CA Aix-en-Provence, 1re ch. B, 5 avril 2007, n° 06-04095
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Montaigne Direct (SA)
Défendeur :
Dubosc
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Grosjean
Conseillers :
Mmes Charpentier, Zenati
Avoués :
SCP Latil - Penarroya-Latil - Alligier, SCP Bottai - Gereux - Boulan
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS et MOYENS,
Attendu que Mme Ida Dubosc épouse Galichet, demeurant à Six-Fours-les-plages (Var), a reçu à plusieurs reprises en 2002 des courriers de la société Biotonic SA exerçant sous l'enseigne Notre Vie, l'avisant de gains et l'incitant à commander des produits de cette société ;
Attendu que Mme Ida Dubosc épouse Galichet fait assigner le 5 mai 2003 la société Biotonic SA devant le Tribunal de grande instance de Draguignan aux fins de la voir condamner à lui payer les sommes de 16 000 euro, 7 607,21 euro et 7 500 euro ;
Attendu que la société Biotonic a soulevé l'incompétence territoriale du Tribunal de grande instance de Draguignan en raison de son siège social à Mougins dans les Alpes Maritimes ;
Attendu que, par ordonnance en date du 12 mars 2004, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Draguignan a déclaré cette juridiction incompétente au profit du tribunal de grande instance de Grasse et que le dossier a été transmis à ce tribunal ;
Attendu que, devant le tribunal de grande instance de Grasse, Mme Dubosc épouse Galichet a maintenu ses demandes ;
Attendu que la société Biotonic a conclu au débouté de Mme Dubosc épouse Galichet ;
Attendu que, par jugement en date du 20 février 2006, le tribunal de grande instance de Grasse a condamné la société Biotonic à payer à Mme Ida Dubosc la somme de 16 000 euro avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2003, au titre des sommes dues en exécution du quasi-contrat, l'a déboutée du surplus de ses demandes, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, condamné la société Biotonic aux dépens ;
Attendu que, par déclaration de la SCP Latil Perranoya-Latil et Alligier, avoués, en date du 1er mars 2006, la société Montaigne Direct SA, anciennement dénommée Biotonic SA, a relevé appel de ce jugement ;
Attendu que, par ses dernières conclusions, signifiées et déposées le 18 janvier 2007, la société Montaigne Direct SA, anciennement dénommée Biotonic SA , demande à la cour de:
- dire l'appel recevable,
- réformer le jugement rendu le 20 février 2006 par le tribunal de grande instance de Grasse en ce qu'il a condamné la société Montaigne Direct au paiement de la somme de 16 000 euro,
- confirmer ce jugement en ce qu'il a débouté Mme Dubosc du surplus de ses demandes,
- débouter Mme Dubosc de son appel incident,
- constater que les jeux publicitaires diffusés par la société Montaigne Direct sont parfaitement licites,
- constater qu'aucune faute ne peut être mise à charge de la société Montaigne Direct, qui a par ailleurs souscrit aux seules obligations auxquelles elle s'était engagée,
- constater qu'il n'existe aucun engagement ferme de versement de prix à la charge de la société Montaigne Direct,
- débouter Mme Dubosc de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- le condamner à lui payer 1 500 euro en application des dispositions de l'article de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel étant distraits au profit de la SCP Latil Perranoya-Latil et Alligier, avoués ;
Attendu que la société Montaigne Direct rappelle que les jeux publicitaires, destinés soutenir la promotion des ventes, sont autorisés par l'article L. 121-36 du Code de la consommation et que seules les loteries sont interdites dans ce cadre ;
Que la société Montaigne Direct fait observer que ces jeux publicitaires sont destinés à des consommateurs dotés d'une intelligence et d'une capacité de compréhension moyennes ;
