CA Paris, 4e ch. B, 23 novembre 2007, n° 06-12953
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Ryanair Holdings, Public Limited Company (Sté) Ryanair Limited, Limited (Sté) Ryanair.Com. Limited, Limited (Sté)
Défendeur :
Air France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Girardet
Conseillers :
Mme Regniez, M. Marcus
Avoués :
SCP Fisselier - Chiloux - Boulay, Me Pamart
Avocats :
Mes Teitgen, Renaul, Berland
La cour est saisie de l'appel interjeté par les sociétés de droit irlandais Ryanair Holdings Public Limited Company (société Ryanair Hgs), Ryanair Limited (société Ryanair) et Ryanair.com Limited (Société Ryanair.com) à l'encontre du jugement contradictoire rendu le 12 mai 2006 et rectifié le 9 juin 2006 par le Tribunal de commerce de Paris (15e chambre) qui a :
-dit :
* que le slogan publicitaire "Ryanair.com, 391% moins cher qu'Air France Klm" anciennement dénommée Air France Compagnie aérienne, publié sur le site Internet exploité par la société Ryanair.com à l'adresse www.ryanair.com commercialisant les vols sur la compagnie aérienne Ryanair détenue intégralement par la holding Ryanair Holdings, est trompeur et constitue donc une publicité comparative illicite,
* qu'en publiant ce slogan publicitaire "Ryanair.com, 391% moins cher qu'Air France Klm" sur leur site internet, les sociétés Ryanair, Holdings Ryanair et Ryanair.com ont donc commis un acte de dénigrement à l'encontre de la société Air France Klm,
* que l'encart publicitaire publié par les sociétés Ryanair Holdings, Ryanair et Ryanair.com dans le quotidien L'Alsace le 5 décembre 2003 constitue une publicité dénigrante à l'encontre de la société anonyme Air France Klm,
* que le détournement du slogan de la société Air France Klm "Faire du ciel le plus bel endroit de la terre" en "Faire du ciel l'endroit le moins cher de la terre" par les sociétés Ryanair Holdings, Ryanair et Ryanair-com sur les tracts publicitaires distribués en janvier 2004 sont constitutifs d'actes de dénigrement de la société Air France Klm,
- condamné in solidum les sociétés Ryanair Holdings, Ryanair et Ryanair.com à verser à la société Air France Klm les sommes suivantes:
* 250 000 euro en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait des actes de dénigrement commis à son encontre par les sociétés Ryanair Holdings, Ryanair et Ryanair.com,
* 29 687,92 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire sauf en ce qui concerne les mesures de publication,
- ordonné la publication du dispositif du jugement sur la page d'accueil du site Internet de la société Ryanair.com, dont l'adresse URL est www.ryanair.com pendant une durée d'un mois dans une police de caractère de taille 13 et occupant une surface comprise entre un minimum d'un quart d'écran et un maximum d'une moitié d'écran, ainsi que la publication dans un quotidien de la presse nationale au choix de la société Air France Klm, dans le quotidien l'Alsace et dans le quotidien International Herald Tribune, et aux frais de la société Ryanair et dans la limite de 5 000 euro hors taxes par insertion,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,
- condamné in solidum les sociétés Ryanair Holdings, Ryanair et Ryanair.com aux dépens;
Il convient de rappeler que la société Air France Klm s'est plainte auprès du groupe Ryanair de ses méthodes de communication.
A la suite à plusieurs publicités diffusées notamment dans le quotidien l'Alsace et sur le site www.ryanair.com, la société Air France Klm a assigné les sociétés Ryanair Holdings, Ryanair et Ryanair.com en publicité mensongère et dénigrement.
C'est ainsi qu'est né le présent litige.
