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Décisions

CA Douai, 6e ch. corr., 10 mai 2011, n° 10-02633

DOUAI

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Avel

Conseillers :

Mme Delattre, M. Grillet

Avocat :

Me Laraize

TGI Lille, 8e ch. corr., du 10 sept. 200…

10 septembre 2009

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

LES PRÉVENTIONS

* La SA X est prévenue :

- d'avoir à Colmar et sur le territoire national, entre le 29 décembre 2004 et le 23 février 2005 et en tout cas depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, effectué une publicité comportant sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur le prix de vente de biens ou de services, en l'espèce en annonçant des réductions de prix sur la vente de cuisines - allant jusqu'à 50 % de réductions - à partir de prix de références plus élevés que ceux réellement pratiqués dans le mois précédant la période de réduction, contrairement aux prescriptions de l'article 3 de l'arrêté du 2 septembre 1977, selon lequel "le prix de référence visé par le présent arrêté ne peut excéder le prix le plus bas effectivement pratiqué, par l'annonceur pour un article ou une prestation similaire, dans le même établissement de vente au détail, au cours des trente derniers jours précédant la publicité",

Faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-1-1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 al. 1 du Code de la consommation.

* William Y est prévenu :

- d'avoir à Colmar et sur le territoire national, entre le 29 décembre 2004 et le 23 février 2005 et en tout cas depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, ayant reçu délégation de pouvoir de Monsieur Z, Président Directeur Général de la société X, effectué une publicité comportant sous quelque forme que ce suit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur le prix de vente de biens ou de services, en l'espèce en annonçant des réductions de prix sur la vente de cuisines - allant jusqu'à 50 % de réductions - à partir de prix de références plus élevés que ceux réellement pratiqués dans le mois précédant la période de réduction, contrairement aux prescriptions de l'article 3 de l'arrêté du 2 septembre 1977, selon lequel "le prix de référence visé par le présent arrêté ne peut excéder le prix le plus bas effectivement pratiqué, par l'annonceur pour un article ou une prestation similaire, dans le même établissement de vente au détail, au cours des trente derniers jours précédant la publicité",

Faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-1-1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 al. 1 du Code de la consommation.

LE JUGEMENT

Par jugement contradictoire en date du 10 septembre 2009, le Tribunal correctionnel de Lille :

* concernant la SA X :

- a rejeté l'exception de nullité soulevée par Maître Laraize, avocat au barreau de Paris, conseil de SA X,

- a déclaré SA X coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamnée à une amende délictuelle de 10 000 euro, a ordonné la publication par extrait dudit jugement aux frais du condamné dans la Voix du Nord.

* concernant William Y :

- a déclaré William Y coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamné à une amende délictuelle de 2 000 euro avec sursis, a rejeté la demande de dispense d'inscription au bulletin n°2 de son casier judiciaire.

LES APPELS

Le 10 septembre 2009, les prévenus ont interjetés appel principal des dispositions pénales du jugement.

Le même jour, le Ministère public a formé appel incident à l'encontre des deux prévenus.

DÉCISION :

Vu toutes les pièces du dossier,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu publiquement l'arrêt suivant assistée du greffier, en présence du Ministère public :

William Y et la société X n'ont pas comparu mais étaient représentés par leur conseil qui, muni de pouvoirs, a déposé des conclusions ;

En la forme

Les appels susvisés ont été interjetés dans les formes et délais légaux.

Au fond

Attendu que, référence étant faite au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, il suffit de rappeler que le 14 mars 2005, A et B, contrôleurs des services déconcentrés de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDGCCRF), agissant sous l'autorité du directeur départemental du Haut Rhin, procédaient à une enquête au sein du magasin X sis Parc de l'aérodrome RN 83 à Colmar, afin de vérifier l'existence ou non de publicités trompeuses, au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, dans des panneaux et prospectus publicitaires, visant une période du 29 décembre 2004 au 21 mars 2005, mentionnant " la folie continue, vos modèles de cuisines préférées à moins 50 %, garantie 10 ans sur des milliers de meubles de cuisines neufs, les semaines de folie (...) " ;

