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Décisions

CA Douai, 6e ch. corr., 5 février 2010, n° 09-02062

DOUAI

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monier

Conseillers :

Mme Gaillard, M. Duchemin

Avocats :

Mes Koetsier, Brouwer, Sulzer

TGI Lille, ch. corr., du 7 nov. 2008

7 novembre 2008

Monsieur Y et la société X ont été cités devant le Tribunal correctionnel de Lille pour y répondre de la prévention :

d'avoir dans le département du Nord et notamment à Lille et Dunkerque courant octobre et novembre 2006, effectué une pratique commerciale trompeuse sur les qualités substantielles et le prix, en l'espèce en annonçant "70 % moins cher" dans des tracts, des panneaux publicitaires exposés en vitrine et dans des encarts publicitaires de la Voix du Nord, accentuant une remise en réalité limitée à 65,3 % et se fondant sur une étude portant sur des articles non comparables (verres Essilor et verres génériques).

Faits prévus par l'article L. 121-1, l'article L. 121-5 du Code de la consommation et réprimés par l'article L. 121-6, l'article L. 121-4, l'article L. 213-1 du Code de la consommation.

Par jugement contradictoire en date du 7 novembre 2008, le tribunal correctionnel a relaxé les prévenus et rejeté les demandes formées par les parties civiles Synope, Optique François, AFB, JPB Optic, Bolvin Opticien, Charlotte Duyck et Les Frères Lissac.

Les parties civiles ont interjeté appel le 14 novembre 2008 des dispositions civiles de ce jugement à l'encontre de X.

Prétentions des parties :

Les parties civiles demandent à la cour de :

- dire et juger qu'en annonçant " 70 % moins cher " dans des tracts, panneaux publicitaires exposés en vitrine et dans des encarts publicitaires parus dans la Voix du Nord, courant octobre et novembre 2006, pratiques qui se sont poursuivies en décembre 2006 et janvier 2007, la société X, et son représentant légal Monsieur Y ont commis des actes de publicité comportant des allégations, indications fausses ou de nature à induire en erreur quant au prix des produits d'optique par des annonces permanentes de réduction et de publicité comparative illicite, faits prévus par l'article L. 121-1 et L. 121-8 du Code de la consommation,

- dire et juger que ces pratiques fautives ont pour effet d'entraîner des distorsions de concurrence dont sont victimes les autres opérateurs économiques du marché de l'optique médicale,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les demandes des parties civiles régulières et recevables,

- l'infirmer en ce qu'il les a déboutées de leur demandes,

Statuant à nouveau,

Condamner in solidum Monsieur Y et la société X à payer au syndicat Synope la somme de 30 000 euro à titre de dommages intérêts,

Condamner in solidum Monsieur Y et la société X à payer au syndicat Synope, la somme de 1 500 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

Condamner in solidum Monsieur Y et la société X à payer à titre de dommages intérêts à :

la société Optique François la somme de 5 000 euro

la société AFB la somme de 5 000 euro

la société JPB Optic la somme de 35 000 euro

la société Bolvin Opticien la somme de 5 000 euro

la société Les Frères Lissac la somme de 5 000 euro

Mademoiselle Duyck la somme de 5 000 euro

A titre de dommages intérêts complémentaires, ordonner la publication du jugement à intervenir dans deux journaux à diffusion nationale ainsi que dans deux journaux ou périodiques dépendant de la zone dans laquelle a été diffusée la publicité trompeuse, aux frais exclusifs de Monsieur Y et de la société X qui seront tenus in solidum,

Condamner in solidum Monsieur Y et la société X à payer à chacune des sociétés Optique François, AFB, JPB Optic, Bolvin Opticien, Les Frères Lissac et à Mademoiselle Duyck, la somme de 750 euro au titre des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

Condamner Monsieur Y et la société X aux dépens de l'instance,

X SAS demande à la cour de :

