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Décisions

CA Poitiers, 1re ch. civ., 3 septembre 2010, n° 09-00405

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Duchesne (SA)

Défendeur :

Faure

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Savatier

Conseillers :

Mme Kamianecki, M. Chapelle

Avoués :

SCP Musereau-Mazaudon-Provost-Cuif, SCP Gallet-Allerit

Avocat :

Me Cosset

TGI Saintes, du 16 janv. 2009

16 janvier 2009

FAITS ET PROCÉDURE

Dans le courant du mois de mars 2007, Madame Christine Faure a reçu une correspondance émanant de " TV Direct Distribution " l'informant qu'elle était définitivement gagnante d'un chèque de 10 000 euro.

Sur ce document, elle était invitée à passer une commande auprès de la société pour recevoir son chèque, un bon de commande/acceptation de chèque étant joint.

Après avoir respecté cette procédure et passé commande pour un montant de 38,44 euro au total, Madame Faure était destinataire d'une lettre de confirmation de remise de chèque, sous réserve de passer une nouvelle commande.

Après avoir passé cette nouvelle commande pour un montant de 20,44 euro, Madame Faure recevait un nouveau courrier lui confirmant son gain d'un chèque de 10 000 euro, l'invitant à répondre dans un délai de 10 jours et à passer une nouvelle commande.

N'ayant pas reçu le chèque de 10 000 euro promis, Madame Faure a fait assigner la société de droit belge D. Duchesne, exerçant son activité sous l'enseigne "TV Direct Distribution", aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice, tout d'abord sur le fondement des articles L. 121-36 du Code de la consommation et de l'article 1147 du Code civil, puis, dans des écritures ultérieures, sur celui de l'article 1371 du Code civil. Elle sollicitait ainsi le paiement de la somme de 10 000 euro, 500 euro à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 1 900 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 16 janvier 2009, le Tribunal de grande instance de Saintes a condamné la société Duchesne, exerçant sous l'enseigne "TV Direct Distribution", à lui payer la somme de 10 000 euro ainsi qu'une indemnité de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Le tribunal a rejeté sa demande en dommages et intérêts et a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

LA COUR :

Vu l'appel interjeté le 29 janvier 2009 par la société D. Duchesne.

Vu les dernières conclusions du 29 avril 2010 de la société D. Duchesne, laquelle, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, demande à la cour de constater que les jeux publicitaires qu'elle distribue sont parfaitement licites, qu'elle n'a commis aucune faute, et qu'il n'existe de sa part aucun engagement ferme de versement d'un prix, de débouter en conséquence Madame Faure de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser une indemnité de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions du 19 avril 2010 de Madame Christine Faure, tendant au débouté de la société D. Duchesne de toutes ses demandes, et à sa condamnation à lui verser la somme de 10 000 euro, outre la somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR QUOI :

Considérant qu'en l'absence d'une mise en demeure préalable, Madame Faure ne peut fonder sa demande sur la responsabilité contractuelle de la société D. Duchesne pour méconnaissance des dispositions du Code de la consommation, et spécialement des articles L. 121-36 et suivants de ce code, étant observé que le bon de commande et le bon de participation, bien que regroupés sur un même feuillet, étaient distincts l'un de l'autre.

Considérant que Madame Faure invoque à titre subsidiaire la responsabilité quasi contractuelle de la société D. Duchesne.

Considérant qu'en application de l'article 1371 du Code civil, " les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois, un engagement réciproque des deux parties. "

Considérant que l'organisateur d'un jeu promotionnel sous forme de loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa s'engage, par ce fait purement volontaire, à le délivrer.

Qu'il ne peut en être ainsi que dans la mesure où l'annonce du gain est dépourvue d'ambiguïté, l'opération étant exclusive de tout aléa.

Considérant qu'en l'espèce, le premier juge a procédé à une analyse détaillée et minutieuse des documents reçus par Madame Faure, présentant celle-ci, à laquelle était attribué le numéro 671 401 223, comme l'unique gagnante du prix de 10 000 euro.