Qu'aux termes d'un procès-verbal du 29 août 2005, les contrôleurs indiquaient que les dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation n'étaient pas respectées, les prix de référence mentionnés sur les tracts publicitaires ne correspondant pas au prix pratiqués au cours des trente derniers jours précédant l'opération, et les taux de réduction annoncés étant fictifs, les prix barrés n'étant jamais pratiqués ;

Attendu qu'il est reproché à William Y et la société X d'avoir à Colmar, entre le 29 décembre 2004 et le 23 février 2005, effectué une publicité trompeuse en ce qu'elle annonçait des réductions allant jusqu'à 50 % sur des prix de vente de cuisines en réalité non pratiqués dans le mois précédant le 29 décembre 2004 ;

Attendu que pour contester le jugement entrepris William Y et la société X font soutenir des conclusions aux termes desquelles ils demandent en premier lieu à la cour de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle au titre de l'article 234 du traité CE, afin de lui demander si les dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 2 septembre 1977 et de l'article 2 de l'arrêté du 31 décembre 2008 sont conformes aux dispositions de la directive 2005-29-CE du 11 mai 2005, relatives aux pratiques commerciales déloyales vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ;

Que par une note en délibéré, le conseil de William Y et de la société X adresse à la cour un document de mise en demeure de la Commission européenne en date du 25 juin 2009, concernant les obligations de la République française en vertu de la directive 2005-29-CE et leurs conséquences sur les articles 1 et 2 de l'arrêté du 31 décembre 2008 ;

Qu'il importe de rappeler que l'article 234 du traité instituant la Communauté européenne précise que la juridiction saisie d'une telle question peut la soumettre à la Cour de justice, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement ;

Qu'en l'espèce la citation vise certes l'article 3 de l'arrêté du 2 septembre 1977, mais, plus généralement, les dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation relatives aux pratiques commerciales trompeuses ;

Attendu cependant que la conformité ou non de l'article 3 de l'arrêté du 2 septembre 1977 et de l'article 2 de l'arrêté du 31 décembre 2008 aux dispositions de la directive 2005-29-CE du 11 mai 2005 ne retirerait pas aux faits poursuivis leur caractère éventuel de délit de publicité ou pratique commerciale trompeuse, au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;

Qu'en conséquence une décision de la Cour de justice sur ce point n'apparaît pas nécessaire pour permettre à la cour de statuer sur les faits de l'espèce ;

Qu'il s'ensuit que les prévenus seront déboutés de leur demande de ce chef ;

Attendu que William Y et la société X qui demandent l'application de l'arrêté du 31 décembre 2008 et de la circulaire d'application du 7 juillet 2009 aux dispositions plus douces, font soutenir que le jugement déféré doit être infirmé et leur relaxe prononcée aux motifs que l'utilisation dans les publicités de prix de référence plus élevés que ceux réellement pratiqués le mois précédant la période de réduction n'est pas prouvée ;

Que pour contester les faits, ils expliquent que les contrôleurs de la DDCCRF se sont fondés sur des bons de commande voire des factures relatifs non seulement à une période plus large allant du 1er juillet 2004 au 15 mars 2005, mais également à des ensembles de meubles différents de ceux visés dans la publicité avec un taux de TVA variable et qu'ils n'ont trouvé aucun bon de commande établi sur la période du 29 novembre au 28 décembre 2004, aucune vente n'ayant été réalisée ; qu'on ne peut donc leur reprocher ni de s'être référés à des prix plus élevés que ceux pratiqués, ni de ne pas avoir prouvé la réalité des prix de référence qui est établie par le " guide pratique/tarifs " ;

Qu'enfin, ils soutiennent que l'élément moral du délit de pratique commerciale trompeuse, dont la preuve est exigée depuis les réformes intervenues en 2008, n'est pas établi ;

Attendu que l'article L. 121-1 du Code de la consommation dans sa rédaction issue des lois des 3 janvier et 4 août 2008 ne prévoyant pas que le délit de pratique commerciale trompeuse est d'imprudence, il doit être considéré, au regard de l'article L. 121-3 du Code pénal, comme intentionnel ;