Que la société Montaigne Direct fait observer que les documents publicitaires annoncent la réception du règlement d'un jeu et non du règlement d'une somme d'argent, que ce règlement du jeu indique qu'il a pré-tirage au sort, envoi du bon de participation dans les délais, clôture du jeu ; que la société Montaigne Direct estime que l'existence d'un aléa est clairement explicitée ; qu'elle considère que Mme Dubosc était informée de l'aléa, qu'il s'agissait d'un jeu avec tirage au sort ; qu'elle considère qu'il n'y a jamais eu d'engagement ferme de sa part à payer une somme ; qu'elle fait observer que Mme Dubosc est une habituée des opérations promotionnelles et prétend qu'elle ne cherche qu'à bénéficier d'une jurisprudence protectrice du consommateur dans le but de soutirer sciemment et de mauvaise foi des sommes d'argent de la société Montaigne Direct en se faisant passer pour une consommatrice naïve ;
Qu'elle estime n'avoir commis aucune faute ;
Attendu que, par ses dernières conclusions, signifiées et déposées le 8 septembre 2006, Mme Ida Dubosc demande à la cour de:
- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,
- débouter la société Montaigne Direct de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement déféré du 20 février 2006 en ce qu'il a condamné la société Biotonic désormais dénommée société Montaigne Direct à lui payer la somme de 16 000 euro,
- la recevoir en son appel incident,
- infirmer en conséquence le jugement quant au point de départ des intérêts assortissant le paiement de la somme de 16 000 euro et en ce qu'il a débouté Mme Dubosc de ses autres demandes,
- condamner la société Montaigne Direct, venant aux droits de la société Biotonic à l'enseigne Notre Vie, à payer en outre à Mme Dubosc:
* les intérêts au taux légal sur la somme principale de 16 000 euro évoquée au titre du jeu n° 146, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2002 et jusqu'à parfait paiement,
* la somme principale de 7 607,21 euro au titre du jeu n° 142, avec intérêts au taux légal à compter du 26 février 2002 et jusqu'à parfait paiement,
* la somme principale de 7 500 euro au titre du jeu n° 152, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2002 et jusqu'à parfait paiement,
- condamner la société Montaigne Direct aux dépens, avec application des dispositions relatives à l'aide juridictionnelle ;
Attendu que Mme Dubosc estime que les courriers de la société Biotonic l'informant de ce qu'elle avait gagné à des loteries organisées par cette société présentaient ces gains comme certains et que rien ne mettait en exergue un aléa ; qu'elle observe que le règlement du jeu était complètement illisible ;
qu'elle fait observer que le fait d'avoir été victime parallèlement à ce dossier d'une autre société utilisant le même procédé montre que ces sociétés ont profité de sa crédulité et non une quelconque mauvaise foi ;
qu'elle se prévaut des dispositions de l'article 1371 du Code civil ;
Attendu que l'instruction de l'affaire a été déclarée close le 1er février 2007 ;
MOTIFS,
- Sur la recevabilité de l'appel:
Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée ni contredite par les pièces du dossier et qu'il convient de constater que cet appel est recevable, ainsi que l'appel incident ;
- Sur la demande de paiement:
Attendu qu'au titre des engagements qui se forment sans convention l'article 1370 du Code civil précise que les engagements qui naissent d'un fait personnel à celui qui se trouve obligé résultent ou des quasi-contrats, ou des délits ou des quasi-délits ;
Attendu que l'article 1371 dispose que les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties ;
Attendu que sur ce fondement, il doit être retenu que l'organisateur d'une loterie, qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence à première lecture l'existence d'un aléa, s'oblige par ce fait purement volontaire à le délivrer ;
Attendu que Mme Dubosc fait état plusieurs courriers de la société Biotonic l'informant de gains ; qu'elle produit un premier courrier intitulé " postulat officiel de gain " informant Mme Dubosc que suite au tirage au sort par huissier de justice' elle est la 'grande gagnante' des 7 607,21 euros, avec un verso les indications pour recevoir le chèque, et sur le bas du verso un texte très serré en caractères minuscules précisant le règlement d'un jeu ;
