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Décisions

CA Aix-en-Provence, 5e ch. corr., 6 février 2007, n° 2007-84

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jardel

Conseillers :

Mme Salvan, M. Lacan

TGI Grasse, ch. corr., du 18 nov. 2005

18 novembre 2005

RAPPEL DE LA PROCEDURE :

LA PREVENTION:

X est prévenu :

- d'avoir à Cagnes-sur-Mer courant 2002, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, trompé ses contractants sur la nature, l'origine, les qualités substantielles:

a) de bouteilles de vin " Cuvée des Armoiries 2001 Blanc Sauvignon " présentée comme étant un vin d'appellation d'origine contrôlée provenant de la région Bourgogne alors qu'il s'agissait d'un vin de Pays d'Oc,

b) de bouteilles de vin " Clos Vougeot Grand Cru 1990 " alors qu'il s'agissait d'un vin millésime 1999,

Faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation,

- d'avoir, dans les mêmes circonstances de lieu et de temps, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur le prix, les conditions de vente de biens, en l'espèce en mentionnant la vente de lots de bouteilles de vin à des prix exceptionnels, alors que le coefficient multiplicateur appliqué était de trois points supérieur à ceux habituellement utilisés,

Faits prévus et réprimés par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation.

LE JUGEMENT:

Par jugement contradictoire à signifier n° 05-3946 NS du 18 novembre 2005, le Tribunal correctionnel de Grasse a déclaré X coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamné à une amende de 5 000 euro.

LES APPELS :

X a interjeté appel de ce jugement, par déclaration au greffe du tribunal, le 21 novembre 2005.

Le Ministère public a relevé appel incident le 23 novembre 2005.

DECISION :

RAPPEL SUCCINCT DES FAITS :

La SARL Y, qui a pour activité la vente à domicile et sur les foires de vins et de champagne, était immatriculée depuis le 11 décembre 1996 au registre du commerce et des sociétés de Libourne (33). Le 31 décembre 2003, son siège social a été transféré dans les locaux de son établissement secondaire de Cagnes-sur-Mer (06), où s'exerçait depuis deux ans l'essentiel de son activité. X en est le gérant statutaire.

A la suite de réclamations de consommateurs, les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont, le 5 novembre 2002, effectué une visite de ses bureaux à Cagnes-sur-Mer.

Ils ont saisi un certain nombre de documents publicitaires, ainsi que des bons de commande de clients, et ont dressé à l'encontre du gérant un procès-verbal d'infraction consistant, d'une part, en un délit de tromperie sur les qualités substantielles et l'origine de la marchandise, et, d'autre part, en un délit de publicité trompeuse concernant les prix et conditions de vente des produits vendus.

MOTIFS DE LA DECISION :

EN LA FORME,

Attendu que X, cité à son adresse déclarée le 2 janvier 2007, ne comparaît pas ;

Qu'il sera statué par arrêt contradictoire à signifier à son égard ;

Attendu que les appels formés par le prévenu et par le Ministère public sont recevables pour avoir été interjetés dans les formes et délais légaux;

AU FOND,

I- Sur la culpabilité,

Attendu que la SARL Y proposait au public deux offres spéciales "Bourgogne 2002" dans lesquelles figuraient en majorité des vins d'appellation d'origine contrôlée provenant de la région de Bourgogne mais également une "Cuvée des Armoiries 2001", qui est un vin de pays d'Oc provenant des départements de l'Aude, du Gard, de l'Hérault ou des Pyrénées-Orientales ; que ce vin, qui ne pouvait pas être vendu sous l'appellation de Bourgogne, représentait trois bouteilles sur douze de l'offre n° 1 et trois bouteilles sur quinze de l'offre n° 2 ;

Que plusieurs bons de commande portant sur ces offres spéciales et émanant de différents clients ont été saisis lors de la visite des bureaux de la SARL Y par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui établissent que X a trompé ses cocontractants sur les qualités substantielles des marchandises vendues ;

Que le prévenu, qui est un professionnel du vin, n'a pu confondre un vin de Bourgogne avec un vin de pays d'Oc ; que le délit de tromperie est constitué ;

Que, par ailleurs, une dame Richaud a acheté, le 14 mars 2003, trois bouteilles de " Clos de Vougeot Grand Cru 1990 " au prix unitaire de 127 euro, alors que la SARL Y ne lui a livré que des bouteilles de " Clos de Vougeot Grand Cru 1999 " ; que cette différence de millésime est également constitutive du délit de tromperie ;

Attendu qu'il est encore reproché à X d'avoir offert à la vente divers lots de bouteilles de vin avec la mention "prix exceptionnel", alors que le coefficient multiplicateur pratiqué sur ces lots par rapport au prix d'achat des vins par la SARL Y - soit 7,4 et 7,6 - était de 3 points supérieur à celui pratiqué habituellement par la société ;

Mais attendu que l'annonce par un commerçant de ce que ses produits sont vendus à un " prix exceptionnel ", sans référence à ce que serait un prix " normal " ou à toute autre indication précise ou chiffrée, notamment comparative, de nature à induire ses clients en erreur, participe seulement de l'emphase publicitaire, inhérente, comme la libre fixation des marges et des prix, à l'économie marchande ;

Que les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont sans doute constaté sur certains documents publicitaires de la SARL Y la mention de prix barrés, prétendument de référence mais qui n'avaient en réalité jamais été pratiqués ; que, cependant, ces faits ne sont pas visés à la prévention ;

Qu'il convient, dès lors, de relaxer X du chef du délit de publicité trompeuse ;

2- Sur la peine,

Attendu que les pratiques commerciales mises en œuvre par X ont porté un grave trouble à l'ordre public, causant un préjudice non seulement aux consommateurs, mais également aux viticulteurs de Bourgogne ; qu'il convient de sanctionner le délit de tromperie dont le prévenu s'est rendu coupable par une peine dissuasive d'emprisonnement avec sursis et d'amende.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de X, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, En la forme, Reçoit les appels formés par X et par le Ministère public. Au fond, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré X coupable de tromperie. L'infirmant pour le surplus de la prévention, Relaxe X du chef publicité trompeuse. En répression, le condamne à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 10 000 euro. L'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal n'a pu être donné au condamné en raison de son absence.