Qu'il s'ensuit que la législation nouvelle, issue des lois de 2008 étant moins sévère que les dispositions anciennes ne visant qu'un délit d'imprudence, doit être appliquée ;

Que selon l'arrêté du 31 décembre 2008, les publicités annonçant une réduction de prix doivent mentionner le prix de référence, défini comme le prix le plus bas effectivement pratiqué par l'annonceur, au cours des trente derniers jours précédant le début de la publicité ;

Attendu qu'en l'espèce il résulte d'une copie d'écran communiquée lors des débats de première instance que des commandes de cuisine auprès du magasin de Colmar ont été effectuées pour les semaines 48 à 52 de l'année 2004, soit du 29 novembre au 28 décembre ;

Que sans évoquer ce document, les prévenus affirment qu'à défaut de commandes sur cette période, les préconisations de la circulaire du 7 juillet 2009, selon lesquelles il faut se référer aux prix proposés aux termes du catalogue, sont applicables ;

Que néanmoins ils n'ont pas communiqué les justificatif des commandes visées dans la copie d'écran relative à la période du 29 novembre au 28 décembre 2004, ni donné d'explication à ce sujet ;

Que par ailleurs si le " guide pratique/tarifs " édité par la société X justifie de prix proposés sur les cuisines lors des 30 jours précédant la période publicitaire et plus généralement hors période de promotion, les bons de commandes et factures transmis aux contrôleurs pour la période de juillet 2004 au 28 novembre 2004 révèlent que les prix proposés n'ont jamais été appliqués sur ces 5 mois, et que les clients ont systématiquement bénéficié de 40 à 45 % de réduction ;

Qu'il ressort en outre " de l'analyse " des factures, que ces réductions ont été appliquées sur chacun des meubles composant les cuisines concernées par la promotion, quelque soit l'ensemble composé par le client, et que la variabilité du taux de TVA n'a eu aucune incidence, la réduction étant appliquée sur le prix hors taxe ;

Qu'il en résulte que les prix de référence affichés par la société X dans ses catalogues et tracts publicitaires ont été fictifs du fait d'une politique commerciale de remises importantes systématiques, mais illusoires pour ses clients ;

Que cette pratique commerciale est trompeuse, au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, dès lors qu'elle induit les consommateurs en erreur sur le prix effectif des produits proposés et sur le caractère promotionnel du prix ;

Qu'en conséquence l'élément matériel du délit de pratique commerciale trompeuse est constitué ;

Que s'agissant de l'élément intentionnel, il est établi que William Y bénéficiait en sa qualité de directeur " marque et stratégie " de la société X d'une délégation de pouvoir visant à faire assurer le respect de la législation et de la réglementation relatives à la publicité mensongère, tout en étant responsable de la stratégie globale de marketing de X ainsi que de la mise en œuvre des campagnes publicitaires et promotionnelles ;

Que lors de son audition Claire Z, responsable du magasin X de Colmar, a expliqué n'avoir aucun pouvoir de décision sur les remises applicables, soumises, puis accordées ou refusées par le service marketing de la SA X ;

Qu'il s'ensuit que William Y responsable de la politique commerciale visant à octroyer systématiquement des réductions sur les cuisines vendues, a violé les prescriptions légales et réglementaires en matière de publicité trompeuse qu'il connaissait nécessairement eu égard à sa délégation de pouvoir ;

Que cette politique commerciale trompeuse a été mise en œuvre pour le compte de la société X ;

Qu'en conséquence l'élément intentionnel du délit de pratique commerciale trompeuse est constitué ;

Qu'ainsi, le jugement entrepris sera confirmé s'agissant de la déclaration de culpabilité ;

Que, sur la peine, eu égard à l'infraction commise, à la personnalité de William Y et à l'absence de mention au casier judiciaire des prévenus, les premiers juges ont fait une juste application de la loi pénale; que le jugement entrepris sera confirmé sur la peine ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, En la forme : Recoit les appels, Au fond : Rejette la demande formée par William Y et la société X tendant à la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne aux fins de voir statuer sur une question préjudicielle sur le fondement de l'article 234 du traité CE, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.