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Décisions

Cass. crim., 5 décembre 2006, n° 05-87.386

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Chaumont

Avocat général :

M. Launay

Avocats :

SCP Gatineau, SCP Choucroy, Gadiou, Chevallier

TGI Lille, 8e ch., du 5 déc. 2003

5 décembre 2003

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : - la société X, contre l'arrêt de cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 10 novembre 2005, qui, pour ventes en soldes en dehors des périodes autorisées, l'a condamnée à 75 000 euro d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 310-3, L. 310-5, L. 310-6 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné la société X à une amende délictuelle de 75 000 euro à titre de peine principale pour les infractions de vente en solde en dehors des périodes autorisées, ainsi qu'à verser les sommes de 5 000 euro à chacune des parties civiles, ainsi que 1 000 euro à chacune en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

"aux motifs propres qu'il était pratiqué une importante réduction de prix sur des articles qui n'allaient pas figurer dans le nouveau catalogue ; que certains d'entre eux appartenaient à une collection de vêtements qui seraient passés de mode ou été hors saison et qu'il fallait donc écouler ; que X a reconnu elle-même que les articles variaient d'un catalogue à l'autre, ce qui démontre qu'elle a des stocks qu'elle entend épuiser ; que l'opération avait bien pour but de faire disparaître son stock de marchandises avant le lancement d'un nouveau catalogue contrairement à ce que prétend la société X ; qu'elle n'avait certes annoncé cette opération qu'à une partie de sa clientèle, mais que la notion de soldes n'exige pas que l'offre soit portée à la connaissance de la totalité de la clientèle ; qu'enfin, ces opérations ont été lancées à proximité de la période des soldes ; que par suite, l'infraction visée à la prévention est caractérisée dans tous ses éléments et que le jugement entrepris doit être confirmé tant sur la déclaration de culpabilité que sur la peine prononcée, qui sanctionne exactement les agissements de la société X qui a perturbé l'ordre public économique ;

"et aux motifs adoptés qu'aux termes de l'article L. 310-3 du Code de commerce, sont considérées comme soldes les ventes accompagnées ou précédées de publicités annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré des marchandises en stock ; que X a organisé deux opérations de promotion intitulées " réductions monstres sur les prix " courant juin et décembre 2000, accordant aux bénéficiaires des réductions allant de 15 à 70 % par rapport aux prix de ses catalogues printemps/été et automne/hiver ; que ces opérations lancées à des périodes proches des soldes d'été et d'hiver, ont fait l'objet d'une large publicité par prospectus, distribués à 650 000 exemplaires environ sur lesquels le consommateur se voyait inciter à bénéficier de ces importantes réductions de prix et notamment dans les termes suivants : " dépêchez-vous : tout doit disparaître, il faut faire vite, très vite, il n'y en aura pas pour tout le monde, la chasse aux bonnes affaires est ouverte, offrez-vous le meilleur de X à des prix sacrifiés, vos prix, prêts foncez ! " ; quoi qu'elle s'en défende, la société X a donc manifesté, peut être sans le vouloir, mais en termes explicites, son intention d'écouler très rapidement ses stocks à l'approche de nouvelles saisons ; que la consultation du site internet de la société mise en cause plaide encore en ce sens puisqu'il est précisé que les offres promotionnelles étaient faites dans la limite des stocks disponibles, ce qui écarte l'hypothèse avancée par son avocat de l'existence de stock prédéterminés ; que l'étude des pièces versées aux débats et annexées aux procès-verbaux de la DGCCRF permet d'ailleurs de constater l'existence d'un taux d'articles épuisés de l'ordre de 13,5 % environ en juin 2000, pour lesquels X a pris le risque d'en faire la publicité, chiffre qu'il convient de rapprocher du taux d'articles épuisés depuis le début de l'année 2000 et qui s'élève à 8,5 % seulement ; qu'il résulte également de l'examen concret de la nature et de l'étendue de ces offres que les promotions alléguées visaient essentiellement des articles saisonniers, principalement issus de l'industrie textile, qui, par nature, n'étaient pas susceptibles de réapprovisionnement ; il est d'ailleurs symptomatique de constater que le taux de réduction variait énormément suivant la composition des articles et leurs couleurs, ; c'est ainsi que lors de la promotion de décembre 2000, les pulls très chauds dans certains coloris étaient bradés alors que d'autres articles de demi saison et de couleur basique bénéficiaient d'une décote minime ; que le tribunal n'a pas manqué de remarquer non plus qu'en même temps qu'elle offrait des promotions sur de nombreux articles de fin de saison, X distribuait le catalogue de la saison suivante ; qu'il s'agissait donc bien de liquider un " stock moribond " en prenant de vitesse les commerçants soucieux du respect des périodes de soldes réglementées, X offrant d'ailleurs des réductions importantes sur des articles textiles de marque, dont elle n'assurait pas la distribution exclusive mais qui étaient également commercialisés par ses concurrents ; que l'argument enfin selon lequel la DGCCRF n'aurait pas procédé à un examen approfondi de l'évolution des stocks au cours des périodes litigieuses ni analysé l'évolution du chiffre d'affaires réalisé pour vérifier si ces opérations avaient effectivement permis de diminuer ses stocks de façon significative, manque de pertinence puisque l'article L. 310-3 du Code de commerce vise toutes les ventes qui tendent simplement à l'écoulement accéléré des stocks ce qui ne peut être contesté en la présente espèce eu égard au volume publicitaire accordé à cette opération nationale ; c'est pourquoi le tribunal est convaincu que X a anticipé les soldes, les opérations litigieuses s'étant d'ailleurs poursuivies pendant les périodes de soldes réglementées ; qu'il y a lieu de prendre en considération le chiffre d'affaires de X supérieur à 10 000 000 KF en 2000 et les répercutions anticoncurrentielles de son comportement à l'égard de ses concurrents détaillants et autres, pour fixer sa condamnation au paiement d'une amende de 75 000 euro au vu des dispositions de l'article 131-38 du Code pénal ;