Qu'il lui était indiqué la marche à suivre pour percevoir ce chèque, à savoir : 1) compléter, dater, signer " l'acte d'acceptation du chèque gagnant ", 2) joindre une nouvelle commande pour que le dossier soit traité " en priorité absolue ", 3) retourner le tout au moyen de l'enveloppe-réponse jointe dans un délai de dix jours.

Considérant que Madame Faure a procédé comme indiqué en passant une nouvelle commande pour un montant de 20,44 euro mais n'a reçu aucun chèque.

Considérant qu'aucune des dispositions apparentes figurant sur les documents adressés à Madame Faure ne précisait qu'il s'agissait d'un jeu publicitaire.

Considérant que le règlement du jeu, figurant en bas d'une autre page du document, était rédigé en lettres majuscules, sans espacement, dans une présentation serrée dissuadant tout lecteur, même avisé, d'en poursuivre la lecture au delà des premières lignes, et ne permettait pas à Madame Faure de comprendre qu'elle n'était que la gagnante potentielle du prix principal, à la suite d'un pré-tirage par huissier de justice, le nom du gagnant définitif devant faire l'objet d'un autre tirage au sort.

Que Madame Faure, consommateur d'attention moyenne, était ainsi invitée à s'en tenir aux mentions péremptoires et définitives du document publicitaire intitulé " Résultats officiels et définitifs ", l'informant qu'elle était " définitivement déclarée gagnante d'un seul et unique chèque de 10 000 euro. "

Qu'un document ultérieur, intitulé " confirmation officielle de remise de chèque ", précisait : " Oui, Madame Faure, après vérifications confirmées par huissier de justice, il ressort de manière indiscutable que comme le n° 671 714 218 est le vôtre, vous êtes effectivement la seule gagnante attitrée des 10 000 euro. Je vous félicite. "

Considérant que compte tenu du caractère délibérément peu accessible et difficilement lisible jusqu'à son terme du règlement, la société D. Duchesne ne peut invoquer pour sa défense les dispositions de ce règlement indiquant que le prix principal intitulé " 1er prix " mis en jeu à l'article 8 du règlement n'est qu'une éventualité pour l'ensemble des participants à l'exception du gagnant principal dont le nom figure sur le procès-verbal dressé par l'huissier de justice.

Que de même, la référence faites aux " aléas habituels " est vague et imprécise et n'est pas de nature à mettre en évidence de manière indiscutable l'existence d'un aléa, les documents publicitaires reçus par Madame Faure, comme ceux qui lui ont été envoyés par la suite, étant rédigés de façon à l'entretenir dans la certitude qu'elle avait gagné une somme de 10 000 euro et à l'inciter à passer une nouvelle commande.

Considérant enfin que la bonne foi de Madame Faure, qui a ainsi passé plusieurs commandes dans les mêmes conditions, ne peut être sérieusement contestée, celle-ci ayant été entretenue dans la croyance légitime qu'elle était bien personnellement, l'unique bénéficiaire du chèque de 10 000 euro qui lui était attribué.

Qu'au surplus, le concours à cette opération d'un huissier de justice, officier public et ministériel, était de nature à apporter des garanties d'authenticité, de sérieux et de sécurité juridique, dont Madame Faure a nécessairement été amenée à tenir compte.

Considérant que l'engagement de la société D. Duchesne de verser la somme de 10 000 euro à Madame Faure, exclusif de tout aléa et dépourvu de toute ambiguïté, doit donc recevoir exécution.

Que le jugement entrepris, qui a condamné la société D. Duchesne, exerçant sous l'enseigne " TV Direct Distribution " à payer à Madame Faure la somme de 10 000 euro sera donc confirmé.

Considérant que Madame Faure ne justifie pas du préjudice complémentaire dont elle demande réparation.

Qu'elle sera donc déboutée de la demande qu'elle a formée de ce chef, ainsi qu'en a décidé le premier juge.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions. Condamne la société D. Duchesne à verser à Madame Faure une indemnité complémentaire de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.