Vu les articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation,

Vu l'article 1382 du Code civil,

A titre principal pour Monsieur Y

- déclarer irrecevables les demandes formulées à l'encontre de Monsieur Y, qui n'est pas partie à l'instance d'appel,

A titre principal pour X SAS et à titre subsidiaire pour Monsieur Y

- confirmer le jugement du Tribunal correctionnel de Lille du 7 novembre 2008 en ce qu'il a constaté le caractère non probant les procès-verbaux de Maître Doco en date du 12 décembre 2006 et du 18 avril 2007 et les pièces y annexées ;

- compléter le jugement du Tribunal correctionnel de Lille du 7 novembre 2008 et :

* constater que la citation à l'encontre de X ne visait non pas l'article L. 121-8 du Code de la consommation et que cet article ne fait donc pas l'objet des débats à la présente instance et par conséquent rejeter toute demande sur ce fondement ;

* ou à titre infiniment subsidiaire constater que la publicité n'est pas une publicité comparative illicite et rejeter toute demande sur ce fondement;

- confirmer le jugement du Tribunal correctionnel de Lille du 7 novembre 2008 en ce qu'il a constaté que X SAS et Monsieur Y ne sont pas rendus coupables de pratique commerciale trompeuse, ni de tromperie ;

En conséquence,

- dire et juger que X et Monsieur Y n'ont commis aucune faute (de concurrence déloyale) mettant en cause leur responsabilité civile ;

A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où par extraordinaire le jugement du Tribunal correctionnel de Lille du 7 novembre 2008 ne serait pas confirmé en ce qu'il a constaté que Y et la société X ne se sont pas rendus coupables de pratique commerciale trompeuse :

- dire et juger qu'aucune atteinte n'a été portée à la concurrence ;

- dire et juger qu'aucune des parties civiles, savoir le Synope, la société Optique François, la société AFB, la société JPB Optic, la société Bolvin Opticien, Mademoiselle Duyck et la société Les Frères Lissac, ne justifie d'un quelconque dommage ;

- dire et juger qu'aucun lien de causalité entre la publicité incriminée et les dommages invoqués par les parties civiles, savoir le Synope, la société Optique François, la société AFB, la société JPB Optic, la société Bolvin Opticien, Mademoiselle Duyck et la société Les Frères Lissac, n'existe ni n'est prouvé ;

Ainsi et en tout état de cause

débouter les parties civiles, savoir le Synope, la société Optique François, la société AFB, la société JPB Optic, la société Bolvin Opticien, Mademoiselle Duyck et la société Les Frères Lissac de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

Sur ce :

Les faits :

La DGCCRF du Nord recevait un courrier daté du 11 octobre 2006 de H, opticien à Lille dénonçant la publicité faite par un magasin X annonçant des prix 70 % moins chers que les autres opticiens.

La répression des fraudes effectuait une enquête et dressait, le 7 décembre 2006 un procès-verbal d'infraction aux articles L. 121-1 et L. 213-1 du Code de la consommation. Il y est relevé que l'ouverture de magasins X à Dunkerque et à Lille (le 25 novembre 2006), a donné lieu à la distribution de tracts annonçant notamment "des prix venus d'ailleurs ! 70 % moins chers que les autres opticiens", le pourcentage de "70 % moins cher que les autres opticiens" apparaissant en très gros caractères.

L'enquête a fait apparaître que la société X avait chargé la société Z de réaliser une enquête qui a été effectuée en juin 2006 auprès d'un échantillon de 1 065 porteurs de lunettes (ou lentilles). Il en est ressorti, s'agissant des lunettes complètes progressives un prix moyen de 490,30 euro et pour les lunettes complètes unifocales, un prix moyen de 355,73 euro. Le prix pratiqué par X pour les lunettes avec verres progressifs étant de 170 euro, la publicité annonce un prix moyen chez les autres opticiens de 495 euro et une réduction de 70 % moins cher alors que le prix moyen résultant de l'étude est de 490,30 euro, la réduction n'étant alors que 65,3 %.

