CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 4 février 2010, n° 08-13635
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Look Prod (SARL)
Défendeur :
Estevez
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bonnan-Garçon (conseillère faisant fonction)
Conseillers :
Mmes Pierrard, Regniez
Avoués :
SCP Baskal-Chalut-Natal, SCP Garnier
Avocats :
Mes Corvaisier, Bonne
Vu l'appel interjeté par la société Look Prod d'un jugement rendu par le juge de proximité de Paris (2ème) le 14 mai 2008 qui a dit que la société Look Prod avait manqué à son obligation d'information et à son obligation de délivrance, prononcé la résolution du contrat d'abonnement du 1er novembre 2007 et des ventes des 1er et 2 novembre 2007, condamné la société Look Prod à payer à Monsieur Estevez la somme de 2 210 euro et celle de 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu les conclusions de la société Look Prod en date du 17 décembre 2008 aux termes desquelles elle prie la cour d'infirmer le jugement, dire qu'elle a mis en mesure Monsieur Estevez de connaître les caractéristiques essentielles du service proposé dans le cadre du contrat d'abonnement, et qu'elle a délivré à Monsieur Estevez les prestations vendues, en conséquence le débouter de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu les conclusions de Monsieur Estevez en date du 5 mai 2009 par lesquelles il demande de prononcer la nullité des ventes intervenues les 1er et 2 novembre 2007, et subsidiairement de prononcer la résolution des ventes, en tout état de cause, condamner la société Look Prod à lui rembourser la somme de 2 210 euro avec intérêts légaux à compter du règlement, la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Sur ce, LA COUR :
Considérant qu'il est constant que dans la soirée du 1er novembre 2007 et la nuit du 1er au 2 novembre 2007, Monsieur Estevez a payé par carte bleue au bénéfice de la société Look Prod (qui exerce une activité de vente et d'articles érotiques et fournit des prestations de massage et projection de films), de manière successive :
- à 21 h 17 la somme de 60 euro,
- à 21h 56 la somme de 800 euro,
- à 23h15 celle de 400 euro,
- à 23h 16 celle de 410 euro,
- à 0h44 celle de 600 euro,
soit une somme totale de 2 210 euro ;
Que les sommes de 400 et 410 euro correspondent à la contrepartie d'un contrat d'abonnement consenti pour huit mois ;
Que selon Monsieur Estevez, les autres dépenses n'ont aucune contrepartie ; qu'il a été invité à boire différents alcools, alors qu'il était dans un état de faiblesse en raison d'une rupture et que son jugement a ainsi été altéré ;
Considérant que selon la société Look Prod, elle n'a, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, nullement manqué à son obligation d'information ; qu'en effet, lorsque Monsieur Estevez a souscrit un abonnement pour huit mois il savait que cet abonnement lui donnait droit à toutes les 'prestations privées visuelles s'y afférent' et qu'il avait été informé du contenu de ces prestations par la remise d'une notice ; que ce contrat contenait également l'indication de la possibilité de se rétracter dans le délai de sept jours, ce qu'il n'a pas fait ;
Qu'en ce qui concerne les ventes des 1er et 2 novembre 2007 pour lesquelles le premier juge a estimé qu'elle avait manqué à son obligation de délivrance, la société Look Prod expose qu'elle a pour activité la projection de films et de spectacles de type " strip-tease " et qu'elle est dans l'impossibilité d'établir la fourniture de ces prestations ; qu'elle observe que les protestations de Monsieur Estevez ont été tardives et qu'à aucun moment, il n'a été fait pression sur lui ;
Considérant que Monsieur Estevez, qui demande confirmation du jugement, développe à titre principal des moyens de nullité en se référant aux dispositions des articles 1108 et 1109 du Code civil non examinés par le premier juge ;
Considérant cela exposé que Monsieur Estevez soutient que son consentement a été vicié par les manœuvres dolosives ;
Considérant que selon les dispositions de l'article 1116 du Code civil, le dol ne se présume pas et doit être prouvé par celui qui s'en prévaut ;
Considérant qu'en l'espèce, les manœuvres dolosives ne résultent d'aucune pièce versée aux débats mais des seules affirmations de Monsieur Estevez selon lesquelles on l'aurait fait boire ; que le seul fait qu'il ait en une seule soirée engagé des dépenses excessives au regard de son salaire ne suffit pas à démontrer que la société Look Prod aurait exercé des manœuvres dolosives pour obtenir paiement ; que la demande de Monsieur Estevez sur ce fondement sera rejetée ;
Considérant qu'en ce qui concerne le contrat d'abonnement, Monsieur Estevez en demande la nullité sur le fondement de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, n'ayant pas été informé des caractéristiques essentielles des services proposés ;
Considérant que sur ce point, la société Look Prod n'apporte aucun élément déterminant en appel qui serait de nature à modifier l'exacte analyse faite par le premier juge ; qu'en effet, elle verse certes aux débats une notice mentionnant les prix des différents tarifs et de l'abonnement mais qu'il n'est pas démontré que cette notice aurait été portée à la connaissance de Monsieur Estevez lors de la signature du contrat d'abonnement, ce document ne faisant aucune référence à une telle notice ; qu'en conséquence, le jugement sera confirmé, sauf à préciser que le contrat sera annulé et non pas résolu ; que la société devra ainsi payer la somme de 810 euro à Monsieur Estevez ;
Considérant qu'en ce qui concerne les autres dépenses effectuées par Monsieur Estevez, en dehors du massage que ce dernier admet avoir commandé, il n'est apporté aucun élément permettant de dire que ces dépenses correspondaient à des prestations fournies ; que c'est donc par des motifs pertinents que la cour fait siens que le premier juge a ordonné la résolution de ces ventes ; que le jugement sera confirmé à l'exception de la somme de 60 euro correspondant au massage, prestation admise par Monsieur Estevez ; qu'ainsi la société Look Prod est redevable de la somme de 2 150 euro avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du juge de proximité, le 19 février 2008 ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à Monsieur Estevez la somme supplémentaire de 500 euro pour les frais d'appel non compris dans les dépens ;
Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement sur le quantum de la condamnation ; le confirme pour le surplus ; Statuant à nouveau, Condamne la société Look Prod SARL à payer à Monsieur Estevez la somme de 2 150 euro avec intérêts au taux légal à compter du 19 février 2008 ainsi que celle de 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.