Les sociétés Ryanair Holdings, Ryanair et Ryanair.com, appelantes, prient la cour, dans leurs dernières conclusions signifiées le 3 mai 2007, de :
- les dire recevables et bien fondées en leur appel,
Y faisant droit,
- mettre hors de cause la société Ryanair Holdings,
- infirmer le jugement entrepris, ainsi que le jugement rendu le 9 juin 2006 par la quinzième chambre du Tribunal de commerce de Paris qui en a rectifié les termes, en toutes leurs dispositions,
Statuant à nouveau,
- débouter la société Air France Klm de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la société Air France Klm à payer à chacune des appelantes la somme de 12 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens ;
Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 avril 2007, la société Air France Klm, intimée, demande à la Cour de :
- débouter les sociétés appelantes de leur appel et de toutes leurs demandes,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ainsi que le jugement rectificatif du 9 juin 2006, sauf en ce qui concerne la condamnation au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur ce dernier point,
- condamner solidairement les sociétés Ryanair Holdings, Ryanair et Ryanair.com à lui verser la somme de 141 188,97 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Sur ce, LA COUR,
Sur la mise hors de cause de la société Ryanair Holding
Considérant que la société Ryanair Holding sollicite sa mise hors de cause en faisant valoir que les premiers juges l'ont à tort condamnée, au seul motif qu'elle détiendrait intégralement la société Ryanair, alors que celle-ci est autonome, comme disposant d'une personnalité juridique distincte et d'une autonomie de gestion lui permettant de déterminer sa propre politique commerciale et son comportement sur le marché; qu'elle fait valoir que les faits en l'espèce incriminés ne sont aucunement le résultat d'une action commune de la société mère et de sa filiale et que la seule circonstance que ces deux sociétés ont leurs sièges sociaux respectifs à la même adresse s'avère indifférent ;
Considérant que la société Air France Klm s'oppose à cette prétention au motif que la preuve de l'autonomie alléguée n'est selon elle nullement établie;
Considérant qu'il n'est pas contesté, d'une part, que la société Ryanair Holdings a pour objet la détention de titres, d'autre part, que la société Ryanair, dont l'objet est de nature commercial, est dotée d'une personnalité juridique distincte ;
Que, dans ces conditions, la question de la mise hors de cause, présentée à titre liminaire, se rapporte en réalité au fond du droit, l'action de la société Air France Klm étant notamment fondée sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil, ce qui implique la démonstration d'une faute personnelle susceptible d'être imputée à la société Ryanair Holding ;
Sur le texte diffusé en juillet 2003 sur le site "internet" de la société Ryanair
Considérant que la société Ryanair a diffusé en juillet 2003, sur son site "internet" la mention: "Ryanair. Com - 391% moins cher qu'Air France" ;
Que le tribunal a relevé que ce message dans lequel cette dernière, nommément citée et parfaitement identifiée, est accusée de pratiquer des prix abusivement élevés eu égard à ceux de sa concurrente, alors que la comparaison tarifaire présentée n'est pas objective, dans la mesure où l'écart de prix indiqué ne reflète aucunement la diversité de l'offre de la société Air France, par rapport à ce que serait l'homogénéité de la grille de prix de la société Ryanair, qui induit le consommateur en erreur; qu'il a aussi estimé que la publication de ce message constituait un acte de dénigrement ;
Que les appelantes soutiennent que le calcul de l'écart de 391%, effectué à partir des comptes et rapports annuels publiés, et quelle que puisse être la variété des tarifs pratiqués par Air France, est rigoureusement exact; qu'en tout état de cause elles n'ont pas fait de cette formule, qui n'était inscrite qu'en petits caractères tout en haut à gauche des pages d'écran, au dessus du premier bandeau de titre faisant apparaître son nom, un slogan publicitaire constitutif d'un argument majeur dans le cadre d'une campagne organisée autour de ce thème ; qu'au surplus, des comparaisons du même ordre ont été faites relativement à des compagnies allemande et italienne, lesquelles n'ont engagé aucune action "bien conscientes qu'elles étaient du caractère fondamentalement exact" des données fournies ;
Qu'elles prétendent aussi que, contrairement à ce que le tribunal a estimé, ce texte est exempt de tout caractère dénigrant, en l'absence d'intention malveillante de leur part ;