Selon les services de la répression des fraudes, cet élément est de nature à induire le consommateur en erreur quant à la portée des engagements pris par l'annonceur. En outre, le prix pratiqué par X concerne une paire de lunettes avec des verres de la marque du distributeur (fabriqué à Goreshem aux Pays Bas) alors que les prix moyens relevés dans les enseignes de l'étude concernent des verres de marque des différents fabricants existants sur le marché (Essilor notamment), ce qui rend la comparaison difficile voire impossible.

Selon le service de la répression des fraudes, l'élément intentionnel de publicité trompeuse tient en l'espèce dans la volonté de la société X d'accentuer volontairement une remise limitée à 65,3 % en l'augmentant de quelques unités pour atteindre le seuil psychologique de 70 %, cette volonté étant d'autant plus répréhensible qu'elle concerne des articles non comparables, en l'occurrence des verres de marques (dont Essilor) très connues en France revêtant une véritable "valeur pour le consommateur" et des verres génériques "dont la qualité est sans doute équivalente mais qui n'ont pas la même valeur pour le consommateur" (note le procès-verbal (cf. D2 page 5).

Devant le tribunal correctionnel, les parties civiles ont fait notamment valoir que l'étude de marketing réalisée par le compte de société X par Z reposait sur des éléments de comparaisons dénués de tout sérieux et de tout caractère probant. Les parties civiles affirment que l'offre des prévenus portait sur une collection de montures apparemment fabriquées pour l'enseigne et que ces montures ne se trouvant pas sur le marché et n'étant pas disponibles pour les concurrents, elles ne pouvaient servir de base de référence pour le calcul d'un prix moyen. Il en serait de même pour les verres qui peuvent être de qualité très différente. Selon elles, l'offre des prévenus contrevient tant aux dispositions de l'article 121-1 du Code de la consommation qu'aux dispositions de l'article 121-8 du Code de la consommation réprimant avec l'article L. 121-14 du même Code la publicité comparative illicite.

Devant le tribunal correctionnel, les prévenus par la voix de leurs avocats ont sollicité leur relaxe. Ils ont exposé que décidés en 2006 à conquérir le marché français, ils avaient procédé à une offre, lors de l'ouverture des magasins de Lille et Dunkerque, de lunettes à 100 euro (avec verres unificaux) et 170 euro pour les verres progressifs tandis que les prix moyens pratiqués par les autres opticiens étaient respectivement de 336 euro et 495 euro. La différence étant respectivement de 71,8 % moins chère et de 65,3 % moins chère (pour les verres progressifs), X en avait "logiquement déduit que toutes les lunettes confondues, elle était en moyenne 70 % moins chère" (cf. conclusions p.7), étant observé par ailleurs que les ventes de lunettes sont à 70 % sans verres progressifs.

Les prévenus ont contesté s'être rendus coupables de publicité trompeuse, le pourcentage de 70 % étant avéré (puisque la publicité communique sur une moyenne) et que par ailleurs celle-ci concerne des produits comparables. D'ailleurs la DGCCRF indique que les "verres génériques" de X sont de "qualité sans doute équivalente" aux verres de marques vendus en France. Les prévenus ont fait valoir par ailleurs que ni la répression des fraudes, ni le Ministère public, ni les parties civiles ne démontrent que les verres Essilor seraient de qualité supérieure aux verres vendus par X.

A titre subsidiaire les prévenus ont fait valoir qu'ils ne se sont pas rendus coupables de publicité comparative illicite au regard des dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation, au demeurant non visées par la prévention. Selon eux, la publicité incriminée ne permet pas d'identifier les concurrents comparés et par ailleurs n'est pas trompeuse, comparant objectivement les prix des lunettes.

Les prévenus ont soutenu enfin que les parties civiles n'ont subi et ne prouvent aucun dommage.

