Livv
Décisions

CA Riom, ch. com., 12 octobre 2011, n° 10-02344

RIOM

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Agence de Marketing Appliqué (SA)

Défendeur :

Champeil

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bressoulaly

Conseillers :

Mme Javion, M. Despierres

Avoués :

Me Mottet, SCP Lecocq

Avocats :

Mes Deur, Goyon

TGI Moulins, du 30 aout 2010

30 août 2010

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La société Agence Marketing Appliqué (ci-après dénommée société Ama) qui est une société de vente par correspondance domiciliée en Belgique, a adressé en 2007 et 2008 à Mme Champeil plusieurs documents publicitaires aux termes desquels elle a été déclarée gagnante des sommes de 22 500 euro, 25 500 euro et 31 000 euro.

N'ayant jamais reçu le moindre règlement, Mme Champeil a assigné la société Ama en paiement devant le Tribunal de grande instance de Moulins sur le fondement de l'article 1371 du Code civil.

Par arrêt du 13 janvier 2010, la présente cour a déclaré le tribunal de grande instance de Moulins territorialement compétent. Le pourvoi formé par la société Ama contre cette décision a été déclaré non admis par arrêt de la Cour de cassation du 6 juillet 2011.

Statuant au fond, le tribunal de grande instance de Moulins a, par jugement du 30 août 2010, rejeté la demande de sursis à statuer et condamné la société Ama à payer à Mme Champeil la somme de 70 000 euro et celle de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les conclusions de la société Ama, appelante, signifiées le 14 janvier 2011, aux fins à titre principal d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt qui sera rendu par la Cour de cassation, et à titre subsidiaire de débouter Mme Champeil de l'ensemble de ses prétentions et la condamner à lui payer la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient que les documents commerciaux qui ont été adressés à Mme Champeil mettaient clairement en évidence le caractère aléatoire de l'attribution des prix principaux mis en jeu. Elle estime par ailleurs que Mme Champeil n'a manifestement jamais cru réellement être la grande gagnante des prix mis en jeu.

Vu les écritures de Mme Champeil signifiées le 9 mai 2011 aux termes desquelles elle a conclu à la confirmation du jugement.

Elle conteste l'opposabilité des règlements de jeu en raison de leur absence de clarté et de lisibilité, et relève que les loteries de la société Ama contreviennent aux dispositions de l'article L. 121-36 du Code de la consommation sur la gratuité et sur la présentation des bulletins de participation.

MOTIFS :

Attendu que la demande de sursis à statuer ne présente plus d'intérêt dès lors que l'arrêt de la Cour de cassation est intervenue le 6 juillet 2011 postérieurement aux écritures des parties ;

Attendu que l'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire à le délivrer en application de l'article 1371 du Code civil ; Qu'il doit toutefois être établi la croyance légitime du destinataire quasi-contractant en la réalité de ce gain ;

Attendu en l'espèce que dans les différents documents publicitaires adressés à Mme Champeil et destinés à l'inciter à passer commandes, il est volontairement entretenu une ambiguïté de par les termes employés, leur formulation, leur emplacement, pouvant laisser croire au vu d'une lecture incomplète que la destinatrice était effectivement gagnante des gains annoncés ; Qu'il est toutefois également mentionné dans ces documents le règlement du jeu qui indique clairement l'aléa par un nouveau tirage au sort et la différence entre les prix principaux et les prix annexes ; Que la nécessité de prendre connaissance desdits règlements est mise en évidence dans les trois jeux par la mention en gras et lettres capitales 'A lire attentivement - règlement officiel et complet du jeu'; Qu'en outre la présentation des règlements des jeux s'avère suffisamment lisible dans les trois documents publicitaires, même si elle demande une certaine attention qui peut légitimement être exigée de la part du bénéficiaire potentiel au regard des enjeux financiers ; Que Mme Champeil a également reconnu au moins pour deux des trois jeux (22 500 euro, 25 500 euro) avoir pris connaissance du règlement complet du jeu et de ses aléas et les accepter ; Qu'il n'est pas exclu qu'elle ait fait de même pour le jeu de 31 000 euro, n'ayant pas versé aux débats la documentation complète dudit jeu qui comportait également un récépissé de convocation comportant cette mention, tel que cela résulte du spécimen type de la société Ama ;

Que ce procédé commercial largement répandu est en outre connu du grand public et ne peut sérieusement abuser une personne de cet âge, née en 1954, recevant à plusieurs reprises en quelques mois des annonces de gains différents ; Qu'ainsi, l'existence d'une croyance légitime par le destinataire de la réalité du gain n'est pas établie ;

Que les observations de Mme Champeil sur le non respect de l'article L. 121-36 du Code de la consommation, qui est passible d'une amende, ne présentent par d'intérêt pour l'examen d'une action engagée sur le fondement du quasi-contrat ayant uniquement pour objet la demande de délivrance de l'annonce d'un gain ;

Attendu qu'il échet par suite d'infirmer le jugement sur le fond.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré, Dit que la demande de sursis à statuer n'est plus d'actualité, la Cour de cassation ayant rendu son arrêt. Infirme le jugement déféré. Statuant à nouveau, Déboute Mme Andrée Champeil de l'intégralité de ses demandes. Déboute la société Agence Marketing Appliqué (société Ama) de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.