Considérant que les parties s'accordent sur le fait que le calcul effectué par la société Ryanair pour aboutir au pourcentage annoncé dans son slogan a été obtenu par la division du résultat opérationnel réalisé sur l'exercice 2002-2003 par le nombre de passagers transportés ;
Qu'il est constant que rien dans le slogan litigieux ne laisse entendre que ce pourcentage affiché soit le résultat d'une telle méthode ;
a) Sur les termes de la comparaison
Considérant que les sociétés Ryanair font référence aux dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation pour prétendre que le slogan choisi s'inscrit dans le cadre d'une publicité comparative, car il contribue, conformément à la directive 97/55/CE à mettre en évidence de manière objective les avantages des différents produits comparables et que le relevé d'un prix moyen des billets sur l'ensemble de l'année est plus objectif et vérifiable qu'une sélection de tarifs opérée en fonction de critères nécessairement discutables ;
Mais considérant que la directive 84/450/CE transposée à l'article L. 121-8 du Code de la consommation impose que la publicité compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles et vérifiables, dont le prix peut faire partie, des biens ou services dont il s'agit ;
Que si la comparaison peut porter sur un ensemble de prestations et mettre en exergue un niveau général de prix, encore faut il que les prestations composant cet ensemble soient identifiées avec suffisamment de précision pour que la comparaison réalisée exclusivement en terme de prix soit pertinente ;
Que le consommateur doit en effet être en mesure de percevoir les caractéristiques des ensembles comparés, propres à justifier éventuellement la différence de prix ;
Considérant que l'assertion "Ryanair.com - 391 fois moins cher qu'Air France" qui laisse le consommateur dans l'ignorance des éléments pris en compte, ne satisfait à l'évidence pas aux exigences de l'article L. 121-8 3) du Code de la consommation ;
Et considérant aussi qu'il ne saurait être tiré aucune conséquence sur le sort de la présente instance d'opinions prêtées à des tiers ; que, par ailleurs, la mention litigieuse est non seulement parfaitement lisible, mais encore placée en exergue, ce qui lui confère une position à la fois visible d'emblée et privilégiée, destinée à renforcer le caractère attrayant de l'offre commerciale qui suit, par comparaison avec celles pouvant émaner de la société Air France ;
b) Sur le caractère trompeur
Considérant que le pourcentage annoncé ne prend en compte que certaines données brutes sans intégrer notamment les différentes options et prestations, en particulier les classes de vol, offertes par la société Air France ; qu'en outre sont intégrées dans le calcul du prix moyen imputé à la société Air France les coûts se rapportant à la desserte de destinations que la Cie Ryanair n'assure pas ;
Considérant que les premiers juges ont ainsi pu en déduire avec pertinence que le consommateur était induit en erreur car il lui était fait croire qu'un tel écart tarifaire était observable en toutes circonstances ;
c) Sur le dénigrement
Considérant aussi que le simple fait de présenter un concurrent comme pratiquant des tarifs très élevés ne suffit pas à caractériser un dénigrement fautif, les prix demandés pouvant être justifiés en raison par exemple de la fourniture de prestations accessoires ;
Que rien dans le message mis en cause n'a été ajouté à l'indication concernant les tarifs plus importants pratiqués par la société concurrente et qu'en particulier aucun commentaire n'a été fait au sujet de la différence de prix constituant l'unique élément annonce ;
Que contrairement à ce que soutient la société Air France Klm, l'existence du dénigrement qu'elle reproche aux appelantes d'avoir commis en se livrant à une comparaison fallacieuse particulièrement agressive ne saurait être simplement déduite de l'existence même de cette comparaison, même trompeuse, et qu'il lui revient d'établir que cette annonce a pour effet d'entacher sa réputation ;
Qu'elle n'effectue pas une telle démonstration et n'invoque au demeurant pas expressément dans ses dernières conclusions une telle atteinte à sa réputation, se bornant en effet, après avoir affirmé que le dénigrement peut se déduire de la comparaison incriminée, à indiquer que celle-ci "vise à frapper immédiatement l'esprit des consommateurs en soulignant le caractère presque indécent de ses tarifs puisque Ryanair assurerait les mêmes services que la compagnie française mais en échange d'un prix de vente considérablement moindre" et que ne saurait être minimisé "l'impact ravageur auprès du public de ce type d'encart" ;
Que c'est en conséquence à tort que les juges consulaires ont dit, au sujet de l'annonce précitée, que la diffusion d'informations mensongères sur les tarifs constituait un dénigrement dans la mesure où ces critiques n'étaient pas fondées, cet unique élément étant insuffisant pour caractériser une faute qui ne se trouve par ailleurs en rien démontrée ;