1) alors que, la volonté d'écouler le stock, propre aux soldes, suppose une absence de réapprovisionnement, le stock devant être prédéterminé et non renouvelable ; qu'en l'espèce, X exposait qu'il était proposé à la cliente se voyant indiquer que l'article était momentanément indisponible d'attendre le réapprovisionnement du stock pour bénéficier de l'article au tarif promotionnel indiqué (cf. conclusions p. 12) et que les opérations litigieuses portaient sur des marchandises restant disponibles sans réduction de prix, après ladite opération selon les références du catalogue général X (cf. arrêt p. 6 1) ; qu'il résultait encore des deux procès-verbaux de délit établis par la DGCCRF que pour les opérations litigieuses, " il était inévitable qu'il y ait des ruptures de stocks et nécessité de réassortiments massifs de produits " (cf. procès-verbal de délit du 6 juin 2001 p. 3 6, procès-verbal de délit du 5 février 2001 p. 3 4) ; qu'en affirmant néanmoins que les opérations devaient être qualifiées de soldes et que le délit était caractérisé, sans relever aucun exemple concret de commandes de client non honorées par suite de non réapprovisionnement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles susvisés ;

2) alors que, X soutenait que les opérations litigieuses portaient sur des marchandises restant disponibles sans réduction de prix, après ladite opération selon les références du catalogue général X et sur lesquelles un réapprovisionnement était opéré (cf. arrêt p. 6 1, conclusions p. 13) ; qu'il est en effet constant que la société X propose à la vente par correspondance deux catalogues par année (l'un Automne/Hiver en avril, l'autre Printemps/Eté en janvier), ayant chacun une durée de vie de 9 mois si bien qu'un catalogue saisonnier ne chasse nullement l'autre ; que les articles des deux catalogues, quoique saisonniers, sont donc concomitamment proposés à la vente six mois durant et appellent de constants réapprovisionnements ; que, pour affirmer qu'il n'y aurait pas de réapprovisionnement et que X liquidait manifestement un " stock moribond " à l'occasion des opérations litigieuses, la cour d'appel s'est pourtant contentée de relever que les offres visaient des articles saisonniers principalement issus de l'industrie textile qui "par nature" ne seraient pas susceptibles de réapprovisionnement et qu'en même temps qu'elle offrait des promotions sur de nombreux articles de fin de saison, X distribuait le catalogue de la saison suivante dans lesquels ils ne figuraient pas ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, dès que les deux catalogues étaient concomitamment proposés à la vente si bien que la nature saisonnière du produit promu et la parution d'un catalogue de la saison suivante n'impliquaient nullement la liquidation de stocks non renouvelés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles susvisés ;

