CA Aix-en-Provence, 1re ch. B, 5 avril 2007, n° 06-04531
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Montaigne Direct (SA)
Défendeur :
De Miras
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Grosjean
Conseillers :
Mmes Charpentier, Zenati
Avocats :
SCP Latil- Penarroya-Latil-Alligier, SCP Bottai-Gereux-Boulan
FAITS :
Attendu que M. Michel de Miras, demeurant à Paris, a reçu à plusieurs reprises en 2002 des courriers de la société Biotonic SA l'avisant de gains et l'incitant à commander des produits de cette société ;
Attendu que M. Michel de Miras fait assigner la société Biotonic SA devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de la voir condamner sur le fondement de l'article 1382 du Code civil , et subsidiairement sur le fondement de la responsabilité délictuelle, à lui payer la somme de 17 250 euro outre 5 000 euro en application des dispositions de l'article de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la société Biotonic a soulevé l'incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Paris en raison de son siège social à Mougins dans les Alpes Maritimes ;
Attendu que, par ordonnance en date du 2 mars 2004, le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Paris a déclaré cette juridiction incompétente au profit du tribunal de grande instance de Grasse et que le dossier a été transmis à ce tribunal ;
Attendu que, devant le tribunal de grande instance de Grasse, M.de Miras a maintenu ses demandes ;
Attendu que la société Biotonic a conclu au débouté de M. de Miras ;
Attendu que, par jugement en date du 24 février 2006, le tribunal de grande instance de Grasse a, sur le fondement de l'article 1371 du Code civil , condamné la société Biotonic à payer à M.de Miras la somme de 17 250 euro avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, débouté M.de Miras de sa demande d'astreinte, condamné la société Biotonic à payer à M.de Miras la somme de 1000 euro en application des dispositions de l'article de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire rejeté tous autres chefs de demande, dit que la société Biotonic supportera les dépens avec application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, par déclaration de la SCP Latil Penarroya-Latil et Alligier, avoués, en date du 7 mars 2006, la société Montaigne Direct SA, anciennement dénommée Biotonic SA, a relevé appel de ce jugement ;
Attendu que, par ses dernières conclusions, signifiées et déposées le 28 juin 2006,
la société Montaigne Direct SA, anciennement dénommée Biotonic SA , demande à la cour de :
- dire l'appel recevable,
- réformer le jugement rendu le 24 février 2006 par le tribunal de grande instance de Grasse,
- constater que les jeux publicitaires diffusés par la société Montaigne Direct sont parfaitement licites,
- constater qu'aucune faute ne peut être mise à charge de la société Montaigne Direct, qui a par ailleurs souscrit aux seules obligations auxquelles elle s'était engagée,
- constater qu'il n'existe aucun engagement ferme de versement de prix à la charge de la société Montaigne Direct,
- débouter M.de Miras de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- le condamner à lui payer 2.000 euro en application des dispositions de l'article de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la SCP Latil Penarroya-Latil et Alligier, avoués ;
Attendu que la société Montaigne Direct rappelle que les jeux publicitaires, destinés soutenir la promotion des ventes, sont autorisés par l'article L.121-36 du Code de la consommation et que seules les loteries sont interdites dans ce cadre ;
Que la société Montaigne Direct fait observer que ces jeux publicitaires sont destinés à des consommateurs dotés d'une intelligence et d'une capacité de compréhension moyennes ;
Que la société Montaigne Direct fait observer que les documents publicitaires annoncent la réception du règlement d'un jeu et non du règlement d'une somme d'argent, que ce règlement du jeu indique qu'il a pré-tirage au sort, envoi du bon de participation dans les délais, clôture du jeu ; que la société Montaigne Direct estime que l'existence d'un aléa est clairement explicitée ; qu'elle considère que M.de Miras était informé de l'aléa, qu'il s'agissait d'un jeu avec tirage au sort ; qu'elle estime n'avoir commis aucune faute ;
Attendu que, par ses dernières conclusions, signifiées et déposées le 23 mai 2006, M. Michel de Miras demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel et y ajoutant condamner la société Montaigne Direct à lui payer une indemnité complémentaire de 5 000 euro en application des dispositions de l'article de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- subsidiairement, constater le caractère trompeur du " publipostage " ;
