CA Toulouse, 3e ch. sect. 1, 18 janvier 2011, n° 09-02748
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sofemo (SA)
Défendeur :
Bringuier ; Reveille ; Mandon (Selarl)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lagriffoul
Conseillers :
MM. Moulis, Poque
Avoués :
SCP Rives-Podesta, SCP Malet, SCP Château
Avocats :
Mes Decker, Berges, Trassard
Faits, Procédure, Prétentions et Moyens des Parties :
Monsieur et Madame Bringuier ont acquis le 2 novembre 2000, dans le cadre d'un démarchage à domicile, un purificateur d'eau auprès de la société Hydrea, moyennant la somme de 2 400 euro financée à l'aide d'un crédit conclu auprès de la société Sofinco.
Suite à la liquidation judiciaire de la société Hydrea, ils ont conclu un deuxième contrat de vente le 16 janvier 2004 pour l'achat d'un autre purificateur suite au démarchage de la société Ecopure qui se présentait comme le repreneur d'Hydrea, un crédit Sofemo finançait cet achat pour un montant de 2 200euro. Le matériel n'était pas livré.
Le 13 janvier 2005, la société Ecopure était placée en liquidation judiciaire.
Par actes des 25 et 27 juin 2007, Monsieur et Madame Bringuier ont assigné la SA Sofemo et la Selarl Christophe Mandon, es qualité de mandataire liquidateur de la Sarl Ecopure devant le tribunal d'instance de Toulouse pour voir prononcer la nullité du contrat et, au visa de l'article L. 311-21 du Code de la consommation, la résolution du contrat conclu avec la Sofemo et sa condamnation à leur rembourser les mensualités versées ainsi que la somme de 1 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement en date du 20 janvier 2009, le tribunal d'instance de Toulouse a :
- déclaré recevable l'action de Monsieur et Madame Bringuier,
- prononcé l'annulation du contrat de vente conclu entre la société Ecopure et Monsieur et Madame Frédéric et Corinne Bringuier le 16 janvier 2004,
- dit que le contrat de crédit Sofemo en date du 16 janvier 2004, accessoire au contrat de vente, se trouve annulé de plein droit,
- déboute la société Sofemo de ses demandes à l'encontre de la Selarl Christophe Mandon, ès qualité et des demandeurs,
- ordonne la réouverture des débats aux fins pour les demandeurs de chiffrer leur demande,
- renvoyé l'affaire à l'audience du 17 mars 2009.
Par déclaration en date du 28 mai 2009, la SA Sofemo a interjeté appel de ce jugement.
Dans dernières conclusions récapitulatives du 18 octobre 2010, la SA Sofemo demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris,
- juger que le contrat de vente et le contrat de crédit sont parfaitement valables,
- juger que les époux Bringuier ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un dol,
- juger qu'elle n'a pas commis de faute,
En conséquence,
- condamner les époux Bringuier à lui payer la somme de 1 583,60 euro selon décompte arrêté au 28/06/2007 outre les intérêts contractuels à compter de la mise en demeure du 30/04/2007,
- condamner in solidum la Selarl Christophe Mandon, ès qualité de liquidateur de la société Ecopure à payer la même somme,
A titre subsidiaire,
- si le 'tribunal' devait prononcer la nullité du contrat de vente et du contrat de crédit pour dol, constater son absence de faute,
- condamner in solidum les époux Beringuier et la Selarl Christophe Mandon ès qualité à lui payer la somme de 2 200 euro correspondant au capital emprunté,
- condamner la Selarl Christophe Mandon es qualité de liquidateur à payer les frais d'assurance et intérêts du prêt soit la somme de 1 619,76 euro.
A titre plus subsidiaire,
- condamner la Selarl Christophe Mandon es qualité à lui payer la somme de 2 200 euro correspondant au capital emprunté,
En tout état de cause,
- condamner in solidum les époux Bringuier et la Selarl Christophe Mandon ès qualité à paye la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SA Sofemo affirme que :
- les époux Beringuier affirment qu'ils ont été victimes des agissements frauduleux de la société Ecopure mais qu'il n'est pas vraisemblable qu'ils aient pu croire qu'un simple commercial d'une société vendant des purificateurs d'eau au porte à porte ait la capacité d'annuler un contrat de prêt souscrit auprès d'un organisme de crédit tiers,
- aucun élément, dans les circonstances de l'acte, ne pouvait laisser croire aux époux Bringuier que le représentant de la Sarl Ecopure agissait pour le compte de la société Sofemo,
- la démonstration du dol n'est pas rapportée,
- les époux Beringuier restent devoir la somme de 1 583,60 euro au 28 juin 2007 et ont attendu trois ans pour solliciter l'annulation du contrat de vente et par voie de conséquence celle du contrat de crédit,
- si la nullité de la vente et du contrat de crédit étaient prononcée, il y lieu de constater qu'elle n'a pas commis de faute,
- il n'est pas démontré qu'elle a délivré les fonds sans que la livraison soit effctuée,
- en l'absence de faute, elle est bien fondée à solliciter la restitution du capital, déduction faite des échéances déjà réglées,
- la condition de l'absence de faute n'est pas requise en ce qui concerne le remboursement des sommes par le vendeur responsable de l'annulation du contrat principal,
- la condamnation solidaire de la société Ecopure ne nécessite pas de déclaration de créance, puisque sa créance naît au moment du prononcé de la résolution judiciaire du contrat de vente, donc après le jugement ordonnant la liquidation judiciaire de la société Ecopure,
- les demandeurs n'ont jamais fait état d'une contestation sur la livraison du bien ni formulé de grief à l'encontre de Sofemo.