3) alors, encore, qu'il ressortait effectivement des statistiques annexées au PV de la DGCCRF relatives au taux d'épuisés de janvier à juin 2000, que le taux d'épuisés du mois de juin 2000 sur le catalogue général de 13,6 % était quasiment identique et même légèrement inférieur au taux d'épuisés de 13,47 % du mois de juin sur opération promotionnelle, établissant ainsi que l'opération " réductions monstres " n'avaient nullement eu pour objectif de liquider les stocks, dont le taux d'épuisés était invariant ; - Qu'or pour affirmer le contraire, la cour d'appel a comparé le taux d'épuisés de l'opération litigieuse du mois de juin 2000 au taux d'épuisés du catalogue général non pas pour le même mois de juin, mais pour la période de janvier à juin 2000, ôtant ainsi toute pertinence à la comparaison ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles susvisés ;

4) alors, enfin, que les juges ne peuvent dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, il résulte des conditions générales de vente en ligne de X que tous les produits sont en vente dans la limite des stocks disponibles ; que cette limite est ainsi applicable à l'ensemble des commandes, qu'elles bénéficient ou non d'offres promotionnelles ; qu'en affirmant néanmoins que l'opération promotionnelle devait être qualifiée de soldes dès lors qu'il résultait de la consultation du site internet que les offres promotionnelles étaient faites dans la limite des stocks disponibles, quand cette limite s'appliquait à l'ensemble des produits en vente, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société X a organisé, avant l'ouverture des soldes, deux campagnes publicitaires, en juin puis en décembre 2000, qui ont été annoncées par des prospectus mentionnant des réductions de 15 à 70 % sur des milliers d'articles des catalogues printemps-été puis automne-hiver et distribués, s'agissant de la première opération, à plus de six millions d'exemplaires ;

Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable du délit de ventes en soldes en dehors des périodes autorisées, l'arrêt retient que ces ventes, annoncées par des publicités mentionnant des slogans tels que " tout doit disparaître ", " prix sacrifiés ", " dépêchez-vous " étaient présentées comme ayant pour finalité l'écoulement accéléré du stock de marchandises, notamment saisonnières, avant le lancement d'un nouveau catalogue ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations qui caractérisent à elles seules des ventes en soldes au sens de l'article L. 310-3 du Code de commerce, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 310-3, L. 310-5, L. 310-6 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné la société X à une amende délictuelle de 75 000 euro à titre de peine principale pour les infractions de vente en solde en dehors des périodes autorisées, ainsi qu'à verser les sommes de 5 000 euro à chacune des parties civiles, et 1 000 euro à chacune en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

"aux motifs propres et adoptés que le catalogue étant diffusé dans la France entière, toutes les parties civiles ont subi un préjudice direct résultant des agissements de celle-ci ; qu'en effet la société X distribue des vêtements portant des marques diffusées par des revendeurs représentés par les syndicats qui se sont constitués partie civile ; que les chambres départementales ont subi chacune un préjudice distinct de celui éprouvé par la Fédération nationale de l'habillement ; que le jugement entrepris doit donc être confirmé ; que le préjudice a été exactement apprécié par le tribunal eu égard aux éléments qui lui ont été fournis et notamment aux parts de marché que la société X reconnaît elle-même avoir, à savoir 11 % du marché total de l'habillement ;

"alors que, les juges ne peuvent dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, X indiquait en ses conclusions qu'il convient de rappeler, que la vente à distance représente 11 % du marché total de l'habillement et que la société X ne représente que 28,8 % du marché global de la vente à distance ; qu'ainsi les ventes opérées par la société X, tant par l'intermédiaire du catalogue que du web ne représenteraient dans la globalité que 3,2 % du marché de l'habillement ; que ce chiffre est encore à minorer puisque la price liste n'a pas été adressée à tous les clients (cf. conclusions p. 14) ; qu'en affirmant néanmoins qu'elle avait pris en compte pour apprécier le préjudice prétendument subi par les parties civiles, les parts de marchés que la société X reconnaît elle-même avoir, à savoir 11 % du marché total de l'habillement, quant au contraire X indiquait n'avoir que 2% de ce marché, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, le préjudice résultant pour les parties civiles de l'atteinte portée aux intérêts qu'elles ont pour mission de défendre, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, les indemnités propres à réparer le dommage né de l'infraction ; d'où il suit que le moyen, qui critique un motif erroné mais non déterminant de l'arrêt, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.