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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 26 avril 2011, n° 08-03256

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Durand Lajoinie

Défendeur :

Marnic Cuisines Schmidt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bouyssic

Conseillers :

MM Roger, Delmotte

Avocats :

SCP Nidecker Prieu Jeusset, SCP Boyer Lescat Merle

TGI Toulouse, du 28 févr. 2008

28 février 2008

Attendu que lors de la foire exposition qui se tenait le 27 mars 2007 à Toulouse, M. Durand Lajoinie, qui se trouvait dans le stand de la société Marnic Cuisines Schmidt (la société), a commandé un ameublement de cuisines de type Arcos et différents appareils ménagers et sanitaires moyennant un prix total de 29 800 euro TTC, ce prix intégrant les travaux de pose ; que la livraison devait s'effectuer le 3 septembre 2007.

Attendu que par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 avril 2007, M. Durand Lajoinie a signifié au vendeur sa volonté d'annuler la commande ; que la société, qui n'a pu obtenir un rendez-vous au domicile de l'acheteur pour prendre les cotes en vue de l'installation des meubles, a poursuivi l'exécution de la vente.

Attendu que par jugement du 28 février 2008, le Tribunal de grande instance de Toulouse a ordonné l'exécution du contrat, a organisé les modalités d'exécution forcée du contrat et a condamné M. Lajoinie à payer à la société la somme de 29 800 euro avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2007 outre celle de 400 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, rejeté la demande de la société en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive cette décision étant assortie de l'exécution provisoire.

Attendu que par déclaration du 20 juin 2008, M. Durand Lajoinie a relevé appel de ce jugement.

Attendu que par conclusions du 9 juin 2009, M. Durand Lajoinie demande à la cour :

- d'infirmer le jugement

- à titre principal, de rejeter les demandes de la société et de la condamner à lui payer la somme de 5000 euro â titre de dommages et intérêts outre celle de 3000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, de dire que l'inexécution du contrat se résoudra en dommages et intérêts et de dire que, dans ce cadre, il ne peut être tenu que de payer une indemnité limitée à 500 euro, de lui accorder un délai de grâce.

Qu'exposant avoir annulé la commande le 3 avril 2007, il invoque, au principal, la nullité du contrat de vente aux motifs, d'une part, qu'il a signé le bon de commande de 7 cuisines mais n'a pas eu connaissance des conditions de vente lesquelles n'ont pas été paraphées de sa main mais de celle d'un tiers, d'autre part, que le vendeur professionnel a manqué à son obligation de renseignements en ne le renseignant pas sur les caractéristiques essentielles des biens, objet de la vente, et a omis de communiquer ou de soumettre à son acceptation les caractéristiques essentielles du bien, objet de la vente, contrairement aux prescriptions des articles L. 111-1 et L. 113-3 du Code de la consommation.

Attendu que par conclusions responsives du 2 février 2010, la société sollicite la confirmation du jugement, sauf à faire courir les intérêts moratoires à compter de la mise en demeure du 29 mai 2007 et demande à la cour :

- de constater que M. Durand Lajoinie a empêché l'exécution du jugement et de liquider l'astreinte définitive à la somme de 50 euro par jour de retard à compter du 12 juillet 2008

- de dire que M. Durand Lajoinie sera tenu de recevoir la livraison et l'installation du mobilier de cuisine dans le délai de deux mois suivant la prise des relevés et mesures

- de liquider l'astreinte définitive fixée de ce chef par le tribunal à la somme de 50 euro par jour de retard

- de rejeter la demande subsidiaire de M. Durand Lajoinie

- de dire qu'en tout état de cause, l'inexécution du contrat étant exclusivement imputable à M. Durand Lajoinie, celui-ci sera condamné à lui verser la somme de 29 800 euro

- de condamner M. Durand Lajoinie à lui payer la somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts outre celle de 3600 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Qu'exposant n'avoir pas trouvé trace du courrier du 3 avril 2007 et soutenant que M. Durand Lajoinie avait pris connaissance de l'ensemble des spécifications techniques de la cuisine alors que la preuve d'un dol n'est pas rapportée, la société invoque le caractère parfait de la vente.

Attendu que la clôture de l'instruction du dossier est intervenue le 3 mai 2010.

Motifs:

Attendu qu'il n'est pas contesté que M. Durand Lajoinie a signé le bon de commande en qualité de simple consommateur de sorte que les dispositions du Code de la consommation sont applicables en l'espèce.

Attendu, cependant, que les ventes réalisées dans des foires ou salons n'étant pas soumises à la réglementation des ventes à domicile, M. Durand Lajoinie ne peut se prévaloir du délai de rétractation prévu par l'article L. 121- 21, alinéa 2, du Code de la consommation.

Attendu que pas davantage M. Durand Lajoinie ne peut arguer du fait que les paraphes apposés sur le bon de commande ne seraient pas écrits de sa main ni qu'il n'aurait pas eu connaissance des conditions générales de vente alors, d'une part, qu'il ne conteste pas avoir signé, par deux fois, le bon de commande, précédé de la formule " lu et approuvée " et, d'autre part, qu'il a reconnu, dans ce même document avoir pris connaissance des conditions générales de vente.

Attendu, en revanche, que l'article 1583 du Code civil dispose que la vente est parfaite dès lors qu'on est convenu de la chose et du prix ; que l'article L.111-1 du Code de la consommation dispose, de son côté, que tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

Attendu que la commande d'un ensemble de meubles de cuisines et d'appareils électroménagers prévoyant également la pose de ce matériel implique la réalisation préalable d'un plan technique approuvé et signé par les clients permettant à ces derniers de donner un consentement éclairé ; qu'il appartient à cet égard au vendeur professionnel de s'informer des besoins de l'acquéreur profane, d'informer celui-ci des contraintes techniques de la chose qu'il se propose d'acquérir et de l'aptitude de la chose à atteindre le but recherché en fonction des spécificités du lieu d'implantation.

Attendu qu'en l'espèce, si le bon de commande mentionne les dimensions des meubles, il n'est pas accompagné d'un plan d'implantation adapté aux échelles et cotes de la résidence de l'acquéreur de sorte que celui-ci est mis dans l'impossibilité de déterminer, au moment de signer la commande, si les meubles sont adaptés à l'usage auxquels ils sont destinés et de donner ainsi un consentement éclairé.

Attendu, en conséquence, qu'à défaut pour le vendeur d'avoir mis l'acheteur en mesure d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens commandés, privant ainsi l'acquéreur de la possibilité de donner un consentement éclairé sur la chose objet de la vente, il y a lieu d'annuler la vente et d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Attendu que la preuve des manœuvres déloyales de la société n'étant pas rapportée, la demande en paiement de dommages et intérêts formée par M. Durand Lajoinie sera rejetée.

Par ces motifs, LA COUR, - Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; - Annule la vente intervenue le 27 mars 2007; - Déboute la société Marnic cuisines Schmidt de ses demandes; - Déboute M. Durand Lajoinie de sa demande en dommages et intérêts.