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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. corr., 24 novembre 2008, n° 07-00930

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fournier

Conseillers :

MM. Fournier, Pradier

Avocats :

Mes Novel, M'Barek

TGI Vienne, ch.corr., du 15 mai 2007

15 mai 2007

LE JUGEMENT

X est poursuivi pour avoir à Saint-Clair-du-Rhône (38), le 16 mars 2006, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, effectué une publicité comportant sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur le prix de biens ou de services, en l'espèce en ayant affiché deux panneaux publicitaires indiquant " Vous entrez ici dans le magasin le moins cher de la région ", alors qu'il résulte d'une enquête de comparaison de prix sur 35 produits, réalisée par la DGCCRF dans la zone de chalandise de ce magasin, qu'il n'est le moins cher que sur 11 produits seulement ;

infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation

Le tribunal, par jugement contradictoire, l'a renvoyé des fins de la poursuite,

et, a statué sur l'action civile en :

- recevant l'UFC 38 en sa constitution de partie civile,

- déboutant l'UFC 38 de ses demandes du fait de la relaxe ;

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats les faits suivants :

Le 16 mars 2006, deux agents de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de l'Isère se présentaient auprès de la société par actions simplifiée Z, gérant l'enseigne " supermarché A ", situé route de Condrieu à Saint-Clair-du-Rhône, dirigé par X.

Ils constataient que deux panneaux publicitaires étaient apposés sur la façade du magasin indiquant : " Vous entrez ici dans le magasin le moins cher de la région ".

Le prévenu, par courrier du 7 avril 2006, fournissait aux agents de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF) les justificatifs qui lui avaient été demandés. Il expliquait qu'une société dénommée B relevait trimestriellement les prix de vente des produits dans tous les magasins A de la région et que cette étude démontrait que, sur trente-quatre établissements, seul l'hypermarché A situé à Echirolles était moins cher, Il expliquait également qu'une seconde société dénommée C effectuait tous les quatre mois le relevé des prix dans les magasins de la zone de chalandise de son magasin et que ces relevés démontraient qu'il avait les prix les plus bas.

L'administration de contrôle n'était pas convaincue par ces arguments car la première étude n'avait porté que sur des magasins de l'enseigne A et que, dans la seconde étude, la zone de chalandise retenue était aberrante, ne prenant pas en compte les magasins situés à vingt minutes de trajet autour du magasin mais y incluant un magasin situé à Annemasse, soit à environ deux cents kilomètres de Saint-Clair-du-Rhône.

En conséquence, un relevé de prix était effectué le 24 avril 2006, à partir de 14 heures, dans le magasin concerné, portant sur trente-cinq produits " représentatifs des produits achetés régulièrement par le consommateur moyen ". Le même jour, le relevé des prix des trente-cinq produits retenus ou de produits équivalents était effectué à 9 heures puis à 10 heures 15 au supermarché D et au supermarché E situés à Vienne, à 13 heures au supermarché F situé au péage de Roussillon, à 16 heures puis à 17 heures au supermarché G et à l'hypermarché H situés à Salaise-sur-Sanne, ces grandes surfaces ayant été choisies pour être toutes situées dans la zone de chalandise du magasin contrôlé.

Le prix le plus bas était constaté pour seulement onze des trente-cinq produits de l'échantillon et l'Administration en concluait que, pour les deux tiers des produits sélectionnés, le magasin contrôlé n'était pas le moins cher.

Interrogé sur ces faits, le prévenu déclarait qu'il avait, à cette époque, des prix moins chers, en moyenne, que sa concurrence sur la totalité du magasin, qu'il ne connaissait pas la réglementation interdisant les pratiques qui lui étaient reprochées, que, dans le doute, il avait fait enlever les panneaux publicitaires litigieux mais qu'il contestait l'infraction poursuivie.

Sur les poursuites exercées à raison de ces faits, le Tribunal de grande instance de Vienne a statué par un jugement contradictoire, prononcé le 15 mai 2007, dont il a été régulièrement relevé appel le 22 mai 2007 par le procureur de la République et par l'association UFC Que Choisir de l'Isère.

Sur ce :

- Sur l'action publique :

Attendu que l'article L. 121-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au moment des faits et du prononcé du jugement déféré, énonce qu'est interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des éléments ci-après : existence, nature, composition, qualités substantielles, teneur en principes utiles, espèce, origine, quantité, mode et date de fabrication, propriétés, prix et conditions de leur utilisation, motifs ou procédés de la vente ou de la prestation de services, portée des engagements pris par l'annonceur, identité, qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou des prestataires;

