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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 3 juillet 2009, n° 07-03312

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Gamblin épouse Beaulaton

Défendeur :

Montaigne Direct (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

MM. Laurent-Atthalin, Schneider

Avocats :

SCP Oudinot - Flauraud, Me Couturier

TGI Paris, 5e ch., du 28 nov. 2006

28 novembre 2006

Mme Gamblin épouse Beaulaton a fait assigner la société Montaigne Direct, anciennement Biotonic, devant le Tribunal de grande instance de Paris aux fins de faire juger que les nombreux documents qui lui ont été adressés l'ont informée de ce qu'elle avait gagné un lot de 7 950 € mais que, contre toute espérance, malgré de nombreuses lettres, elle n'avait jamais pu prendre possession du lot.

Le tribunal a jugé qu'elle était mal fondée à faire référence à l'appréciation d'un consommateur moyen et d'une capacité de compréhension normale et conclut que la lecture attentive de la pièce 10 datée du 4 septembre 2003, des pièces 3 et 2 du règlement du jeu et de la lettre l'accompagnant ne permettait pas de déduire que le gain était certain.

Le tribunal a ajouté que le règlement était imprimé de façon prévisible, que son contenu clair indiquait la procédure à suivre afin de participer à un jeu, que sa lecture ne pouvait laisser croire qu'elle avait gagné la somme annoncée.

Mme Gamblin a relevé appel de la décision

Par dernières conclusions signifiées le 13 juin 2007, l'appelante demande l'infirmation du jugement en rappeiant notamment qu'elle a reçu le 21 octobre 2003 un " avis d'envoi de règlement " ainsi conçu : " un règlement de 7 950€ par chèque certifié a effectivement été envoyé à votre adresse BP 22349 LE MANS "; que le 20 novembre, elle a reçu un dernier document intitulé "contrat d'engagement" ainsi conçu: "les résultats sont définitifs et immuables. Le procès-verbal dressé par l'huissier de justice atteste et confirme sans aucune ambiguïté que nous devons remettre à Mme Beaulaton le gain qu'elle a officiellement gagné... ".

Elle expose que par application de l'article 1371 du Code civil, elle est fondée à soutenir que la société Biotonic lui a annoncé un gain sans mettre en évidence l'existence d'un aléa et s'est donc obligée à le lui remettre...

Elle entend préciser qu'elle n'ignore pas que le seul fait d'avoir reçu un bon de participation après avoir passé plusieurs commandes et reçu plusieurs promesses ne lui a pas donné droit à recevoir la somme promise s'il est fait état directement ou indirectement d'un aléa; qu'en l'espèce, la répétition de documents faisant apparaître l'existence d'un gain avec certitude et la confusion entretenue entre les mots règlement au sens de paiement et règlement au sens de règles ont créé la conviction d'une absence d'aléa.

Par dernières conclusions signifiées le 21 septembre 2007, la société Montaigne Direct demande la confirmation du jugement, qu'il soit jugé que les jeux publicitaires qu'elle diffuse sont licites, qu'elle n'a commis aucune faute et qu'elle a rempli les obligations auxquelles elle s'était engagée de sorte qu'elle n'est redevable d'aucun versement du prix indiqué... Elle demande 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR: - Considérant que l'appelante soutient qu'il résulte de l'ensemble des documents qui lui ont été adressés qu'elle ne pouvait pas avoir conscience de l'aléa dont l'intimée prétend au contraire qu'il était manifeste ;

Considérant qu'il apparaît des pièces produites que la société Biotonic ne s'est pas contentée d'adresser un seul courrier mais au contraire un nombre important, engageant ainsi un dialogue avec Mme Gamblin, en usant de termes hyperboliques, destiné à chaque fois à convaincre son interlocutrice de ce qu'il ne lui manquait plus qu'une seule opération pour recevoir le chèque, qualifié de règlement, lequel lui était de toute façon définitivement attribué ;

Considérant, d'une part, que l'exemplaire du règlement que produit l'appelante, écrit en lettres noires très serrées sur des lignes elles-mêmes très serrées est illisible, de telle sorte qu'il ne peut être soutenu que Mme Gamblin avait nécessairement connaissance des règles du jeu ;

Considérant, d'autre part, que l'ambiguïté entretenue entre " demandez immédiatement le règlement pour obtenir votre gain " relève manifestement d'une volonté de tromper;

Considérant, enfin, qu'en créant précisément ce " dialogue entre le publicitaire et le client ", la société Biotonic ne se bornait donc pas à effectuer une publicité unique à un moment donné mais faisait progressivement avancer sa correspondante dans la conviction qu'elle se rapprochait du but à chaque fois qu'elle faisait une commande supplémentaire nécessaire à la réclamation du " règlement " ;

Considérant qu'à cet égard, d'ailleurs, il n'apparaît pas que le procédé dont cette société a fait usage ait été conforme à l'article L. 121-36 du Code de la consommation relatif aux loteries publicitaires lequel interdit d'imposer aux participants une contrepartie financière sous quelque forme que ce soit, le bulletin de participation devant être distinct de tout bon de commande ;

Considérant que par la précision de ces énoncés, leur réitération et dans la mesure où elle s'adressait une personne déterminée et non à un ensemble de personnes prises dans leur ensemble, l'intimée s'est bien présentée à l'égard de Mme Gamblin comme débitrice de la somme de 7 950 € que celle-ci a gagnée ;

Considérant que les pièces qu'elle verse devant la cour pour démontrer qu'elle avait adressé des documents semblables à des quantités d'autres " joueurs " ne sont pas de nature à écarter une appréciation concrète de la relation Biotonic - Gamblin, cette dernière pouvant légitimement penser que les courriers lui étaient légitimement destinés, à l'issue de la participation à un jeu et d'un tirage gagnant ;

Considérant qu'au sens de l'article 1371 du Code civil, la société Biotonic s'est ainsi engagée envers Mme Gamblin à lui verser la somme ci-dessus dès lors que par son insistance à se présenter débitrice à l'égard d'un joueur gagnant, elle a pris ainsi l'engagement malgré des réserves non perceptibles avec certitude par ce gagnant à lui verser 7 950 € ;

Considérant, en dernier lieu, qu'elle verse aux débats pour convaincre la cour de ce qu'elle s'acquitte généralement de ses engagements au regard des jeux qu'elle organise, une série de quatre documents adressés selon elle à Mme Ladriere pour l'enjoindre de réclamer son gain ainsi qu'un chèque au nom de celle-ci, mais non débité et non signé; - qu'il s'ensuit que ces documents, contrairement au but recherché, sont dépourvus de valeur probante;

Considérant qu'il convient de faire droit à la demande de Mme Gamblin et donc d'infirmer le jugement;

Considérant que la résistance abusive de la société Biotonic justifie sa condamnation à payer 1 000 € de dommages-intérêts;

Considérant qu'il convient de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur de 4000 €;

Par ces motif, - Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris prononcé le 28 novembre 2006 en toutes ses dispositions ; - Condamne la société MONTAIGNE DIRECT venant aux droits de la société Biotonic à payer à Mme Gamblin épouse Beaulaton la somme de 7 950€; - La condamne, en outre, à payer 1 000 € titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.