Attendu qu'à la réception de ce courrier, et pour recevoir ces 7 607,21 euro, elle a rempli le document dit " certificat d'identification de gain " en vue de percevoir cette somme et remplit en même temps un bon de commande ; que ce courrier en réponse fut reçu le 26 février 2002 par la société Biotonic à l'enseigne Notre Vie ;
Attendu que Mme Dubosc reçut sa commande mais pas le chèque de 7 607,21euro ;
Attendu que la société Biotonic envoya encore un autre courrier à Mme Dubosc avec un document intitulé " postulat officiel de gain' lui demandant son 'accord pour versement express " signé pour pouvoir lui remettre un chèque cette fois-ci de 16 000 euro et avec un courrier l'informant de ce gain " nous allons vous envoyer le chèque de 16 000 euro dès que nous aurons reçu votre accord pour versement express gagnant signé par vous " et au verso " n'ayez aucun doute sur la remise du chèque de 16 000 euro " ainsi qu'un texte extrêmement serré dit règlement en caractères de moins de 2 mm avec 42 lignes sur 10cm et 2mm ;
Attendu que, de la même manière qu'en février, et alors pourtant que Mme Dubosc avait pu constater qu'à la suite de l'envoi de sa réponse, elle recevait sa commande et non pas le chèque promis, elle répondit de nouveau oui à la demande et fit une nouvelle commande reçue par Biotonic Notre Vie le 27 mars 2002 ; qu'elle reçut sa commande mais non le chèque ;
Attendu que la société Biotonic adressa encore un nouveau courrier à Mme Dubosc dénommé " avis national de remise de prix " l'informant de ce que " 7 500 euro vous appartiennent " " vous êtes certaine de recevoir les 7 500 euro en retournant simplement sous les 10 jours l'unique bordereau n°... attendu par notre huissier de justice, nous vous expédierons alors le chèque sous 48 heures... " ;
Que malgré les deux premières demandes infructueuses Mme Dubosc répondit " oui j'accepte le règlement, je réponds immédiatement pour faire valoir mes droits sur les 7 500 euro " et " je demande le traitement prioritaire " et fit une nouvelle commande ; que ce document d'acceptation et de commande fut reçu le 23 mai 2002 par Biotonic Notre Vie ;
Attendu que ces trois courriers se présentent comme l'assurance faite à Mme Dubosc qu'elle est la gagnante d'une loterie ;
Attendu que le renvoi équivoque à un règlement expliquant de manière peu lisible et peu intelligible qu'il ne s'agit que du droit de participer à une loterie dont le gagnant recevra cette somme, donne à penser à tout destinataire que cette somme est gagnée avec certitude ;
Attendu que la société Biotonic s'est ainsi engagée à délivrer ces sommes ;
Attendu que ces sommes sont dues avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance du 7 mai 2003 ;
- Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :
Attendu que a résistance à la demande de paiement par la société la société Montaigne Direct ne peut être qualifiée de fautive ;
- Sur les frais irrépétibles et les dépens:
Attendu que Mme Dubosc bénéficie de l'aide juridictionnelle totale et ne justifie pas de frais non pris en charge à ce titre ;
Attendu que la société Montaigne Direct supportera les dépens ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, Déclare recevables l'appel principal et l'appel incident, Confirme le jugement rendu le 20 février 2006 par le Tribunal de grande instance de Grasse a condamné la société Biotonic, aujourd'hui dénommée Montaigne Direct SA à payer à Mme Ida Dubosc la somme de 16 000 euro avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2003, au titre des sommes dues en exécution du quasi-contrat, et condamné la société Biotonic, aujourd'hui dénommée Montaigne Direct SA, aux dépens, Réformant et ajoutant pour le surplus, sur l'appel incident de Mme Dubosc, Condamne la société Montaigne Direct SA, anciennement dénommée Biotonic SA, à payer en sus à Mme Ida Dubosc les sommes de 7 607,21euro et de 7 500 euro avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance du 5 mai 2003, Dit ne pas y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l'article de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, Condamne la société Montaigne Direct SA aux dépens, avec application des règles de l'aide juridictionnelle.