Le tribunal correctionnel a prononcé la relaxe des prévenus aux motifs que l'annonce de "70 % moins cher" est globale et concerne les deux types de lunettes. Les lunettes avec verres unifocaux étant les plus vendues, le tribunal correctionnel a considéré qu'un écart moyen de 70 % pouvait être retenu. Le tribunal correctionnel a par ailleurs relevé qu'il n'était en rien établi que les verres "maison" vendus par les prévenus seraient de qualité moindre que ceux commercialisés par leurs concurrents, X ayant pu avoir recours en outre à certains fabricants tel Essilor. Les allégations contenues dans la publicité critiquée n'étant ni fausses ni de nature à induire en erreur un consommateur normalement avisé, le tribunal correctionnel a prononcé la relaxe des prévenus et rejeté les demandes formées par les parties civiles, compte tenu de la relaxe.

Devant la cour, les parties civiles ont repris en substance les mêmes moyens en insistant sur le fait que l'agence Z s'était contentée, dans son études, d'interroger subjectivement les personnes sondées et d'établir à partir de ces seuls éléments des moyennes dépourvues de tout caractère probant et que dès lors l'absence d'éléments de comparaison objectifs rendait de facto mensongères les allégations des publicités de X concernant le fait que son enseigne serait 70 % moins chère que les autres opticiens. Les parties civiles insistaient par ailleurs sur le fait qu'en s'affranchissant de toute comparaison sur la composition intrinsèque des produits (montures de lunettes et verres) proposés par X et ceux des autres marques vendus par les autres opticiens, la prévenue avait recouru à une manœuvre destinée à tromper le consommateur mais également à des pratiques fautives ayant pour effet d'entraîner des distorsions de concurrence au détriment des autres opérateurs économiques du marché de l'optique médicale. Les parties civiles faisaient enfin valoir que le tribunal correctionnel n'avait pas à écarter comme il l'a fait le constat d'huissier auxquelles elles ont fait procéder, celui-ci ayant été autorisé par justice et les constatations et documents saisis, le 12 décembre 2006, étant les mêmes que ceux recueillis par les services de la répression des fraudes s'agissant de la période de prévention retenue, soit les mois d'octobre et de novembre 2006.

Devant la cour, Maitres Koetsier et Brouwer ont, pour le compte de X, fait valoir les mêmes moyens de défense en insistant sur le fait que celle-ci ne s'est pas rendue coupable de publicité trompeuse car elle a communiqué sur une moyenne et par ailleurs que la marque des verres de lunettes, que les consommateurs en général ignorent, ne constitue pas un élément essentiel du produit. Ils ont fait valoir enfin que la société X ne pouvait davantage se voir reprocher des faits de publicité comparative illicite faute d'identification des concurrents.

Sur l'action civile :

Attendu que la décision pénale par laquelle Y et la SAS X ont été relaxés du chef de pratique commerciale trompeuse est devenue définitive et que l'action civile, du fait de l'appel des parties civiles, ne se poursuit devant la cour qu'à l'encontre de la seule société X ; qu'en droit, la décision de relaxe n'ayant aucune autorité à l'égard de l'action civile, les juges d'appel sont tenus de rechercher si les faits poursuivis constituent ou non une infraction pénale, au besoin en requalifiant les faits s'ils caractérisent une infraction pénale autre que celle visée aux poursuites et, dans l'affirmative, ont l'obligation de se prononcer sur les demandes de réparation civile ;

Sur le grief de publicité trompeuse :

Attendu que l'article L. 121-1 du Code de la consommation, qui définit la publicité trompeuse, distingue la publicité fausse, c'est-à-dire ouvertement mensongère, de la publicité susceptible d'induire en erreur, c'est-à-dire la publicité qui par un message trompeur ou ambigu s'agissant des caractéristiques essentielles du produit, est de nature à induire en erreur le public ;

