre que ceux exploités par les sociétés nationales de programme est subordonnée à la conclusion d'une convention passée entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel au nom de l'Etat et la personne qui en demande l'autorisation. / Dans le respect de l'honnêteté et du pluralisme de l'information et des programmes et des règles générales fixées en application de la présente loi (...) cette convention fixe les règles générales applicables au service compte tenu (...) du respect de l'égalité de traitement entre les différents services et des conditions de concurrence propres à chacun d'eux (...). / La convention porte notamment sur un ou plusieurs des points suivants : (...) 10° Le temps maximum consacré à la publicité, aux émissions parrainées, ainsi que les modalités de leur insertion dans les programmes (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si la dénomination NRJ est également celle d'une marque sous laquelle sont commercialisés des produits et services diversifiés, elle n'en demeure pas moins, dans son usage principal, celle de services audiovisuels ; que l'adoption de cette dénomination par un service audiovisuel ne crée pas un risque de détournement à des fins publicitaires en méconnaissance des dispositions du décret du 27 mars 1992 concernant le régime applicable à la publicité et au parrainage, et notamment à celles de son article 9 interdisant la publicité clandestine ; que, dans ces conditions, le changement de dénomination n'avait pas à être subordonné à des restrictions particulières en matière de logo du service et de publicité ou de parrainage ; qu'il appartiendra, par ailleurs, à l'autorité de régulation, si elle constate une méconnaissance des obligations qui s'imposent au service, notamment en matière de publicité, d'user de la faculté que lui confèrent, en toute hypothèse, les dispositions des articles 42 et suivants de la loi du 30 septembre 1986 et de mettre en demeure l'éditeur du programme de respecter ses obligations réglementaires puis, le cas échéant, de prononcer une sanction à son encontre ; que la circonstance que des conditions plus rigoureuses aient été posées à l'agrément du changement de dénomination d'un autre service audiovisuel ne saurait, par elle-même, caractériser une méconnaissance du principe d'égalité de traitement ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : L'autorisation peut être retirée, sans mise en demeure préalable, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation avait été délivrée, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement ; qu'il résulte de ces dispositions que le Conseil supérieur de l'audiovisuel, saisi par le titulaire d'une autorisation d'exploiter un service de radiodiffusion ou de télévision d'une demande de modification de cette autorisation ou de la convention qui y est annexée, peut agréer les modifications envisagées si elles ne sont pas de nature à remettre en cause les choix opérés lors de la délivrance de l'autorisation ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le changement de dénomination litigieux s'accompagnerait d'une transformation des caractéristiques du programme autorisé ou qu'elle présenterait, avec son format et son contenu, une inadéquation de nature à les remettre en cause ; que la modification autorisée ne saurait, dès lors, être regardée comme substantielle au sens des dispositions précitées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société MCM et la société Europe 2 Entreprises ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 5 février 2008 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ; qu'il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de chacune des deux sociétés requérantes la somme de 1 500 euros que demande la Société de télévision locale au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : La requête de la société MCM et de la société Europe 2 Entreprises est rejetée. Article 2 : La société MCM et la société Europe 2 Entreprises verseront chacune la somme de 1 500 euros à la Société de télévision locale au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société MCM, à la société Europe 2 Entreprises, à la Société de télévision locale et au Conseil supérieur de l'audiovisuel. Copie pour information en sera adressée au Premier ministre (direction du développement des médias) et au ministre de la culture et de la communication.