Sur l'encart publicitaire inséré dans le quotidien l'Alsace
Considérant que dans le quotidien l'Alsace daté du 5 décembre 2003 la société Ryanair a fait paraître un encart publicitaire contenant en particulier les éléments suivants : "Combattez les prix élevés d'Air France" (en titre), "Air France tarifs élevés Strasbourg-Londres 794 euro aller simple" (dans la représentation d'un panneau routier d'interdiction), "Ryanair fait campagne afin de ramener les bas prix à Strasbourg", "Ryanair.com se battant pour les plus bas tarifs" (sur un avion tractant une banderole), "se battant pour les régions françaises", "se battant pour les consommateurs français" ;
Considérant que, aux termes du jugement attaqué, il a été jugé que le contenu de cet encart constitue une publicité dénigrante à l'égard de la société Air France Klm ;
Que selon les appelantes cette décision est injustifiée car la publicité en cause s'inscrit dans un contexte bien connu des lecteurs alsaciens auxquels elle était destinée ;
Qu'en effet, en décembre 2002, la société Brit Air, filiale à 100% de la société Air France avait engagé devant le tribunal administratif de Strasbourg une action tendant à l'annulation d'une délibération de la Chambre de commerce et de l'industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin relative à l'ouverture d'une liaison aérienne entre Londres et Strasbourg et à la signature à cette fin d'un contrat avec Ryanair ; qu'au travers de cette procédure la société Air France tentait d'interdire à cette dernière de s'installer à Strasbourg, ce qui explique tant l'apposition, en haut de la publicité, du signe marquant l'interdiction de stationner symbolisant cette prohibition, que l'invitation faite aux lecteurs du journal, au bas de la publicité, de venir lui apporter leur soutien ; que compte tenu des circonstances, sa publicité apparaît davantage comme une riposte un peu dérisoire que comme une attaque soudaine et brutale ;
Qu'il est ajouté que la publicité critiquée ne contient pas d'information trompeuse ou mensongère; qu'ainsi la société Air France a fait valoir que son tarif pour un aller simple Strasbourg-Londres était de 509 euro et non de 794 euro, mais qu'il est établi qu'il correspondait bien au plus élevé de ces deux tarifs à l'époque de la publicité litigieuse ; que d'ailleurs si la société Air France avait fait valoir l'existence d'une erreur auprès de Ryanair, celle-ci se serait empressée de rectifier sa publicité en faisant apparaître le véritable tarif de l'aller simple à hauteur de 509 euro et que si une telle rectification n'a pas été demandée, c'est bien parce que la société Air France (dont le tarif pour un aller et retour pouvait atteindre 919 euro) savait que le sens du message diffusé ne s'en trouverait pas modifié, dès lors que le tarif de l'aller simple, même après correction, demeurerait très élevé par rapport à celui, de l'ordre d'une vingtaine d'euro, pratiqué par sa concurrente ;
Qu'un écart mathématique dans une publicité ne rend pas nécessairement celle-ci trompeuse mensongère ou dénigrante ; qu'il n'a nullement été porté d'appréciation péjorative et que le slogan "Combattez les prix élevés d'Air France", qui n'est porteur d'aucun discrédit envers la société Air France, se révèle même plutôt modéré ;
Mais considérant que, quel qu'ait pu être le contexte de l'époque, les appelantes, qui prêtent à leur annonce un caractère "dérisoire", n'en ont pas moins fait usage d'un panneau porteur d'une interdiction formelle, s'appliquant en l'espèce aux voyages proposés par la société Air France, eu égard au prix de 794 euro pratiqué par celle-ci pour un parcours aller-simple de Strasbourg à Londres, alors que rien ne vient démontrer qu'un tel tarif ait véritablement existé à l'époque des faits ; que cette interdiction faite pour une cause qui s'avère fausse a été accompagnée de la formule vindicative "Combattez les prix élevés d'Air France", renforcée par la proposition, dont il n'apparaît d'ailleurs pas qu'elle ait été respectée, de procurer des billets gratuits aux mille consommateurs qui se présenteraient le 9 décembre à dix heures devant la Cour d'appel de Nancy pour soutenir l'appel de Ryanair et ses bas prix; qu'il a été ajouté, à la fin du message, après l'appel à combattre les tarifs élevés d'Air France, que Ryanair se battait pour les régions et les consommateurs français ;