Attendu que dans le cas d'espèce, le message publicitaire litigieux ne prête pas à discussion en tant que tel puisqu'il a été relevé précisément par le service de la répression des fraudes à savoir "70 % moins cher que les autres opticiens" (sic) et repris par la prévention ; que ce message figure sur différents supports matériels concourant à cette publicité tels que constatés par le service de la répression ou le 12 décembre 2006 par l'huissier qui a opéré un constat autorisé par décision de justice à la demande des parties civiles ; que comme elles le font valoir, les supports publicitaires constatés en décembre 2006 reprennent le même message que celui poursuivi, ce qui autorise que ledit constat soit accueilli comme moyen de preuve contrairement à ce qu'a décidé le tribunal correctionnel ;

Attendu en revanche que les parties s'opposent sur l'analyse qu'elles font tant des fondements que des conséquences dudit message publicitaire selon lequel X vendrait des lunettes "70 % moins cher que les autres opticiens" ;

Attendu que les publicités effectuées par la société X se référent toutes à une "enquête récente" à laquelle l'Agence Z a procédé courant 2006 à la demande de la société X ; que la prévenue verse aux débats le rapport de cette enquête ; que les parties civiles considèrent quant à elles comme manquant de sérieux et de valeur probante cette enquête, ce qui rend selon elles de facto trompeuse la publicité de X ;

Attendu que le rapport d'enquête à laquelle a procédé l'Agence Z explicite notamment le nombre de personnes sondées (échantillon se répartissant selon les données de l'INSEE), leurs lieux d'habitations, les questions posées et leurs réponses selon l'âge, le sexe ; que ces questions portent entre autres sur les types de lunettes achetées, les dates et lieux d'achats, les offres de vente et les prix payés (selon qu'il y ait eu ou non un forfait), les raisons du choix de l'opticien chez lequel l'achat a été effectué, les critères de choix de l'opticien pour le prochain achat de lunettes, l'importance revêtue par la marque (préférence pour la marque de l'opticien ou une marque connue), le montant du remboursement effectué par la mutuelle des clients sondés, le montant maximal que le client sondé est prêt à payer pour l'achat d'une paire de lunettes, etc ; que l'organisme enquêteur a procédé ensuite à l'analyse des données recueillies puis à la présentation d'éléments de synthèse;

Qu'il s'ensuit aux yeux de la cour qu'il a ainsi été procédé, à partir des données recueillies par l'enquête, à un constat objectif au sens où celui-ci peut être vérifié puisque sont parfaitement connues les circonstances dans lesquelles l'enquête a eu lieu et les données recueillies ; que d'ailleurs le service de la répression des fraudes n'a nullement critiqué la méthodologie suivie et les résultats présentés par l'enquête;

Attendu sur l'autre grief fait à la société X de procéder à des comparaisons trompeuses car ne tenant pas compte de la composition intrinsèque des produits (montures des lunettes, verres) et de leur qualité que les parties civiles n'apportent aucun élément d'analyse tendant à faire apparaître une réelle différence de qualité entre les produits commercialisés par la prévenue et les produits auxquels elle se compare, vendus par les autres enseignes; que sur la question importante des verres ainsi commercialisés, la DGCCRF elle-même note que la qualité des verres génériques utilisés par la société X "est sans doute équivalente" (sic) aux verres de marque Essilor même s'ils n'ont pas selon elle la même valeur pour le consommateur ; ce à quoi la prévenue objecte que très souvent le public ignore la marque des verres des lunettes qu'il porte ; que là encore il n'est nullement établi que la publicité faite par la prévenue ait eu recours à une publicité fausse en cachant des caractéristiques essentielles, qui seraient différentes des produits comparés ;

Attendu qu'il est encore fait grief à X d'avoir centré sa publicité sur l'affirmation: "70 % moins cher que les autres opticiens" alors qu'en tout état de cause, pour les 30 % de clients achetant des lunettes avec verres progressifs, la différence de prix n'était que de 65,3 % entre ceux de X et ceux des autres opticiens ; qu'elle aurait ainsi induit en erreur ce public;