- condamner la société Montaigne Direct à lui payer la somme de 17 250 euro à titre de dommages et intérêts ;
- la condamner à lui payer la somme 5 000 euro en application des dispositions de l'article de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner la société la société Montaigne Direct aux dépens, avec distraction au profit de la SCP Bottai, Gereux et Boulan, avoués ;
Attendu que M.de Miras expose avoir reçu plusieurs courriers de la société Biotonic l'informant de ce qu'il avait gagné à des loteries organisées par cette société et avait écrit pour recevoir les prix et que cette société n'avait jamais répondu à ses demandes de paiement des lots ; qu'il se prévaut de l'article 1371 du Code civil, estimant que l'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne nommée sans mettre en évidence un aléa, s'oblige à délivrer ce gain ; qu'il fait remarquer que les termes utilisés dans les courriers reçus présentaient son gain comme une certitude ; qu'à titre subsidiaire il considère qu'il s'agit d'une publicité trompeuse ;
Attendu que l'instruction de l'affaire a été déclarée close le 1er février 2007 ;
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'appel :
Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée ni contredite par les pièces du dossier et qu'il convient de constater que cet appel est recevable, ainsi que l'appel incident ;
Sur la demande de paiement :
Attendu qu'au titre des engagements qui se forment sans convention l'article 1370 du Code civil précise que les engagements qui naissent d'un fait personnel à celui qui se trouve obligé résultent ou des quasi-contrats, ou des délits ou des quasi-délits ;
Attendu que l'article 1371 dispose que les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties ;
Attendu que sur ce fondement, il doit être retenu que l'organisateur d'une loterie, qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence à première lecture l'existence d'un aléa, s'oblige par ce fait purement volontaire à le délivrer ;
Attendu que M.de Miras fait état plusieurs courriers de la société Biotonic l'informant de gains ; qu'il produit un premier courrier intitulé " attribution définitive de gain " et " rapport officiel et définitif de remise de gain établi sous contrôle d'un huissier de justice assermenté " informant M.de Miras qu'il était " la seule personne à pouvoir réclamer officiellement l'inique somme de 7 500 euro ", avec un verso les indications pour recevoir le chèque, et sur le bas du verso un texte très serré en caractères minuscules précisant le règlement d'un jeu ;
Attendu qu'à la réception de ce courrier, et pour recevoir ces 7 500 euro, il remplit un document dit " accusé de réception de réclamation de chèque " en vue de percevoir cette somme et remplit en même temps un bon de commande, et adressa le tout le 28 juin 2002 à la société Biotonic ;
Attendu que M.de Miras reçut sa commande mais pas le chèque de 7 500 euro ;
Attendu que la société Biotonic envoya encore un autre courrier à M.de Miras avec un document intitulé " avis de remise confirmée de règlement " pour une somme de 9 750 euro avec une lettre d'accompagnement précisant : 'le courrier que vous avez entre les mains n'est pas un jeu' et " j'aurai(s) le plaisir de procéder officiellement et immédiatement à l'envoi à votre domicile d'un règlement, soit 9 750 euro par chèque bancaire " ;
Attendu qu'à la suite de ce courrier M.de Miras renvoya le bulletin d'accord de versement avec une commande laquelle lui fut expédiée le 16 octobre 2002, mais sans recevoir le chèque promis ;
Attendu que ces courriers se présentent comme l'assurance faite à M.de Miras qu'il est le gagnant d'une loterie ;
Attendu que le renvoi à un règlement, expliquant de manière peu lisible et peu intelligible qu'il ne s'agit que du droit de participer à une loterie dont le gagnant recevra cette somme, est si équivoque que tout lecteur de ce document en déduit que tout destinataire gagne cette somme de manière certaine ;
Attendu que la société Biotonic s'est ainsi engagée à délivrer ces sommes ;
Attendu que ces sommes de 7 500 euro + 9 750 euro soit 17 250 euro lui sont dues ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Attendu que la présente procédure a contraint M.de Miras à exposer des frais irrépétibles et que l'il convient de l'en indemniser ;
Attendu que la société Montaigne Direct supportera les dépens ;
Par ces motifs, - Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, - Déclare recevables l'appel principal et l'appel incident, - Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 février 2006 par le tribunal de grande instance de Grasse.