Que le fait de présenter Air France comme un prestataire de service somme toute peu soucieux des intérêts des régions et des consommateurs français, qu'il convient non seulement d'éviter mais encore de combattre en faisant campagne afin de ramener à Strasbourg des prix bas, par opposition à la pratique d'un tarif trop élevé qui lui est imputée, a indéniablement pour effet d'entacher la réputation de cette société et constitue, ainsi que l'ont dit exactement les premiers juges, un dénigrement fautif; que le jugement doit en conséquence être sur ce point confirmé ;
Sur les tracts comportant le slogan "Faire du ciel l'endroit le moins cher de la terre"
Considérant que les sociétés Ryanair et Ryanair.com ont fait distribuer, au mois de janvier 2004, des tracts comportant le slogan "Faire du ciel l'endroit le moins cher de la terre" ; que le tribunal a estimé que cette formule constituait un détournement du slogan de la société Air France "Faire du ciel le plus bel endroit de la terre" et qu'il s'agissait là d'un acte de dénigrement, ce que les appelantes contestent en faisant valoir que leur contradictrice n'a en rien été discréditée, étant ajouté que l'on se trouve simplement en présence d'argumentaires de vente différents ;
Considérant néanmoins que comme le fait avec pertinence valoir la société Air France Klm, la reprise de son slogan constitue un procédé déloyal, tendant à reprendre en le dénaturant un texte bien connu du public grâce aux importantes campagnes de publicité par lesquelles elle s'est employée à le faire connaître; que la modification apportée au texte en question a pour effet de substituer au critère esthétique choisi par cette compagnie celui d'ordre esthétique qu'elle n'avait pas entendu mettre prioritairement en avant dans le cadre des diffusions publicitaires par elle effectuées à un moment donné du temps, eu égard à ses propres impératifs commerciaux qui l'avaient conduite à procéder à des investissements dont elle est fondée à contester le détournement imputable aux deux sociétés susnommées et qui se révèle effectivement fautif ;
Sur le préjudice
Considérant que ne se trouve aucunement apportée la preuve d'un manquement quelconque imputable en l'espèce à la société Ryanair Holdings que le jugement attaqué doit en conséquence être infirmé en ce qu'il a retenu sa responsabilité et qu'il convient de débouter la société Air France Klm de ses prétentions dirigées contre elle ;
Considérant en revanche qu'il apparaît que les manquements commis par les deux autres sociétés RYANAIR ont causé à la société Air France Klm un préjudice consistant en l'atteinte portée à son image et en l'utilisation fautive de son slogan précité ;
Que compte tenu, d'une part, de la durée des diffusions opérées, de leur importance et des modes de communication choisis, dont tous n'ont pas le même impact, d'autre part du fait que le message diffusé sur "internet" n'est en définitive pas jugé fautif, la cour dispose des éléments lui permettant de chiffrer, toutes causes de préjudice confondues, le dommage subi à la somme de 180 000 euro ;
Que le jugement entrepris doit être à cet égard réformé ;
Considérant, pour le surplus, que les mesures complémentaires de réparation décidées en première instance se révèlent parfaitement justifiées ; qu'il y a lieu seulement d'ajouter que les publications tiendront compte du présent arrêt ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Considérant que le sens du présent arrêt commande (sauf à l'égard de la société Ryanair Holdings) de confirmer le jugement querellé en ce qui concerne le sort des dépens de première instance et l'application, qui y a été équitablement faite, des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, en vertu desquelles les sociétés Ryanair et Ryanair.com étant condamnées aux dépens d'appel, il y a lieu de mettre globalement à leur charge une somme complémentaire de 3 000 euro ;
Considérant que des raisons tirées de l'équité conduisent à débouter la société Ryanair Holdings de sa demande relative à ses frais irrépétibles de procédure;
Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement déféré en ses dispositions relatives à la société Ryanair Holdings ; Déboute la société Air France Klm de ses demandes dirigées contre cette dernière, sauf en ce qui concerne le caractère dénigrant du site et le montant des dommages intérêts; Confirme pour le surplus cette décision; La réformant sur ces points, condamne in solidum les sociétés Ryanair et Ryanair.com à payer à la société Air France Klm la somme de 180 000 euro à titre de dommages-intérêts ; Y ajoutant, dit que les publications judiciaires ordonnées tiendront compte du présent arrêt ; Rejetant toute autre prétention, condamne in solidum les sociétés Ryanair et Ryanair.com aux dépens d'appel, dont le recouvrement pourra être poursuivi par Me Pamart, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'à payer, en application de l'article 700 du même Code, la somme de 3 000 euro à la société Air France Klm.