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Décisions

CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 26 novembre 2010, n° 09-12728

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

UFC Que Choisir

Défendeur :

Marie (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bichard

Conseillers :

Mmes Marion, Pauthe

Avoués :

SCP Duboscq Pellerin, Me Teytaud

Avocats :

Mes Laffon, Demard

TGI Créteil, du 26 mai 2009

26 mai 2009

Vu le jugement rendu le 26 mai 2009 par le Tribunal de grande instance de Créteil qui a :

- débouté l'UFC Que Choisir de l'ensemble de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné l'UFC Que Choisir aux dépens ;

Vu l'appel formé par l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir-UFC Que Choisir (ci-après l'UFC Que Choisir) ;

Vu les dernières conclusions déposées au greffe :

- le 22 juillet 2010 par l'UFC Que Choisir qui demande à la cour, au visa des articles L. 120-1 et suivants, L. 421-1 et suivants du Code de la consommation, 1382 et suivants du Code civil de :

* constater que la société Marie commercialise un plat préparé "Couscous Royal" dont les informations présentes sur les emballages laissent à penser qu'il contient une faible teneur en sel et qu'il a des vertus bénéfiques pour la santé,

* constater que ce plat préparé ne présente pas une teneur en sel réduite mais excessive,

* dire qu'une telle discordance entre les informations présentes sur l'emballage et les analyses nutritionnelles est de nature à gravement induire en erreur les consommateurs notamment au regard des conséquences sanitaires d'un tel excès de sel dans l'alimentation et doit s'entendre d'une pratique commerciale déloyale,

* dire que la société Marie a commis là une faute délictuelle,

* dire qu'une telle faute est à l'origine d'un préjudice direct pour l'UFC Que Choisir, association ayant pour objet statutaire la défense des intérêts des consommateurs,

En conséquence,

* condamner la société Marie à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

* ordonner la publication d'un communiqué judiciaire relatant le dispositif du "jugement" à intervenir, dans trois journaux grand public à diffusion nationale,

* condamner la société Marie à lui payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

* condamner la société Marie aux dépens ;

- le 17 juin 2010 par la société Marie qui demande à la cour, au visa de l'article 1382 du Code civil de :

* dire qu'elle n'a réalisé aucune pratique commerciale trompeuse,

* dire l'UFC Que Choisir mal fondée en ses demandes,

En conséquence,

* confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

En tout état de cause,

* condamner l'UFC Que Choisir à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner l'UFC Que Choisir aux dépens ;

Sur ce, LA COUR :

Considérant qu'à l'issue d'une enquête qualitative, l'UFC Que Choisir, estimant qu'il existait une discordance, quant à la teneur en sel, entre les informations présentes sur l'emballage d'un plat de couscous commercialisé par la société Marie et les analyses nutritionnelles, a saisi le Tribunal de grande instance de Créteil aux fins de voir constater la faute de la société Marie et d'obtenir paiement de dommages et intérêts ; que le tribunal a statué dans les termes précités ;

Considérant qu'au soutien de l'appel, l'UFC Que Choisir fait valoir que la société Marie affiche clairement sur l'emballage du plat préparé "couscous royal", sa volonté de proposer aux consommateurs un plat pauvre en sel alors que les tests qu'elle a réalisés ont mis en évidence l'inexactitude de ses affirmations, que son comportement doit être considéré comme fautif ;

Considérant qu'elle expose que le consommateur est d'abord trompé sur la mention "sel limité 1,0 % - 1 personne - 400g" ; qu'elle indique :

- que les analyses effectuées mettent en évidence que le plat cuisiné "couscous royal" de la société Marie contient 0,73 g de sel pour 100 g, que par conséquent ce plat ne contient pas moins de 1 g de sel et que c'est pour 100 g que la teneur en sel est inférieure à 1 g,

- qu'ainsi, l'information relative à la teneur en sel telle que figurant sur l'emballage du plat préparé est hasardeuse et même incompréhensible pour un consommateur profane, cette incompréhension étant d'autant plus grande que les informations "pour 100 g" (comme la teneur en sel) côtoient sur l'emballage les informations annoncées "par portion" (comme le nombre de calories) ;

Mais considérant que l'emballage du plat de "couscous royal" dont il est question mentionne, sur la face avant : "sel limité 1,0 %" entre les mentions "mat. gr. 8,4 %" et "632 kcal par portion", ces trois indications étant portées immédiatement au dessus de celle précisant qu'il s'agit d'un plat de 400 grammes pour une personne ;

Que la teneur en sel du plat cuisiné est ainsi clairement exprimée en pourcentage et non en poids ; que la mention "sel limité 1,0 %" signifie en conséquence que ce plat contient au maximum un gramme de sel pour 100 grammes de produit, soit au maximum 4 grammes de sel pour le plat entier conditionné en barquette de 400 grammes, ce qui est avéré, l'UFC Que Choisir affirmant elle-même que le plat contient au total 2,92 grammes de sel ; qu'il ne peut dès lors être soutenu que cette information est "hasardeuse et incompréhensible" pour un consommateur profane, étant relevé que si, sur la face avant de l'emballage, la valeur énergétique du plat en son entier est précisée, cette même valeur énergétique est mentionnée sur la face arrière pour 100 grammes et que les autres éléments d'information relatifs aux matières grasses, protéines, glucides, lipides, sont exprimées en pourcentage ou en poids moyen pour 100 grammes ;

Considérant que l'UFC Que Choisir expose également que la société Marie a souhaité adopter une démarche commerciale axée sur la faible teneur en sel de son plat de couscous et fait valoir que cependant elle ne peut affirmer que celui-ci ne contient pas trop de sel alors que la teneur relevée dans une portion équivaut, pour ce seul plat, à la moitié de l'apport de sel préconisé pour toute une journée, que dès lors la société Marie trompe le consommateur moyen, ce qu'elle admet aujourd'hui à travers l'annonce de la modification de ses emballages quant à la question de la teneur en sel ;

Considérant que l'emballage litigieux mentionne sur la face avant, outre les mentions précédemment reproduites : "sans trop de sel" et qu'il est indiqué sur la face arrière "Marie aime cuisiner avec peu de sel" et "Marie aime cuisiner sans artifice, sans trop de gras ni trop de sel, juste pour le plaisir du goût... Bref, Marie aime la même cuisine que vous !" ;

Considérant que la circonstance que la société Marie ait modifié les emballages des produits qu'elle commercialise, ce qu'elle ne conteste pas, n'est pas de nature à démontrer une reconnaissance de sa part de la réalité des griefs formulés par l'UFC Que Choisir ;

Et considérant que les allégations de l'UFC Que Choisir selon lesquelles l'apport idéal en sel doit être - pour un adulte - de 2 g en moyenne par repas, ne sont corroborées par aucune pièce ; qu'il ressort des documents versés aux débats, qui font état des diverses études et réflexions menées sur la question de la consommation de sel, qu'il est préconisé de ramener celle-ci à 8 grammes par jour et par personne ; que compte tenu de ces éléments, il ne peut être retenu que les mentions précitées sont trompeuses pour un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ;

Considérant en conséquence que le jugement, qui a débouté l'UFC Que Choisir de ses demandes, doit être confirmé ;

Considérant, vu l'article 700 du Code de procédure civile, que l'UFC Que Choisir sera déboutée de sa demande sur ce fondement et condamnée à payer à la société Marie la somme de 3 000 euro pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris, Condamne l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir-UFC Que Choisir, à payer à la société Marie la somme de 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile, pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel, Condamne l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir-UFC Que Choisir aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.