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Décisions

CA Bourges, ch. civ., 5 juin 2008, n° 07-01469

BOURGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fédération Nationale des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres
Chambre Syndicale des Professionnels de L'horlogerie, Bijouterie, Joaillerie, Orfèvrerie de La Région Centre

Défendeur :

S.A. Carmafix

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Puechmaille

Conseillers :

Mmes Le Meunier-Poels, Boutet

Avoués :

Mes Le Roy des Barres, Guillaumin

Avocats :

Mes Azam, Bonaggiunta

T. com. Bourges, du 11 sept. 2007

11 septembre 2007

Vu le jugement dont appel rendu entre les parties le 11/09/2007 par le Tribunal de Commerce de Bourges ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 07 avril 2008 par la Fédération Nationale des Chambres Syndicales des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers et Orfèvres, et par la Chambre Syndicale des Professionnels de l'Horlogerie, Bijouterie, Joaillerie, Orfèvrerie de la Région Centre, tendant à voir :

- réformer intégralement la décision prononcée le 11 septembre 2007 par le Tribunal de commerce de Bourges ;

- constater que la société Carmafix a commis des actes de concurrence déloyale et fautifs en procédant à des opérations commerciales irrégulières ;

- dire et juger que ces actes ont faussé le jeu de la concurrence ;

- condamner la société Carmafix au paiement d'une somme de 50 000 euro au titre de dommages et intérêts ;

- débouter la société Carmafix de toute demande reconventionnelle ;

- débouter la société Carmafix de la demande du paiement d'une somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société Carmafix au paiement d'une somme de 4 500euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- condamner la société Carmafix aux entiers dépens et allouer pour deux d'appel à Me Le Roy des Barres, avoué, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 23 avril 2008 par la société Carmafix, tendant à voir :

- confirmer en tous points la décision du Tribunal de commerce de Bourges en date du 11 septembre 2007 en ce qu'elle a :

- débouter la Fédération Nationale des Chambres Syndicales des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres, Détaillants et Artisans de France et la Chambre Syndicale des Professionnels de l'horlogerie, joaillerie, orfèvrerie de la région Centre à payer de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner solidairement la Fédération Nationale des Chambres Syndicales des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres, Détaillants et Artisans de France et la Chambre Syndicale des Professionnels de l'horlogerie, joaillerie, orfèvrerie de la région Centre à payer à la société Carmafix la somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice tant moral que commercial ;

A titre reconventionnel,

- condamner la Fédération Nationale des Chambres Syndicales des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres, Détaillants et Artisans de France et la Chambre Syndicale des Professionnels de l'horlogerie, joaillerie, orfèvrerie de la région Centre à payer à la société Carmafix la somme de 200 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial et financier ;

- condamner la Fédération Nationale des Chambres Syndicales des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres, Détaillants et Artisans de France et la Chambre Syndicale des Professionnels de l'horlogerie, joaillerie, orfèvrerie de la région Centre à payer à la société Carmafix la somme de 4 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- condamner la Fédération Nationale des Chambres Syndicales des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres, Détaillants et Artisans de France et la Chambre Syndicale des Professionnels de l'horlogerie, joaillerie, orfèvrerie de la région Centre aux dépens en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 avril 2008 ;

Sur quoi LA COUR :

Sur la demande de rejet d'écritures et de pièces :

Attendu que par écritures en date du 24/04/2008 les appelantes demandent que soient rejetées des débats, pour violation du principe du contradictoire, les écritures et pièces numérotées de 33 à 39 signifiées et communiquées le jour de la clôture par la société Carmafix ;

Attendu que les écritures signifiées par cette dernière le 23 avril 2008 ne contenant aucun moyen nouveau ni prétentions nouvelles par rapport à ses précédentes en date du 18 mars 2008, il n'y a pas lieu de les rejeter des débats ;

Qu'en revanche, ses dernières pièces communiquées sous les n° 33 à 39, non soumises au débat contradictoire loyal, ne pourront qu'en être écartées ;

Sur la demande principale de La Fédération Nationale des Chambres Syndicales des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres, Détaillants et Artisans de France et La Chambre Syndicale des Professionnels de L'horlogerie, Joaillerie, Orfèvrerie de La Région Centre

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision entreprise et aux conclusions déposées ;

Qu'il suffira de rappeler que les appelantes regroupent les professionnels du secteur de la bijouterie ;

Qu'elles ont notamment pour objet la défense des intérêts de la profession et de veiller au respect d'une concurrence loyale dans leur secteur d'activité ;

Que la société Carmafix fabrique et vend des bijoux laquelle dispose notamment un établissement secondaire à Saint Amand Montrond ;

Qu'au mois de décembre 2005, celle-ci a par voie publicitaire, a fait part à sa clientèle de ce qu'elle procédait à une opération de vente " à prix d'usine " sur un stock limité d'articles sur la période courant du 16/12/2005 au 19/12/2005, vente ayant lieu à la Pyramide de la Cité de l'Or à Saint Amand Montrond (18200) ;

Que la société Carmafix a réitéré cette opération à Gueret du 12/05/2006 au 15/05/2006, soit quelques jours avant la fête des mères ;

Que du 08/12/2006 au 10/12/2006, elle en a fait de même puis du 15/12/2006 au 17/12/2006 à Saint Amand Montrond ;

Que c'est dans ce contexte que suivant assignation en date du 15/02/2007, la Fédération Nationale des Chambres Syndicales ainsi que La Chambre Syndicale des Professionnels de L'horlogerie, Joaillerie, Orfèvrerie de La Région Centre ont saisi le Tribunal de commerce de Bourges sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code Civil pour voir condamner la société Carmafix à leur payer la somme de 50 000 euro à titre de dommages-intérêts ;