Les époux Bringuier dans leurs dernières conclusions du 26 mars 2010, demandent :
- la confirmation du jugement entrepris,
- la condamnation de la société Sofemo à leur payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ils soutiennent que :
- l'affirmation portée sur le bon de commande par le société Ecopure était mensongère et ils pont pu légitimement croire à ces affirmations qui émanaient d'un professionnel habitué à proposer des financements à crédit à ses clients,
- cette attitude n'avait d'autre objet que de les tromper,
- la remise des fonds a été faite à la seule initiative de l'organisme de crédit sans qu'une attestation de livraison fasse apparaître leur signature,
- le matériel ne leur a jamais été livré,
- la faute de la société de crédit la prive de la possibilité de se prévaloir à leur égard des effets de l'annulation du contrat de prêt ainsi que du droit à se faire rembourser la somme prêtée,
- la Selarl Christophe Mandon retient également les fautes commises par Sofemo caractérisées par la souscription du contrat de crédit le même jour que la signature du bon de livraison et l'absence de livraison du matériel.
La Selarl Christophe Mandon, ès qualité de liquidateur de la Sarl Ecopure Sud Ouest 33, a conclu le 29 janvier 2010 à :
- la confirmation du jugement entrepris,
- la condamnation de la société Sofemo à lui payer la somme de 2 500 euro en application e l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle affirme que :
- la société Sofemo n'a pas déclaré de créance au passif de la société Ecopure et sa demande est irrecevable par application de l'article 621-43 du Code du commerce,
- il ne peut être sollicité de condamnation de la société Ecopure au paiement d' une quelconque somme d'argent en vertu des articles L. 621-40 et L. 622-3 du même Code,
- la société Sofemo a commis deux fautes, consistant à faire souscrire aux emprunteurs le contrat de crédit le jour même de la signature du bon de livraison et en procédant à la remise des fonds sans vérifier que le matériel ait été livré et dans le délai de rétractation,
- le contrat de prêt qui est résolu aux torts du prêteur le prive du remboursement des sommes prêtées,
- les prétentions de la société Sofemo doivent être déclarées mal fondées.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 octobre 2010.
Motifs de la décision
Sur l'action en nullité du contrat de vente :
Il résulte de l'article 1116 du Code civil que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres dolosives pratiquées par l'une des parties sont telles que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte expressément que le premier juge :
1) a relevé les manœuvres dolosives de la Sarl Ecopure :
- qui a démarché les époux Bringuier postérieurement à la procédure collective affectant la Société Hydréa qui leur avait vendu un concept de purification au moyen d'un crédit affecté et leur a vendu un nouvel 'osmoseur' également financé au moyen d'un crédit affecté,
- qui a donc présenté le contrat souscrit comme une reprise du contrat signé avec Hydréa,
- qui s'est portée 'garant de l'aide de l'annulation du dossier Sofinco en date du 7 novembre 2000" accessoire à la première vente,
Et que par ailleurs, la Sarl Ecopure a fourni aux époux Bringuier le courrier à adresser à la Société Sofinco pour obtenir la résiliation du contrat et l'arrêt des prélèvements,
2) a relevé que la Sarl Ecopure n'avait aucun moyen juridique pour parvenir à l'annulation du prêt souscrit auprès de la Société Sofinco et a dit que c'est grâce à cette mise en scène que les époux Bringuier ont été déterminés à signer un nouveau contrat avec la Sarl Ecopure.
La nullité du contrat pour dol a été justement prononcée sur le fondement de l'article 1116 du Code civil.
Et c'est également en faisant une juste application de la loi et de l'article L. 311.21 du Code de la consommation que le premier juge a dit que le contrat de crédit affecté à l'achat du purificateur vendu par la Sarl Ecopure était lui même annulé de plein droit.
Sur les conséquences de l'annulation
* à l'encontre de la Sofemo et des époux Bringuier :
L'annulation du contrat de crédit en conséquence de l'annulation du contrat de vente qu'il finançait, emporte pour l'emprunteur l'obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, sauf en cas d'absence de livraison du bien vendu ou faute du prêteur dans la remise des fonds.
Les époux Bringuier soutiennent que le matériel n'a pas été livré.
La Sofemo a versé directement les fonds à la Sarl Ecopure.
Elle ne justifie pas avoir procédé au versement au vu d'un bon de livraison ou d'un justificatif de la livraison et d'avoir respecté les conditions légales concernant le délai de rétractation.
La Société Sofemo a donc commis une faute dans la remise des fonds prêtés en ne procédant à aucune vérification sur l'identité de l'emprunteur, le numéro du contrat de crédit et le respect des règles concernant le délai de rétractation prévu à l'article L. 311.7 du Code de la consommation.
Cette faute prive la Société de crédit de sa demande de restitution du capital prêté à l'encontre des époux Bringuier.
La Société Sofemo, compte tenu de l'annulation du contrat de crédit, sera condamnée à rembourser à Monsieur et Madame Bringuier le montant des échéances qu'ils ont versées.
* à l'encontre de la Sarl Ecopure :
L'action de la Société de crédit Sofemo à l'encontre de la Sarl Ecopure, représentée par son liquidateur, est recevable, dès lors que sa créance qui résulte du prononcé de l'annulation du contrat principal et non du déblocage des fonds, est postérieure au jugement d'ouverture.
Néanmoins, la faute de la Société Sofemo lui interdit de solliciter l'application de l'article L. 311.22 du Code de la consommation et d'être garantie par le mandataire liquidateur du vendeur pour restituer les fonds prêtés.
La décision entreprise sera en conséquence confirmée.
Compte tenu de ces succombances respectives, l'équité commande la seule application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile aux époux Bringuier.
Les dépens suivront le sort du principal.
Par ces motifs, LA COUR, Rejetant toutes autres demandes, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions. Y ajoutant, Condamne les Société Sofemo à payer aux époux Bringuier la somme de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.