Attendu, comme cela a déjà été relevé que la prévenue a effectivement mis en avant que "X est 70 % moins cher que les autres opticiens" ; qu'il se déduit cependant nécessairement d'une formulation aussi générale qu'il peut exister au cas par cas, des différences selon les produits ; que d'ailleurs les plaquettes publicitaires affichent immédiatement après le slogan "70 % moins cher" un graphique faisant apparaître les différences de prix qui existent selon X et la moyenne des autres opticiens, entre les lunettes avec verres unifocaux et les lunettes avec verres progressifs ; que ces graphiques visuellement très compréhensibles font bien apparaître que la différence de 70 % n'affecte chaque produit pas de la même manière mais est une moyenne ; que l'ensemble de ces mentions est fait, de manière équivalente, en caractères parfaitement lisibles et suffisamment explicites ; qu'il s'ensuit que cette publicité n'apparaît nullement de nature à induire en erreur le consommateur normalement vigilant ;

Attendu par suite que c'est à juste titre que les juges du premier degré ont considéré que le délit de pratique commerciale trompeuse n'était pas constitué et qu'en l'absence de pratiques fautives, les demandes des parties civiles devaient être rejetées ; qu'il est à relever d'ailleurs qu'aucune plainte de consommateur n'a été recueillie ;

Sur le grief de publicité comparative illicite :

Attendu que les parties civiles reprochent également à la prévenue des faits de publicité comparative illicite et soutiennent qu'il en est résulté pour elles un préjudice ;

Attendu qu'il revient à la cour dans le cadre de sa saisine de se prononcer également sur ce grief d'autant que l'incrimination de publicité comparative illicite, si elle est distincte de celle de publicité trompeuse pour laquelle seule la prévenue a été poursuivie, constitue cependant une infraction voisine et d'ailleurs réprimée au moins pour partie, par les mêmes dispositions de l'article L. 213-1 du Code de la consommation; qu'en outre ce moyen a été soulevé devant le tribunal correctionnel et débattu également devant la cour, chacune des parties ayant d'ailleurs conclu sur ce point ;

Attendu que l'article L. 121-8 du Code de la consommation définit comme suit la publicité comparative illicite :

"La publicité qui met en comparaison des biens ou services en utilisant soit la citation ou la représentation de la marque de fabrique, de commerce ou de service d'autrui, soit la citation ou la représentation de la raison sociale ou de la dénomination sociale, du nom commercial ou de l'enseigne d'autrui n'est autorisée que si elle est loyale, véridique et qu'elle n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur. Elle doit être limitée à une comparaison objective qui ne peut porter que sur des caractéristiques essentielles, significatives, pertinentes et vérifiables de biens ou services de même nature et disponibles sur le marché. Lorsque la comparaison porte sur les prix, elle doit concerner des produits identiques vendus dans les mêmes conditions et indiquer la durée pendant laquelle sont maintenus les prix mentionnés comme siens par l'annonceur. La publicité comparative ne peut pas s'appuyer sur des opinions ou des appréciations individuelles ou collectives" ;

Attendu qu'il y a lieu de relever que les messages publicitaires de la société X concernant les produits et les prix des "autres opticiens" ne contreviennent pas, de par leur généralité et leur imprécision, aux dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation ; qu'en outre la publicité faite par la SAS X ne comporte aucun dénigrement des produits et services des autres opticiens et ne vise distinctement aucun d'eux ; qu'il n'est pas établi, par ailleurs, comme cela a été précédemment relevé, que la prévenue ait introduit des comparaisons qui n'étaient pas objectives au sens des règles du droit pénal de la publicité ; que les parties civiles n'établissent enfin en rien que la SAS X ait créé à son profit une situation anormalement favorable ;

Attendu qu'au regard de l'ensemble de ces considérations, la cour confirme en toutes ses dispositions civiles le jugement entrepris ;

Qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens compte tenu des dispositions de l'article 800-1 du Code de Procédure Pénale ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement ; Déclare les appels recevables et dans la limite de ceux-ci ; Confirme le jugement entrepris en ses dispositions civiles ; Déboute les parties civiles de l'ensemble de leurs demandes.