Que la société Carmafix s'étant portée demanderesse reconventionnelle d'une somme de 100 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice tant moral que commercial, c'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement déféré ;

Attendu que les appelantes font valoir au soutien de leur demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, que la société Carmafix a substitué à l'autorisation de la préfecture celle du Maire en réduisant sa superficie de vente ; qu'elle a procédé aux ventes dont s'agit sans adresser de demande d'autorisation dans les délais légaux ; qu'elle a porté atteinte au principe suivant lequel les ventes dites " promotionnelles " doivent conserver un caractère exceptionnel ; qu'elle a violé les dispositions de l'article L. 310-4 du Code de Commerce qui s'appliquent aux ventes dites de " dépôt d'usine ", par la nature des ventes pratiquées qui devraient selon les appelantes être requalifiées de soldes illicites ;

Attendu qu'il ne saurait être déduit d'un simple changement de salle, entraînant la compétence d'une autorité administrative différente, le comportement frauduleux dont se prévalent les appelantes ;

Attendu que la société Carmafix justifie, en produisant les différents courriers adressés aux maires concernés, avoir toujours demandé dans les délais impartis et obtenu l'autorisation des maires des communes de Saint Amand Montrond et Gueret pour chacune de ses ventes ;

Attendu que celles-ci ont été réalisées à plusieurs mois d'intervalle, dans des villes différentes, pour une durée toujours inférieure à 2 mois, le total des 4 ventes litigieuses n'ayant pas dépassé 7 jours sur 2 ans ; que le premier juge a pu dès lors justement énoncer qu'elles avaient eu un caractère tout à fait exceptionnel eu égard à leur répartition dans le temps ;

Attendu d'autre part, que les produits proposés lors des ventes réalisées par la société Carmafix étaient des produits déclassés au minimum de 6 mois jusqu'à plus de 10 ans ;

Que les appelantes ne sauraient dès lors se prévaloir de l'article L. 310-4 du Code de Commerce qui dispose que " les ventes directes ne peuvent concerner exclusivement que les productions de la saison antérieure de commercialisation ", ni davantage faire grief à la société Carmafix, qui en sa qualité de défenderesse à l'action n'a pas la charge de la preuve, de produire le catalogue de sa collection 1992/1993 pour démontrer que les objets proposés à la vente étaient de fabrication ancienne ;

Attendu que les appelantes soutiennent enfin, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 310-3 du Code de Commerce, que la société Carmafix aurait procédé à " une opération d'écoulement accéléré de son stock par l'effet d'importantes réductions de prix, accompagnée ou précédée de publicités et autres annonces ", ce qui devrait amener la Cour à requalifier les opérations litigieuses comme étant, en fait, des soldes illicites ;

Or attendu qu'il vient d'être démontré qu'en raison de l'ancienneté des produits proposés à la vente, les dispositions dudit article n'avaient pas vocation à s'appliquer en l'espèce ;

Que de plus, aux termes de cet article "sont considérées comme soldes, les ventes accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré de marchandises en stock", ce qui n'est pas non plus le cas en l'espèce, la société Carmafix n'ayant jamais mentionné dans ses publicités l'objectif d'écoulement accéléré de marchandises en stock ;

Que la qualification de soldes ne peut donc pas être retenue à l'encontre de ladite société ;

Qu'il s'ensuit que les demanderesses n'apportant aucun élément probant de nature à établir de la part de la société Carmafix un quelconque acte de concurrence déloyale fautif, c'est à bon droit qu'elles ont été déboutées de leur action dirigée contre cette dernière sur ce fondement ;

Que le jugement entrepris de ce chef doit être confirmé ;

Sur la demande reconventionnelle de la société Carmafix :

Attendu que la société Carmafix fait état de plusieurs articles publiés dans la presse locale ainsi que dans la revue de la Fédération Nationale des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres, HBTO Infos, lesquels ne laissent planer aucun doute sur la responsabilité de cette société quant au caractère frauduleux de ses agissements, et ce, alors même qu'aucun jugement n'était encore intervenu devant le Tribunal de commerce de Bourges pour dire le droit sur cette question ;

Que se trouve ainsi dépassée la limite de l'exercice normal d'une action en justice ;

Que l'atteinte portée dans ces conditions à l'image de la société Carmafix justifiait qu'il lui soit alloué en réparation des dommages-intérêts ;

Qu'ils ont été cependant surévalués par le premier juge de sorte que, réformant sur ce point le jugement entrepris, il convient de les ramener à la somme plus juste de 5 000 euro ;

Que rien en revanche ne justifie d'indemniser la société Carmafix au titre d'un préjudice commercial et financier faute pour elle de démontrer une perte de chiffre d'affaires à partir de documents crédibles et sérieux ;

Qu'il convient de la débouter de ce chef de prétention ;

Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :

Attendu que les appelantes qui succombent à titre principal, auront la charge des dépens de l'instance ;

Attendu que l'équité ne commandant pas de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, les parties seront déboutées de ce chef de prétention ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi, Ecarte des débats les pièces numérotées 33 à 39 communiquées le 23 avril 2008 par la société Carmafix ; Au fond, Confirme le jugement entrepris, sauf quant au montant des dommages-intérêts alloués à la société Carmafix en réparation de son préjudice tant moral que commercial ; Statuant à nouveau de ce chef ; Condamne solidairement la Fédération Nationale des Chambres syndicales et la Chambre Syndicale des Professionnels de l'Horlogerie, Bijouterie, Joaillerie, Orfèvrerie, de la Région Centre à payer pour la cause sus-énoncée à la société Carmafix, la somme de 5 000 (cinq mille) euro ; Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ; Dit n'y avoir lieu à application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.