Attendu que l'article 83 de la loi n° 2008-776 sur la modernisation de l'économie du 4 août 2008 a modifié, à la suite de l'article 39-II de la loi n° 2008-3 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs du 3 janvier 2008, l'article L. 121-1 du Code de la consommation; que les faits poursuivis sont incriminés en des termes équivalents mais sous la qualification différente de pratique commerciale trompeuse ; qu'en effet, l'article L. 121-1, I, 2° du Code de la consommation dispose qu'une pratique commerciale est trompeuse lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant, notamment, sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; qu'en conséquence, le délit de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, s'agissant de faits commis avant la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle, demeure punissable ;

Attendu que l'expression : " Vous entrez ici dans le magasin le moins cher de la région ", apposée sur des panneaux publicitaires à l'entrée du magasin s'adressait non pas à un public ciblé mais à toute personne pouvant faire des achats dans une grande surface, ce qui représente une éventail large et diversifié de consommateurs dont le degré de discernement et de sens critique ne peut être apprécié qu'en faisant appel à la notion de consommateur moyen ; qu'en référence à cette notion théorique, la publicité, qui n'était assortie d'aucune mention restrictive pouvant en relativiser la portée, ne pouvait que persuader un consommateur moyen que, quels que soient les produits achetés, il paierait nécessairement moins cher ces produits que dans un autre magasin équivalent de la même zone de chalandise ; que l'étude effectuée par la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de l'Isère, pour limitée qu'elle soit, démontre, qu'au contraire, cette allégation était fausse pour le panier des trente-cinq produits de consommation courante parfaitement identifiés, retenus pour la comparaison de prix opérée puisque, pour les deux tiers de ces produits, le magasin A pratiquait un prix supérieur à celui pratiqué par ses concurrents ; que la cour considère que la preuve incombant à la partie poursuivante du caractère trompeur de la publicité critiquée est ainsi suffisamment rapportée ; que cette preuve est, par ailleurs, confirmée par les éléments produits par le prévenu lui-même qui indiquent que, sur une base plus large de produits, le magasin A situé à Echirolles présentait un indice de prix moyen inférieur à celui de Saint-Clair-du-Rhône ; qu'en conséquence, le jugement attaqué est infirmé et le prévenu déclaré coupable du délit de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur qualifié depuis la loi du 4 août 2008 précitée de pratique commerciale trompeuse ;

Attendu qu'il résulte des déclarations du prévenu qu'il a pris l'initiative d'apposer la publicité litigieuse; que, dès lors, l'infraction poursuivie lui est imputable ; qu'en répression, au regard de la gravité de l'infraction commise et de la personnalité de son auteur, une amende paraît de nature à sanctionner utilement l'infraction commise ainsi que la publication obligatoire de la décision prévue par la loi ; que, compte tenu des éléments de l'espèce, l'amende est fixée à 8 000 euro dont 4 000 euro avec sursis ;

- Sur l'action civile :

Attendu que l'infraction poursuivie est constituée; que les agissements fautifs de X ont causé à l'association UFC Que Choisir de l'Isère, qui a pour vocation de défendre les intérêts collectifs des consommateurs, un préjudice certain et direct dont il convient de lui accorder réparation ; que la cour trouve dans l'ensemble des circonstances de l'espèce et dans les pièces soumises à son appréciation les éléments suffisants lui permettant de fixer à 3 000 euro le montant du préjudice résultant de la faute du prévenu, somme qui réparera intégralement le préjudice subi par la partie civile sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'affichage de l'arrêt aux portes d'entrée du magasin ; que l'équité commande de condamner le prévenu, en outre, au paiement de la somme de 500 euro au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel par application de L'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière correctionnelle et après en avoir délibéré, conformément à la loi: - Sur l'action publique : - Infirme le jugement du 15 mai 2007 du Tribunal de grande instance de Vienne, - Déclare X coupable de l'infraction de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur qualifiée depuis la loi du 4 août 2008 de pratique commerciale trompeuse pour avoir, le 16 mars 2006, à Saint-Clair-du-Rhône, effectué une publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant, notamment, sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service, en l'espèce en ayant affiché deux panneaux publicitaires indiquant " Vous entrez ici dans le magasin le moins cher de la région " ; - Le condamne à 8 000 euro d'amende dont 4 000 euro avec sursis, - Constate que l'avertissement prévu à l'article 707-3 du Code de procédure pénale sur le paiement des amendes sans sursis a été donné au condamné, dans la mesure de sa présence effective à l'audience où le présent arrêt a été rendu, constate que l'avertissement prévu par l'article 132-29 alinéa 2 du Code pénal a été donné au prévenu dans la mesure de sa présence effective à l'audience où le présent arrêt a été rendu, - Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt, aux frais du condamné, dans un numéro du journal " Le Dauphiné Libéré " (édition de Vienne), - Sur l'action civile : - condamne X à payer à titre de dommages-intérêts à l'association UFC Que Choisir de l'Isère la somme de 3 000 euro en indemnisation de son préjudice, outre celle de 500 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, - Dit le condamné tenu au paiement du droit fixe de procédure ; Le tout par application des dispositions des articles susvisés.